C

 

Voyez à la lettre K les noms, surtout les noms étrangers, qui ne se trouveraient pas à la lettre C; ainsi: CABALE, v. Kabale. CAGOTS, v. Caqueux.

 

CAINITES, une des branches des Gnosti^ues Ophites, q. v. C'étaient de fanatiques antino-miens, pleins de haine pour le Dieu de l'A. T. Ils aimaient tous ses ennemis, depuis Caïn jusqu'à Judas Iscariot.

 

CAIUS lo év. de Rome 283-296; n'est connu que par le faux martyrologe de sainte Susanne et par une fausse décrétale citée par Har-douin I, 209.

2° Presbytre romain, vécut du temps de Tév. Zéphyrin et sous Caracalla. Photius l'appelle l'év. des Gentils, et Eusèbe: un homme très éloquent II écrivit contre les montanistes, et se montra l'adversaire décidé du chiliasme, reprochant même à Cérinthe d'avoir trompé le monde avec l'Apocalypse de Jean pour accréditer sa doctrine du règne de mille ans. Il ne dit cependant pas que l'Apocalypse soit l'œuvre â? Cérinthe.

 

CAJETAN, lo de Thiène, v. Théatins. — 2o Jacques de Vio, né 1469 à GaBte, d'où son nom de Gaétan, ou Cajetan, prit aussi le prénom de Thomas, en l'honneur de son maître Thomas d'Aquin. Il entra à l'âge de 16 ans dans l'ordre des dominicains, où ses grands talents, son érudition et sa conduite sans reproche lui méritèrent uu rapide avancement. En 1508 il était nommé général de l'ordre, en 1517 cardinal. Déjà au concile de Pise 1511 il avait défendu l'autorité absolue du pape; il rendit encore de grands services à Jules H pour la convocation d'un concile ultramontain à La Iran 1512. Envoyé comme légat en Allemagne à l'occasion de la guerre des Turcs il assista à l'élection de Charles-Quint à Francfort, à l'élection d'Adrien VI, aux affaires de Hongrie, à la diète d'Augsbourg 1518, et jouit de la confiance de Clément VII jusqu'à sa f 1534. Sa dispute avec Luther ne lui fut pas inutile à lui-même; il reconnut loyalement que sur le terrain biblique l'hérétique l'emportait sur lui, et il se mit à l'étude des Écritures, sans s'en laisser détourner par rien, s'adressant à des juifs pour l'hébreu, à Érasme pour le grec, et ne craignant pas de corriger la Vulgate. Il ne rejette pas la tradition, mais sa critique est indépendante et éclairée; il rejette Jean 8, 1. sq.; il voit dans le serpent du paradis un symbole; le feu de l'enfer n'est pas matériel: il admet le divorce en cas d'adultère, la prière en langue vulgaire, et ne tient pas aux commandements de l'Eglise sur ce qu'on peut manger. Mais avec tout cela, point de principe supérieur; le pape reste le maître unique, et cela paralyse ses velléités d'émancipation. D a laissé un Comment, sur la Bible, dés Comment, sur Aristote, et divers écrits ecclésiastiques. Ses œuvres ont été publ. à Lyon 1639, mais on en a adouci les passages trop hardis. V. R. Simon, Hist. critique du N. T.

 

CALAS, Jean, né i9 mars 1698 à la Caba-rède, près Mazamet; marchand d'indiennes à Toulouse, marié en 1731 avec Anne-Rose Cabi-bel, eut 4 fils et 2 filles. Le Lonis, se fit catholique; l'aîné, Marc-Antoine, aurait voulu être avocat, mais les édite de religion ne le permettaient pas: il eut ensuite l'idée de se consacrer au ministère, mais un ami l'en dissuada, en lui disant: C'est le chemin de l'échafaud. D'un caractère mélancolique, sans état, sans avenir, et sans occupation, il devint de plus en plus sombre, se prit à rêver de suicide, et finit par se pendre à la porte du magasin de son père, le soir du 13 oct. 1761. Son frère puiné Jean-Pierre, reconduisant un ami, La Vaïsse, que son père avait retenu à souper, aperçut le premier le cadavre. Le père et la mère accourent; on fait chercher un chirurgien; les secours sont inutiles, le deuil est dans la maison, les capi-louis (conseillers municipaux) constatent le suicide, la foule s'amasse, et tout à coup une voix accuse le vieux père d'avoir étranglé son fils pour l'empêcher d'abjurer. Il n'en fallut pas davantage pour amener l'arrestation de toute la famille; y compris une vieille servante, bonne catholique, qui était dans la maison depuis 30 ans. Plus une accusation est monstrueuse, plos elle a de chances d'être admise par une population fanatisée. Les prévenus restèrent près de 5 mois en prison et furent soumis à la <{uestion ordinaire et extraordinaire. Le clergé lit tout pour monter et chauffer l'opinion. Le corps du suicidé fut exposé dans la cathédrale, orné des palmes du martyre; services funèbres, sermons, processions de cordeliers et de pénitents, mémoire de l'archevêque, apothéose, tout fut mis en œuvre. Le fils renégat lui-même chargea 9es parents, en jurant que les protestants étaient obligés d'étrangler leurs enfants infidèles (il était la preuve du contraire). Mais ni la question, ni les mauvais traitements, ni la durée de la détention ne purent ébranler aucun des prisonniers; La Vaïsse lui-même et la vieille servante restèrent fidèles à la vérité. Enfin le 9 mars 1762, malgré la belle défense de l'avocat Sndre, Calas fut condamné par la Chambre de la Tournelle (8 voix contre 5), à 4*tre rompu vif, puis son corps livré aux flammes. L'exécution eut lieu le lendemain et le vieillard souffrit huit heures avec une fermeté <kmce et chrétienne qui arracha des larmes à plusieurs de ceux qui avaient demandé sa mort. En vain, d'une voix paterne, le dominicain chargé de l'accompagner le supplia d'avouer son crime. Calas ne cessa de protester de son innocence. Une réaction se faisait dans l'opinion publique, et les juges mal à l'aise n'eurent d'autre consolation que l'espoir qu'il reconnaîtrait son crime dans les tourments d'une horrible agonie;

mais cette pauvre consolation, le dominicain lui-même la leur ôta. Ils tranquillisèrent leur conscience en relâchant M1»* Calas, la servante et La Vaïsse; les deux filles furent enfermées au couvent de la Visitation: Pierre, banni, puis repris et enfermé dans le couvent des jacobins, put s'enfuir et vint à Genève où se trouvait déjà son plus jeune frère Louis-Donat. Voltaire voulut voir ces jeunes gens, et après s'être exactement informé des faits, il entreprit la campagne bien connue qui, grâce au talent dévoué de Mariette, E. de Beaumont et Loiseau de Mauléon, aboutit à la revision du procès, à la cassation du jugement, et le 9 mars 1765 à la réhabilitation de Calas par un tribunal unanime de maîtres des requêtes, jour pour jour trois ans après l'arrêt inique de la condamnation. Ses biens furent rendus à la famille, les filles furent retirées du couvent et de nombreux dons prouvèrent aux héritiers du nom de Calas que la France tenait à laver les fautes d'un tribunal fanatisé. Une délégation de ce tribunal ayant été mandée à Paris, crut s'excuser en disant k Louis XV: Sire, il n'y a si bon cheval qui ne bronche. — Un cheVal, je ne dis pas, répondit le roi, mais toute une écurie ! M^ Calas mourut à Paris en 1792. Sa fille Anne, mariée au chapelain de Hollande, Duvoisin, eut pour fils Alexandre Du voisin-Calas, secrétaire de Joseph Bonaparte f 1832. — Cette histoire tragique a inspiré Lemierre, Laya, Chénier, P. Rabaut, Court, Peyrat, Coquerel, Bungener et d'autres.

 

CALASANZA, v. Piaristes.

 

CALATRAVA (Ordre de); ordre religieux et militaire d'Espagne, fondé en 1158 par des chevaliers cisterciens auxquels Sanche III roi de Castille confia la défense de Calatrava contre les Maures. Don Gardas en fut le premier grand-maître. Alexandre III reconnut l'ordre avec de nouveaux statuts moins rigoureux. En 1487 la grand'maîtrise fut réunie à la couronne, et l'ordre n'ayant plus de raison d'être, le titre de chevalier n'est depuis 1808 qu'une distinction honorifique.

 

CALDÉRON (don Pedro délia Barca), poète dramatique espagnol, né 17 janvier 1601 à Madrid d'une vieille et noble famille, f 1687, écri vit plus de mille pièces, dont 121 comédies; fit la campagne de Flandre, puis 1652 entra dans les ordres, devint chanoine de Tolède, et ne composa plus dès lors que des pièces religieuses ou autos sacr amentales, actes sacramentaux,, tels que la Dévotion de la croix, etc. Il représente parfaitement l'esprit et le caractère de son pays, qui était alors au comble de la prospérité.

 

CALENDES (frères des), sociétés de secours mutuels et de bonnes œuvres, clercs et laïques, sous le patronage de l'évêque; organisés en Allemagne vers 1220. Leurs conférences se terminaient par un banquet, les calendes dégénérèrent et la réformation mit fin à leurs abus.

 

CALICE, mot latin, plus ordinairement traduit par coupe en français. Il s'emploie surtout en parlant de la Cène. Jésus en l'instituant dit à ses disciples: Buvez en tous, Matt. 26, 27. L'institution fut respectée jusque vers la fin du 8m* siècle. On commença alors, par excès de précaution, à se servir de tuyaux, de chalumeaux, de brins de paille, pour boire le vin de l'eucharistie; puis on l'interdit complètement aux enfants; enfin, grâce à la doctrine scolastique de la concomitancey on finit vers la fin du 12®® siècle, par retirer la coupe à tous les laïques, sauf quelques exceptions en faveur des princes. Ce fut une innovation malheureuse, et peu de questions troublèrent davantage l'Égl. romaine. Elle servit de prétexte aux réclamations des calixtins. Le concile de Constance maintint le retranchement de la coupe; celui de Bâle admit que dans certaines circonstances on pourrait céder sur ce point, et dès lors presque toutes les crises religieuses ont fait de la communion sous les deux espèces l'un des articles de leur programme. La chose Va pas même été discutée dans les Églises évangéliques, tant elle allait de soi. Quelques conciles ont examiné sérieusement la forme des calices et la matière dont ils devaient être faits; ils se sont prononcés pour l'argent ou l'or; il est évident que la chose importe peu.

 

CALIXTE lo ou Calliste év. de Rome 219; passe pour avoir été martyrisé 222. Origine et vie inconnue. On croit que c'est à lui que remonte la catacoinbe qui existe à Rome sous le nom de Saint-Sébastien; il en était peut-être le gardien.

2° Calixte II, fils de Guillaume, comte de Bourgogne; archev. de Vienne, élu pape 1118, se débarrasse de son ennemi l'antipape Grégoire VIII et le fait prisonnier. Après le concile de Reims 1119, le Concordat de Worms met fin aux querelles sur les Investitures 23 sept. 1122, en déclarant que si les princes n'ont pas le droit de conférence spirituelle, ils ont droit, après la consécration, de donner par l'investiture royale la concession de certains bénéfices, possessions, biens terrestres, etc. L'investiture ne devait donc plus avoir lieu par la crosse et l'anneau, symboles ecclésiastiques, mais par le sceptre, symbole tout civil. Concordat ratifié par le premier concile écuménique de Latran 1123, t 1124.

3° Calixte III; Jean de Strume, élu 1159 concurremment avec Alexandre III et Victor IV; antipape qui ne joua aucun rôle.

4° Calixte III, Alphonse de Borgia, espagnol, né à Xativa, près Valence, élu 8 avril 1455 à l'âge de 80 ans, f 6 août 1458. Il pratiqua le népotisme sur une grande et lamentable échelle qui le rendit impopulaire. Fort et courageux, il envoya une douzaine de galères contre les Turcs, mais sans succès durable. Il fit reviser le procès de Jeanne d'Arc par une commission, qui la déclara martyre. Les princes allemands exigent de lui qu'il reconnaisse les libertés de leur Église.

