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IARCHI, v. Jarchi.
IBAS, ou Ibbas, syrien, év. d'Édesse, Mésopotamie, 435. Ayant traduit les écrits de Théodore de Mopsueste, il fut soupçonné de nesto-rianisme, et dénoncé au patr. Proclus, d'Antio-che, et à l'emp. Théodose II, 446. Les conc. de Tyr et de Béryte le renvoyèrent absous, mais celui d'Éphèse, dit des brigands, le condamna 449 et le déposa. Celui de Chalcédoine le rétablit dans sa charge, mais après avoir obtenu de lui une condamnation formelle du nestoria-nisme. Il est connu surtout par la place qui lui est faite dans les Trois chapitres, et par la lettre qu'il écrivit à l'év. persan Mari, dans laquelle, sans prendre parti pour Nestorius, il blâme vivement Cyrille. Cette lettre fut condamnée par Justinien et par le 5rae conc. de Constantinople. #
IBÉRIE, une partie de la Géorgie et du Caucase actuels. Le christianisme y fut apporté sous Constantin par une prisonnière chrétienne nommé Nunia, dont les prières avaient d'abord guéri un enfant, puis la reine. Le roi reconnaissant voulut la récompenser richement, mais elle refusa ses présents, ne désirant autre chose que la conversion de ses maîtres. Un jour, étant à la chasse par d'épais brouillards, séparé de sa suite et courant de grands dangers, le roi se rappela la toute-puissance du Dieu des chrétiens, il l'invoqua et fut sauvé. Fidèle à son vœu, il se convertit, se fit instruire par Nunia et s'appliqua à instruire ses sujets, lui les hommes, et la reine les femmes. Il fit venir ensuite de Rome (et d'Arménie) des pasteurs et des missionnaires. Ce récit, raconté par Rufin, est confirmé et complété par tous les historiens subséquents. — On pense qu'une colonie d'Ibé-riens chassés de leur pays, passèrent dans les Gaules et de là en Espagne, où leur nom prévalut.
ICONOCLASTES, littéralement Briseurs d'images; appelés aussi Iconomaques, ceux qui font la guerre aux images. V. Images.
IDACIUS, év. d'Émerida en Espagne, au 4®e siècle; adversaire fanatique de Priscillien; d'accord avec Ithace, de Sossuba, il le dénonça 380 à l'emp. Gratien.
IDOLATRIE, v. Images.
IGNACE 1° un des premiers pères apostoliques, disciple de Jean, ainsi que son ami Poly-carpe. On connaît peu de choses sur sa vie et diverses traditions ont altéré les faits pour les embellir. Ses contemporains disaient de lui, qu'il était en tout semblable aux apôtres, dont il avait connu plusieurs. Nommé év. d'Antioche vers l'an 70 en remplacement d'Évodius, il y remplit noblement ses fonctions. Lorsque Tra-jan, faisant la guerre aux Parthes, vint à Antioche, il somma Ignace d'abjurer le christianisme, et sur son refus, prononça la sentence suivante: Puisque Ignace prétend qu'il porte en lui-même Celui qui a été crucifié, nous ordon -nons qu'il soit conduit lié à Rome, pour y être livré aux bêtes en spectacle à la foule. Des soldats grossiers et cruels le conduisirent d'abord à Smyrne, où il séjourna quelque temps et put voir son ami Polycarpe. Non content d'y exhorter les chrétiens par ses paroles et son exemple, il écrivit de là des lettres qui nous sont parvenues, aux églises d'Éphèse, de Magnésie, de Tralles et de Rome. On le mena ensuite à Troas, d'où il écrivit aux égl. de Philadelphie et de Smyrne, et à son ami Polycarpe. Ces sept lettres sont généralement considérées comme authentiques. Puis ayant traversé la Macédoine et l'Épire, on l'embarqua pour l'Italie, et il abordatà Pouzzoles. Dans une de ses lettres il avait demandé aux Romains de ne pas intercéder en sa faveur et de ne pas lui enlever la palme du martyre. Peu après son arrivée il fut en effet livré aux bêtes, après avoir une dernière fois prié avec ses frères 107 (ou 115). Ses Lettres sont remarquables par l'éloquence, l'onction et la grandeur d'&me. On en possède plus, récensions: une première, en latin, retrouvée eu 1495, renferme 15 lettres; une seconde, en grec, trouvée en 1559, contient 12 lettres; on les appelle la Grande récension. En 1646 on découvrit un nouveau mss. de 7 lettres, en grec, chacune d'un texte plus abrégé, que l'on appelle la Courte récension. Plus récemment enfin, l'on a découvert une nouvelle récension de 3 lettres seulement, en syriaque (Ignace était syrien), d'un texte encore plus abrégé. La critique n'a pas encore dit son dernier mot sur ces recueils; Daillé les rejette tous; Néander hésite. Il semble cependant qu'on se mette peu à peu d'accord pour admettre l'authenticité de la petite récension; elle est digue d'Ignace, à l'exception de quelques passages un peu exagérés sur l'épiscopat; peut-être sont-ils interpolés. D'autres passages ont paru renfermer des allusions au gnosticisme, ce qui supposerait une date plus tardive pour leur composition. Quant aux dix autres lettres, dont 2 à Jean et 1 à la Vierge, elles sont décidément fausses.
2<> Ignace, patr. de Constantinople. Fils de l'emp. Michel Curopulate, il naquit vers 790 ou 796. Léon l'Arménien le fit faire eunuque el enfermer dans un cloître. La carrière ecclés. lui étant imposée, il l'accepta et y trouva une occupation pour ses talents et une mine à exploiter pour son ambition, f 878, v. Grecs.
3° Ignace de Loyola, v. Loyola.
IGNORANTINS, v. Doctrine.
ILDEFONSE, ou Alphonse, archev. de Tolède, né dans cette ville 607 d'une famille distinguée, moine au couvent d'Agli, puis abbé, év. en 658, t vers 669. Sa vie a été écrite par son successeur, Jean-le-Saint (680-690). On a de lui un Traité de la virginité perpétuelle de Marie, un autre sur le baptême, une Hist. des hommes illustres parmi les écrivains ecclés., et quelques Lettres, v. d'Achéry, Mabillon, Baluze. Les adoptions l'ont cité comme un des leurs.
ILGEN, Ch.-David, né 1763, f 1834; fils d'un instituteur de Sehna, étudia à Leipzig et fut successivement pasteur et prof, à Naumburg, Iéna et Schulpforta. Auteur d'une étude latine sur Job, et d'un travail sur les origines des archives du temple de Jérusalem, 1789.
ILLGEN, Chrétien-Fréd., né à Chemnitz, 16 sept. 1786, prof, à Leipzig depuis 1818, fondateur de la Société d'hist. et de théol. 1817, et rédacteur depuis 1822 de la Revue de théol. historique, f 1844.
ILLUMINATION, se dit en théol. de l'acte par lequel l'homme s'approprie le salut et en vient à percevoir par le Saint-Esprit la vérité divine, qu'il ne pourrait comprendre, réduit aux seules forces naturelles de son intelligence. Dieu étant la source de toute lumière et Christ étant la lumière du monde, Jacques 1, 17. Jean 9, 5., le Saint-Esprit est comme la puissance éclairante qui conduit l'homme eu toute vérité, Jean 14; cf. 2 Cor. 2, 13. Eph. 1, 17, L'Église distingue l'illumination médiate, c.-à-d. par l'Écriture sainte, et l'illum. immédiate, par Fin-spiration directe du Saint-Esprit. On admet en général que cette dernière a cessé avec l'âge apostolique, et l'on s'en autorise pour repousser à la fois les prétentions de la hiérarchie romaine et celle des mystiques, mais c'est une affirmation a priori, dont les faits ont plusieurs fois prouvé le caractère trop absolu. Aux époques de persécutions en particulier, Dieu a souvent encou ragé ses fidèles par des révélations extraordinaires de sa présence.
ILLUMINES. Parmi les diverses manifestations de la surexcitation religieuse, deux sectes surtout ont porté et mérité ce nom: 4° Le parti des Alumbrados, en Espagne, 1575, qui se vantait d'une si grande lumière intérieure et d'une si intime union avec Dieu, qu'il estimait pouvoir appeler œuvres de Dieu toutes les œuvres faites par ses partisans. Persécutés par l'inquisition ils se réfugièrent en France, où ils ne tardèrent pas à disparaître.
2° Secte, ordre religieux, ou plutôt Société secrète, fondée en 1776 à Ingolstadt, Bavière, par le prof. Adam Weishaupt, né 6 févr. 1748 â Ingolstadt. Son but primitif était d'éveiller dans les cœurs des sentiments de tolérance et d'amener les hommes à s'aimer les uns les autres. Il y avait dans la tendance et les procédés de la secte un mélange de souvenirs jésuites et d'aspirations maçonniques. C'était une religion de la raison, avec une constitution républicaine. Pour arriver à leur but les initiés cherchèrent à se faire des alliés dans les hautes classes et à placer de leurs créatures dans les grands emplois du royaume. Le comte de Knigge fut mis à la téte de la Société. Mais certaines manifestations ayant donné l'éveil à l'autorité, on fit des recherches, on trouva des papiers compromettants, et en 1784 Charles-Théodore supprima l'ordre en Bavière, et l'on procéda rigoureusement, par l'amende, l'exil ou la prison, contre les récalcitrants (Weishaupt dut s'enfuir à Gotha, où il f 18 nov. 1830). Un Édit plus sévère encore, 1785, acheva d'anéantir la Société.
