CONCLUSION

L’ensemble de la doctrine philonienne du Logos peut se résumer dans les traits suivants. Le Logos de Philon est d’abord la raison pensante de Dieu concevant les idées-types du monde sensible, l’ensemble de ces idées mêmes, la totalité des prototypes divins, et par conséquent l'idée la plus universelle, le type le plus générique à l’image duquel notre monde visible a été créé. Le Logos exprime ensuite l’activité de Dieu dans le monde, c’est-à-dire qu’il est l’organe au moyen duquel Dieu sort de sa transcendance, et à cet égard il est aussi considéré comme la parole qui manifeste la raison divine. Il est l’organe créateur en tant qu’il porte en lui les types et les forces qui s’impriment dans la matière, et en tant qu’il organise le Chaos en distinguant les éléments et en les répartissant avec ordre. Outre cette fonction qu’il remplit à l’égard de la matière, le Logos reste le conservateur du monde créé en sa qualité de force vitale qui pénètre toute chose, qui dirige tout, qui réunit en elle toutes les autres forces, qui est l’âme du grand tout, le lien indissoluble qui retient les éléments à leur place respective, la loi immuable selon laquelle les phénomènes de la nature se manifestent, en un mot, l'harmonie du monde entier, soit au point de vue physique soit au point de vue moral. C'est pourquoi le Logos n'est pas seulement une loi cosmique mais la loi universelle de l'ordre moral, la Providence ou, selon une conception modifiée, le destin.

Dans ses rapports avec le Microcosme, il remplit des fonctions analogues. Il est le type particulier de l'âme et de la raison humaine comme il est le type universel du monde. Les âmes humaines sont même des parcelles de la grande âme du grand tout, c’est-à-dire du Logos; aussi il nous apparait en même temps comme loi morale objective et comme la loi morale subjective qui règne dans la conscience et qui nous donne la notion du bien et du mal. Il est l'idée et la source de la sagesse, l'idée et la source de la vertu, c’est-à-dire qu'il est la sagesse et la vertu divines, et qu’il les inspire de lui-même aux hommes, en se participant à eux.

Considéré dans ses fonctions diverses, le Logos reçoit aussi diverses dénominations. Ainsi, en sa qualité de monde invisible conçu dans la pensée divine, il est appelé la première créature de Dieu, mais il n'est ni créé comme nous ni inengendré comme le Père de toutes choses; il est le Fils de Dieu. — En tant qu’il représente les attributs divins que nous pouvons concevoir par la contemplation de la nature créée, il est désigné comme étant l'image, l’ombre, le second Dieu, le Dieu des imparfaits, t'interprète du premier Dieu qui est l'Etre absolu. En sa qualité d’organisateur de la matière il est appelé créateur ou démiurge, et, comme conservateur et gouverneur du monde et de l'homme, il prend le nom de vicaire ou de remplaçant de la Divinité. Il est le souverain sacrificateur, l'échanson qui verse la coupe divine de l'immortalité dans les âmes. Il est l'intercesseur ou le prieur en tant qu'il présente à Dieu les prières de ses enfants. Dans sa fonction de loi morale et de conscience humaine, il est l'ange ou l’archange qui nous guide et qui nous garde ; il est l'organe des théophanies, le conducteur du peuple d’Israël dans son histoire, la colonne de nuée qui protège la nation élue, l’ange destructeur de Sodome et de Gomorrhe, etc. etc.

Ainsi considéré, dans sa nature et ses fonctions, il nous apparaît sous deux points de vue bien distincts, à savoir: comme force divine impersonnelle d’un côté, et comme hypostase personnelle de l’autre. En effet, il est impossible de lui attribuer la personnalité quand on nous le présente comme la raison divine imaginant les idées, ou bien comme le genre universel (1) contenant en lui tous les genres et espèces d’idées, comme force divine universelle qui contient en elle toutes les forces particulières, comme loi physique ou loi morale, et enfin comme la raison universelle dont chacune des nôtres est une partie. Un ensemble d’idées ou de forces, ne peut constituer une personne dans le sens que l’on attribue aujourd’hui à ce terme. — Une âme ou une raison universelle qui forme une totalité d’âmes ou de personnes, ne peut être conçue elle-même comme une personne, d’autant plus que Philon considère quelquefois cette participation de nos âmes au Logos, dans un sens qui se rapproche du matérialisme. « Ce que Dieu a soufflé dans l’homme formé de la terre (Ge»., I), nous dit l’auteur, n’est autre chose, que son esprit divin qu’il établit dans la nature humaine comme dans une colonie, afin de rendre l’homme immortel en lui donnant une âme immortelle (2) ». L’homme serait άλογος si Dieu n’avait soufflé en lui la force de la vie véritable (δύναμις άληθινής Ζωής) (1). Or, cet esprit de Dieu, Philon nous le présente souvent comme une substance éthérée, quelquefois même comme un cinquième élément (2), d’où les âmes ont été tirées. — Si nous rapprochons ces assertions sur l’âme substantielle, éthérée et ignée, de celles qui nous présentent l’âme humaine comme un άπαύγασμα ou άπόσπασμα du Logos, nous verrons que celui-ci doit aussi être conçu, jusqu’à un certain point, substantiellement (3). Les âmes sont donc en communication nécessaire avec lui, et dans un rapport substantiel de parenté. Cette théorie n’est pas favorable à l’idée de la personnalité du Logos. — On nous dira que cette doctrine n’est pas constante chez Philon, et que celui-ci soutient deux opinions différentes relativement à la provenance des âmes, l’une faisant de l’âme une partie du Logos, et l’autre, une simple image de celui-ci. C’est vrai ; toutefois nous devons tenir compte de ces deux notions, dans la question qui nous occupe, et montrer que Philon n’a pas toujours conçu soif Logos comme une personne, puisqu’il le considère souvent comme un ensemble de personnalités, c’est-à-dire une âme universelle composée d’une infinité d’âmes particulières.