5o Calixte, Georges, théologien luthérien, né 14 déc. 1586 à Médelby, Holstein; prof, de théologie à Helmstaedt pendant près d'un demi-siècle. Il compte parmi les théologiens les plus indépendants et les plus influents de l'Égl. luthérienne, qui le regarde comme le vrai successeur deMélanchthon. Après avoir fait de bonnes études philos, et philologiques sous Casélius, il se mit à la théologie en 1607, mais en dehors de toute influence, et voyagea ensuite de 1609-1613, non en amateur, mais en travailleur sérieux et en observateur. Il visita la Belgique, l'Angleterre où il vit Casaubon, et la France; il passa un hiver à Cologne, où il vit le catholicisme de près et apprit à en distinguer les bons et les mauvais côtés. Son horizon intellectuel s'étendit, et c'est ainsi préparé qu'il pût prendre, sous les auspices du duc Ulrich de Brunswick, les fonctions de professeur dans lesquelles il se distingua par l'étendue de la science et par la clarté de l'exposition, autant que par l'esprit paisible et modéré de son enseignement, — Ses ouvrages sont nombreux, mais en général peu travaillés; ce sont pour la plupart des traités de théol., des dissertations ou des écrits de circonstance. Les luthériens stricts s'étaient déclarés ses adversaires, lui reprochant son syncrétisme, q. v. et l'accusant parfois de n'être qu'un papiste déguisé.

 

CALIXTINS, lo nom de la branche hussite La plus modérée, mais aussi la plus tiède, v. Bohême. Ils se bornaient presque exclusivement à demander l'usage de la coupe, du calice (de là leur nom) dans la Cène; ils voulaient communier sous l'une et l'autre espèce, en latin sub utrâque, ce qui les fit aussi appeler utraquiste*. Le conc. de Bâle, dans ses Compactata céda sur ce pjint, ainsi que sur quelques autres, sous l'influence de Rockyzane. Les taboristes, ne s'étant pas déclarés satisfaits des concessions bâ-loises, les calixtins finirent par se tourner contre eux et se joignirent aux catholiques pour les écraser; quelques-uns cependant comprirent que la demi-réforme octroyée n'était qu'un leurre; ils se rapprochèrent des taborites, et obtinrent du roi Podiebrad la concession du district deLitizsur les frontières de la Moravie, où un grand nombre de bourgeois, de nobles, d'ecclésiastiques, se réunirent dès 1453 pour y jouir de la liberté de conscience, sans être exposés à la tentation de recourir aux armes pour défendre leurs droits. Ce fut un des noyaux de régi, des Frères moraves.

2# Disciples de Georges Calixte, q. v.; ils essayèrent de réunir en une seule toutes les églises de la réforme; on les appelait aussi à cause de cela syncrétistes (ceux qoi travaillent à la réunion).

 

CALLENBERG, Jean-Henri, né 12 janv. 1694 dans le duché de Gotha, successivement prof, de philos, et de théologie à Halle, f 1760; est connu surtout par l'institution qu'il fonda en 1728, et qui porta son nom, pour l'évangé-lisation des juifs. C'était une espèce de séminaire des missions, avec une imprimerie hébraïque. Il envoya des missionnaires dans presque toutes les contrées de l'Europe, en Orient, et jusqu'en Afrique; dans le nombre il faut nommer Tychsen, qui fut plus tard prof, de langues orientales à Rostock, f 1816, et Et. Schulze, qui prit la direction du séminaire après la mort de son fondateur. En 1791 l'institution fut réunie aux autres établissements philanthropiques de Francke, avec une clause en faveur des étudiants juifs. Les écrits de Callenberg méritent à peine une mention; ce qu'ils offrent de plus intéressant, ce sont les récits des missionnaires auprès des juifs et des musulmans; publ. de 4728-1791.

 

CALMET (dom Augustin), né 26 févr. 1672 a Mesnil-la-Horgne, diocèse de Toul, bénédictin de la congrégation de Saint-Vannes, étudia à Breuil, apprit l'hébreu du pasteur Fabre, fut chargé d'expliquer les S. Écritures, d'abord aux élèves de Moyen-Moutier dans len Vosges, puis à Munster; fut nommé abbé de Saint-Léopold de Nancy 1718, et dix ans après, abbé de Séno-nes, oti il f *757. Sa facilité de travail était extraordinaire et sa fécondité littéraire fut immense. Sans parler de son Hist. de Lorraine, 4 vol., ni de son Traité sur l'apparition des esprits, vampires, etc. il faut nommer son Comment. littéral et critique delà Bible, 23 vol. 4°, réimpr. en 8 in-f®; son Dictionn. histor. et critique de la Bible, 2 vol. f°, ou 4 in-fo; ses Dissertations, ou Trésor d'antiquités sacrées et profanes; 12 vol.; son Hist. sainte de l'A. et du N. T. et des juifs; son Hist. universelle sacrée et profane, 17 vol. etc. Son érudition est remarquable, et l'on trouve dans ses ouvrages de grandes richesses, mais il n'avait pas le sens critique; sa subordination à la doctrine catholique et aux principes herméneutiques du conc. de Trente, ne lui laissait pas l'indépendance d'esprit dont il aurait eu besoin pour bien juger.

 

CALOV, un des théologiens les plus distingués, mais aussi les plus entiers de l'Église luthérienne. Il naquit, comme Herder, à Mohrun-gen,. Prusse orientale, 1612, fit ses premières études à Konigsberg, passa à Rostock en 1634, ayant déjà écrit contre les réformés, obtint une suppléance à Kônigsberg, fut nommé en 1643 directeur du grand gymnase de Dantzig, dont il augmenta encore la réputation par la supériorité de son enseignement; assista au colloque de Thorn, où il rompit plus d'une lance contre le syncrétisme de Calixte, et fut appelé en 1630 à Wittenberg, la capitale de la stricte orthodoxie luthérienne; ami du prince Georges II et de l'opulent prédicateur de la cour, Weller. il fut bientôt nommé surintendant général et premier pasteur. Peu d'hommes ont compté autant de deuils que lui dans leur famille; il eut la douleur de perdre 13 enfants et 5 femmes. Quatre mois après la mort de la 5me, en 1684, ayant déjà 72 ans, il en épousait une 6ra®, la fille encore jeune de son collègue Quenstedt, mais avec laquelle il ne vécut que 2 ans. + 1686. C'était un homme puissant, fortement charpenté, taillé en hercule, passionné à froid, d'une ténacité que ne pouvaient ébranler ni les larmes, ni les prières. On eût fait de lui un excellent dominicain. ou un non moins excellent terroriste. Pour lui le salut de l'Église (telle qu'il la concevait) était la loi suprême. Il ne voyait que son but et il y courait sans s'inquiéter des obstacles. Au milieu de ses plus grandes douleurs, il faisait encore de la polémique et de la controverse, et l'on apprécierait cette fidélité de sa foi si l'on y voyait davantage le sentiment et la conviction. La lutte était chez lui un besoin de nature; il écrivit à peu près contre tout le monde, et attaqua successivement, toujours avec violence, mais sans les personnalités habituelles,, les catholiques, les réformés, les arminiens, lessvn-crétistes, et jusqu'à Boehme. La lecture de ses écrits en devient fatigante. Son Comment, sur la Bible, ou Biblia illustrata, n'est qu'une réfutation perpétuelle des Commentaires de Grotius; il y fait preuve de beaucoup de sagacité, mais il n'a garde de s'écarter des symboles luthériens, ni même du Consensus; sa dogmatique est celle de Gerhardt sur l'inspiration identique de l'A. et du N. T., d'Ester et de saint Jean; il trouve la Trinité, l'immortalité de l'âme, la nature et l'œuvre de Christ, exposées aussi clairement dans l'un et dans l'autre livre. Son Systema lo-corum theolen 12 vol., qui semblerait devoir n'être que l'exposé de ses vues, est le triomphe de la scolastique luthérienne, et porte également le cachet de sa nature polémique; il met sans scrupule au compte de ses adversaires les conséquences qu'ils n'ont pas tirées, mais qu'on pourrait tirer de leurs doctrines. Son style n'a rien d'agréable; c'est verbeux, et ses derniers écrits, notamment celui contre Boehme, sentent tellement le vieillard que ses amis eux-mêmes cherchèrent à en empêcher la publication.

 

CALVARISTES, ou prêtres du Mont-Cal-vaire; congrégation fondée en 1633 dans le diocèse d'Auch, puis transférée à la demande de Louis XIII, sur le Mont-Valérien, près Paris, qui prit de là le nom de Calvaire. — Il y avait aussi un ordre de religieuses de ce nom, fondé par Antoinette d'Orléans, sous la direction du p. du Tremblai.

 