IMAGES. Les représentations de la divinité étaient absolument interdites par la loi des Hébreux, ainsi que les images ou figures qui au-ràient pu favoriser ou développer le penchant naturel à l'anthropomorphisme. Du culte des images à l'adoration des idoles la transition était trop facile pour que le législateur ne prît pas des mesures préventives sévères, et les religions monothéistes ont toujours proscrit les images taillées et les tableaux destinés à figurer aux yeux celui qui est invisible. Mais si Moïse a défendu « toute représentation des choses qui sont là-haut aux cieux, ici-bas sur la terre et dans les eaux, sous la terre, » le christianisme, plus spirituel, s'est affranchi de ce qu'il y a de littéral dans le texte de la loi; il en a gardé l'esprit et n'a plus reculé devant la peinture ou la sculpture de scènes relatives à l'hist. évangélique, et déjà dans les catacombes on trouve des figures et des représentations ayant pour but de rappeler certains faits au souvenir des chrétiens. Il n'était pas, et ne pouvait pas être question d'introduire ces images dans les églises, par la double raison qu'il n'y avait pas encore de bâtiments spécialement consacrés au culte, et que la peinture, comme art chrétien, n'existait encore qu'à l'état rudimentaire. C'est seulement au 4*e siècle qu'on tenta de leur donner une place dans les temples, et au siècle qu'on y réussit, mais non sans beaucoup de réserves et sans quelque résistance. L'invasion des Barbares et la décadence des lettres y con -tribuèrent puissamment. Il est probable que si des abus ne s'étaient pas produits, l'opposition aurait été moindre, mais les abus étaient dans la nature des choses. Déjà Grégoire-le-Grand doit s'opposer à une adoration superstitieuse des images: « Il faut, dit-il, les considérer seulement comme un moyen de nous élever au Sauveur. » Dans le 6me siècle il se manifesta en Syrie une très forte opposition; le monophy-site Xenaïas en particulier se distingua dans cette lutte, mais sans succès. Il est fâcheux que la vraie campagne contre les images, au lieu de commencer par des hommes capables et pieux, ait été engagée et conduite par des laïques passionnés, par des rois et des impératrices dont le seul mode d'action consistait en décrets et en ordonnances. (> fut Léon III, l'Isaurien, prince intelligent, qui l'entama; il voulait amener au christianisme les juifs et les mahométans, or comme ce qu'ils appelaient l'idolâtrie des chrétiens, c.-à-d. l'adoration des images, était une des choses qui les repoussaient le plus, il résolut de leur enlever ce prétexte en faisant disparaître des temples les images. Il procéda d'abord avec douceur et chercha à gagner à sa cause les théol. de Constantinople, mais il n'y réussit pas. En 726 il publia son premier édit contre l'adoration superstitieuse des images, et fit dans ce sens de nouvelles ouvertures au patr. de Constantinople, Germanus, vieillard honnête, mais rempli des préjugés du temps. Celui-ci resta inflexible, et soutint les images dans 3 Lettres où il essaie de prouver: qu'il n'y a pas de superstition dans le fait des images, que la tradition est en leur faveur, et qu'elles font des miracles. On ne les adore pas, dit-il, mais Christ ou les saints qu'elles représentent. L'empereur fut plus heureux avec quelques évêques, qui firent disparaître les images de leurs temples, mais il en résulta de grands troubles; les Cyclades même se révoltèrent et envoyèrent une flotte contre Constantinople. Léon la détruisit par le feu grégeois, employé aussi contre une autre flotte des Sarrasins. En 728 parut un 2®e édit, plus sévère que le précédent, et interdisant toutes les images religieuses; les magistrats furent chargés de veiller à son exécution. Quand les soldats vinrent pour enlever l'Anti-phonétès, grand crucifix qui décorait une porte du palais impérial, le peuple se souleva et il y eut du sang versé. Germanus dut donner sa démission, et son secrétaire, Anastase, homme ambitieux et sans principes lui succéda. Léon réussit mieux dans l'armée et parmi ses soldats; mais le clergé, le monde religieux et le peuple lui furent hostiles. On alla jusqu'à dire qu'il avait été poussé à ces mesures par les ennemis de la religion, notamment par les juifs. Jean Damascène fut un ardent défenseur du culte des images. En 744 Const. Copronyme succéda à son père. Artabaste, son beau-frère, appuyé par le parti des images, le détrôna momentanément, mais en 744 Constantin reprit le dessus, et pour en finir avec la question controversée, il résolut de donner aux édits de son père la sanction d'un concile écuménique. Il profita de la mort du patriarche Anastase, et réunit 754 à Constantinople 338 évêques soumis à sa volonté, sous la présidence de Théodose, métropolitain d'Éphèse. Ce concile, auquel Rome n'avait pas même de députés, condamna les images et leurs adorateurs, sous prétexte de nestorianisine chez les uns, d'eutychianisme chez les autres; déclarant quant à Christ, que sa seule image vraie était dans la Cène, et quant aux saints, que l'imitation de leur vie était la meilleure image qu'on en pût faire. Il décréta de plus, que tout ecclésiastique qui adorerait, cacherait ou ferait une image, serait destitué, et tout laïque excommunié et puni par l'empereur. Les ennemis de l'emp. exagérèrent sa pensée et répandirent le bruit qu'il rejetait également l'invocation des saints, l'invocation de Marie et le culte des reliques. C'est peut-être pour protester contre cette imputation, que le concile, contrairement à l'esprit de ses autres décrets, prononça l'anathème contre les adversaires du culte de Marie. L'empereur. en présentant à la multitude le nouveau patriarche Constantin, fit lire les décrets du concile el en ordonna l'exécution immédiate. Le peuple, les femmes surtout, et les moines firent une violente opposition. Etienne, en Bithynie, se mit à la tête des mécontents, et ils multiplièrent les images. Copronyme sévit contre eux. en fit emprisonner plusieurs et en fit mourir un à coups de fouet, qui l'avait appelé un second Valens. line longue suite de cruautés inutiles marquèrent les années 766 à 775. L'empereur, pour se venger d'une résistance inattendue, chercha à détruire le monachisme par le mépris; les cloîtres furent chaugés en casernes, les religieuses furent dispersées; les gouverneurs renchérirent encore sur les ordres de l'empereur, et devinrent comme lui un objet d'horreur. Les décrets du concile, bien qu'ils ne fussent reconnus ni en Orient, ni à Rome, produisaient cependant à la longue une certaine impression sur le peuple, et les nouveaux évêques leur étaient dévoués. Copronyme f 775. Son fils Léon IV hérita de ses vues, mais non de son énergie; son épouse, la célèbre Irène, tenait pour les images et sut obtenir de lui au moins une attitude modérée. Il mourut 780, laissant son fils Constantin jusqu'en 802 sous la tutelle d'Irène, qui eut dès lors beau jeu et fit mouvoir tous les ressorts de la diplomatie féminine et ecclesiastique. Le patr. Paul avait pris parti contre les images; il donna sa démission, étant sur le point de mourir et déclara se rétracter. Tarasius (Taraise) qui fut appelé à le remplacer, demanda la convocation d'un nouveau conc. écuménique. Déjà en 759 le conc. de Latran avait condamné la guerre faite aux images, et en 767 un concile tenu à Gentilly avait refusé de se prononcer. Un nouveau concile allait ramener la paix. Les év. arrivèrent en foule à Constantinople en 786; le pape Adrien y était représenté par deux légats. Mais l'armée, encore dévouée aux souvenirs de Copronyme, poussa de grands cris, et Irène, craignant les violence des iconoclastes, renvoya le concile à l'année suivante 787, à Nicée, et profita de ce temps pour congédier son armée et s'en créer une nouvelle à sa dévotion. A Nicée tous se déclarèrent pour le culte des images; ceux qui avaient à rétracter leur ancien sentiment le firent, les uns sans réserves, les autres en réservant les déclarations de l'A. et du N. T. comme supérieures aux doctrines des pères et des conciles et aux traditions de l'Égl. catholique. Le concile décida que les images méritaient, sinon la latrie, du moins une adoration respectueuse. Quelque opposition se manifesta, surtout parmi les soldats; le concile néanmoins eut force de loi, et ses décrets s'exécutèrent sans opposition ni violence. Irène fut détrônée 802 par Nicéphore. En France on a vu les hésitations des év. à Gentilly. Charle-magne attaqua le 2m* conc. de Nicée comme exagéré et portant à la superstition; il dit entre autres: Dieu ne doit pas être adoré dans des objets matériels, mais dans un cœur touj. pur. A remploi des images, il oppose 2 Cor. 3, 18. A l'argument tiré des chérubins, il oppose la révélation plus grande et plus claire que nous avons des mystères de Dieu. Gharlemagne met la Bible au-dessus de tout; il reproche encore au concile d'avoir appelé dieux et divins les empereurs et leurs décrets, et d'avoir comparé la mission des emp. à celle des apôtres. Du reste il ne rejette pas entièrement les images et il donne tort à la violence des iconoclastes. Il envoya cel écrit à Adrien I«r, qui y répondit par son faible et mauvais: De imaginibus. Le conc. de Francfort 794, quoique favorable aux images, rejeta aussi les décrets de Nicée, comme allant trop loin. Mais ils restèrent en vigueur en Orient, grâce surtout à Théodore de Studium q. v. jusqu'à ce qu'en 814 l'armée mit Léon V sur le trône. Un nouveau conc. tenu à Constantinople 815, mit à néant les décrets du de .Nicée, et l'Occident lui-même condamna à Paris ce culte superstitieux, à la sollicitation de Michel II. Les amis des images furent cruellement persécutés, surtout les moines et Théodore, mais sans qu'on pût les extirper ou les faire fléchir; on avait attaqué les branches, au lieu de s'en prendre à la racine; la superstition, au lieu d'en attaquer, la source, l'endurcissement du cœur. A la mort de Michel II, sa veuve Théodora prit en mains les rênes de l'empire. convoqua un nouveau concile à Constantinople, fit revivre les décrets de 787, et le Ï9 févr. 842 fut un jour de fête pour l'Église catholique; les images furent solennellement replacées dans les églises. Le conc. de Trente, 25®« session, statue « qu'on doit avoir et conserver, principalement dans les églises, les images de J.-C., de la Vierge mère de Dieu, et des autres saints, et qu'il faut leur rendre l'honneur et la vénération qui leur est due..., parce que cet honneur est référé aux originaux qu'elles représentent. » Mais pas plus en théorie qu'en pratique, l'on n'a encore résolu le problème d'empêcher l'adoration des images elles-mêmes.
IMER, ou Imier, des environs de Porrentruy, cultiva avec son serviteur Albrecht un terrain de la vallée de Susin^en, au pied du Chasserai, appartenant à l'év. de Lausanne. Après un pèlerinage à Jérusalem ils revinrent, groupèrent autour d'eux de pieux cultivateurs, et f en paix. Le vallon prit le nom de Saint-Imier. 6roe siècle.
IMITATION de J.-C., livre célèbre qui appartient au t5*ne siècle, mais sur l'auteur duquel une controverse de 250 ans n'a peut-être pas encore dit son dernier mot. Il maintient dans toute sa rigueur le dogme cathol. du mérite des œuvres, mais en ajoutant que la libre grâce de Dieu en Christ peut seule les vivifier. Il expose d'une manière magistrale la magnificence de l'Évangile et sa puissance pour sanctifier et pour consoler. Par son côté chrétien, non moins que par son caractère populaire et par la clarté du style, il est promptement devenu dans toute la chrétienté le livre le plus estimé des âmes pieuses, après la Bible. Il en est aussi résulté que depuis la tentative de Pedro Manri-quez, 1604, de contester à Thomas a Kempis, la rédaction de ce livre, sous prétexte qu'il devait être plus ancien même que Bonaventure, les principales nations catholiques et les principaux ordres religieux se le sont disputé avec acharnement, lui donnant pour auteur un des leurs. Les bénédictins l'ont attribué à un abbé de leur ordre, Jean Gessen, ou Gersen, et le chevalier piémontais de Grégorv a encore soutenu cette thèse en 1827. D'autre part, les Français l'ont attribué à leur célèbre Gerson, et en présence d'exemplaires portant le nom d'A Kempis, ils ont cru pouvoir soutenir que Kem-pis*ïes avait signés comme copiste et non comme auteur. Aujourd'hui, quoique ce ne soit pas absolument prouvé, on est assez d'accord à regarder Thomas a Kempis comme l'auteur de cet étrange et remarquable volume. Son nom répond le mieux à tout ce que l'on en sait, et l'on ne peut lui opposer aucune objection sérieuse. La forme sententieuse et le latin barbare du livre se retrouvent dans les autres compositions du même auteur. D'ailleurs il y a des témoignages positifs et anciens dont l'autorité ne peut être méconnue; plusieurs membres de l'ordre, Jean Busch, Hermann Rycl, amis personnels d'A Kempis, le lui attribuent positivement; de même le chanoine strasbourgeois Pierre Schott 1488. Trad. dans presque toutes les langues, l'Imit. a eu des milliers d'éditions; il s'en est fait même à l'usage des protestants (Bethmann-Hollweg). Les principales trad. franc, sont celles de P. Corneille, Sacy, Gonne-lien, Lamennais, de Genoude; la plus récente est d'un pasteur de l'Égl. réf. de France, Paris 1879. V. aussi Malou, év. de Bruges; Hirsche, Ulhnann, etc.
IMMANENCE de Dieu, conception philos, identifiant en quelque sorte Dieu et l'univers, l'un ne pouvant se comprendre sans l'autre. Dieu étant lui-même la grande unité, le grand centre dont le reste émane. L'immanence est opposée à la transcendance, qui distingue la personnalité de Dieu comme créateur, régulateur et providence; comme pouvant exister seul, en dehors de l'univers et au-dessus de lui.
IMMUNITÉS, droit, réel ou prétendu, des ecclésiastiques, d'être dispensés des charges civiles imposées par l'État aux autres citoyens. Les païens en jouissaient dans l'ancienne Rome; ces immunités ont passé dans l'Égl. chrétienne et se sont beaucoup étendues dans le moyen âge. Les temps modernes ont déjà supprimé les immunités financières, c.-à-d. la franchise d'impôts; ils ont une tendance à restreindre aussi les immunités personnelles, telles que dispense du service militaire, dispense des fonctions de juré, etc. La question peut être discutée au point de vue des convenances, plutôt que du droit, mais si l'on enlève aux ecclésiastiques leurs privilèges, sous prétexte d'égalité, on doit supprimer aussi les charges qui pèsent sur eux, exclusion de certaines fonctions politiques, académiques ou nationales; l'assimilation doit être entière. L'Égl. romaine, en vertu de son principe, regarde les immunités du clergé comme de droit divin, et ne s'y soumet que là où elle est forcée de le faire.
IMPANATION, doctrine qui admet dans le mystère de la Cène que le Verbe est changé en pain par la consécration, de la même manière qu'il a été changé en chair et en sang dans l'Incarnation. Elle a été professée par Ruprecht*de Deutz 1115, Alger de Liège 1131, et Jean de Paris f 1306. Mais comme elle augmente, sans les diminuer, les difficultés de la transsubstantiation, elle n'a pas réussi à prévaloir. Bellar-min et d'autres l'attribuent à tort à Luther.
IMPOSITION des mains, acte par lequel l'Égl. symbolise la communication du Saint-Esprit dans les différentes cérémonies où cette communication est regardée comme essentielle, telles que le baptême, la confirmation, la consécration des pasteurs et des anciens. Déjà pratiquée dans l'A. T. à l'égard des victimes et pour la guérison des maladies, 2 R. 4, 34., elle a passé dans l'Égl. chrétienne, Act. 8, 17. 9, H. 13, 3. 1 Tim. 4, 14. La main étant l'organe de l'activité matérielle, on en a fait naturellement le symbole de l'action spirituelle exercée sur le consacré. L'Égl. catholique admet que l'imposition des mains fait partie intégrante du sacrement, au point que si l'acte matériel fait défaut, le sacrement est nul par cela même. Quelques luthériens modernes, comme Bohmer, partagent aussi ce point de vue et attachent à l'idée de l'imp. des mains celle d'une transmission magique de l'Esprit de Dieu.