(1) γενικώτατον.

(2) De Opif. Μ., I, 32.

(1) Alleg. Leg., I, 49.

(2) Quis rer. div. haer., I, 480. Cf. 514· Qu. Deus itnmut., I, 279.

(3) Cf. les passages De Sac. Abel, I, 174, et De Cherubim, I, 144 où le Logos est appelé δίυκινητότατον καί θβρμδν, ou bien, Ενθερμον καί πυρώδη.

Mais, d’un autre côté, le Logos nous est véritablement présenté comme une hypostase personnelle distincte, lorsque des fonctions particulières et des dénominations comme celles que nous avons énumérées il y a un instant, lui sont attribuées. Nous nous trouvons donc en face de deux séries de notions appliquées au même être ou au même objet, notions évidemment contradictoires, qui doivent logiquement s'exclure les unes les autres. Le même contraste s’est généralement manifesté à la plupart des écrivains qui se sont occupés de Philon. Mangey, Carpzov, Ballenstedt, Grossmann, Ritter, Dähne, n'y ont vu toutefois qu’une hypostase douée d'une force illimitée de déterminations; mais, d'autres esprits ont essayé de se rendre compte du contraste que nous venons de signaler. — On a dit (1) qu’il était impossible de faire la synthèse et de ramener à l'unité ces deux manières de concevoir le Logos, et l'on a recherché historiquement les causes de cette contradiction que Philon portait dans son esprit. On les a trouvées dans l’esprit même de l'époque. Il serait arrivé à Philon ce qui peut nous arriver tous les jours, c’est-à-dire de concilier dans notre pensée des éléments qui ne vont pas ensemble, et de les unir cependant, en se basant sur le fait que l'opinion publique les admet ainsi réunis. Philon aurait trouvé l'idée d’un Logos personnel chez ses contemporains et l’aurait assimilée avec sa notion fondamentale, du Logos impersonnel en combinant les enseignements mosaïques avec les théories de Platon. — On a soutenu aussi que, pour bien apprécier la spéculation philonienne, il fallait s’en tenir à la notion fondamentale du Logos, c'est-à-dire le considérer avant tout comme la force spirituelle et impersonnelle de Dieu, comme une puissance divine qui crée, anime et gouverne tonte chose; puis, regarder comme des inconséquences du système, les assertions philoniennes qui nous présente le Logos comme une personne (2).— On a essayé encore de concilier les deux éléments contradictoires de la notion philonienne du Logos en se basant sur le principe suivant. Si le Logos de Philon est toujours un et toujours le même (ce que l’on doit pourtant admettre quoiqu’il soit envisagé à divers points de vue), il faut aussi que sa personnalité puisse être conciliée avec toutes ses significations. S’il n’en est pas ainsi, il faut croire que les expressions qui indiquent une personnalité du Logos ne doivent être interprétées que dans le sens d’une personnification (1).

(1) Gfrorer, Kritische Geschichte des Urchristenthums. T. I, 300 ss.

(2) A. Maier, Comment, ju loh. I, 118.

(1) Dorner, E'itwickelung der Lehre v. d. Person Christi (I, 33). Cf. Kahnis, Dogmatik, I, 316 (ed. 1861). Gieseler, Kirchenge-schichte, 1,1.60, dit que le monothéiste Philon ne devait pas concevoir le Logos comme hypostatiquement séparé de Dieu, mais que le Logos c’est Dieu lui-même, considéré dans les idées et les forces seulement.