CALVIN, Caulvin, ou Chauvin, Jean, né 18 juill. 1509 à Noyon, Picardie, le plus émi-nent des réformateurs français et le plus grand théologien de son siècle. D'une famille de moyenne bourgeoisie, il étudia d'abord à Noyon, puis vint à Paris, où il entra successivement au collège La Marche (sous Mathurin Cordier) et au coll. Mon lai gu, où il put se rencontrer avec Loyola. Grâce k son père qui était syndic du chapitre de Noyon, il avait obtenu quelques bénéfices qui l'aidaient à vivre, mais il ne tarda pas à abandonner la théol. pour le droit, et se rendit 1528 k Bourges pour y entendre Alciat, et l'an d'après k Orléans pour entendre P. de l'Estoile. Il perdit son père 26 mai 1531, et fut r^eçu docteur en juin 1533. En avril 1532, il ptibliason premier livre, un Comment, latin sur la Clémence de Sénèque. Malgré ses relations affectueuses et suivies avec son cousin Olivetan et avec le pieux Wolmar, il ne paraît pas encore à cette époque s'être joint au mouvement de réforme qui se faisait sentir si puissamment en* France; le droit l'occupait seul. Un discours sur la foi justifiante, qu'il prépara pour le recteur Nicolas Cop, et qui fut prononcé le 1er nov. 1533, laisse bien entrevoir une réaction contre le dogme catholique, mais c'est seulement en mars 1534 qu'il accentue le changement qui s'est fait en lui. Il doit fuir comme Cop, et se retire en Saintonge chez son ami le curé L. du Tillet. Il visite ensuite Nérac, Noyon où il va résigner ses bénéfices, Poitiers, Orléans, Bourges, peut-être aussi Strasbourg, Paris, où il rencontre Servet une Ire fois. Après l'affaire des placards contre la messe, 18 oct. 1534, la persécution l'oblige k s'enfuir k Strasbourg, puis k Bâle où, sous l'anagramme de Lucanius, il se consacre tout entier à l'étude. C'est là qu'il écrit en latin ce petit c livret • qui devint en mars 1536 l'Institution chrétienne, mais qui n'est pour le moment qu'une espèce de catéchisme; il lui donne pour préface, datée de Bâle 23 août 1535, cette admirable épître à François 1er, 0ù il plaide la cause de ses frères les martyrs;et le livre lui-même, un des chefs-d'œuvre de la langue et l'œuvre capitale de la théol. réformée, se réimprime du vivant de l'auteur en 10 éditions latines et en 14 traductions françaises, avec des additions et chaque fois des développements nouveaux. Sous le nom de Charles d'Espeville, et avec son ami du Tillet, seigneur de Hautmont, il visite l'Italie et voit à Ferrare Renée de France avec laquelle il étudie les questions religieuses qui agitent les esprits. En juin 1536 il retourne à Noyon pour mettre ordre à ses affaires, et décide son frère Antoine à l'accompagner à Strasbourg et Bâle; mais à cause de la guerre ils doivent passer par Genève, et là Farel l'arrête par un appel solennel et pressant. En septembre il ouvre ses leçons de théol. et en décembre il est nommé pasteur. Son esprit vaste et lucide, sa volonté de fer lui assurent bientôt une autorité incontestée, comme on le voit k la dispute de Lausanne et au synode de Berne. Le 1er janv. 1537, mémoire présente au Conseil de la ville sur le gouvernement de l'Église; bientôt après publication d'un petit Catéchisme en français. Mais les Libertins lèvent la tête; ils ne veulent rien de la discipline dont ils sont menacés. Le 4 janv. 1538 les Conseils décident que la Cène ne pourra être refusée k personne, et comme les pasteurs résistent, ils sont bannis. Calvin se rend à Strasbourg où il organise des leçons et des prédications dès le mois de septembre. Il est reçu bourgeois, et en sept. 1540 il épouse Idelette de Bure. Il entre en rapports avec les protestants d'Allemagne, assiste aux conférences de Worms et de Ratisbonne, marque par son livre sur la Cène 1540 la différence de leurs vues sur ce point de dogme, mais n'en est pas moins apprécié par Luther. Rappelé à Genève, il accepte malgré lui ce poste de péril et de combats, et dès son retour 13 sept. 1541 il fait rédiger les Ordonnances ecclésiastiques, assurant au Consistoire l'autorité d'un tribunal des mœurs, mais sans compétence pécuniaire ou matérielle. C'est ce que quelques-uns ont cru pouvoir appeler une espèce de théocratie, bien que l'Etat comme tel n'ait jamais été placé ni sous la direction, ni sous le contrôle de l'Église; le contraire plutôt serait vrai, puisque les écrits de Calvin lui-même devaient être soumis à une commission du Conseil avant d'être imprimés, et que ses prédications ont plus d'une fois été censurées. L'influence de Calvin s'exerçait surtout au sein de l'Église et sur les individus, sans distinction de grands ou de petits. Castalion, Ameaux, le pasteur H. de la Mare, Bolsec, Trolliet, les italiens Alciat, Blandrata et Gentilis; Gruet, sentirent tour k tour les effets de son pouvoir; les uns pour cause d'hérésie, les autres pour paroles légères ou méchantes calomnies. V. les différ. articles. La condamnation de Servet a laissé sur sa mémoire une tache d'autant plus voyante qu'elle est isolée dans l'histoire de la réforme. Les libertins luttèrent avec énergie contre l'influence croissante de Calvin; ils se donnaient l'iipparence d'être le parti genevois contre l'étranger, mais en réalité ils n'étaient pas un parti religieux, et plusieurs de leurs actes relevaient de la morale plus que du dogme. Les réfugiés qui affluaient à Genève et qui étaient admis à la bourgeoisie (1360 entre 1548 et et 1554) fortifiaient le parti de Calvin, et vers 1555 on peut dire qu'il était le maître de la situation. Le 5 juin 1559 il fonda l'Académie, qui devait pendant longtemps fournir des pasteurs aux églises de France et qui jeta sur Genève un si grand lustre. Il comprenait, comme tous les réformateurs, que l'instruction était l'auxiliaire indispensable de leur œuvre, et que pour être efficace elle devait reposer sur la Bible. Des milliers de savants et de martyrs sont venus s'inspirer de son esprit, pour reporter non seulement en France, mais en Angleterre, en Écosse, dans les Pays-Bas, le long du Rhin, et dans toute l'Europe les fruits de l'enseignement qu'ils avaient reçu. Sa femme était morte en 1540; elle ne lui avait donné qu'un fils, mort en bas Âge; on peut se demander l'influence qu'aurait eue sur ce caractère si plein de tendresse la vie de ce petit enfant. Mais lui-même déclinait, usé par les luttes, le travail et les maladies. Le 30 mars 1564 il siégea pour la dernière fois en Consistoire; le 27 avril il fait ses adieux aux membres du Conseil qui sont venus le voir; le 28 à ses collègues; le samedi 27 mai il € s'en alla à Dieu, » comme disent les registres. Le lendemain à 2 h. il était enterré à Plain-palais sans pompe et sans appareil; c'est à peine si l'on croit savoir auj. où il repose. On a peine à se représenter l'œuvre immense à laquelle il a consacré sa vie et ses forces: prédications, leçons, voyages, commissions législatives, luttes, visites, correspondances avec les princes, avec les églises sous la croix, avec les prisonniers et les martyrs (on a de lui 2,025 sermons mss., et ses lettres se comptent par milliers). Ajoutez à cela ses admirables et nombreux commentaires sur presque tous les livres de la Bible, et une foule de traités et brochures de circonstance, dont la seule énumération prendrait des pages. Un grand nombre de ses ouvrages ont été souvent réimprimés, plusieurs ont vu le jour pour la 4 w fois ces dernières années; ses Lettres, par Jules Bonnet, sa Correspondance par Hermin-jard; ses Comment, sur les Psaumes, par L. Pi-latte; ses QEuvr. compl. par Baum, Cunitz et Reuss. Sa Vie a été écrite par Th. de Bèze, Henry, Kampschulte, Merle d'Aubigné, Bunge-ner, Stâhelin, Guizot, Hoff. V. aussi divers écrits de MM. Haag, Vulliemin, Gaberel, Am. Roget, Sayoux, Galiffe, Puaux, Rilliet, etc. — La dogmatique de Calvin a le mérite, et aussi le tort, d'être tout d'une pièce, absolue, logique, trop logique, et d'acéentuer outre mesure le dogme de la prédestination et celui de la complète incapacité de l'homme dans l'œuvre

de son salut. Mais si le reproche est fondé en théorie, il cesse de l'être dans la pratique, et les êgl. calvinistes sont précisément celles qui agissent le plus, qui prêchent avec le plus de force le devoir et l'importance de la conversion, et qui ont maintenu le plus fidèlement la foi à l'Évangile; tandis que celles qui font à l'homme une plus grande part de liberté et qui semblent faire dépendre son salut de ses efforts, tombent rapidement dans le latitudinarisme doctrinal et dans une morale relâchée; v. les jésuites. — Les peintres ont fixé sur leurs toiles plusieurs souvenirs de l'hist. de Calvin, notamment Hor • nung et Lugardon.

 

CAMALDULES, ordre de religieux fondé vers 1012 ou 1018 à Camaldoli, près Florence, par Romuald q. v. Il dut sa prospérité peut-être k son isolement, k sa position escarpée, au petit nombre de ses membres et k la sévérité de sa règle. L'évêque Théobald d'Areao le dota richement. La réputation de Romuald grandit et devint bientôt populaire, et les couvents qui s'établirent après sa mort sous le patronage de son nom, furent considérés comme des succursales de Camaldoli, sanctionnés comme tels par le pape et reconnus sous le nom de camaldules. C'était surtout un ordre consacré k la vie contemplative et à la pénitence; les flagellations y jouaient un grand rôle. Le prieur portait le titre de major; les membres logeaient et mangeaient séparément; le jeûne était rigoureux, le silence encore plus. Le 4*e major, Rodolphe, en 1102, donna une règle écrite et adoucit les premières rigueurs qui dépassaient le but et ne pouvaient toujours être observées. Eugène IV, * 1431, ordonna une réforme. Des difficultés et des rivalités intérieures finirent par dissoudre moralement cette institution qui ne répondait plus aux vues de son fondateur, et après de nombreux changements dans la règle, dans l'organisation, dans l'administration et dans le siège de l'autorité centrale, elle fut en 1642 transférée k Grosbois, près Paris, où une abbaye de cet ordre existait encore en 1789. Les camaldules supprimés en Autriche en 1782, furent rétablis à Naples en 1822. Grégoire XVI était camaldule.

 

CAMBRIDGE, une des plus vieilles univ. de l'Angleterre, à 20 lieues de Londres, doit son nom k un pont (bridge) bâti sur la Cam. On fait dater sa fondation de Sigebert, roi de l'Est-Anglie, au 7m<> siècle. Elle forme 17 collèges, ou halls, avec jardins; chacun ayant son administration particulière, ses fonds, sa bibliothèque, sa chapelle. Le plus riche est Trinity-College, fondé par Henri VIII; c'est là que descendent les rois quand ils visitent Cambridge. La biblioth. centrale a 170 mille volumes, et 4,000 mss. dont quelques-uns fort précieux, entre autres le

Cantabriensû donné par Th. de Bèze. Le nombre des étudiants varie de 4 à 5 mille. On y étudie surtout la théol. et les mathématiques, tandis qu'Oxford brille pour les langues anciennes. Cambridge se glorifie d'avoir eu pour élèves Til-lotson, W. Pitt, Harvey, N. Bacon, Cranmer, Milton, Byron, Macaulay, Newton, Cromwell, Flamsteed, etc. On a dit pour caractériser les deux universités: Cambridge a fait Latimer et Ridley, Oxford les a brûlés. Ce jugement est un peu sommaire, mais il marque bien l'esprit plus avancé de Cambridge, et l'attachement d'Oxford à ses traditions.

 

CAMÉRARIUS, Joachim, s'appelait Liebhard; le surnom fut donné à sa famille parce qu'elle avait fourni plusieurs chambellans. Il naquit 12 avril 1500 à Bamberg, d'où son autre surnom de Papepergensis. Il cultiva les lettres avec succès, notamment le grec, et après avoir visité plusieurs universités, prit ses grades en 1521 et professa avec distinction à Erfurt d'abord, puis à Wittenberg où il connut Luther et se lia avec Mélanchthon; un des premiers il embrassa la Réforme. En 1525 il visita Érasme à Bâle, fut nommé prof, à Nuremberg, envoyé 1530 à Augsbourg comme délégué du sénat à la diète, travailla de 1535 à 1541 à relever l'université de Tubingue, et fut appelé en 1547 à Leipsic. Chargé de plusieurs missions ecclésiastiques à Naumbourg, Augsbourg, Nuremberg, Vienne, il les remplit avec la fermeté calme et pleine de douceur qui faisait le fonds de son caractère. Il assista Mélanchthon à ses derniers moments et f 17 avril 1574, après avoir été précédé dans la tombe par sa femme et la plupart de ses amis. Il avait servi l'Église, indirectement par ses nombreux travaux classiques et par ses traductions des principaux auteurs grecs; directement par ses écrits théologiques, Vie de Mélanchthon, Hist. des Fr. moraves, Hist. de J.-C., Symbole de Nicée; par la part qu'il prit à la rédaction de la Confession d'Augsbourg. et par le crédit dont il jouit auprès de Charles-Quint, de Maximilien, qui lui offrit la place de conseiller impérial, et des ducs de Saxe, Henri et Maurice. Il laissait 5 fils, qui se firent tous avantageusement connaître dans les sciences et les lettres, entre autres Joachim, médecin et botaniste, auteur du Hortus medicus 1654.

 

CAMÉRON 1° Jean, théologien prolestant, né à Glasgow vers 1580. Il vint à Bordeaux en 1600; l'Église pourvut aux frais de ses études et lui procura d'abord une place de grec et de latin au collège de Bergerac, puis une chaire de philos, à Sedan, mais elle le rappela 1608 comme pasteur. Il fut parmi les zélés qui protestèrent contre le désarmement des protestants, et il entraîna un vote du consistoire dans ce sens; deux avocats, Saint-Angel et Lauvergnac opinèrent seuls pour l'abstention du consistoire dans une affaire qui n'était pas de son ressort; ils furent excommuniés, mais le parlement cassa cette sentence et Caméron dut payer une légère amende. En 1618, après des examens passés devant le synode du Mans, il fut nommé prof, de dogmatique à Saumur en remplacement de Gomar, et il fallut les instances de Du Pies-sis et l'autorité du synode d'Alais pour décider l'égl. de Bordeaux à le céder. Ses idées sur la grâce et le libre arbitre, connues sous le nom d'Universalisme hypothétique, ne tardèrent pas à lui susciter d'ardents adversaires, et il dut retourner en Angleterre où Jaques Ier le nomma principal du collège de Glasgow et prof, de théol.; mais mal payé, ou pas payé, il revint en France. A Saumur il lui fut défendu d'enseigner publiquement, mais cette interdiction fut levée en 1624, et il fut placé comme prof, à Mon tau -ban. Opposé au parti de la guerre il passa pour tiède et les zélateurs, sans doute pour prouver leur patriotisme et leurs sentiments religieux, le maltraitèrent tellement qu'il dut se retirer quelque temps à Moissac pour se remettre. Il revint à Montauban. mais il y mourut bientôt de langueur et de chagrin 1626. Le synode de Castres vota à ses 3 filles une modeste pension. En se réclamant de Caméron, Amyraut lui fit beaucoup d'honneur, car Caméron n'alla pas assez loin, même dans les discussions publiques, pour devenir chef d'école. C'était un homme d'esprit, instruit, généreux, mais entier dans ses opinions, inquiet et paradoxal; il dit entre autres que la Réforme avait besoin d'une nouvelle réforme. 11 a publié quelques thèses, des Remarques sur le N. T., qui sont estimées, et des Lectures théol. 3 vol. 4<> où il expose ses idées sur la grâce; Saumur 1626, réimpr. par Spanheim, Genève 1642, fl>.