IMPOSTEURS (Livre des Trois), titre d'un livre fameux qui doit avoir paru au moyen âge, dénonçant Moïse, Jésus-Christ et Mahomet comme s'étant proposé de tromper l'humanité. On l'a attribué à plusieurs personnes, entre autres à Frédéric II, ou à son chancelier Pierre Des Vignes (Petrus a Vineis), qui l'aurait écrit d'après son ordre, dans un sens hostile aux papes, et même plus ou moins au christianisme. Cependant aucun témoin ne dit avoir vu ou lu ce livre, et l'on ne connaît rien de plus sur son contenu. L'idée générale en avait été déjà émise antérieurement à Paris par Simon de Tournai, et il est peu probable que l'empereur se la soit appropriée, mais on peut admettre que ses ennemis la lui aient prêtée, vu ses opinions bien connues. Quant au livre lui-même, quelques-uns pensent qu'on a peut-être désigné sous ce titre un autre ouvrage d'un contenu analogue. En tous cas un chevalier d'industrie essaya de faire passer sous ce nom l'Esprit de Spinosa, mais la fraude ne réussit pas. On a découvert un écrit publié en 1598, qui doit être fort ancien, et dont le contenu justifierait ce titre; on en a deux recensions mss., dont la plus courte est la plus ancienne. Ce livre aurait pour but de prêcher la religion naturelle; il montre en Dieu un être indéfinissable et indéterminé, qu'il est impossible d'adorer; la révélation comme telle est par conséquent aussi impossible, et la foi à ses récits ne peut reposer que sur la crédibilité des témoins. Les fondateurs des religions ont avancé des faits imaginaires, et ne doivent être considérés que comme des imposteurs.
INCAMÉRATION, v. Amortisation.
INCAPACITÉS, se dit spécialement en théol. et dans le vocabulaire romain, des raisons qui s'opposent à ce qu'une personne puisse recevoir l'ordination ou la consécration; ainsi les enfants, les non-baptisés, les femmes et, dans certains cas, des invalides, des mutilés, des individus atteints d'infirniités graves, sourds-muets, aveugles, etc.
INCARNATION, doctrine de la Parole faite chair, de Jésus fait homme. On lit dans l'égl. du couvent latin à Nazareth: Hic verbum caro factura est.
INCESTE; se dit des rapports conjugaux, légitimes ou non, entre personnes d'une parenté trop rapprochée, Lév. 18, 6-18. 29. Le droit romain, d'accord avec le droit canon, a étendu la notion de ce crime aux parentés spirituelles résultant soit de l'adoption, soit des rapports établis par le baptême entre les parrains et les enfants. L'inceste était puni de mort dans l'ancienne alliance; le moyen âge a conservé cette peine, dont la rigueur n'a été adoucie que par la législation moderpe.
INCHOFER, Melchior; né 1584 en Hongrie, entra chez les jésuites à Rome 1607, enseigna la théol. et les mathémati<Jbes à Meâsine, revint à Rome 1636, fut envoyé ensuite à Macerata et à Milan 1644, et f 1648. Il a laissé plusieurs ouvrages latins, un traité contre Copernic, un* défense des jésuites contre Scioppius, et des Annales ecclés. de la Hongrie, qui ne font pas grand honneur à son sens critique. Il doit surtout sa réputation à un livre qu'il n'a pas fait: la Monarchie des Solipses (ceux qui ne vivent que pour eux-mêmes), satire violente contre les jésuites, Venise 1645. Oudin a prouvé, dans Nicéron, que cet écrit avait été composé par le comte Scotti, de Plaisance, entré dans l'ordre en 1616, et qui l'avait quitté 1645, fort mécontent.
INCORPORATION. Pour augmenter les revenus de certains couvents ou fondations, on leur remettait souvent un bénéfice, en stipulant qu'ils l'administreraient, qu'ils en percevraient les revenus, mais qu'ils se chargeraient aussi de remplir, soit directement, soit par un vicaire payé par eux, toutes les charges ecclés. et spirituelles qui y étaient attachées: c'est ce qu'on appelait l'incorporation quant au spirituel et au temporel. Ou bien on se contentait de leur en remettre les revenus, après avoir prélevé d'abord ce qui était nécessaire pour l'entretien du vicaire, lequel restait en ce cas sous la juridiction de l'évêque. Le conc. de Trente a interdit l'incorporation des bénéfices.
INDE, ou Indes orientales, deux grandes péninsules de l'Asie méridionale, séparées par le Gange, et formant un certain nombre d'États réunis sous le sceptre de l'Angleterre, moins quelques villes ou districts appartenant à d'autres pays: Chandernagor et Pondichéry à la France, Tranquebar aux Danois, Goa aux Portugais, etc. L'hist. des Indes remonte à des temps fabuleux, et ses origines sont légendaires. Sa religion est le boudhisme; son caractère principal est le régime des castes. Les premiers essais pour y introduire l'Évangile datent le saint Thomas et de Pantène, et ne sont même pas bien constatés, non plus que ceux qui furent faits aux 13roe et 14me siècles par des franciscains et des dominicains, et qui n'eurent dans tous les cas aucun succès durable. Les travaux pieux et dévoués de François Xavier au 16m« siècle, n'y ont laissé qu'un souvenir, et il n'est pas beau, l'inquisition. On peut dire que le vrai travail d'évangélisation n'y a commencé sérieusement qu'au siècle dernier, avec Ziegenbalg q. v. Outre les difficultés provenant de l'étendue du territoire et de la diversité de ses nombreuses langues et dialectes, les missionnaires ont rencontré un obstacle inattendu dans le fait des castes. Les catholiques ont cru devoir respecter ce préjugé, au point qu'un missionnaire ne tendait l'eucharistie aux parias qu'au bout d'une perche, pour ne pas trop s'en approcher; les protestants, au moins quelques-uns, ont paru hésiter un instant sur ce qu'ils avaient à faire; néanmoins tous sont d'accord auj. à ne pas en tenir compte et à marcher contre cet ennemi comme contre tous les autres. Les Indes sont maintenant le plus grand centre de l'œuvre missionnaire, et si les débuts ont été longs et pénibles, neutralisés qu'ils étaient par l'hostilité de la puissante Compagnie des Indes, le jour est arrivé où la moisson promet d'heureux résultats. Le travail est réparti entre 29 sociétés qui comptent plus de 600 missionnaires et de 430 stations. Dans les Indes anglaises, y compris Ceylan et le Birman, on ne comptait en 1852 que 22,440 communiants, représentant 128,000 chrétiens indigènes; en 1862, 49,681 communiants, soit 213,182chrétiens; en 1872, dix ans plus tard, 78,494 communiants, et 318,363 chrétiens; en 1878, 460,000. La famine de 1877 et 1878, à laquelle ont succombé près de 5 millions d'indigènes, a fait tomber beaucoup de préventions et de barrières, et les Indous ont apprécié la religion de ceux qui cherchaient à soulager leur détresse; l'Angleterre seule avait collecté pour les affamés plus de 20 millions de francs. Sans parler de Calcutta, c'est dans la province de Madras que se trouvent le plus grand nombre d'indigènes convertis, plus de 77,000; dans l'île de Ceylan 32,000; dans le Birman, 72,000; au Bengale, 60,000; dans le Pundjab, 1,490, un séminaire de théol., 13 stations, 23 missionnaires, 54 écoles; le Rajputana, Bombay, Mahratta, Orissa, en sont encore à leurs commencements, et ne comptent guère en tout plus de 12 à 15 mille communiants. Les différentes dénominations re-lig. vivent en bonne harmonie.
INDÉPENDANTS. Ce mot qui s'explique tout seul dans son sens absolu, ne peut jamais être que relatif dans la pratique. En matière de théologie ecclés. il se dit surtout des Égl. qui revendiquent pour chaque congrégation, grande ou petite, le droit de s'administrer elle-même comme elle l'entend et qui repousse l'interven • tion de toute autorité civile ou religieuse étrangère, qu'elle s'appelle l'État, l'évêque, le synode ou le presbytère. Les Indépendants datent de Brown, q. v. Plus tard Robinson, de Norfolk, précisa davantage encore leurs principes. Ils estimaient que le N. T. donne à chaque association de chrétiens une entière juridiction sur son mode de recrutement, sur sa discipline intérieure et sur le choix de ses fonctionnaires. Elle peut entrer en relation avec d'autres Églises, mais ces rapports sont purement fraternels, libres et volontaires, et ne créent aucun droit. Ces principes étant directement contraires, aussi bien au système épiscopal anglais qu'à la suprématie royale, une congrégation qui s'était formée à Londres en 1616, ayant été découverte en 1640, fut citée en jugement, mais ne fut pas autrement molestée. Elle acquit même une certaine popularité dans la lutte contre le Parlement et contre Charles et Cromwell (surtout depuis que lesNiveleurs s'en furent retirés) donna aux égl. indépendantes assez de crédit et d'influence pour qu'elles sentissent le besoin de s'entendre et de s'unir. Elles eurent donc dans l'égl. de Savoie en 1658 une assemblée générale, où elles convinrent de certains principes ecclés. et où elles formulèrent leur confession de foi, pour être promulguée en leur nom, mais sans être rendue obligatoire. Après la restauration des Stuarts, l'Acte d'Uniformité fut rédigé contre eux 1662 et l'Acte des Conventicules interdit leurs assemblées. Un grand nombre se rendirent en Amérique, où ils purent s'organiser librement d'après leurs convictions. Mais l'Édit de tolérance de Guillaume d'Orange 1689 leur rendit la liberté, et dès lors leur nombre n'a cessé d'aller en augmentant, en même temps qu'i's se sont montrés animés d'un zèle toujours croissant pour toutes les œuvres relatives à l'avancement du règne de Dieu. Il s'est aussi formé en divers lieux, sur le continent, des égl. indépendantes, surtout depuis le commencement de ce siècle (Genève, Paris, Lyon, Bruxelles, etc.). Elles sont en général calvinistes dans leur théologie, mais avec plus ou moins de rigueur dans la discipline. Le nom de congrégationalistes, que plusieurs préfèrent, tend davantage à prévaloir, parce qu'il exclut moins que celui d'indépendantes l'idée d'une union ou d'une association entre elles.
INDEX, v. Censure.
INDIFFÉRENTISME. On désigne spécialement sous ce nom l'absence complète d'intérêt pour les questions religieuses, ecclésiastiques ou confessionnelles, provenant d'un défaut d'at-lention, de réflexion ou de foi, lacune morale causée surtout par la prédominance des préoccupations terrestres. L'indifférence ne doit pas être confondue avec le scepticisme qui ressort surtout de l'intelligence et qui, voyant sur beaucoup de questions les raisons pour et conlre se contrebalancer, ou à peu près, conclut, sans poursuivre davantage ses recherches, qu'il y a un peu de vérité partout, et que la vérité n'est nulle part. Quant à l'indifférentisme, il peut être général et embrasser la religion tout entière, ou partiel et ne porter que sur certaines questions, p. ex. sur la question confessionnelle ou sur l'organisation de l'Église. Il peut porter sur le dogme lui-même, ou seulement sur les formes, et il n'est pas rare de rencontrer des personnes, ou des églises, qui font bon marché de la doctrine, mais qui tiennent beaucoup à certaines cérémonies.
INDULGENCES. Au fond de presque toutes les superstitions on est assuré de trouver une idée juste, et si le commerce des indulgences a été un des scandales de la tin du moyen âge, l'abus qu'on en a fait ne suffirait pas à lui seul à condamner l'institution. Si l'on réduit à sa plus simple expression l'idée première qui a donné naissance aux réparations connues sous le nom d'Indulgences, on trouve ceci: L'homme, par la repentance et par la foi, peut obtenir de Dieu le pardon de ses péchés pour la vie éternelle, mais et indépendamment des conséquences naturelles de ses fautes, il n'en obtient pas toujours Je pardon pour la vie présente. Les jours de Jacob furent courts-et mauvais; Moïse ne put entrer dans la Terre promise; David fut puni dans sa famille. Voilà le point de départ, et il est juste, parce qu'il reconnaît et respecte l'action de Dieu. Mais dès le second pas on se heurte à l'action de rhoinme; l'erreur commence, mais ce n'est que peu à peu qu'elle atteint les proportions grossières sous lesquelles seules on la connaît aujourd'hui. Voici la filiation; a. l'homme a mérité un châtiment terrestre et, après sa mort, le Purgatoire; b. pour s'y soustraire autant que possible, il cherchera à réparer, et même à expier sa faute; c. il choisira naturellement parmi les diverses expiations entrevues, celle qui conviendra le mieux à ses goûts ou à son tempérament, celle qui lui imposera le sacrifice le moins sensible; d. s'il a un directeur spirituel, celui-ci lui conseillera un sacrifice qui contribue à l'édification, a l'honneur et au bien temporel de l'Église; un désaveu de sa conduite, un acte public de pénitence et de dévotion, un sacrifice pécuniaire: e. il se fera peu à peu une tradition dans ce sens, et au lieu d'examiner chaque fois à nouveau les conditions qu'il faudra imposer au pénitent pour lui acquérir l'indulgence de l'Église, on finira par tarifer les délits et les crimes suivant leur gravité et suivant la richesse et la position sociale de ceux qui les auront commis. Ce ne sont pas des hypothèses, c'est de l'histoire. Quand pour la première fois Urbain II donnait un caractère général aux indulgences, en les promettant à ceux qui se croiseraient pour la Terre sainte, il ne prévoyait pas qu'un jour Léon X publierait des indulgences pléniè-res pour tous ceux qui contribueraient de leur bourse à la construction de la basilique de Saint-Pierre; qu'ensuite ce même Léon donnerait le bénéfice de celles qui se vendaient en Saxe à à sa sœur Madeleine, femme de Cibo, fils d'Innocent VIII, et qu'enfin ce bénéfice étant affermé par un archevêque, celui-ci remplirait l'Allemagne de quêteurs mercenaires, industriels et charlatans, dont le commerce sacrilège provoquerait l'indignation du moine Luther, du curé Zwingle, et de populations entières. Ni la Bible, ni les pères de l'Église ne mentionnent quoi que ce soit qui se rapporte aux indulgences; elles sont absolument inconnues jusqu'à Grégoire VIL Durand, év. de Meaux, au 14«i« siècle; puis l'archev. Antoniu de Florence, le sco-lastique Gabriel Biel, le cardinal Cajetan sont unanimes à dire que l'on ne possède, sur l'origine des indulgences, aucune autorité, ni de l'Écriture Sainte, ni des anciens pères, ni des docteurs grecs ou latins. Le Conc. de Trente affirme cependant que Jésus-Christ a donné à l'Église le pouvoir de conférer les indulgence*, et il cite à l'appui les passages Matth. 16,18.19. Jean 20, 23. qui n'en parlent pas. Parmi les questions qui se rattachent à celle des indulgences, il faut noter celle du Purgatoire q. v. et celle du mérite des saints, qui constitue ce qu'on appelle le Trésor de l'Église. Toutes les œuvres qu'un homme a faites de trop pour son salut, peuvent servir d'appoint à celles qui ont | manqué à un autre, et cet autre, ou ses parents, ou ses amis, sont en mesure de lui procurer cet appoint par des prières ou des aumônes. De là les prières pour les morts; de là aussi les indulgences collectives rattachées à certains actes religieux, v. les Heures de la bien-heureuse Vierge, avec quinze prières de sainte Brigitte (en latin) Paris 1533. Quelquefois des mille ans de pardon, même pour des péchés mortels, sont attachés à des conditions d'une extrême puérilité, à la récitation d'un ave devant un bras d'un crucifix. Là où la Réforme est établie, ces pratiques aussi contraires à la Bible qu'au sens moral se renferment même chez les catholiques dans des limites plus acceptables.