Comme on le voit, l’on affirme d’abord l’impossibilité d’une conciliation entre les deux termes, puis on taxe d’inconséquence le côté impersonnel du Logos, et enfin l’on essaie de ne considérer le Logos que comme une personnification. Dans les deux derniers cas on sacrifie un côté de la doctrine à l’autre. Telles sont les conclusions de Gfrörer, Maier et Dorner. — Quant à Keferstein (2), qui énumère et discute, avec une profondeur généralement incontestable, les nombreux passages qui parlent du Logos comme d’une personne, il se voit obligé d’admettre la personnalité de ce dernier à cause de l’importance qu’il attache à certains textes de notre auteur, entr’autres: Alleg. Leg., III, 93 (Edit, de Francf. 1691) Quisrer.div.haer: 509. De Somm., I, 585. De vita Mosis, I, 612. Il sacrifie ainsi le côté impersonnel du L. à l’autre. Bûcher (3) veut concilier les deux éléments contradictoires, mais il est obligé de se faire. une théorie propre, théorie qui ne cadre pas avec les données générales de Philon. Voici sa conclusion : « Considérant que les deux facteurs humains (νοΟς, αϊσθησις) et les rapports qui les relient, trouvent, selon notre philosophe, leur manifestation extérieure chez deux, personnes : Adam et Eve (1); considérant que les modifications et les degrés de culture de l’âme humaine trouvent leur réalité manifestée dans les patriarches (2); considérant que le plus haut degré de l’esprit humain et la puissance prophétique se présentent sous une forme visible dans la personne de Moïse (3); considérant enfin, que les déterminations de l’essence divine dans son activité extérieure par les Forces, paraissent visiblement dans des êtres personnels, c’est-à-dire les anges (4); on doit en conclure que l’activité divine (et tout ce qui s’y rapporte» d’une manière générale), doit aussi se rattacher à une hypostase personnelle, au Logos, qui plane au-dessus de tous les anges, au-dessus de toutes les grandes figures historiques, tout en étant avec cela le type de l'humaine espèce et le second Dieu. » — La théorie est ingénieuse mais elle n’est pas assez philonienne; elle a des points d’attache avec les enseignements de notre auteur, mais elle ne tient pas compte de l’ensemble du système. Du reste l’idée de Bucher est entièrement basée sur la théorie du λ. ένδιάθετος et προφορικός qui est contestable. Pour lui, tout dans le système de Philon est ένδιάθετος ou προφορικός; pour tout il y a un sens caché et un sens extérieur. Il y a du vrai en cela; mais, pour que les conclusions que l’on tire de ce fait fussent justes et eussent de la valeur, il faudrait que les significations allégoriques, données par Philon aux personnages historiques, fussent constantes. Or ce n'est pas le cas. D'ailleurs qu'Adam, Eve, Abraham, Isaac, Jacob, Moïse, soient conçus par Philon comme représentant chacun une idée, tout en restant des personnes, cela ne prouve pas que le Logos soit en même temps une idée et une personne, car si les premiers sont des personnages historiques, le Logos n'est qu’un personnage issu de la spéculation philonienne. En outre, comment combiner les fonctions réelles du Logos avec l'idée que les personnages historiques représentent d’une manière inconsciente ? De quelle manière concilier l’idée que le Logos est une nourriture que Dieu participe aux âmes, avec les τρόποι ψυχής représentés chez les patriarches? — Enfin Bucher, comme beaucoup d’autres, veut voir une personnalité dans le Logos parce que celui-ci est appelé ange, et considéré comme tel; mais, pour que ce raisonnement fut logique, il faudrait que Philon eût toujours considéré les anges, et même « l’ange du Seigneur », comme des personnes. Ce n'est pas le cas non plus. Les anges sont quelquefois conçus comme de pures idées, et l'ange du Seigneur en particulier, comme la conscience individuelle qui juge et réprimande.

(2) Keferstein, op. cit., passim.

(3) Bucher, Philonische Studien, passim, surtout p. 43, 44.

(1) De Cherubim, I, 149. Bucher se base sur la signification sym-bolique d’Adam et d’Eve, qui sont des τρόποι ψυχής (Bucher, 14}.

(2) De Migrât. Abrah., I, 11 ss. Abraham est un τρόπος ψυχής; ainsi que Sarra, Rebecca, Joseph, etc., etc. (ibid).

(3) Moïse est le λόγος προφήτης, le point lumineux de l’esprit hu-main (p. 17).

(4) Bucher (17) se base sur l’identification des άγγελοι et des δυνά-μεις que Philon effectue souvent.

Heinze (1) admet bien aussi une certaine personnalité du Logos philonien, mais il fait remarquer avec beaucoup de raison que notre philosophe ne se posa jamais cette question, et il ajoute avec Zeller (2), que l'idée de personnalité n’est pas une idée connue ou claire aux philosophes de l’antiquité, attendu qu’ils n’ont pas même un terme pour la désigner.

(1) Op. cit.y p. 291 et suiv.