2° Archibald Caméron, ministre écossais, d une éloquence populaire, ardent partisan du système presbytérien, plus ardent adversaire du catholicisme, refusa d'accepter l'acte d'Indulgence de juillet 1669 qui maintenait la suprématie ecclésiastique du roi, et, les persécutions ayant continué avec des excès inouis de cruauté, sous l'archev. renégat Sharp et sous le ministère de Lauderdale, Caméron, Cargill et d'autres demandèrent la destitution de Charles II et firent le 25 mai 1678 une démonstration publique à Rutherglen, brûlant les actes du parlement, ce qui ralluma la guerre civile. Vingt d'entre eux, escortés de 40 fantassins et de 26 cavaliers seulement, affichèrent le 22 juin 1680, à Sanquhar, la « Déclaration du véritable parti presbytérien, anti-épiscopal, anti-éras-tien. » Surpris par des forces supérieures, ils résolurent de vendre chèrement leur vie; Caméron tomba l'un des premiers, à côté de son frère. Sa téte et ses mains placés au bout d'une pique, ornèrent le triomphe des vainqueurs. Plusieurs de ses amis, faits prisonniers, furent suppliciés.

 

CAMÉRONIENS1° disciples de Jean C., cherchant à atténuer ce que la doctrine de Calvin sur l'élection avait de trop absolu. Ils soutenaient que le salut est offert à tous les hommes et qu'il dépend d'eux de le recevoir. Ils admettaient aussi qu'on peut être sauvé dans l'Égl. romaine.

2° Partisans d'Archibald C. Ils survécurent plusieurs années à leur chef, toujours fortement unis, el ne contribuèrent pas peu à consolider le trône de Guillaume d'Orange après la chute de Jacques II, mais ils s'abstinrent de tout pillage et de toutes représailles. Cependant même, sous Guillaume ils maintinrent leurs principes dans toute leur rigueur et causèrent plus d'une fois des embarras au gouvernement. Ils s'opposèrent également en 1709 à la réunion de l'Ecosse et de l'Angleterre, même sous la reine Anne, et si la plupart des presbytériens se résignèrent au rétablissement du patronage, moyennant quelques concessions, 1712, les ca-méroniens demeurèrent inébranlables, appelèrent comme pasteur Mac-Millan, et renouvelèrent leCovenant. En 1743 ils se constituèrent définitivement en égl. presbytérienne séparée, et déposèrent les armes en échange d'une tolérance absolue qui leur fut garantie. Ils regardaient l'épiscopat comme un péché, et le système presbytérien comme d'institution divine. W. Scott les a mis en scène dans ses Puritains.

 

CAMISARDS, montagnards des Cévennes qui résistèrent pendant 10 ans à Louis XIV pour maintenir leur droit à professer la doctrine évangélique; ils finirent par ê!re écrasés sous le nombre. — On a donné au mot de camisards plusieurs étymologies, sans parler de celle qui tronye dans Moréri le nom de Camis, idole japonaise, et qui suppose que les huguenots étaient des brûleurs d'idoles, Camis-ard. Le mot appartient au patois languedocien. Camis veut dire chemin; camisade veut dire attaque nocturne; camisé veut dire chemise. Voilà 3 mots entre lesquels on peut choisir. Cavalier s'attache à ce dernier, et raconte qu'en 1703 les Cévenols, maîtres de Ganges, s'emparèrent de toutes les chemises de l'endroit. Mais comme le mot est déjà employé en décembre 1702, il faut lui chercher une autre origine. Voici la plus probable. Peu avant l'attaque du Pont de Mont-vert, des Cévenols, tant protestants que catholiques, pendirent à des arbres quelques receveurs d'impôts qui s'étaient montrés trop âpres et trop durs dans le recouvremeut des taxes; pour ne pas être reconnus, ils passèrent une chemise sur leurs vêtements et une autre sur leur tête; on les appela Camisards. Ce mot, qui était dans toutes les bouches, on le donna à ceux qui mirent à mort l'abbé du Chayla, sans faire la part des circonstances différentes, et il est resté aux malheureux soulevés contre la tyrannie religieuse, en même temps qu'on continuait de l'appliquer à des détrousseurs de grands chemins. — La cause éloignée du soulèvement des Cévenols fut la révocation de l'édit de Nantes; la cause plus rapprochée, ce furent les mesures de rigueur, qui avaient déjà commencé en 1681; la cause immédiate fut l'arrestation en juillet 1702, près de Mende, d'une petite caravane de fugitifs en route pour Genève. Ils furent délivrés par une bande de 40 à 50 de leurs amis conduits par le prophète Séguier. L'abbé du Chayla fut tué; ce fut le vrai commencement de la guerre. Le comte de Broglie, gouverneur général du Languedoc, ne réussit pas à se saisir des meurtriers, mais Paul, son lieutenant, battit les insurgés et fit prisonnier Séguier qui fut brûlé vif au Pont de Montvert. Partout se dressent des gibets ou des bûchers; à défaut des coupables on frappe des innocents: la terreur est générale, l'ordre est sur le point de régner dans ces contrées désolées. Mais Laporte parait, l'oncle, maître de forges, ancien soldat, orateur populaire, âme droite, honnête, dévouée; il offre aux Cévenols de se mettre à leur tête, c.-à-d. d'assumer tous les dangers. Son courage est contagieux; bientôt cinq nouvelles troupes se forment, commandées par Roland, Castanet, Joany, Couderc et Cavalier, août 1702. Le dinde Broglie est battu dans plusieurs rencontres. Laporte a été tué, mais Roland son neveu le remplace, et de brillantes victoires favorisent les armes des camisards. Le duc de Broglie, incapable et cruel, est remplacé par le maréchal de Montrevel, 13 févr. 1703. Celui-ci qui ne vaut pas mieux, est battu aux Devoirs de Mar-tignargue, et doit à son tour céder la place à l'illustre Villars; il ne faut pas moins que le premier maréchal de France pour réduire ces paysans des Cévennes, et encore essaie-1-il de la douceur et de la persuasion, peut-être de la ruse, pour en venir à bout. Il traite avec Cavalier et réussit à le détacher de son parti. Mais Roland, Catinat et Ravanel continuent d'errer dans les Hautes-Cévennes, comme un sombre nuage. Ils espèrent toujours. Ils comptent entre autres sur une flotte qui doit arriver de Nice et leur apporter des hommes, des armes et des vivres. Mais la flotte est battue par la tempête, dispersée ou jetée à la côte. Plusieurs chefs découragés se rendent à discrétion, et Villars leur permet de se rendre à Genève. Les autres restent • inébranlables; mais Roland est trahi et meurt en combattant seul contre un détachement, août 1704. En avril 1703 Catinat et Ravanel sont brûlés vifs à Nîmes. Quelques-uns de leurs lieutenants s'expatrièrent, puis revinrent continuer la lutte dans leurs montagnes, avec des chances diverses, vainqueurs à Saint-Fortunat et à Saint-Pierreville, défaits près de Vernoux et dans le Vivarais, écrasés enfin par le nombre. Mazel fut tué, Claris roué, Chambon pendu. Enfin la paix d'Utrecht, et l'envoi de gouverneurs plus conciliants, mirent fin à cette guerre atroce, qui avait duré 9 ans, 1702-1711, et qui avait ruiné toute une contrée. Le caractère exclusivement religieux et défensif de cette insurrection ressort, non seulement des conditions auxquelles les camisards offrirent de mfettre bas les armes, mais encore de l'organisation théocratique de leurs bandes. Ils se traitaient de frères, s'appelaient l'armée des Enfants de Dieu, vaquaient à leurs chants de psaumes et à leurs exercices de piété, consultaient leurs prophètes, et observaient la discipline la plus pure et la plus rigoureuse, v. Court, Hist. des troubles des Cév.; Mison (réimpr, par Bost, avec notes), Théâtre sacré des Cév.; Puaux, Cavalier, etc. Cette gigantesque insurrection, quelque opinion qu'on ait sur sa légitimité, a rendu à la cause protestante des services qu'on ne peut méconnaître, et la correspondance du secrétaire d'État Saint-Florentin prouve que les terribles souvenirs qu'elle a laissés ont empêché le retour du fatal régime qu'avaient rêvé les gouverneurs dont on vient de lire les exploits.

 

CAMPANELLA, v. Thomas 7<>.

 

CAMPEGIUS lo Lorenzo Campeggi, d'abord juriste à Padoue, fit un chemin rapide après qu'il fut entré dans les ordres. Nonce de Jules II en Allemagne, il fut envoyé en la même qualité, et avec la dignité de cardinal en Angleterre, 1519, où il reçut aussi l'évéché de Salis-bury. Sa connaissance des affaires allemandes, son habileté et son dévouement à la cour de Rome, le firent nommer par Clément VII son légat à la diète de Nuremberg 1324, mais il y joua un rôle qui ne fut ni beau, ni brillant; sa présence excita, plutôt qu'elle n'effraya le parti évangélique, et le légat put se convaincre qu'il n'était pas sur un terrain favorable. Il se fit d'ailleurs mépriser par son avarice et son manque de loyauté, non moins que par son obstination à repousser toute réforme; mais il comprit qu'il fallait avoir lair de céder quelque chose k l'opinion, et fort de l'appui de l'orateur impérial, il fit adopter quelques résolutions dans ce sens. Quant à ses tentatives de corruption auprès de Mélanchthon, elles furent repoussées avec le mépris qu'elles méritaient. En 1528 il retourna en Angleterre, chargé d'arranger avec Wolsey la question du divorce d'Henri VIII, mais les victoires de Charles-Quint modifièrent la politique du pape, et la bulle fut brûlée sans avoir servi. A la diète d'Augsbourg il prononce le 24 juin 1530 un discours, mais son rôle est encore plus effacé, et les circonstances sont trop sérieuses pour ses petites équivoques diplomatiques. f 1539. Il eut un frère ou neveu

2° Thomas, qui prit part au colloque de Worms 1540, et qui joua un certain rôle au conc. de Trente, + 1564.

 

CAMPION, v. Parson.

 

CANISIUS, Pierre, né à Nimègoe 8 mai 1524. Ses parents s appelaient de Hotidt (le chien), d'où son nom latin. Élevé à Cologne, il fut gagné au jésuitisme par le p. Faber 1543, et se montra l'adversaire le plus décidé de toute réforme. U contrecarra les efforts de l'archev. Hermann. de Cologne, qui aurait voulu réformer l'Église par l'Eglise. Recteur et vice-chan-celier de l'université d'ingolstadt, il favorise son ordre et lui donne les collèges d'Augsbourg et de Dillingen. A Vienne en 1551 il est nommé recteur du collège des jésuites et prédicateur de Ferdinand IIl assiste au conc. de Trente, et après avoir fait sentir son influence jusqu'en Suisse, où il fonde le collège de Fribourg 1581, il y f 21 déc. 1597. On lui attribua des miracles; les jésuites en font le second apôtre de l'Allemagne; en tout cas il fut l'ennemi de la Réformation. A la demande de l'empereur il composa un catéchisme en deux éditions, l'une plus développée, Summa doctrinœ 1554, l'autre plus abrégée, Institutiones pietatis christ. 1566, où il groupe avec beaucoup d'art toutes les doctrines catholiques autour des trois vertus théologales. Canonisé par Pie IX.