INDULT, autorisation du pape donnée à la violation de lois ecclésiastiques existantes, p. ex. le droit de recevoir des bénéfices expectatifs, ou le pouvoir de nommer aux bénéfices établis par les réserves et les règles de la chancellerie papale.
INFAILLIBILITÉ. Ce dogme qui repose historiquement sur les décrétaies du faux Isidore, et que l'on essaie d'expliquer en disant que le pape résume en sa personne l'épiscopat tout entier, comme étant le représentant de Jésus-Christ dans l'Église, est d'origine assez moderne. Les conciles ne l'ont pas connu, ou s'ils l'ont connu, ils l'ont combattu, n'accordant au pape que la présidence et plaçant leur autorité au-dessus de la sienne. Pour certaines questions, ils ont admis son infaillibilité, c.-à-d. le caractère absolu de ses résolutions, quand il parle ex cathedra, et ils se sont réservé d'en appeler du pape mal informé au pape mieux informé. Ils ont aussi distingué la question de fait et celle de droit. C'est le conc. du Vatican, 1870, qui sous la pression de la curie romaine, a le premier transformé en dogme ce qui n'était jusqu'alors qu'une opinion.
INFRALAPSAIRES, ceux qui admettent que l'élection de Dieu n'a eu lieu que depuis la chute et seulement pour le bonheur des élus, sans désignation formelle des réprouvés; par opposition aux supralapsaires qui tiennent que Dieu avait fait son choix déjà avant la chute et de toute éternité, la chute ayant été voulue et ordonnée de lui, et qu'il a désigné les uns pour le malheur aussi bien que les autres pour la félicité éternelle. Le synode de Dordrecht et la plupart des théologiens réformés adoptent le premier de ces points de vue, qui leur paraît plus doux dans la forme, quoique au fond les deux reviennent au même.
INGULPH. né à Londres 1030, f 1109, auteur d'une hist. de l'ancien couvent de Croyland, comté de Lincoln, de 664 à 1091. Il étudia d'abord à Westminster, puis à Oxford; fit connaissance, à l'âge de 20 ans, de Guillaume duc de Normandie, qui se l'attacha comme secrétaire. Ayant désiré faire le pèlerinage de Jérusalem, le duc lui donna une escorte de 30 cavaliers; Sigfried, duc de Mayence, se joignit à eux, avec un grand nombre de gentilshommes et d'évêques, si bien que la caravane ne comptait pas moins de 7,000 pèlerins. L'expédition ne fut pas heureuse; ils furent attaqués en Lycie par des brigands qui les dépouillèrent et en tuèrent un grand nombre. Après leur retour, Ingulph devint prieur du couvent bénédictin de Fonte-nelle, et Guillaume devenu roi lui donna l'abbaye de Croyland. Ses mémoires présentent un vif intérêt.
INNOCENT lo pape 402-417, travailla un des premiers à étendre la domination de l'év. de Rome sur ses autres collègues. Il soumit l'év. d'Antioche et ceux de Macédoine, profita du bannissement de Chrysostôme pour établir sa prédominance, et insista après la mort de ce grand homme pour que son nom fût place parmi ceux des meilleurs évêques. Il condamna Pélage, poursuivit les novatienset obtint d'IIo norius des lois sévères contre les donatistes. Il avait pressé l'empereur de faire la paix avec Alaric, et il s'appliqua à réparer les désastres de Rome.
2<> Innocent II, 1130-1143. Grégoire, nomme en concurrence avec Anaclet II (Pierre de Léon). Il est contraint par son rival de quitter l'Italie, et il se réfugie auprès de Louis-le-Gros, qui essaie en vain de le rétablir. Après la mort d'Anaclet il recouvre son autorité, malgré l'élection de Victor IV et il est généralement reconnu. Démêlés avec Louis-le-Jeune pour lu nomination d'un archevêque. Il condamne les doctrines d'Abélard, et voit éclater les idées chaleureuses d'Arnaud ou Arnold de Brescia qui demande que le clergé ne s'occupe que de ses affaires, laissant aux princes tous les droits séculiers. Arnold excommunié se retira en France, mais ses idées germent, les Romains les embrassent, se révoltent, s'emparent de la capitale et nomment un sénat. Innocent mairt de douleur. Conc. à Rome 1139; mille évêques.
3° Innocent III; Lothaire Conti 1198-1216, dans la force de l'âge, d'un esprit entreprenant, l'un des plus grands papes qui aient illustré le siège romain. Il agrandit les États de l'Église et se rendit maître absolu dans Rome. Ennemi des Hohenstaufen, il est nommé tuteur du jeune Frédéric (fils d'Henri VI) par sa mère mourante, Constance; mais cet enfant a pour compétiteurs à l'empire son oncle Philippe de Souabe et Othon de Saxe. Le pape, dans son De tribus eligendi*, se déclare contre Philippe, qui est assassiné 1208; Othon est généralement reconnu; il est couronné à Rome 1209, mais aussitôt après il se tourne contre le pape, qui l'excommunie 1210 et couronne le seul Hohenstau-fen restant, Frédéric II, à, Aix-la-Chapelle 1215; grande victoire pour Innocent, prélude à ses autres victoires sur les rois. Il parvint successivement à établir sa puissance sur cinq ou six monarques de la chrétienté. Il mit la France en interdit à cause du divorce de Philippe-Aug. avec Ingelburge 1199. Jean-sans-Terre, roi d'Angleterre, s'étant opposé à la nomination de l'archev. Langdon à Cantorbéry, son royaume fut mis à l'interdit jusqu'à ce qu'il se fut humilié, et il dut accorder au peuple sa fameuse Magna Charta 1215. Après avoir poussé Philippe-Aug. â attaquer l'Angleterre, il essaya mais en vain d'arrêter cette entreprise. Il chercha, par le moyen des troubadours, à ranimer le feu des croisades; sous son règne Baudouin de Flandres se fit reconnaître emp. latin de Constantinople et soumit cette ville au pape, mais cela dura peu. Innocent montra du zèle pour la réforme des mœurs; il n'approuve pas qu'on exige de l'argent pour l'administration des sacrements; il regarde le célibat et la désappropriation comme essentiels à la vie monastique.il convoqua le 4™ conc. de Latran, prêcha la croisade contre les albigeois, reconnut l'ordre des franciscains 1209 après s'en être d'abord moqué; nomma le premier inquisiteur en la personne du célèbre Dominique 1215, et annula un décret d'un de ses prédécesseurs, Jean I«r. C'est lui qui le premier s'appela Vicarius Dei, et qui donna veniam canonis infringendi, et non seulement infracti, s'appuyant sur Luc 22, 32. On a de lui des Homélies, des Discours et des Let très pleines de faits historiques curieux. Quelques-uns lui attribuent le Veni, Sancte Spiri-tus, et même le Stabat Mater que les franciscains revendiquent pour un des leurs. Vie par Hurter, trad. par Saint-Chéron. Étude par A. de Gasparin.
(3° bis) — Innocent III, antipape contre Alexandre III, s'appelait Landus et appartenait à la famille desFrangipani; vaincu, il dut s'enfuir au couvent de Cava.
4° Innocent III bis, antipape, de la famille des Frangipani, un des deux qui succédèrent à la fois à l'antip. Victor IV, 1163; insignifiant.
5o Innocent IV, Sinibalde de Fiesque, 1243-1254. Successeur de Célestin IV après un interrègne de deux ans, causé par les rivalités d'intérêt des cardinaux. Il est personnellement bien disposé pour Frédéric q. v. et consent, moyennant certaines conditions à lever l'excommunication qui pèse sur lui; mais ici ils cessent de s'entendre, Frédéric réclamant l'absolution avant d'avoir rempli les conditions du traité, le pape voulant au contraire les conditions avant l'absolution. Innocent dut s'enfuir à Lyon, d'où il excommunia l'emp. pour la 3m* fois. Dans le conc. de Lyon 1245, Taddei de Suessa soutint seul le parti de l'empereur. Frédéric ayant refusé de comparaître, ses sujets furent déliés envers lui du serment de fidélité. Frédéric écrivit aux rois de France et d'Angleterre, leur proposant de s'unir à lui pour ramener les ecclés. romains à la simplicité apostolique en leur enlevant leurs immenses richesses. La lutte continue. Le pape fait nommer successivement Henri, landgrave de Thuringe, qui meurt, et Guillaume, comte de Hollande. Il organise une croisade contre Frédéric; celui-ci cherche des accommodements, mais il est vieux et ne tarde pas à mourir. Le pape poursuit son fils Conrad de la même haine, mais Conrad étant mort 4 ans après. Innocent se déclare le protecteur du jeune Conradin contre Mainfroi son oncle. Innocent f 1254. C'était un caractère hautain et inflexible. Robert Grosse-Tête, q. v. ayant été appelé à Rome, eut l'occasion de dire au pape les plus amères vérités en plein concile.
6° Innocent V, Pierre de Tarentaise, dominicain et célèbre théol., élu 22 janv. 1276, f 22 juin, même année, avait succédé à Thomas d'Aquin comme prof, de théologie à Paris; archev. de Lyon 1272, cardinal et év. d'Ostie. Auteur de plusieurs ouvrages de droit canon.
7° Innocent VI, Étienne d'Albert, pape d'Avignon 1352, Limousin, ancien prof, de droit civil à Toulouse, et fondateur du collège Saint-Martial. Plus doux que ses prédécesseurs, il sent la nécessité d'une réforme. Il protégea les lettres, et fit offrir à Pétrarque la charge de secrétaire apostolique, f 1362.
8° Innocent VII, Côme de Megliorati, né à Sulmone, Abruzzes, pape 1404-1406, successeur de Boniface IX, en concurrence avec l'antip. Benoît XIII (P. de Lune). Quelques tentatives de conciliation n'aboutirent pas. Il s'est rendu célèbre par son népotisme.
9° Innocent VIII, J.-B. Cibo, pape 1484-1492. Quand il monta sur le trône, il avait 7 (d'autres disent 16) enfants illégitimes, dont l'un épousa plus tard la sœur de Léon X. On a beaucoup plaisanté sur le nom d'Innocent qu'il prit à son avènement. A sa cour on faisait assaut de simonie, d'avarice et de débauche. C'est le vice-chancelier Borgia, le futur Alexandre VI, qui par ses intrigues avait fait nommer Cibo. Celui-ci travailla à exciter toujours plus les souverains de l'Europe contre les Turcs, ce qui ne l'empêcha pas d'accepter de Bajazet une pension de 40,000 écus d'or, pour garder prisonnier son jeune fr. Zizim 1490. Il excommunia le roi Ferdinand de Naples, pour cruautés commises contre quelques sujets du pape et donna (en paroles) son royaume au roi de
France; après quelques combats peu importants, ils firent la paix 1492.
10° Innocent IX, J.-Ant. Facchinetti, de Bologne, né 1519, employa les deux mois de son règne, 30 oct. à 30 déc. 1592, à diminuer le poids des impôts. Il fut regretté du peuple. Il avait été légat à Trente, nonce à Venise et président de TInquisition.