(2) Zeller, op. cit. 317, 4, 329 ss. L’idée de Zeller, relativement à la question qui nous occupe, est que Philon n’ayant pas une idée claire de la personnalité pouvait laisser subsister dans son système les deux éléments contradictoires que nous avons mentionnés, sans remarquer le contraste qu’ils présentent, d’autant plus que les intermédiaires conçus dans ce double sens, satisfaisaient mieux aux exigences de leurs fonctions. C’est la même idée que nous développons ici, en nous basant sur les principes philoniens exposés dans notre première partie.

Il semble donc que l’on ne devrait pas non plus questionner Philon sur une notion qui est étrangère à son cercle d’idées. Mais c’est précisément parce que l’idée de personnalité n’existe pas dans son esprit que nous pouvons concevoir qu’il ait admis dans son système deux séries d’éléments qui paraissent si contradictoires à ceux qui sont habitués aux idées modernes. Et non-seulement cela : nous affirmons même que Philon devait admettre un Logos et des intermédiaires personnels et impersonnels en même temps, s’il voulait être un peu conséquent avec ses principes. — En effet, nous avons établi que le système entier de Philon repose sur un dualisme très-multiple de Dieu et de la matière, du fini et de l’infini, du parfait et de l’imparfait, du créé et de l’incréé, du souverain bien et de la nature morale mixte; nous savons que le Dieu de Philon ne peut avoir de contact immédiat avec la matière qui est indigne de lui, et qu’il ne peut exercer n’importe quelle activité dans l’univers d’une manière directe. Nous avons montré, d’un autre côté, que l’homme tel que Philon le conçoit, est une créature si faible qu’il ne peut supporter l’activité immédiate de Dieu ni espérer vivre en communion directe avec lui, par le fait que la nature humaine est corrompue et mauvaise. Dès lors, si l’on a introduit des intermédiaires qui mettent Dieu en relation médiate avec la matière, le monde, et l’homme, ces mêmes intermédiaires ne doivent pas être conçus simplement comme des propriétés ou puissances divines, autrement le rapport immédiat se rétablit, ce qui est contraire aux principes de Philon. — Si Dieu ne veut pas toucher à la matière il faut décidément que les natures qui opèrent à sa place ne soient pas une partie intégrante de son être ; si Dieu doit rester transcendant et ne pas se mêler à l’univers il faut que l’instrument qu’il a choisi pour diriger toutes choses en son nom, soit distinct et séparé de lui; si Dieu veut que l’homme conserve sa dignité spirituelle et morale, s’il veut le préserver de la perdition et de la ruine totale, et cela sans se mettre en relation avec le mal, il faut bien que le médiateur, qui est en jeu, soit distinct du Dieu transcendant, afin que la haute pureté divine n en reçoive aucune atteinte.

D’autre part, si le Logos (qui reste pourtant toujours le même bien qu’émané de Dieu) est la raison divine créant le monde; si les idées qu’il contient sont les pensées divines, le Logos, totalité de ces pensées, devra nécessairement être considéré comme une portion de l’essence divine, car les pensées divines sont raison et sagesse de Dieu. S’il nous est dit, en outre, que Dieu est immanent dans le monde, qu’il est dans le monde, par son Logos et ses Forces, et qu’il pénètre toute chose par sa raison, il est nécessaire que cette Raison divine et ces Forces, qui se manifestent dans la nature, soient aussi comprises comme des propriétés ou attributs de Dieu, qui transportent réellement le divin dans l’univers. Si le Logos et les Forces divines sont appelés à jouer le rôle de médiateurs entre Dieu et les êtres créés, il faut que les agents qui remplissent cette fonction soient identiques aux deux termes opposés qu’il concilient, afin que la médiation soit réelle et efficace, c’est-à-dire qu’ils doivent être en même temps des propriétés divines et des Forces agissant dans le monde (V. Zeller, V, 331). Enfin, si le sage doit vivre en communion avec le divin, si son esprit et son cœur doivent être nourris de la sagesse divine, il faut que le Logos qui la donne et qui se donne lui même, soit la sagesse divine véritable, c’est-à-dire un attribut de la Divinité.

Les principes philoniens réclament donc que les intermédiaires divins soient en même temps des hypostases et des propriétés ou attributs de l'Être suprême. C’est évidemment une contradiction; notre tache n’était pas de la faire disparaître, mais de l’accentuer, en constatant que toute la doctrine philonienne se meut entre ces deux antinomies. Il est dès lors impossible d’établir la thèse de la personnalité du Logos, qui d’ailleurs sort du domaine intellectuel de notre philosophe. Le but unique de Philon était de rendre possible l’union de Dieu avec la créature; la doctrine du Logos et des intermédiaires qu’il embrasse, semblait propre à satisfaire son esprit, aussi l’a-t-il introduite dans son système sans trop se préoccuper de la rigoureuse unité de ses enseignements.