 

CANONISATION. On eut de bonne heure dans plusieurs églises l'habitude de lire aux services religieux les noms des saints et des martyrs dont l'Église pouvait s'honorer, mais on ne les invoquait pas (non invocantur, dit saint Augustin). Des abus étant survenus, et des saints tout au moins douteux figurant sur les listes de quelques églises, (Gharlemagne décida dans 2 capitulaires. que pour qu'un homme fût reconnu saint il fallait une déclaration de l'Église et en particulier de Pév. du diocèse. La tendance centralisatrice du moyen âge amena Alexandre UI, 1181, k se réserver le monopole des canonisations, et Innocent III étendit ce privilège des papes jusqu'à la constatation de l'authenticité des reliques, 1215. Cependant la rigueur de la règle a fléchi quelquefois devant la force des choses. — Quant à la canonisation, d'ailleurs toujours dispendieuse, voici la marche suivie d'ordinaire. Si un homme est mort avec la réputation d avoir mené une vie sainte et sans tache, il est appelé de pieuse mémoire et serviteur de Dieu. Une enquête s'ouvre aussitôt, et si elle établit que sa vie a été réellement sainte et qu'il a fait des miracles, il est béatifié, déclaré bienheureux; dans la règle cela n'a lieu que 50 ans après le décès, sur la demande de l'évôque intéressé et après une triple enquête de la congrégation des rites. La proclamation est faite au Vatican; le béatifié n'appartient encore qu'à son diocèse, et son culte est autorisé, mais non ordonné. Après de nouveaux miracles et de nouvelles enquêtes le bienheureux est définitivement canonisé d'une manière solennelle, e cathedra, au Vatican; son culte devient alors obligatoire et général.

 

CANSTEIN, Charles Hildebrand (comte de), né 1667 d'une des plus nobles familles de l'Allemagne, perdit son père en 1680, mais continua d'être élevé par sa mère dans les principes chrétiens; fit son droit à Francfort s/0, visita la Hollande, l'Angleterre, la France et l'Italie; entra à la cour, puis à l'armée, fit la campagne des Flandres, où une grave maladie le fit rentrer en lui-même; se lia en 1691 avec Speneret Francke; se maria en 1707 avec Bartha de Kro-sigk. qui mourut en 1718 sans lui avoir donné d'enfants, et f 19 août 1719, assisté des prières de son ami Francke. Ses funérailles, qui eurent lieu à Berlin, furent solennelles; c'était un bienfaiteur de l'humanité qui venait de disparaître. On a de lui une Harmonie des 4 Évangiles, encore très estimée; mais ce qui a surtout rempli sa vie, ce sont les efforts qu'il a faits pour propager la Bible et la mettre, par la typographie, à la portée des plus modestes bourses. Il voulait le N. T. à 2 gros, et la Bible à 6. Un premier appel aux chrétiens allemands produisit au delà de 4,000 thalers; en 1712 on mettait la main à l'œuvre, et avant sa mort il pouvait compter, en différents formats, plus de 100,000 N. T. imprimés, et 40,000 Bibles. La fondation biblique de Canstein passa après sa mort à Francke; il s'y joignit bientôt une imprimerie, et la Bible fut imprimée dans plusieurs langues. Cette institution existe encore à Halle; elle a répandu depuis son origine plus de 5 millions d'exemplaires des Livres saints.

 

CANTIQUES, v. Hymnes.

 

CANTORBÉRY, l'ancien Durovemum, ou Cantuaria; petite ville de 15 à 18,000 hah., à 70 kil. de Londres, chef-lieu du comté de Kent, premier siège épiscopal de l'Angleterre, fondé 597 sous Ethelbert, archevêché dont le titulaire est le primat de l'Église anglicane et le premier pair du royaume. On remarque dans sa cathédrale le tombeau de Becket.

 

CANUS, Melchior, né à Tarançon, Tolède; entra à Salamanque chez les dominicains, étudia sous le célèbre réaliste Fr. Victoria, et lui succéda dans sa chaire. Il assista au conc. de Trente et s'y distingua par la maturité de son jugement et par son éloquence. Il était très bien vu de Philippe II, qui l'appela à l'évêché des lies Canaries, mais moins de Paul IV, parce qu'il soutenait que les rois peuvent faire la guerre même aux papes. Il était provincial de son ordre pour la Castille. f 1560. On a de lui des Loci theologici, manuel de dogmatique en 12 livres, où l'on constate une certaine indépendance d'esprit; il n'admet pas toutes les légendes, ne croit pas le pape infaillible, et voit dans l'ordre des jésuites un précurseur de l'Antéchrist. Scholastique sans être très dogmatique, il est. malgré quelques libertés, rigoureusement romain.

 

CANUT, ou plutôt Knud, nom de plusieurs rois danois, qui furent en même temps rois d'Angleterre par droit de conquête. Le plus connu et le plus digne de l'être est Canut qui fut surnommé le Grand. Baptisé dans sa jeunesse, il succéda en 1014 à son père S vend, ou Suénon, qui lui recommanda de continuer à répandre le christianisme. Il suivit ce conseil, protégea le culte, multiplia les établissements d'éducation en Angleterre, et comprit qu'une nation civilisée, même quand elle a été conquise les armes à la main, ne peut pas être gouvernée comme un pays barbare. Quand il retourna en Danemark, 1019, il se fit accompagner de missionnaires, construisit des églises, érigea des évêchés, et eut la satisfaction de voir le christianisme remplacer définitivement le paganisme dans ses états. L'ancien pirate, violent et sanguinaire, était devenu un homme nouveau, bien que sa foi fût encore voilée de bien des ténèbres. Il se fit aimer de ses peuples, auxquels il s'appliqua à donner une législation chrétienne; il défendit de vendre des chrétiens comme esclaves; il demanda que chacun sût au moins l'oraison dominicale et le credo, et il donna de touchantes preuves de son humilité. Il se fit même scrupule de porter la couronne royale et la plaça dans un couvent de Winchester sur une image de Christ. En 1027 il fit un voyage à Rome, visitant sur sa route les pèlerinages les plus célèbres et laissant à tous des marques de sa magnificence. Il fut très bien reçu par le pape Jean et l'emp. Conrad, ainsi que par le roi Rodolphe, et en obtint pour ses sujets des deux royaumes des exemptions de taxes, qui étaient réclamées depuis longtemps, et la promesse de meilleurs traitements pour l'avenir. Il revint en Danemark d'abord pour donner ses instructions à ses évêques et à ses juges, puis en Angleterre où il f 1035. Dans l'intérêt de la paix, et pour donner un bon exemple à ses sujets, il avait épousé la veuve du malheureux roi Ethel-red que son père avait déposé, et par cette satisfaction donnée à l'opinion publique il s'était si bien concilié les esprits qu'il put sans crainte, en 1028, quitter le pays pour aller vaincre les Suédois et conquérir la Norwège, — Ses fils Ha-rold et Hardi-Canut (Hardeknut, Canut le fort) obtinrent par héritage, le premier l'Angleterre, le second le Danemark, mais les Anglais ayant ajouté à la part de Canut le pays situé au S. de la Tamise, il en résulta des rivalités, qui se terminèrent par la f de Harold. Canut IL seul maître du pays, avare et cruel, accabla le peuple d'impôts et fit jeter le cadavre de son frère dans la Tamise, f 1041 d'une apoplexie foudroyante. La race des Canut s'éteignit avec lui, car le Harold, roi d'Angl., qui périt 1066 à la bataille d'Hastings, était fils du comte Godwin et ne devait qu'à des souvenirs son nom de Harold.

 

CAPISTRAN. ou plutôt Jean, de Capistrano, Abruzzes, né 1385. juriste jusqu'à sa 30»»® année, entra alors chez les franciscains et se distingua par son zèle, sa ferveur et son éloquence. Il prêcha avec succès en Italie, Allemagne, Moravie, Pologne et Hongrie, combattit le schisme des fraticelles, recommanda l'observation plus exacte des règles de l'ordre, fut nommé vicaire général des franciscains pour l'Italie; fut appelé à diverses missions par Mariin V et Eugène IV, fut envoyé par Nicolas V, 1450, auprès des hussites, dont il ramena un certain nombre à la foi en Moravie, mais moins en Bohême où son influence fut neutralisée par Rockyzane et Podiebrad; et excita en Silésie une violente persécution contre les juifs. N'ayant réussi ni à Francfort, ni à Neustadt 1454 et 1455, à organiser une croisade des princes allemands, il fit un appel direct aux populations qui le regardaient comme un saint, et à la tête d'une petite armée il se porta au secours de Jean Corvin Hunyade enfermé dans Belgrade, et concourut pour sa part à refouler Mahomet II et à le forcer de lever le siège, 1456. Il mourut la même année, et fut canonisé 1724 par Benoît XIII; Alexandre VHI l'avait déjà béatifié 1690.

 

CAPITON io v. Grosse-Tête. 2^ Un des réformateurs de l'Alsace, Son vrai nom était Kœpflein (petite tête), Wolfgang-Fabrice. NéàHaguenau en 1448, il étudia la médecine à Pforzheim, le droit et la théol. à Fribourg, oii il fut nommé professeur, après avoir soutenu avec éclat sa thèse de docteur sous la présidence de Jean Eck, 1506. Fatigué de la théol. scolastique, il accepta en 1512 la cure de Bruchsal où il passa 3 ans. En 1515 il vint à Bftle, appelé par l'évêque, et y remplit les fonctions de prédicateur à la cathédrale, de prof, de théologie, puis de recteur de l'université; il s'y lia avec Erasme et renoua connaissance avec GEcolampade qu'il avait connu à Heidelberg, et qui le mit en relation avec Zwingle. Ils commencèrent ensemble une œuvre de réformation, avant même que Luther eût paru. Il prit 1520 le grade de docteur en droit à Mayence, et passa 3 ans dans cette ville comme chapelain et chancelier de l'électeur-archev. Albert, qui penchait vers la Réforme. Enfin il fut appelé à Strasbourg comme prof, et prédicateur, et il accepta pour se sentir plus libre dans son ministère, et pour ne plus être tenu à des ménagements qui lui avaient valu l'année précédente une lettre sévère de Luther. Charles-Quint lui avait donné des lettres de noblesse à la diète de Nuremberg, et Leipsic lui offrait une chaire de professeur; il refusa, se fit recevoir bourgeois de Strasbourg, et travailla à y affermir l'œuvre de la réformation; il desservit les paroisses de Saint-Thomas et de Saint-Pierre-le-Jeune. Il évangélisa Haguenau, mais sans grand succès: assista en 1528 à la dispute de Berne, en 1530 à la diète d'Augsbourg où il présenta, avec Bucer. la Confession tétrapoli-taine; en 1536 à la conférence de Bâle, et en général à presque toutes les diètes ou conférences où il était question de pacifier les différends. A son retour de la diète de Ratisbonne il tomba malade, et f 2 nov. 1541 (selon d'autres le 10 janv. 1542). Il avait épousé le 1** août 1524 Agnès, fille du conseiller Hans Ulrich; déjà veuf en 1531, ses amis le marièrent en 1332 avec la veuve d'Œcolampade. Il ne laissait rien, et Bucer dut se charger de l'éducation de ses enfants, en même temps qu'il épousait sa veuve. Capiton était à la fois un grand savant et un grand cœur, il sut être ferme au besoin et conciliant toujours. Il a publié des Comment, sur Habacuc, Osée, et les Psaumes; une Vie d'Œcolampade, un traité sur l'enseignement religieux des enfants (De formando puero thèologo), un Livre sur les Institutions des Hébreux, et divers ouvrages de polémique dans un esprit de modération bien rare pour l'époque. Ses rela-tions avec Cellarius le firent accuser d'arianisme. mais sans que rien justifie cette assertion.