Ho Innocent X, J.-B. Pamfili, Romain de naissance, pape 1644-1655; dépouilla de ses Élats le duc de Parme, accusé d'avoir fait assassiner l'év. de Castro. Il exila les cardinaux François et Antoine Barberini, quoiqu'ils eussent contribué à son élection. C'était un homme remarquable par son ignorance profonde de tout ce qu'un ecclésiastique doit savoir, remarquable aussi par son indolence et ses dérèglements. 11 abandonna sa personne, sa dignité, la conduite de ses affaires et de celles de l'Église à dona Olympia (OUm pia, jadis pieuse, disait Pasquin), veuve de son frère, femme sans mœurs, d'une avarice et d'une ambition insatiables, avec laquelle il vécut, après comme avant son élévation, dans un commerce coupable. Il chercha à empêcher la paix de Westpha-lie. Comme son prédécesseur, il condamna les cinq propositions de Jansénius, 1653.
12o Innocent XI, Benoît Odescalchi, 1676-1689; soldat avant d'être pape, s'est acquis une réputation immortelle par l'austérité de ses mœurs, son grand courage, son aversion pour les grossières superstitions de l'Église, sa discipline inflexible, ses efforts pour réformer les ecclés. et abolir un nombre considérable de ces fraudes pieuses, de ces fables puériles qui déshonorent leur ministère. Il éloigna des emplois les hommes ignorants ou déréglés, et pourvut au besoin des pauvres. Mais il fut une preuve de plus que ceux qui occupent le siège papal ont beau vouloir le bien, ils ne peuvent l'exécuter, ni résister à l'opposition, secrète ou avouée, du clergé même et des institutions de la curie. Il condamna Molinos et le quiétisme. Comme politique, il eut des démêlés avec la France au su -jet de la régale, des 4 articles arrêtés par l'assemblée du clergé français et rédigés par Bos-suet en 1682, et du droit de franchise des ambassadeurs français à Rome. L'ambassadeur de Frtmce, Beaumanoir de Lavardin, étant entré dans Rome malgré sa défense, Innocent l'excommunia; Louis XIV allait tirer vengeance de cette insulte, quand le pape mourut.
13o Innocent XII, Ant. Pignatelli, 169M700, tâcha de faire revivre les sages lois d'Innocent XI, dont il eut les qualités sans en avoir les défauts; il fut pour les mœurs un censeur rigoureux, pour les pauvres un père; il n'appela à des fonctions que des hommes capables de les remplir. Il obtint quelques succès, mais il comprit qu'il est au-dessus du pouvoir des papes de réformer l'Église, ou même la cour de Rome seulement. Il termina, moyennant quelques concessions de la part de Louis XIV, le différend qui avait éclaté sous Innocent XI; il se prononça dans l'affaire du quiétisme en condamnant l'Explication des Maximes des Saints de Fénelon.
14o Innocent XIII, Michel Ange Conti, 1721-1724; rappelle du Portugal son nonce Vincent Bitschi, que son prédécesseur Clément avait refusé de rappeler. Lequel des deux a eu tort ? Il élève au cardinalat l'infâme Dubois.
INNOCENTS (La fête des), lo Fête instituée en l'honneur des petits enfants de Bethléhem massacrés par l'ordre d'Hérode. Une tradition en compte 300, et l'on montre encore sous la basilique de Bethléhem une grotte qui leur est dédiée et qui renferme leurs prétendus petits squelettes. En réalité il a dû y en avoir 12 à 15. Irénée, Cyprien, Origène mentionnent déjà cette fête; au S^e siècle elle se confondait avec l'Épiphanie. Plus tard les grecs la mirent au 29, et les latins au 28 décembre. Le prêtre la célèbre en vêtements bleus.
2o Fête des écoles, instituée en mémoire de Grégoire Ier, et qui se célébrait, surtout en Allemagne, aux environs de Pâques. Les enfants choisissaient l'un d'entre eux pour remplir les fonctions d'évêque, et il figurait dans l'égl. sous ce travestissement. Ils parcouraient ensuite la ville avec leurs maîtres et faisaient une quête pour couvrir leurs frais. Cette fête disparut avec la Réformation.
IN PARTIBUS, sous-entendu infidelium (sur les terres des infidèles). L'Égl. romaine a tenu à conserver, au moins nominalement des diocèses dans les pays autrefois chrétiens, qui ont cessé de l'être. Elle poursuit en cela deux buts: elle maintient son droit de premier occupant sur ces territoires; elle a en outre l'occasion, quand elle nomme un titulaire à ces diocèses, de rester fidèle à son principe qui consiste à ne nommer personne à une charge d'évêque, sans lui donner en même temps un diocèse à desservir; ainsi celui d'Hébron-.
INQUISITION. Si l'on admet que l'Égl. a reçu directement de Dieu par Jésus-Christ, la mission de sauver les hommes, malgré eux et de les > contraindre d'entrer » par tous les moyens dont elle peut disposer; si l'on admet que l'esprit étant supérieur au corps, le pouvoir spirituel est supérieur au pouvoir temporel; en un mot, si l'on admet avec la proposition 24 du Syllabus, que le souverain pontife a le droit d'user de la contrainte même matérielle envers les hétérodoxes, l'Inquisition est justifiée. Mais les premiers chrétiens ne connaissaient pas cette doctrine; ils ont élé persécutés, et ce fut leur temps de gloire, celui des progrès de l'Évangile; depuis qu'il se sont faits persécuteurs et bourreaux, l'influence de l'Église a baissé. Sans doute l'Église a toujours eu une juridiction sur ses membres au point de vue de la foi et de la discipline; elle a le droit de les censurer et même de les exclure; mais une fois retranchés de sa communion, hérétiques ou relaps, peut-elle encore les regarder comme relevant de son autorité? L'empire devenu chrétien l'a prétendu, Théodose a prononcé la peine de mort contre les manichéens, et Jérôme a tenté de justifier cette doctrine par la Bible. Mais si l'État a pu intervenir, c'est toujours l'Égl. qui, par l'organe des év., était chargée de faire le procès des hérétiques. Après les troubles soulevés par la croisade contre les albigeois, cela changea. De sérieux dangers menaçaient la hiérarchie, et Innocent III, à la suite d'un rêve, dit-on, comprit que sïl voulait sauver l'unité romaine, il devait organiser une milice nouvelle, indépendante du clergé, toute dévouée au saint-siège. Il avait obtenu déjà d'Othon IV, 1210, un édit de persécution qui faisait intervenir le pouvoir impérial; il obtint du conc. de Latran 1215, l'institution d'un pouvoir itinérant, chargé de connaître des cas d'hérésie, et ce principe posé, il fut facile à ses successeurs d'en tirer les conséquences. HonoriusIII, en 1220, profita du sacre du jeune Frédéric II pour lui faire accepter le nouveau tribunal, et en 1229 le conc. de Toulouse, renchérissant sur celui de Latran, acheva d'enlever aux év. tout droit d'intervention dans les procès d'hérésie. L'Inquisition était fondée; on lui donna le nom, devenu sinistre, de Saint-Office. Chaque année amena des décrets de plus en plus rigoureux. Le tribunal avait été confié aux franciscains et aux dominicains. Castelnau et les autres moines de Citeaux avaient été de vrais inquisiteurs, mais Dominique le premier en porta le nom, 1215, et son ordre finit par en accaparer tous les droits et les avantages. Pour mieux assurer leur omnipotence judiciaire, les inquisiteurs établirent la procédure secrète, la preuve du délit basée sur des dénonciations anonymes, sans confrontation avec les témoins, et sur les aveux de l'accusé, qu'on pouvait toujours se procurer au moyen de la torture. Le Tribunal révolutionnaire de Fouquier-Tinville est peut-être le seul exemple que l'on puisse citer d'une procédure analogue, aussi contraire aux notions de la justice qu'à celles du christianisme. Innocent IV rendit une nouvelle vigueur aux persécutions: pour soutenir fra Ruggiero qui succombait à la tâche, il lui adjoignit Pierre de Vérone 1243, et les bûchers se rallumèrent. Admis en France et même réclamé par saint Louis, l'odieux tribunal eut quelque peine à s'acclimater en Italie. C'est l'Espagne qui lui offrit le meilleur terrain pour son développement, grâce à l'intime union de la royauté et de la hiérarchie, qui voyaient dans les Juifs et les Maures leurs plus dangereux ennemis, et qui étaient en outre excités dans leur saint zèle par la perspective du partage des dépouilles. De l'Aragon où il fonctionna d'abord sous le grand inquisiteur Nicolas Eymeric f 1399, le saint-office s'étendit en Castille, où il fut introduit comme tribunal royal ayant juridiction même sur les évêques. Les horreurs qui se commirent au nom de la religion sous Tor-quemada, sous Diego Deza 1499-1506 et sous Ximenèsde Cisneros 1507-1519, sont légendaires et passent toute imagination. Une férocité bestiale semble avoir présidé aux basses œuvres des fonctionnaires de tous rangs qui composaient ce mécanisme ecclésiastique, véritable ligue de délations, de rapine et de vengeances particulières. On a peine à le croire, mais la conscience publ. s'était corrompue au contact et sous l'influence de la conscience de ces religieux, au point que les autodafés étaient presque devenus des fêtes nationales, l'occasion de foires et de réjouissances. Sous Charles-Quint et sous Philippe II les occupations du saint-office prirent un nouveau développement; le protestantisme était un ennemi de plus à écraser. Les Cortès et même des papes voulurent réduire la compétence du tribunal; les rois d'Espagne s'y opposèrent. Ce n'est qu'au 18™* siècle que quelques restrictions furent mises à leur droit de vie et de mort; à la fin du siècle il y eut de nouveaux adoucissements, et enfin en 1808 Joseph Napoléon supprima le tribunal lui-même; l'occupation franc, avait été nécessaire pour mettre fin à cette monstruosité qui avait duré près de 600 ans. Ferdinand VII essaya en 1814 de relever l'institution, mais les Cortèseni820 l'abolirent définitivement, et le peuple saccagea et démolit le palais des inquisiteurs, rejetant ainsi, mais trop tard, la responsabilité de ce grand crime national. Le Portugal n'avait guère été moins propice à l'établissement de ce tribunal exceptionnel; le marquis de Pombal réussit à limiter un peu son pouvoir discrétionnaire et sa compétence, mais c'est Jean VI qui eut l'honneur de le supprimer entièrement, 1818-1826. En France, le peuple, le parlement et le pouvoir royal lui furent contraires, quoique re soit dans ce pays qu'il eût reçu sa première application. Le conc. de Narbonne en particulier, 1249, s'éleva contre la prétention du tribunal de confisquer les biens des condamnés au profit de l'ordre des dominicains. Des décrets royaux et des mouvements populaires intervinrent à diverses reprises pour paralyser l'œuvre du tribunal et annuler ses décrets, et malgré les bonnes dispositions de quelques souverains, des Valois surtout, il ne put organiser une campagne contre les huguenots; il est vrai que les rois s'en chargèrent. L'inquisition réussit mieux en Allemagne. Lors de l'apparition des begghards, Grégoire IX, d'accord avec Charles IV, y envoya 5 inquisiteurs, 1369. Une première fois, 1333, une mission de ce genre, conduite par Conrad de Marbourg et par Conrad Droso, avait échoué devant l'indignation publique et le peuple avait massacré Conrad. Cette fois elle réussit mieux, et le pape étendit ses attributions en lui conliant aussi la recherche des cas de sorcellerie. Henri Kramer et Jaq. Sprenger firent la chose scientifiquement: Ce dernier publia son Maliens Maleficarum (le marteau des sorcières) pour l'instruction des inquisiteurs, avec l'indication des questions à faire et des règles à suivre. Cologne fut le quartier-général de l'institution. Après qu'elle eut été supprimée, les jésuites s'efforcèrent pendant la guerre de Trente ans de la faire revivre, mais en vain. Dans les Pays-Bas elle avait revêtu le caractère espagnol; l'inquisition fonctionnait au nom du roi, et c'était au point de vue politique qu'elle agissait et sévissait contre les protestants. Ses cruautés sans nombre amenèrent le compromis de Bréda, la paix de Gand et la séparation des Sept-pro-vinces. Elle ne put jamais s'établir solidement dans les royaumes du nord de l'Europe. En Italie, sous Caraffa, elle avait réussi à écraser le protestantisme, en mettant à mort ou en contraignant à l'exil tous ceux qui tenaient k la Réforme. Sixte V, vers 1587, amoindrit ses pouvoirs en transformant le tribunal lui-même et en fondant la Congrég. de l'Inquisition, chargée de connaître de tous les cas d'hérésie ou de sorcellerie. Peu k peu ce tribunal, qui n'était pas lié par les formes même les plus élémentaires de la justice et qui était condamné moralement par l'opinion publique, finitpar disparaître de toutes les législations; les Etats de l'Église ont été les derniers à en subir la suppression, due surtout à l'occupation française. Le progrès des esprits et l'intelligence de la liberté permettent de croire qu'on ne reverra plus jamais rien de pareil, à moins d'un de ces moments de vertige ou de transport, comme peuvent en avoir les peuples les plus spirituels et les plus généreux. Hist. par Spittler 1788, Lim-horch, Amsterdam 1692; Llorente 1817; He-fele, Hist. de Ximénès.
I.N.R.I., inscription latine de la croix: Jesus Nazarenus Rex Iudœorum.
INSPIRÉS. Les époques de crise provoquent souvent une surexcitation relig., dont on peut discuter la nature ou l'importance, mais que l'on ne peut nier. Les camisards avaient eu leurs prophètes; plusieurs de leurs proscrits emportèrent avec eux et propagèrent en Hollande, en Angl. et en Allemagne, leur idée que l'extase, les visions, les prophéties sont l'accompagnement obligé d'une foi vraie. Repoussées par les Égl. établies, ces idées furent accueillies par de petites égl. indépendantes. Ce fut le cas dans la Wetterau, ou les frères Pott les apportèrent de Halle, les ayant reçues d'inspirés français (les réveils religieux en Amérique présentent des exemples du même genre, et regardent ces manifestations comme nécessaires pour ranimer les Égl. endormies). Le sellier de Wittgenstein, Rock, réunit autour de lui de vraies congrégations d'inspirés, qui firent des missions pour propager leurs vues. Le mouvement prit une certaine consistance 1714-1716, mais la plupart des inspirés partirent pour la Pensylvanie, ce qui amena un arrêt momentané dans les petits troupeaux. Un nouveau réveil eut lieu de 1816-1821, sous la direction du tailleur Michel Krau-sen, de Strasbourg, et de Christian Metz, né k Neuwied 1792. Gênés par l'autorité, ils émi-grèrent au nombre de 890 pour Buffalo, pratiquant la communauté des biens. Ils ont fondé des colonies au Canada et k Java.
INSTRUCTIONS secrètes, v. Monita.
INTERCESSION, prière en faveur d'autrui. C'est la manifestation la plus pure de l'amour désintéressé du prochain accompagné de la confiance en Dieu. Abraham intercède pour les villes de la plaine, Moïse pour son peuple, Gen. 20 et 23. Exode 32, Nomb. 11, etc. La prière sacerdotale, Jean 17, en est le plus sublime modèle. L'Oraison dominicale en est pénétrée; elle suppose la communion des saints et la prière collective de l'Église. Les doctrines cathol. de l'intercession des saints et des prières pour les morts reposent sur l'idée du purgatoire et des indulgences, et n'ont aucun fondement scrip-turaire.
INTERDIT, sentence par laquelle l'Égl. proscrit l'administration des sacrements, le culte public et les funérailles ecclésiastiques. L'interdit peut être prononcé contre une personne, qui se trouve ainsi privée de tout culte et en présence de laquelle aucune cérémonie religieuse ne peut être célébrée; ou contre une localité, un territoire, une ville, un pays et ses habitants, qui sont ainsi comme excommuniés en masse et dépouillés de tous les privilèges et bénédictions de la religion. Ce fut du 11™ au 13me siècle une arme puissante entre les mains des papes dans leurs luttes contre les emp. et les princes, qui durent fléchir plus d'une fois. De sérieuses considérations obligèrent cependant les papes à adoucir la rigueur de la sentence ou â en restreindre la portée trop générale; à concéder, p. ex., dans des cas isolés, la célébration d'un culte hebdomadaire, k accorder l'administration des sacrements k l'article de la mort, etc., mais toujours sans apparat et sans cloches. L'un des derniers exemples d'un interdit collectif fut celui de Venise sous Paul V, 1606. De nos jours, lorsque l'archev. Dunin de Gnesen fut destitué et incarcéré, l'interdit ne porta que sur les cloches, les orgues et l'apparat extérieur, 1839-1840. Pie IX prononça aussi contre le roi d'Italie et contre ses ministres quelque chose de semblable, mais il n'osa pas préciser, ni pousser jusqu'à l'interdit des anciens temps. L'interdit frappe de droit et indistinctement les prêtres et les laïques dès qu'ils désobéissent aux commandements de l'Église; il peut être levé par l'évêque, et même, lorsqu'il est personnel, par le prêtre confesseur.
INTERIM. On a donné ce nom à 3 traités, conclus ou imposés par les puissances, pour établir un mode de vivre, une tolérance réciproque momentanée entre protestants et catholiques, jusqu'au jour où leurs différents seraient aplanis, ou leur position réglée par une convention franchement acceptée de part et d'autre. Le premier, rédigé par Bucer, Gropper et de Pfllick, porte le nom de Ratisbonne, parce qu'il servit de base aux négociations engagées dans cette ville, du 27 avril au 22 mai 1541, lesquelles n'aboutirent pas. Le second, dit d'Augsbourg, imposé par Charles-Quint, 1547, n'était guère, en attendant la décision du conc. de Trente, qu'une soumission provisoire déguisée à l'autorité de Rome, mais concédant aux luthériens le mariage des prêtres et la communion sous les 2 espèces. Il ne satisfit naturellement personne. Le 3mc? dit de Leipzig, ou de Celle, 1548, provoqué par Maurice de Saxe, maintint davantage la base évangélique, mais accepta les formes de culte catholique et souleva une violente opposition. Les trois d'ailleurs ne durèrent qu'aussi longtemps que les princes les imposèrent.
INTERSTICES. On nomme ainsi en style canonique les intervalles de temps qui, dans la collation des ordres, doivent être observés avant de passer d'un degré au degré supérieur, et qui sont regardés comme nécessaires pour qu'on puisse constater l'aptitude du candidat. Les 4 ordres moindres peuvent être conférés en un seul et même jour, mais pour passer de là au sous-diaconat, le conc. de Trente exige un interstice actif d'au moins un an.
INTROÏT, ou entrée, ouverture, introduction; prière qui se dit au commencement de la messe, et qui se compose d'antiphonies bibliques et de versets de psaumes, variant suivant les diverses époques de l'année ecclésiastique. Dans le rituel grégorien, l'introït est précédé du Confiteor, ou Conf. des péchés.
INTRONISATION, installation solennelle des papes et des évêques; quelquefois la somme qu'il faut payer pour être mis en possession.
INTRUSION, intervention illégale dans l'administration d'un bénéfice ou dans des fonctions auxquelles on n'a aucun titre. On donne p. ex. le nom d'intrus à des ecclés. appelés par le peuple à desservir des paroisses que l'évêque prétend être de son ressort, mais cette appellation, comme injure, peut être réciproque.
INVESTITURES (Querelle des). On appelle investiture l'acte par lequel l'autorité compétente transmet à un évêque, ou à un abbé, certaines fonctions et les droits qui y sont attachés. Cette transmission se fait par la remise d'insignes qui en sont le symbole. Deux siècles fnrenl consacrés au moyen âge à liquider la question de savoir qui avait le droit de conférer l'investiture, si c'était l'État ou l'Église. La querelle dura longtemps, parce que la question était mal posée. Il y avait d'un côté les bénéfices, de l'autre les fonctions, et l'on s'obstinait à ne pas les distinguer. Les biens territoriaux appartenaient aux princes; s'ils voulaient bien en faire la concession aux évêques, c'était dans les mêmes conditions que les autres fiefs, conformément à la coutume féodale et en investissant le titulaire par la remise de la crosse et de l'anneau. Mais ainsi les ecclésiastiques se trouvaient être entièrement dans la dépendance du souverain. Grégoire VII comprit le premier ce qu'il y avait d'anormal dans cette situation et il résolut d'y mettre ordre, mais il passa à l'autre extrême, el il ne comprit pas qu'en renonçant aux charge* il était juste qu'il renonçât aussi aux bénéfices. Pour commencer la lutte il avait un prétexte tout trouvé dans le fait qu'Henri IV d'Allemagne avait investi des fonctions épiscopales des hommes qui en étaient notoirement indignes et qui n'avaient ambitionné ces charges que pour le profit qu'ils en espéraient. La puissance royale était trop solidement établie en France et en Angleterre pour qu'on pût espérer d'y réussir sans luttes, mais il commença par l'Allemagne et les circonstances le servirent à souhait. Il fait adopter au conc. de Rome 1075 sa maxime qu'un prince temporel ne peut investir à aucune charge spirituelle. Victor III et Urbain II agissent dans le même sens; ce dernier à Clermont rouvre les hostilités contre Henri IV à l'instigation de ses fils. Pascal II, à Bénévent 1108 et à Latran 1110, affirme les mêmes principes, mais Henri V l'oblige à lui abandonner l'investiture par la crosse et l'anneau; ayant voulu rompre en 1112 cette convention et ayant excommunié l'empereur, il expie sa hardiesse et il est chassé de Rome. Enfin pour clore un conflit où chacun avait à moitié raison, le Concordat de Worms 1122, sous Calixte II, décide que l'élection des évêques sera faite par le clergé sous la surveillance de l'empereur, et que l'investiture aura lieu pour le temporel par l'emp, avec le sceptre et l'épée, pour le spirituel, par le pape avec la crosse et l'anneau. Lo-thaire III ayant admis 1125 que la consécration papale eût lieu avant l'investiture impériale, celle-ci perdit bientôt beaucoup de son importance.
IONA ou Icolmkill, île du groupe des Hébrides, qui fut pendant de longues années le champ d'activité de Colomba. Elle s'appelait primitivement Junio-tan-Druidneath (Ile des Druides). Les anciens auteurs l'appellent souvent Ji (l'Ile); après Colomba elle a été connue sous le nom de Ji-Cholums-Chili (Ile de la Cellule ou du Cimetière;de Columba), qui est devenu Icolmkill. Enfin le nom sous lequel on la désigne le plus ordinairement, Iona, vient de Ji-shona (Ys en gaélique ne se prononce pas) l'Ile sainte. Elle est située entre le 56e et le 57« de latitude N. au S.-O. de l'île de Mull, à env. 60 kil. du point le plus rapproché de l'Écosse. Elle a 5 kil. de long sur 2 !/« de large; '/» de sa super-licie est cultivé, le reste est couvert de rochers, de prairies naturelles ou de bruyères. Le premier nom de l'île, ainsi que des ruines qui subsistent encore, portent à croire que les druides y avaient fondé un collège comme dans d'autres îles, entre autres à Ànglesey. Chassés par les Romains de la Gaule et d'autres contrées, ils avaient trouvé un abri dans ces îles. Ils étaient encore à Iona lorsqu'en 563-564 Colomba y aborda avec 12 de ses amis dans un currach ou bateau d'osier recouvert de peaux. Les druides et les indigènes leur firent un accueil assez hostile, mais peu à peu l'opposition cessa; l'île fut donnée par le roi des Pietés au religieux qui y fonda un monastère: Colomba n'était pas moins savant que pieux et le monastère ne tarda pas à acquérir une grande réputation; de partout on s'y rendait et, de cette petite île, des hommes pleins de zèle et de foi allèrent répandre la lumière de l'Évangile et les bienfaits de la civilisation parmi les tribus ignorantes des Pietés, des Celtes et des Saxons. Les moines ne se bornaient pas à l'étude, à la méditation et à la prière; ils se livraient aussi à des travaux manuels, entre autres à la culture des champs et des jardins; ils mangeaient les fruits de leurs propres arbres, et leurs granges regorgeaient du grain qu'ils avaient eux-mêmes récolté. Par là ils donnaient un exemple à leurs voisins, et par les semences qu'ils donnaient aux indigènes, ils aidaient à la propagation de la culture dans leur propre ile et aux environs. Comme l'île appartenait à Colomba, celui-ci avait pris les dispositions nécessaires pour y assurer le maintien de la plus stricte moralité; aucune personne dont la réputation ne fût pas absolument pure ne pouvait y mettre le pied; les femmes, et même, chose bizarre, les vaches étaient exclues de cette terre sainte. Les Culdées q. v. conservèrent les institutions de Colomba, mais comme le mariage ne leur était pas interdit, ceux d'entre eux qui étaient mariés habitaient une ile voisine, et ne se rendaient au monastère que lorsque leurs devoirs les y appelaient. Après Colomba les culdées maintinrent intacte la jré-putation de l'île et du couvent; leur bibliothèque était célèbre et ils continuèrent de former des missionnaires. Ce ne fut qu'au bout de longues années que Rome put y faire sentir son influence, vers 718, et il fallut beaucoup de temps et des persécutions pour que cette influence l'emportât, car il y a des raisons de croire qu'au 13®e siècle des culdées se trouvaient encore dans Iona. Vers 794 eut lieu une invasion des Normands sur la côte 0. de ces îles; cette attaque ne fut que le prélude d'autres plus violentes. A plusieurs reprises Danois ou Normands débarquèrent dans Iona, pillèrent et brûlèrent des habitations et parfois tuèrent des moines. On possède les annales de Iona jusque vers 1100, époque à laquelle les culdées comme corps furent remplacés par des moines bons catholiques qui introduisirent peu à peu dans l'île les usages de Rome. De cette époque environ date la fondation d'un couvent de nonnes dont on voit encore quelques ruines. Lorsque les Hébrides et Man furent constituées en diocèse, Iona y fut comprise et devint le siège de la cathédrale. Vers 1560 un acte du Parlement écossais fut passé, en vertu duquel les cloîtres et les églises abbatiales devaient être démolis; en conséquence Iona eut à souffrir, ainsi que son égl. et son couvent. En 1635, Charles l** fit réparer la cathédrale et alloua à l'évêque pour cet objet 400 livres sterling (10,000 fr.). Auj. des pasteurs écossais sont fixés dans l'île et le niveau moral des habitants s'est élevé. De nombreux étrangers viennent chaque année pour en visiter les ruines. On en fait remonter plusieurs au temps de Colomba, mais alors on ne bâtissait qu'en bois et en chaume, et il y a sans doute des siècles que les cabanes du saint et de ses moines ont disparu. La plus ancienne de celles qui subsistent, celle de la chapelle d'O-rain, date sans doute du 12™ siècle; elle est dans le cimetière d'Orain, ainsi nommé d'un des compagnons de Colomba. La chapelle du couvent de nonnes ne doit pas remonter plus haut que le 12me siècle puisque jusqu'à cette époque les culdées interdisaient l'accès de leur île aux femmes. Le principal édifice est auj. la cathédrale bâtie à différentes époques, du 13®e au 14®e siècle; la tour, haute de 20 mètres, est encore debout, ainsi que beaucoup de colonnes sculptées et ornées de bas-reliefs. A une époque l'île était littéralement couverte de croix; il en reste encore un certain nombre, remarquables par leur ancienneté et leurs dimensions, mais le reste a été dispersé ou détruit après la Reformation, ou transporté dans différents endroits de l'Écosse. On trouve aussi beaucoup de tombeaux recouvrant, les uns, les cendres de rois d'Islande, d'Écosse ou de Nor-wège, d'autres des chefs de clans écossais, d'ecclésiastiques distingués, etc.