 

CAPITULAIRES. On désigne sous ce nom toutes les lois des rois francs; c'étaient des capitula, de petits chapitres, des articles. Ceux de la première race sont peu importants, et quand on en parle en général, c'est ordinairement de ceux de la seconde race qu'il est question. On en compte 152 en tout, soit 5 de Pépin -le-Bref, 65 de Charlemagne, 20 de Louis-le-Débonnaire, 52 de Charles-le-Chauve? etc. Ils nous sont parvenus sous deux formes différentes: les uns épars dans les mss. avec ou sans date, les autres coordonnés dans un recueil du 9®« siècle, divisé en 7 livres. Les 4 premiers livres sont l'ouvrage d'Anségise, abbé de Fon-tenelle, et ont une grande valeur historique; Charles-le-Chauve les cite comme un code officiel. Les trois autres, îéunis par Benoît k Lévite, vers 842, contiennent 1319 documents de toute nature, même de nature équivoque, tels que des fragments des fausses Décrétales. Enfin 4 suppléments postérieurs sont venus porter à 2,100 le nombre total des morceaux connus sous le nom de Capitulaires. Ces documents, qui traitent des sujets les plus variés, lois, décrets, arrêtés, jugements, circulaires, morale, notes, tarifs, dispositions de police, ont été publiés plusieurs fois, par Lindenbrog, Pithou, Herold, du Tillet, etc. La meilleure édition est celle de Baluze, 2 vol. f° Paris 1677. réimpr. dès lors à plusieurs reprises, notamment par Chiniac 1780, puis, avec de notables additions par Pertz, dans ses Monumenta Ger-maniœ, Hanovre 1835.

 

CAPPEL, famille de savants, pasteurs, professeurs et théol. français, qui pendant deux siècles ont servi et honoré la Réforme. Jacques Cappel, f 1541, était avocat du roi au parlement de Paris; il laissa 9 enfants, dont 3 embrassèrent le protestantisme: 1° Jacques U, sieur du Tilloy, né 1529, f 21 mai 1586, savant jurisconsulte, conseiller au parlement de Rennes, destitué par Charles IX. Il fut le père de Jacques in, pasteur à Sedan, Marie, Olivier et Louis, le célèbre hébraïsant.

2° Louis, surnommé de Moriambert, né à Paris 15 janv. 1534, 5me fils du premier Jacques, risqua plusieurs fois sa vie pour l'Évangile, fut pasteur à Meaux, puis pasteur et prof, de théologie à Sedan, où il f le 6 janv. 1586.

3° Ange Cappel, seigneur du Luat, né 1537, fut secretaire de Henri IV et ami de Sully, t 1623. — L'histoire de cette famille liée à tant d'événements est assez intéressante pour donner une valeur réelle à la notice de Louis (Rappel: De Capellorum gente. Les deux hommes les plus importants, au point de vue de l'hist. ecclésiastique, sont le troisième Jacques et le second Louis.

Jacques, né à Rennes en mars 1570, avait 16 ans quand son père mourut. 11 étudiait la théol. à Sedan. Sa mère, veuve avec 3 enfants en bas âge, se laissa persuader d'abjurer pour rentrer en possession de ses biens du Tilloy, mais ce fut pour elle une si dure épreuve qu'elle en tomba malade et mourut peu après. Les trois enfants mineurs furent mis au couvent par un de leurs oncles, ligueur déclaré, et n'en sortirent qu'au retour de Jacques en 1593. Olivier fut envoyé à Montpellier pour y étudier la médecine; il y mourut avant d'avoir achevé. Marie épousa en 1610 Sigibert Alpée, pasteur de Saint-Mars, dont elle eut un fils, Jacques, pasteur à Ay et à Saint-Mars. Quant à Jacques, il se fit consacrer à Sedan où, après un ministère volontaire de quelques années au Tilloy, il fut appelé en 1599 par le duc de Bouillon, comme pasteur et prof, d'hébreu, et où il f 7 sept. 1624. Il avait été délégué en 1607 au synode de La Rochelle. Exégète, philologue, historien et antiquaire, il a laissé un certain nombre d'ouvrages de critique, d'exégèse et d'histoire, un catéchisme apprécié, des thèses, des dissertations et des écrits de controverse.

Louis, son frère, le plus célèbre de tous, né 15 oct. 1585 à Saint-Elier, non loin de Sedan, pendant que ses parents forcés de fuir étaient sur le chemin de l'exil. Il avait 8 mois quand il perdit son père, 2 ou 3 ans quand sa mère mourut. Son frère Jacques pourvut à son éducation. A 20 ans il fut choisi par le duc de Bouillon comme précepteur de sa fille. A 24 ans, sur la recommandation de Caméron, l'égl. de Bordeaux lui fournit les moyens de visiter les universités d'Angleterre, de Hollande et d'Allemagne; il consacra 2 ans à Oxford où il étudia les langues orientales et surtout l'arabe. En 1614 il fut nommé prof, d'hébreu à Saumur, accepta pour 3 ans d'être en même temps pasteur de l'Église, mais dut renoncer à ces fonctions qu'il regardait comme inconciliables avec son enseignement. Nommé à la chaire de théol. en 1633 il l'occupa fidèlement jusqu'à sa f 18 juin 1658. Chrétien de cœur et savant consciencieux, Louis Cappel ne craignait pas de voir la foi compromise par les vérités historiques et critiques; il ne pensait pas qu'une chose vraie pût compromettre l'avenir de l'Évangile, et sans trop se préoccuper d'attaques passionnées, il posa les bases de la critique moderne en établissant dans divers ouvrages, que les points-voyelles des Bibles hébraïques ne remontent ni à Adam, ni à Moïse, ni à Esdras, mais très probablement aux massorètes du 6">e siècle de l'ère chrétienne; que l'écriture carrée hébraïque, aujourd'hui en usage, n'était pas connue des anciens Hébreux, qui se servaient des caractères samaritains; que le texte reçu n'est pas toujours le texte primitif, et qu'il a pu être altéré avec le temps par les copistes ou par d'autres circonstances. Ces assertions, toutes nouvelles, soulevèrent de vives et longues controverses, comme si Cappel avait voulu attaquer l'autorité des Écritures. Les théol. de la Suisse et de l'Allemagne se prononcèrent presque unanimement contre lui, tandis qu'il rencontra de nombreux adhérents en Angleterre, en Hollande et en France, surtout à Saumur où il pouvait donner de vive voix plus de développements à sa pensée et des explications sur les malentendus possibles. Aujourd'hui les résultats de sa critique sont généralement admis, et s'il est juste de lui en faire honneur, il faut dire aussi qu'il n'est pas responsable du bruit qui se fit autour de son nom. Il procéda lentement et avec prudence. Son premier ouvrage, Arcanum punc-tuationis, terminé en 1623 fut envoyé d'abord en mss. à Buxtorf père qui, en reconnaissant les difficultés de la question, l'engagea à n'y pas donner de suite pour le moment à cause des conclusions dangereuses que Ton en pourrait tirer. Erpenius, de Leyde, à qui il l'avait également communiqué, se montra moins scrupuleux, et le publia 1624 sans nom d'auteur en déclarant qu'il en assnmait toute la responsa-bilité.Ce ne fut que 20 ans plus tard, comme Cappel s'apprêtait à le réimprimer avec son nom, que Buxtorf, le fils, l'attaqua durement dans son Traité de l'origine des points-voyelles. Cappel y répondit dans ses Vindiciœ, réfutation qui ne parut d'ailleurs qu'après sa mort, dans ses œuvres posthumes publ. par son fils Jacques 1689. Un autre ouvrage de Louis Cappel, qui fit grand bruit, est sa Critica sacra, achevée en octobre 1634, et qui ne parut qu'en 1650. Il y traite surtout des variantes de l'A. T. et il compare le texte hébreu avec les Septante, la Vulgate, le Pentateuque samaritain et les para-phrastes chaldéens. Il fait preuve d'une grande indépendance, mais il exagère sans nécessité le nombre et l'importance des variantes, et Eichhorn a pu lui reprocher d'avoir été superficiel dans ses recherches, n'ayant consulté aucun mss. hébreu, et peu circonspect dans ses assertions. Il fut longtemps sans trouver d'éditeur pour un travail aussi hardi, et par une singulière coïncidence, ce fut son fils aîné, Jean, qui était retourné au catholicisme et qui s'était fait prêtre de l'Oratoire, qui obtint du roi, avec 3 autres moines, Petau, Morin et Mersenne, l'autorisation de le publier. L'occasion était trop belle pour qu'on la laissât échapper, et dans leurs attaques contre la Bible, des prêtres étaient heureux de s'assurer le concours apparent d'un protestant célèbre. Louis Cappel a publié aussi des thèses et dissertations sur des sujets dogmatiques; collègue de La Place et d'Amyraut, il fit avec eux la réputation de l'école de Saumur. Dans un recueil, Syntagma, espèce de revue théologique, il traite des dogmes de la grâce et de l'élection, et il le fait au point de vue augustinien et calviniste, mais en adoucissant un peu la doctrine de Dordrecht: on a encore de lui un travail sur le dimanche et un sur la sanctification des fêtes chrétiennes, un traité d'apologétique: le Pivot de la foi, et un certain nombre de Notes sur des passages difficiles. Louis a eu 6 enfants; son 3me fils, Jacques (4™e du nom), né le 13 août 1639, fut nommé prof. d?hébreu à 19 ans; il fut l'éditeur des œuvres posthumes de son père et de son oncle, et probablement l'auteur de la Notice sur les Cappel. Chassé par la Révocation il se retira en Angleterre où il devint prof, de latin et f 1722. La famille s'éteignit avec lui.

 

CAPPEL, petite bourgade d'environ 800 hab. sur la route de Zurich à Zug, au pied de TA1-bis. Elle possède un ancien couvent de l'ordre de Citeaux, fondé 1185, où il y avait à l'époque de la Béformation une école savante. Bul-linger y enseigna, et avec tant de succès que tous les frères embrassèrent la réforme. Église du 13®e siècle en forme de croix. Ce qui a surtout rendu cet endroit célèbre, c'est la bataille du 11 oct. 1531, dans laquelle l'élite des guerriers de Zurich, Zwingle à leur tête, tombèrent sons les coups de leurs adversaires catholiques des cinq cantons primitifs. La place où le réformateur blessé fut tué par un soldat d'Unter-wald qui ne le connaissait pas, est encore aujourd'hui marquée par une plaque de métal adaptée au rocher. Cappel est la patrie de Léonard Meister.