IRÈNE, impér. d'Orient, née à Athènes de parents pauvres, mais douée d'une rare beauté et de talents non moins remarquables. Copronyme la donna à son fils qui fut depuis Léon IV, 769. Elle aimait les images et sut engager son mari à se modérer dans la campagne entreprise contre elles par L. l'Isaurien. Cependant elle empoisonna son mari, 780, qui plein de confiance en elle, lui laissa la tutelle de leur jeune lils Constantin VI. Celui-ci devenu majeur 790 11 relégua dans un château fort, soit qu'il redoutât son ambition, soit à cause de ses insuccès contre les Sarasins, soit à cause de la position qu'elle avait prise au conc. de Nicée en faveur du culte des images. Elle obtint cependant de revenir à la cour, et en 797 elle ressaisit le pouvoir et fit crever les yeux à son fils. Elle lit, dit-on, offrir sa main à Charlemagne pour assurer l'union des deux empires. Mais détrônée
802 par Nicephore, elle fut bannie dans l'île de Lesbos, et réduite à filer pour gagner sa vie. f
803 dans la misère. Les grecs l'ont canonisée.
IRÉNÉE lo docteur de l'Église. Né à Smyrne
vers 120 ou 140, il fut amené à Lyon par des circonstances qui ne sont pas connues et se voua au ministère au milieu des plus effrayantes persécutions. Pendant les discussions mon-tanistes son égl. l'envoya à Rome auprès d'É-leuthère. Il fut aussi délégué vers les chrétiens d'Afrique, pour les encourager en leur portant une lettre de leurs fr. de Lyon, mais il n'y a aucune trace qu'il ait fait ce voyage. C'est peut-être la mort de Pothin qui l'en empêcha, en l'obligeant à prendre sa place comme évêque. Il se distinguait par des connaissances étendues, par un grand zèle pastoral et par un esprit doux et paisible. Une tradition douteuse lui fait subir le martyre sous Sévère, 28 juill. 202 Appartenant à l'Orient par sa naissance et à l'Occident par son ministère, il était bien placé pour concilier des églises divisées au sujet du jour de la célébration de la Pâque; il écrivit à Victor de Rome et réussit à ramener la paix et une tolérance réciproque. Son principal ouvrage, que Ton ne possède plus qu'en latin, est intitulé: Adversus hœreses libri V; il est dirigé contre les gnostiques, qui avaient répandu leurs idées dans les Gaules, surtout contre les marcosiens. Il combat l'idée de l'accommodation. Il était millénaire. Il fit prêcher l'Évangile de Valence à Besançon. — Œuvres, publ. par Massuet,
Paris 1710; Venise 1734. Vie par l'abbé Prot, 1843.
2<> Irénée, Christophe, disciple de Flacius et l'un de ses plus ardents représentants; pasteur à Eisleben 1566, puis à Weimar, à Neustadt sur TOrla, à Horn en Autriche; fut généralement mal vu à cause de l'exagération de sa polémique.
IRÉNIQUE, partie de la dogmatique, ou disposition d'esprit et de cœur, qui tend à rechercher dans tous les systèmes religieux l'explication des différences qui les séparent, et à s'attacher aux points qui les unissent, de manière à assurer autant que possible la paix confessionnelle.
IRLANDE. Le christianisme y fut introduit déjà vers la moitié du 2J siècle, et fut apporté d'Orient; au 4*ne siècle on y voit des écoles et des couvents qui envoient de nombreux missionnaires. Mais c'est à saint Patrick, q. v. qu'il faut rattacher l'évangélisation et la conversion de toute l'île 432. L'Égl. conserva longtemps sa constitution et ses coutumes particulières, même sous la domination danoise au 9*** siècle, el ne se soumit à la discipline de Rome qu'au synode de Drogheda 1152. Le zèle missionnaire des moines irlandais est célèbre. A côté de Patrick l'île reconnaît comme patronne sainte Brigitte. Adrien IV fit cadeau de l'Irlande à Henri H d'Angleterre, qui en commença l'occupation et la conquête 1175. La Réforme y trouva peu d'écho, en dépit des efforts de l'archev. G. Brown, ï>arce que Henri VIII, et surtout Édouard VI et Élisabeth prétendaient introduire non seulement la liturgie, mais aussi la langue anglaise dans le culte. De continuelles émeutes, fomentées et payées par les jésuites, furent réprimées avec une rigueur toujours croissante A la suite de la convention de 163i, qui vota les 39 articles, eut lieu le soulèvement de 1641, dans lequel 40,000 protestants furent égorgés et que Cromwell réprima 1649 avec la plus impitoyable énergie. L'Irlande ayant pris parti pour Jacques II, les catholiques furent privés de leurs droits civils 1727, et les orangistes travaillèrent ouvertement à la suppression de l'Égl. catholique. A partir de 1778 la législation s'adoucit; non seulement les cathol. peuvent célébrer en paix leur culte, mais des droits civils leur sont rendus, entre autres celui d'acquérir des terres. En 1782 ils obtiennent un parlement indépendant. L'union catholique de 1791 obtient davantage encore. En 1795 ils fondent le séminaire de Maynooth. Mais, encouragés par la France qui devait cependant peu les aider, ils s'insurgent de nouveau et perdent d'un coup tout ce qu'ils avaient gagné; les échafauds se relèvent. En 1800 le parlement anglais décrète l'union définitive des deux pays et met l'Égl. épiscopale d'Irlande sur le même pied que celle d'Angleterre. Une grande association cathol. se forme en 1802, qui n'a cessé dès lors de revendiquer tous les droits, l'émancipation catholique et même le rappel de l'union. Elle a obtenu l'émancipation en 1829, sous le ministère de Robert Peel. L'Égl. épiscopale a 2 archev., Armagh et Dublin, et 8 évêques, pour à peu près 2 millions de protestants. L'Égl. catholique a 4 archev., 24 év. et 3000 prêtres pour 5 millions de catholiques. L'Église anglicane, en sa qualité d'Église établie, a longtemps joui de toutes les faveurs de l'État: elle touchait même les revenus des biens ecclésiastiques du pays, détournés de leur destination depuis la Réforme. Cette injustice, qui était l'un des principaux griefs des Irlandais, a disparu en 1869 par le déséta-blissement, c.-à-d. par l'abolition de l'Égl. anglicane d'Irlande, sous le ministère Gladstone. Cette mesure, dont plusieurs craignaient qu'elle ne fût fatale, n'a porté que de bons fruits, et l'Égl. épiscopale, réduite à ses seules ressources, est plus prospère, plus active, plus vivante que lorsqu'elle jouissait de trésors mal acquis.
IRRÉGULARITÉS. En style canonique ce sont les circonstances qui peuvent rendre un homme inapte à remplir certaines fonctions. Elles sont de deux sortes. Les unes proviennent d'une lacune, d'un défaut, de quelque chose qui manque, ex defectu: ainsi défaut d'âge, infirmité corporelle, manque de science, de foi, de liberté morale pour prendre un engagement; manque de douceur (celui qui a tué un homme ne peut aspirer à la prêtrise); défaut quant au sacrement (l'homme marié deux fois); illégitimité de la naissance; mauvaise réputation. Les autres ex delicto, proviennent d'un crime ou délit quelconque notoirement constaté, ou d'une faute, même cachée, commise contre l'Égl. ou contre la foi. Le pape peut relever de toutes, les évêques de plusieurs irrégularités. Cette énu-mération des vices redhibitoires s'est faite au fur et à mesure des besoins. L'Égl. grecque s'en est tenue aux prescriptions apostoliques, 1 Tira. 3, 1. 5, 22. Tite 1, 6. sq. L'Égl. évangélique juge dans chaque cas particulier, sans avoir fait une classification spéciale des causes d'indignité. Là où le peuple nomme ses conducteurs spirituels, l'élection supprime de fait les irrégularités ex defectu.
IRRÉLIGIOSITÉ, disposition tantôt intellectuelle, tantôt morale, à repousser non seulement l'autorité de Dieu et de sa parole, mais toute idée religieuse, tout élément chrétien ou même déiste, toute intervention d'une puissance supérieure dans les pensées, dans les actes et dans les circonstances de la vie, soit comme règle et direction, soit comme providence. Souvent il arrive que celui-là même qui ne croit pas en Dieu, le hait comme s'il existait.
IRVING, Édouard, cél. prédicateur écossais, né 15 août 1792 à Annan, Dumfries; suffragantde Ghalmers à Glasgow 1819, et depuis 1822 prédicateur et pasteur d'une égl. écossaise à Londres. Ses talents exceptionnels et sa profonde piété le rendirent bientôt populaire. Il étudiait surtout l'Apocalypse, et en voyant le triste état de la chrétienté, il se convainquit de la nécessité et bientôt de l'imminence d'une nouvelle effusion du Saint-Esprit. Le bruit se répandit en 1830 que le don des langues et de la prophétie s'était reproduit en Écosse, el il ne tarda pas à se manifester aussi dans sa congrégation, surtout parmi les femmes, accompagné d'extases et de mouvements convulsifs. Dans les sons rauques et dans les paroles souvent incohérentes articulées par ces personnes, Irving crut reconnaître les langues étrangères, et il fut fortifié dans cette conviction par le fait de guérisons miraculeuses qui les accompagnèrent en diverses circonstances et qui ne pouvaient être niées ni expliquées. A la suite de manifestations irrégulières et désordonnées qui eurent lieu pendant la célébration du culte, il fut suspendu par l'Égl. d'Écosse. Il organisa immédiatement une nouvelle congrégation dans une chapelle particulière, et se crut autorisé à la constituer sur le modèle de l'Égl. apostolique, en y introduisant les charges d'anges, de prophètes, d'apôtres, d'évangélistes et de docteurs qui sont mentionnées dans le N. T. f 1834. Son église lui survécut, sans doute à cause des éléments de vie et de^vérité qu'elle renfermait, et elle se constitua sur la base d'une hiérarchie rigoureuse avec une foi entière à une nouvelle effusion de l'Esprit de Dieu. Il se forma ainsi à Londres même sept églises, et elles envoyèrent des missionnaires dans toute la chrétienté. Avec ce mélange de bien et de mal, d'aspirations justes et d'exagérations enthousiastes, de piété et de moyens humains, elles firent un moment de nombreux prosélytes en Allemagne, en Suisse, en France, même parmi les hommes les plus considérables et les plus estimés, tels que le prof. Thiersch. Mais ce mouvement dura moins qu'on ne s'y attendait; il fut arrêté, moins par les objections et le dédain de ses adversaires que par ses propres fautes et lacunes et par la difficulté de trouver partout des anges, des apôtres et des prophètes. Il en reste cependant encore ci et là quelques faibles débris, v. Bost, Mémoires II, p. 166. Guers, Irving et l'Irvin-gisme.
ISAAC Ier. dit le Grand, v. Sahak.
ISAGOGIQUE (Introduction), étude préparatoire à la lecture de la Bible en général et de chacun de ses livres en particulier. Elle comprend la date et les circonstances de leur composition, la détermination de l'auteur, l'authen-
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ticité, la langue et toutes les questions qui se posent, pour en fixer le sens, la signification, la valeur et l'autorité. — Manuel de la Bible, par Angus, trad. de l'anglais. Michaélis, Hâvernick, Gellérier, Chenevière, etc.
ISIDORE 1° moine de Péluse, disciple de Chrysostome, vécut au 4®e siècle et au commencement du 5me; sa vie est peu connue; il se distingua principalement sous Théodose-le-Jeune, 431. Retiré dans un cloître, il jouit cependant d'une grande célébrité à cause de sa piété, de son éloquence et de sa charité. Il se fit remarquer par une indépendance d'esprit rare dans son temps. Tout en combattant le paganisme, il montre le profit qu'on peut tirer des ouvrages païens. Il reste de lui 2,000 lettres distinguées par l'élégance, l'onction, le bon sens, l'esprit et la concision. Les plus remarquables sont celles sur l'Écriture sainte. Il paraît avoir vécu jusqu'à un âge fort avancé.
2° Isidore Mercator, ou peccator, pseudonyme de fauteur qui a écrit la préface des décrétales faussement dites d'Isidore. On l'a confondu à tort avec le suivant.