 

CAPUCINS. Le besoin de réformes qui se faisait sentir au commencement du 16m® siècle avait atteint même les ordres religieux; les frères mineurs en particulier avaient à plusieurs reprises modifié leurs règles, et il en était résulté un certain nombre de branches assez distinctes, parfois même hostiles, au point que LéonX crut devoir mettre un frein à cette lièvre d'améliorations. Mais les succès obtenus par Giustiniani dans l'ordre des camaldules encouragèrent Matthieu de Bassi, moine de Mon-tefiascone, à tenter quelque chose d'analogue chez les franciscains; il laissa pousser sa barbe en pointe, se fit faire un énorme capuchon et se présenta dans cet équipage à Clément VII, qui lui accorda 1526 le droit de porter ce costume, de vivre en ermite, et de prêcher où il voudrait, pourvu que chaque année il se présentât une fois au chapitre provincial de l'Observance. Quelques hommes se joignirent bientôt à lui, entre autres Louis de Fossombrone et son frère Raphaël. Ils s'engagèrent à l'observation rigoureuse des règles de saint François, notamment à la pauvreté la plus absolue. Mais leur vie d'ermite cessa naturellement à mesure qu'ils se multiplièrent, et ils durent donner des statuts particuliers à leur congrégation. Une bulle de Clément VU du 18 juillet 1528, leur reconnut une existence indépendante, sous la direction d'un vicaite général, et ils commencèrent leurs missions. Les enfants se moquaient de leurs longs capuchons et désignèrent les nouveaux lazzaristes sous le nom de capucins. que ceux-ci eurent le bon esprit d'accepter sans se fâcher. En tout cas ils ne pouvaient plus s'appeler ermites, puisqu'ils avaient accepté la vie commune, et qu'en 1529 ils avaient déjà 4 couvents, sous le patronage de la duchesse de Camerino, nièce du pape. Ils durent en 1536 et 1575 modifier de nouveau leurs statuts, mais en maintenant toujours la simplicité pauvre et sobré de l'ordre. Matthieu de Bassi fut leur premier vicaire général, mais il abdiqua au bout de deux mois. Louis de Fossombrone fut le second, mais il fut remplacé en 1535 par Bernard d'Asti, ce qui amena une crise, à la suite de laquelle les deux fondateurs de l'ordre cessèrent d'en faire partie, ne pouvant ni commander, ni obéir. Bernard Occhin, nommé malgré lui vicaire-général en 1538, et réélu en 1541, était un de leurs hommes les plus pieux et les plus humbles, un de leurs prédicateurs les plus puissants et les plus populaires; il jeta un grand lustre sur l'ordre tout entier; mais quand il eut embrassé la réforme, le pape irrité ne parla de rien moins que de supprimer l'ordre, et provisoirement il lui interdit toute prédication et toute action religieuse. Cependant à force de soumission et d'humbles prières ils obtinrent que le droit de prêcher leur fût rendu, 1545, et la papauté n'eut pas à s'en repentir, car si les jésuites, à Tun des bouts de l'échelle, ont rendu de grands services à la cause, à l'autre bout les capucins ne l'ont pas moins bien servie par l'originalité de leur éloquence populaire, tantôt fine, tantôt grotesque ou rustique, presque toujours appropriée à l'auditoire, ce qui est à la fois un éloge et une critique. Longtemps confinés en Italie, les capucins furent appelés en France par Charles IX, 1573, et ils s'y multiplièrent rapidement; en 1592 ils vinrent en Allemagne et en Suisse, en 1606 en Espagne et en Portugal, dou ils envoyèrent des missionnaires en diverses parties du monde. Supprimés vers la fin du 18™« siècle, ils ont recommencé à fleurir dans la plupart des pays catholiques. —Il y avait déjà eu en 1426 un ordre de la capuche, de la Capusiola, en Italie, mais l'essai échoua au bout de 8 ans, 1434.

Les Capucines ou Filles de la Passion, du tiers-ordre de saint François, s'étaient consti-tuéesà Naples en 1534, au nombre d'une vingtaine, sous la direction de Marie - Laurence Longa, devenue veuve; elles desservirent l'hospice des incurables à Naples et fondèrent un couvent à Jérusalem. Après les théatins, les capucins devinrent leurs directeurs spirituels. En 1575 elles s'établirent à Rome; sous Borromée, à Milan. Elles ont eu jusqu'à 12 couvents en Suisse, jamais plus de 8 dans tous les autres pays réunis.

 

CAPUTIENS, Capuciati, parti de religieux qui, en 1182, dans les montagnes de l'Auvergne, résistèrent à l'autorité sous prétexte de rendre aux hommes leur liberté primitive. Ils obéissaient à un charpentier nommé Durand, qui se vantait d'avoir des révélations de la sainte Vierge. L'év. Hugo, d'Auxerre, marcha en armes contre eux, les fit tous prisonniers, et les relâcha après leur avoir fait couper leurs capuchons; ils devaient ainsi rester tête nue toute une année, mais l'archev. de Sens obtint leur grâce. Le parti ne se releva pas.

 

CAQUEUX, ou Cagots, nommés encore Gaf-fos, Gezitas. Gahetas, mystérieux parias que l'on trouvait au moyen âge dans les environs des Pyrénées, et qui, bien que bons catholiques et d'une belle race, n'en étaient pas moins pour tous un objet de mépris et de dégoût; ils ne pouvaient entrer dans les églises par la grande porte et étaient soumis à toutes sortes d'humiliations et de vexations. Ils étaient signalés à l'attention publique par une patte de canard qu'ils devaient porter sur leurs vêtements, et qui leur avait aussi fait donner le surnom de canards. On en a fait tour à tour, mais à tort, des crétins et des lépreux. Le plus probable est qu'ils descendaient des Goths, anciens maîtres de l'Aquitaine, et qu'on leur aurait donné par haine le nom injurieux de Chiens goths (Caas goths) pour rappeler leur origine. Le surnom de Collibert (liberti, esclaves affranchis) rappellerait également une époque où ils auraient été asservis. Il s'en trouve encore quelques restes dans l'ouôst et le sud de la France, toujours méprisés, mais, avec les progrès de la civilisation et le développement de l'intelligence, ils tendent peu à peu à reprendre dans la société la place à laquelle ils ont droit.

 

CARACCIOLI, illustre famille napolitaine, qui a fourni deux hommes à la Réforme: 1° Jean-Antoine, 3m« fils de Jean, prince de Mel-phe, maréchal de France. Né à Melphe au commencement du 16m« siècle, il eut une jeunesse agitée. Présenté à la cour de François I«r, mais trop pauvre pour y faire figure, il se retira au désert de La Baume pour y faire pénitence; il prit l'habit de chartreux, puis il entra 1538 chez les chanoines réguliers de Saint-Victor, dont il devint abbé en 1543, et abbé plus que léger. Ses complaisances pour Diane de Poitiers lui valurent l'évêché de Troyes 1551. Il se montra ouvertement favorable à la Réforme et obtint de grands succès comme prédicateur, mais en 1552 il fut forcé de se rétracter publiquement. En 1557 il se rendit à Rome auprès de Sixte IV, son parent (Camusat dit qu'il sollicitait le chapeau de cardinal). A son retour, par Genève, il vit Bèze et Calvin. Au colloque de Poissy il est encore prélat romain, mais il est ébranlé; en 1561 il abjure de nouveau, signe la confession de foi des églises réformées, et demande au Consistoire d'être confirmé dans ses fonctions épiscopales par les suffrages des fidèles, ce qui eut lieu, raconte Pithou. Dès lors il prêcha régulièrement dans la chapelle épis-copale, à la fois évêque et pasteur, mais les autres évêques le firent destituer, et il se retira à Châteauneuf-sur-Loire où il f 1569; il fut enterré dans l'église paroissiale. C'était un homme instruit, éloquent, mais gâté par les moeurs de l'époque. Il a laissé quelques écrits de circonstance, de jolies poésies et un Mi-rouer de la vraie religion, Paris 1544, in-16.

Galeazzo, comte, marquis de Vico, né à Xaples 1517, fils de Nicolas-Antoine et d'une sœur du cardinal Caraffa qui devint Paul IV. A l'âge de 20 ans il épousa Victoria, fille du duc de Nocera, dont il eut 4 fils et 2 filles. Il fut présenté à Charles-Quint par son père qui jouissait d'un grand crédit à la cour. Son ami Ca-serta le mit en relation avec un noble espagnol, Juan Valdez, converti à l'Évangile, et avec Ver-migli, de Florence, qui faisait des lectures publiques sur lesÉp. aux Corinthiens. Il alla les entendre, plutôt par curiosité que par un besoin de conscience, mais bientôt il comprit tout ce qu'il y avait de vérité dans ce nouvel enseignement, et il se mit à étudier avec soin l'Écriture. En vain son père et sa femme, voyant leur avenir compromis, le supplièrent de rompre avec la nouvelle secte; en vain ils en appelèrent à ses enfants, dont l'aîné avait 15 ans. Ses voyages en Allemagne, son séjour à Strasbourg où il retrouva Vermigli, surtout un séjour à Rome où il vit l'Égl. de près, triomphèrent de ses longues hésitations, et le 21 mars 1551, à 34 ans, il quitta Naples pour Genève, où il arriva le 8 juin. Toutes les démarches tentées pour le faire revenir en arrière furent inutiles; il revit son père à Vérone et à Mantoue; son oncle, devenu pape en 1555, l'engagea à se fixer à Venise en lui promettant toute la liberté religieuse; en 1558 il revit à Vico sa femme et ses enfants, dont les larmes le rendirent triste à en mourir, mais il ne se laissa pas ébranler. Sa femme, de son côté, ayant refusé de vivre avec lui et ayant rompu le mariage de fait, par ordre de son confesseur, le divorce fut déclaré par les magistrats, après qu'ils eurent pris l'avis de Calvin et des théologiens, et Caraccioli se remaria, janvier 1560, avec une veuve de Rouen, AnnaFra-mière, avec laquelle il passa en paix ses dernières années dans une demi-aisance, plus proche de la pauvreté. Il fréquentait assidûment le culte public, remplissait en conscience ses devoirs d'ancien, était la providence de ses compatriotes émigrés, et fut un modèle pour l'Église. Un moine théatin vint le troubler encore une fois pour le supplier de rentrer dans le giron de Rome, afin de ne pas compromettre la position d'un de ses fils, qui aspirait au cardinalat; il jeta la lettre au feu. Vers la fin il souffrait beaucoup d'oppression, passant des nuits sans sommeil. f 7 mai 4386- En dédiant son Comment. sur les Corinthiens, Calvin a montré l'estime qu'il avait pour lui.

 

CARAITES, Carèens ou Caraïmites, secte juive qui date probablement du 7me siècle, qu'on fait remonter à un certain Anan, fils de David, qui vivait vers l'an 640; son caractère principal consiste dans son opposition constante et énergique aux traditions talmudiques, à celles que l'Écriture appelle les traditions des anciens, Matt. 15, 2. Ils regardent comme des fables les légendes relatives à l'origine sinaïtique de la tradition orale; ils s'en tiennent au texte de la Bible, mettent la Loi au-dessus des prophètes, et peuvent être considérés comme les successeurs des sadducéens. Leur théologie est très pauvre: Dieu est le créateur de toutes choses dans l'univers; il a envoyé Moïse et a donné par lui une loi parfaite au monde; il ressuscitera les morts au dernier jour et rendra à chacun selon ses œuvres; il n'a pas entièrement rejeté son peuple, mais il le rétablira quand le Messie, fils de David, apparaîtra. Ils sont honnêtes, sobres, laborieux, consciencieux en affaires, très considérés, et jouissent de grands privilèges en Russie et en Turquie. Leur nombre est peu considérable; 560 dans le gouvernement de Wilna, 150 en Gallicie, 200 à Odessa, 4,000 en Crimée; il y en a aussi à Constantinople, à Jérusalem, en Egypte et en Perse. Ils sont restés presque inconnus en Europe jusque vers la fin du 17m« siècle, où Peringer d'Upsal et Triegland de Leyde sont entrés en rapports avec eux et ont publié des notices sur leur histoire et leurs doctrines.