3° Isidore de Séville, né vers 560 à Carthagène, dont son père était gouverneur, succéda 501 à son fr. comme év. de Séville et présida en cette qualité les synodes de Séville 619 et de Tolède, f 636. Par ses talents et sa piété il fut le théol. espagnol le plus érninent de son temps, et ses écrits ont encore de la valeur, malgré les critiques fondées auxquelles ils ont donné lieu. Les principaux sont: un Traité des écrivains ecclés., des Extraits de Grégoire et d'Augustin, une Chronique de l'hist. du monde depuis Adam, une Hist. des rois des Gétes, 20 livres des Origines et des étymologies, et des Comment, sur l'A. T.
4° Prêtre et hospitalier d'Alexandrie, persécuté pour son attachement à Athanase, + 414.
5<> Laboureur, f 1170; canonisé patron de Madrid.
ISLAMISME, v. Mahomet.
ISLANDE, Eisland, île de glace, que ses premiers explorateurs avaient déjà nommée Snia -land, ou Schneeland, île de neige, et dont Adam de Brème fait une description remarquablement exacte pour son temps. Elle fut découverte vers 870, mais doit avoir été connue à des époques anté-rieures,caron y trouva des traces d'établissements chrétiens. C'est le pirate irlandais, Nadod, qui le premier la fit connaître aux Norwégiens; le pirate Floke s'y rendit à son tour pour l'exploiter, et il fut suivi d'une multitude de gens qui, mécontents de leur roi Haarfager, vinrent peupler cette île et s'y constituèrent en république 870-930. Ils adoraient Thor, mais sans fanatisme; quelques-uns adoraient le créateur et le maître du soleil. Voyageant beaucoup, ils furent mis en relation avec des chrétiens. Audur, princesse irlandaise, veuve, vint se fixer en Islande avec sa famille et une trentaine d'autres chrétiens: ils dressèrent des croix partout, mais faute de pasteurs et de missionnaires la seconde génération retomba dans le paganisme. Le premier essai d'évangélisation fut fait par un ancien pirate, Thorwald fils de Kodran, qui avait été converti chez les Saxons par le moine ou prêtre Fredrich. Ils partirent à deux pour l'Islande 981 et construisirent en 984 un premier temple. Malgré divers échecs ils se présentèrent à la diète et proposèrent au peuple d'embrasser le christianisme; mais on les menaça, on les tourna en ridicule, et Thorwald se vengea en tuant quelques scaldes. Ce fut la fin de la première mission. Thorwald fut proscrit et alla mourir à Constantinople, dans un couvent qu'il avait fondé et dont il était l'abbé. Fredrich retourna tristement dans son pays. En 996 Olaf Trygwe-son fit une nouvelle tentative; il envoya Steffner en Islande, mais celui-ci n'ayant pas réussi par la persuasion voulut essayer de la violence pour renverser les idoles, et se fit expulser du pays. En 997 Thangbrand le remplace; il obtient quelques succès, mais deux scaldes ayant fait des satires contre lui, il en assomme un et doit retourner en Norwège 999. Nouvelle mission de Hialte et de Gissur, qui partent avec le prêtre Thormod et quelques missionnaires, l'an 1000. et qui obtiennent enfin de la diète la même année la reconnaissance du christianisme comme religion de l'île, moyennant quelques réserves en faveur des idolâtres, réserves qui furent retirées en 1019. Le premier évêque, Isleif. consacré par Adalbert de Brème, fut nommé 1056 et se fixa à Skalholt; en 1105 un second évêché fut érigé à Holum, ou Holar. La Bible fut bientôt traduite, ou paraphrasée dans la langue du pays. Brochenhuus dit avoir vu en 1567 une traduction qui devait avoir été faite 300 ans auparavant, et Henderson qui visita l'Islande en 1715 assure que c'est au 13®e siècle que se fit le premier essai d'une trad. de la Bible. Ce travail était nécessairement imparfait, souvent abrégé, parfois enrichi de légendes ou d'homélies. La Réformation eut à la refaire en entier. Ottur Gottschalk publia le N. T. en 1540; l'év. Thorlaksson, la Bible entière en 1554. L'Islande avait traversé des crises nationales et politiques diverses, une révolution la soumit à la Norwège en 1261; l'union de Calmar la soumit au Danemark 1397, et lorsque celui-ci eut décide en 1536 d'adhérer à la réforme, ce décret de la diète fut également applicable à l'Islande; à cette époque la religion personnelle ne comptait pour ainsi dire pas. L'év. de Skalholt, vieux, aveugle, soupçonné d'un meurtfe, Oegmuml Palsson, se démit en faveur de Gizur Einards-son, qui avait étudié à Wittenberg et qui appartenait à la Réforme. Martin, successeur de Gizur, trouva un ennemi acharné dans Jon, év. catholique de Holar, qui le fit mettre même en prison; mais Jon fut à son tour incarcéré et jugé pour crime de haute trahison 1550; dès lors la Réforme ne rencontra plus d'obstacles.
ITALA ( Vêtus), la vieille version italique. Au 2®* siècle la Bible était déjà trad. en latin, comme on le voit par des citations de Tertullien et de Cyprien. Mais n'y avait-il qu'une version latine, comme le dit Jérôme, ou y en avait-il plusieurs, comme l'assure Augustin et comme cela semble ressortir des différences qu'on remarque dans les citations? Les dernières recherches sont en faveur de la version unique; elle -aurait été faite par divers auteurs qui se seraient partagé le travail, et leurs différentes traductions revues ensuite par d'autres, corrigées, amendées, interpolées, auraient présenté sous le même nom d'Itala la seule version authentique, mais si altérée dans la plupart des exemplaires, que Jérôme se serait décidé à entreprendre la nouv. version, qui s'appelle auj. la Vulgate.
ITALIE. Lorsque saint Paul arriva à Rome il y trouva déjà une petite assemblée de chrétiens, mais on ignore quand et comment l'Évangile leur avait été annoncé; on suppose que ce fui par des fidèles, négociants, soldats, ou évan-gélistes, venus de Grèce ou d'Orient. La même obscurité règne sur la propagation du christianisme dans le reste de l'Italie, mais il est probable que, du moins pour une grande partie du pays, le mouvement partit de Rome, et que vu l'importance particulière qui s'attachait naturellement à la personne des pasteurs de la métropole, leur influence fut décisive pour l'organisation des nouvelles Églises. L'invasion des barbares se fit sentir en Italie plus qu'ailleurs, et la fondation d'un royaume lombard put seule rendre à l'Église un peu d'ordre et quelque sécurité. Mais les Carlowingiens, menacés par ce nouveau royaume, crurent politique de lui opposer une digue en créant au cœur même de l'Italie une puissance rivale, sous le nom d'États de l'Église, avec Rome pour capitale et l'évêque pour souverain. En dénaturant ainsi le caractère même de l'Église et en en faisant un pouvoir temporel, ils lui portèrent, sans l'avoir prévu, un coup fatal. De ce moment le clergé se trouva engagé dans la politique, et toutes les places et fonctions, depuis les plus humbles jusqu'à la plus élevée, servirent de moyen ou d'échelon pour atteindre un but, pour obtenir des résultats complètement étrangers à la vraie mission de l'Église. La moralité et la piété en reçurent une rude atteinte, et les pompes les plus brillantes d'un culte fastueux ne réussirent qu'à peine à gazer un peu ce qui se cachait de grossières superstitions, de passions mondaines et de visées ambitieuses sous les riches oripeaux d'une dévotion puérile et tout extérieure. La Réformation n'exerça en Italie qu'une influence passagère. Et cependant les plaies de l'Égl. avaient été reconnues et déplorées par les hommes les plus éminents et les plus capables d'y porter remède. Une ligue s'était formée sous Léon X pour renouveler et pour sauver l'Église; elle se composait de 80 hommes, qui plus tard abandonnèrent une entreprise impossible, Cajetan, Caraffa, Contarini, mais dont la tentative reste la preuve du profond besoin de réformes qu'on éprouvait alors. A Venise des hommes animés des mêmes intentions se groupaient autour de Reginald Poole et de Flaminio. L'apparilion de Luther en un pareil moment ne pouvait manquer de faire sensation; ses écrits et ceux des autres réformateurs furent accueillis avec avidité, lus, répandus en grand nombre, et lorsque l'autorité relig. prit l'éveil et voulut les poursuivre, on continua de les traduire et de les publier, mais sous des noms d'emprunt; ainsi les Loci de Mélanchthon, le catéch. de Luther, l'institution de Calvin, divers écrits de Bucer, de Zwingle, etc. Les Italiens eurent aussi leur littérature évangélique, dont le plus brillant specimen est l'ouvrage de Paleario: le Bienfait de la mort de Christ. Partout où il se rencontrait un homme d'intelligence et de cœur attaché à la Réforme, il devenait le centre d'une petite congrégation évangélique: Lupertini, Fla-cius, Altieri à Venise; Renée à Ferrare, Ricci à Modène, Mollio et de Planitz, ambassadeur de Saxe, à Bologne; Valdez, Vermigli, Occhino à Naples; Vergerio en Istrie, etc. Mais ce protestantisme italien n'était pas de force à résister aux ennemis de tous genres qui allaient fondre sur lui. Non seulement la protection de l'autorité lui faisait complètement défaut; non seulement il ne se recrutait guère que dans les classes lettrées, ce qui lui ôtait toute action sur le peuple; mais encore les divisions entre les Suisses et les Allemands sur la cène jetaient de l'hésitation dans ses rangs, et surtout la réserve des Allemands vis-à-vis du mouvement italien, dont les chefs principaux avaient une tendance unitaire prononcée, arrêtait et paralysait ceux qui auraient pu ou voulu agir. Un moment on crut que Paul III, pour éviter un mal plus grand, allait faire quelques concessions à l'esprit nouveau, et Contarini fut délégué par lui àx la conférence de Ratisbonne, mais l'influence de Caraffa prévalut. On comprit bien vite que la première concession serait une limitation des pouvoirs de la curie, et laissant là les pourpar-ler, on décida d'agir énergiquement et d'employer tous les moyens pour l'extirpation du protestantisme. En 1542 l'Inquisition s'établit k Rome avec des pleins pouvoirs. En 4543 paraît le premier index des livres défendus. Sous Caraffa le saint office étend partout ses mains cruelles; Renée de Ferrare est impuissante à protéger ses amis; le sénat de Venise lui-même doit plier. Beaucoup s'enfuirent, beaucoup périrent dans les prisons, sur Péchafaud, sur les bûchers; un plus grand nombre furent forcés d'abjurer. Les persécutions redoublèrent encore lorsque Caraffa fut monté sur le trône pontifical 1555, et sous ses successeurs Pie IV et Pie V. La curie put alors savourer en paix son triomphe, l'hérésie était vaincue. Les États s'inspirèrent de ce même esprit d'intolérance et de haine contre l'Évangile, et leurs diverses législations se rencontrèrent pour proscrire la Bible et toute manifestation religieuse. Le 19siècle encore a vu les persécutions des vaudois du Piémont. Rome, Naples, Florence ont rivalisé avec Turin. Les noms de Madiaï, de Guicciar-dini, d'Achilli, de Mortara rappellent ces persécutions, mais ils sont le dernier écho du vieux régime. Le jour où l'Italie a repris conscience d'elle-même sous le sceptre d'un roi galant homme et loyal observateur de la foi jurée, elle est devenue intelligente et tolérante. Les vaudois ont solennellement inauguré leur culte à Turin; le père Passaglia, et d'autres avec lui, se sont prononcés contre le jpouvoir temporel et pour une réforme de l'Eglise; les hommes d'État ont proclamé la liberté des cultes; les vaudois ont multiplié leurs égl., leurs écoles et leurs stations missionnaires. D'autres Italiens, De Sanctis, Mazzarella, Guicciardini, rêvant pour leur pays une organisation évangélique plus en rapport avec son tempérament, travaillent de leur côté à fonder sur la base biblique une Égl. véritablement italienne. Les Anglais, les Français, les Américains de toutes les dénominations, fondent des Églises, ouvrent des écoles, et constatent partout que la liberté en Italie n'est pas un vain mot. Leurs seuls adversaires sont, d'une part le clergé, de l'autre l'apathique indifférence d'un peuple qui a été habitué depuis trop longtemps à ce que d'autres pensent pour lui et lui fournissent une religion facile et toute faite. — v. Mac Crie, Erdmann, Witte 1861, Nitzsch 1863, J. Bonnet, etc.
Bibles italiennes. La version la plus estimée est celle de Jean Diodati, de Lucques, prof, de théol. k Genève. Il en avait paru une avant lui, de Bruccioli, Venise 1530, et une plus ancienne encore, du camaldule Nicolo di Malermi, Venise 1471, faite d'après la Vulgate et à l'aide d'autres versions plus anciennes; mais elles sont inférieures pour le style et même pour l'exactitude à celle de Diodati.
ITHACIUS, év. de Sossuba. Chargé de mettre à exécution le décret du conc. de Sarragosse contre Priscillien, il en appela k l'empereur, et obtint de Maxime que Priscillien fût exécuté comme hérétique, après qu'il eût été déposé et condamné par le conc. de Bordeaux 384. C'est le premier antécédent pour l'inquisition.
IVO de Chartres; v. Décret.