 

CARDINAUX, du latin cardo, gond, pivot, nom donné déjà chez les Romains, et notamment depuis Théodose, à des fonctionnaires supérieurs, généraux, préfets, qui occupaient dans l'empire des charges considérables. Il passa peu à peu dans l'Église, et servit d'abord à désigner des prêtres à poste fixe, ayant paroisse, par opposition à ceux qui n'avaient qu'une mission temporaire. Quand il y avait plusieurs prêtres dans une ville, leur réunion formait un collège, presbytère ou consistoire. Avec le temps, et vu l'importance croissante de l'Égl. de Rome, ses prêtres finirent par attirer à eux seuls cette dignité; ils étaient 25 à la fin du 4m« siècle, sous Marcel. Sous Clément 1er la ville fut divisée en 7 régions ecclésiastiques, chacune avec un diacre régionnaire qui faisait partie du Collège de Latran, mais ces cardinaux étaient alors inférieurs aux évêques; ils ne leur devinrent supérieurs que lorsque les circonstances eurent mis entre leurs mains l'élection du pape, 1181, à l'exclusion des évêques et du peuple. Leur nombre varia beaucoup; il était de 30 au 12°" siècle; au i3|,r»e il tomba à 7; en 1516 il y en avait 13; sous Pie IV, 1559, il s'éleva tout à coup à 70. Le conc. de Bâle le fixa à 24; Sixte V, 13 déc. 1586, le fixa au chiffre normal de 70, en souvenir des 70 anciens de Moïse et des 70 disciples, et décida qu'il comprendrait 6 évêques, 50 prêtres et 14 diacres; mais ce chiffre n'a presque jamais été au complet; en 1853 seulement l'effectif a été atteint par la création soudaine de 8 cardinaux. C'est vers le 13"* siècle aussi que le titre changea de signification et s'étendit par l'élection papale à d'autres qu'aux desservants de la ville éternelle. Le conc. de Trente a déterminé les attributions des cardinaux et les conditions de leur éligibilité, naissance immaculée, activité de service d'un an au moins, etc. Les souverains catholiques ont un certain droit de présentation; les cardinaux peuvent être choisis dans toutes les nationalités, mais par la nature des choses les Italiens seront toujours les plus nombreux (en 1850, sur 67 card. il y avait 51 italiens et 16 étrangers). Le pape les désigne d'abord en consistoire secret; puis il les reçoit en séance publique, et leur remet le chapeau. A la séance suivante il leur ferme la bouche pour constater qu'ils n'ont pas encore le droit d'émettre leur avis, et ce n'est qu'à la fin de la séance qu'il la leur ouvre [Aperimus vobis a*), en leur conférant tous les droits attachés à leur nouvelle dignité. D'après Eugène IV, 26 oct. 1431, ils ne sont rien avant cette dernière formalité; d'après Pie V, 26 janv. 1571, ils ont au contraire tous les droits dès le moment où ils sont nommés. Hiérarchiquement ils ont rang immédiatement après le pape. Us sont seuls papables (éligibles à la papauté), et sente aussi depuis Nicolas II, 1059, ils ont le droit d'élire. Le chapeau rouge et la barette leur ont été donnés par Innocent IV en 1245; le vêtement pourpre par Paul II, 1464; et le titre d'Éminentissime par Urbain VIII, 1630. Ce dernier nom qui ne se donnait qu'aux princes allemands et au grand-maître des templiers, lésa ainsi assimilés aux princes régnants. Quant à leurs droits, juridiction, privilèges, attributions, ils sont nombreux; on en énumère plus de 300. Les cardinaux-évêques ont le pas sur les autres; le plus ancien, parmi ceux qui résident à Rome, est le doyen du sacré collège, qui sert de Conseil au pape, et qui se réunit de droit en conclave, quand il s'agit de procéder à l'élection d'un nouveau pape. A cause du caractère mixte des ci-devant États de l'Égl., toutes les charges étaient entre les mains des dignitaires ecclésiastiques, notamment des cardinaux; cependant Pie IX en 1846 s'est écarté de la règle en nommant des civils pour gouverneur de Rome, ministre de la guerre, majordome, etc. Les autres fonctions sont exclusivement entre les mains des cardinaux: le Camerlingue a les finances et la justice; en cas de vacance, c'est lui qui gouverne; un secrétaire d'État a l'intérieur et la justice dans les provinces; il y a encore le vice-ehancelier, le secrétaire des brefs, le pénitentiaire, etc. D'autres président des commissions, ou congrégations, tantôt temporaires, tantôt permanentes, celles des rites, du concile, de l'inquisition, de l'index, des examens, etc. Il en est une qui est spécialement chargée d'interpréter le conc. de Trente; ses Actes comptent déjà 103 vol. 4<>. La congrég. de la Propagande, fondée par Grégoire XV, 1622, et développée par Urbain VIII, 1627, a un cardinal pour président, 24 cardinaux, 30 consulteurs, etc.; d'autres enfin s'occupent de canalisation, d'aqueducs, de l'entretien de Saint-Pierre, etc. On voit que tout se tient dans le système, et que les cardinaux sont réellement la base et la cheville ouvrière de toute l'organisation.

 

CARÊME, jeûne qui précède la Pâque; le mot vient du latin carere, manquer de, être privé. Il est censé rappeler les 40 jours que Jésus passa au désert, et il s'est introduit peu à peu dans l'Égl. catholique. Comme les dimanches ne comptent pas, il commence avec le mercredi des Cendres, et embrasse l'espace de 6 semaines, plus les 4 premiers jours. Les 6 dimanches du carême s'appellent Quadragésimes, et se distinguent, soit par leur rang d'ordre: premier, second, etc., soit par les premiers mots du texte du jour: Invocavit, Reminiscere, Oculi, Lœtare, Judica (Passion), Palmaram (Rameaux).

 

CARÉNA, abrégé de quadragena (Du Cange). jeûne ou pénitence de 40 jours, qu'un év. peut imposer à ses clercs, un abbé à ses moines. Le même mot désigne aussi la dispense de cette même peine.

 

CAREY, William, missionnaire baptiste, né 1761 à Paulersbury, Northampton. Réveillé de bonne heure et devenu membre d'une Église qu'il édifiait quelquefois par sa parole, il continua son état de cordonnier pour subvenir à son entretien et apprit ainsi un peu les langues de la Bible. Dans une assemblée qui eut lieu à Nottingham en faveur des missions, il sentit naître en lui le désir de se consacrer à cette œuvre, et en nov. 1792, après un discours de lui, la Soc. des missions baptistes fut fondée. Il en fut le premier missionnaire et partit pour le Bengale, 1793. Tout était à créer. Il débuta comme inspecteur d'une plantation d'indigo parmi les Indous, puis en acheta une pour son propre compte, 1799, mais la revendit bientôt. Il s'établit à Serampore, qui appartenait aux Danois, et fut ensuite nommé professeur au collège de Fort William, Calcutta. Il s'était proposé une activité plus directe pour la conversion des Indous, mais en lui assignant ce poste en apparence purement scientifique, Dieu lui assurait une influence beaucoup plus étendue qu'il ne l'avait espéré. Carey était en quelque sorte possesseur de toute la science des Indes, où l'on ne compte pas moins de 50 dialectes différents. Les savants accouraient de toutes parts auprès

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de lui, et il les utilisait pour la mission. Il traduisit lui-même la Bible en bengalais, puis en sanscrit, et publia des grammaires et des dictionnaires pour plusieurs langues de l'Inde. Ward et Marshmann comptaient au nombre de ses collaborateurs. Comme il avait acquis à Se-rampore des propriétés pour le compte de l'œuvre missionnaire, et que Serampore était danois (il ne fut cédé aux Anglais qu'en 1845), il se sépara de la Société de Londres. A sa f 1834 il légua à l'œuvre de Serampore toute sa fortune, qui était considérable.

 

CARINTHIE, ancienne province des États autrichiens, à peu près l'Illyrie actuelle; évan-gélisée par Rupert et Amand, puis par Modeste après que Charlemagne l'eut conquise. Évêché à Laibach depuis 1461, La réforme y fut prê-chée par Truber, et les deux cultes s'y célébraient en 1572. Mais le protestantisme fut écrasé par la persécution, et ne s'est relevé qu'à l'aide de la Soc. de Gustave-Adolphe. Il compte aujourd'hui 17 églises.

 

CARLSTADT, ou Carlostadt 1<> André Bo-denstein, ainsi nommé de sa ville natale, ami de Luther, prof, et recteur à l'univ. de Wittenberg, un des premiers qui se marièrent publiquement; finit par se séparer de Luther sur la question de la Cène, et fût un des chefs des sa-cramentaires. V. Zwickau. f Bâle 1541.

2° Jean Drack, ou Draconites, né 1494, ami de Luther depuis Erfurt 1521. occupa divers postes comme pasteur et comme prof, de théol., Marbourg, Lubeck,etc., mais dut se retirer devant l'opposition des luthériens stricts, et f 1566 à Wittenberg. Auteur d'une Biblia penta-pla, inachevée, et de quelques Comment, sur la Genèse, Abdias, les Ps. et Daniel.

 

CARMES, au féminin Carmélites. Cet ordre célèbre, qui sert de transition entre le mona-chisme de l'orient et celui de l'occident, tire son nom du Mont-Carmel où il a pris naissance. Longtemps il a cru pouvoir faire remonter ses origines au prophète Élie, dont les esséens auraient été les successeurs immédiats, puis les ermites et enfin les carmes. Il y eut en effet, vers l'an 400, quelques ermites dans les grottes du Carmel, comme il y en avait en une foule de lieux, et les souvenirs bibliques devaient parler à leur imagination; le patr. Jean, de Jérusalem, les couvrit même de son patronage et a pu leur donner des directions ou des règles. Mais le jésuite Papebroch 1668 a soufflé sur ces prétentions et solidement prouvé que l'ordre ne date que du 12m« siècle. II s'appuie de l'autorité de Jean Phocas qui, dans un voyage fait en Palestine 1165, raconte qu'il a vu sur le Carmel la grotte d'Élie, et qu'un moine calabrais s'y était établi quelques années auparavant avec une dizaine de religieux. Ce moine, Berthold, de l'armée de Godefroi de Bouillon, avait réussi à défendre Antioche contre les Sarrasins de beaucoup supérieurs en nombre, et conformément au vœu qu'il avait fait, s'il obtenait la victoire, de se consacrer entièrement à Dieu, il s'était retiré sur la montagne, où il mourut après avoir dirigé comme supérieur ceux qui se joignirent à lui. Brocard, qui lui succéda, voyant augmenter le nombre de ses moines, demanda à Albert, patr. de Jérusalem, de leur donner une règle, ce qu'il fit 1205, ou 1209, les organisant en cellules distinctes, ou laures, plutôt qu'en monas tère. L'abstention totale de viande, les travaux manuels et la méditation étaient les principaux traits de cette règle, qui rappelait celle de saint Basile et qui fut confirmée 1254 par Honoré 111. Pressé par les conquêtes des Sarrasins, et mécontents du traité conclu par Frédéric II, 1229, la plupart des carmes, sous la direction d'Alain, leur 5me général, quittèrent la Terre-Sainte 1238, et s'établirent en Chypre, en Sicile, à Marseille, à Bruxelles et jusqu'en Angleterre; ils se propagèrent rapidement, et dans beaucoup de villes on trouve encore une rue des Cannes, ou une église des Carmes. Saint Louis, qui le* protégeait, leur donna un couvent à Paris. Un certain nombre cependant restèrent au Carmel. qui ne fut jamais entièrement abandonné. Le monastère occupe aujourd'hui, non loin du sommet, une plateforme qui domine la mer de 2 à 300 mètres; au centre est l'église, consacrée au prophète; au-dessous du maître-autel est une grotte où l'on dit qu'Élie se cacha pour échapper aux poursuites de Jésabel; près de là une petite chapelle consacrée à la Vierge. Les moines exercent largement l'hospitalité, comme presque tous les couvents de l'orient. En 1247 Innocent IV modifia sur quelques points la règle pour les carmes établis en Europe; il leur imposa le vœu de chasteté, qui avait bien été sous-entendu, mais non précisé, et il changea leurs laures en monastères. Leur costume se composait d'une tunique brune et d'un surtout à deux teintes plus ou moins claires, disposées en bandes parallèles; d'autres avaient un vêtement blanc avec des barres d'une autre couleur, d'où leur est venu le surnom de barrés. Vers le milieu du 13m« siècle, sous le généralat de Simon Stock, ils gagnèrent un grand nombre d'adhérents par l'invention du scapulaire. Au 14®« siècle la faveur publique s'attacha à eux. les dons affluèrent et ils devinrent très riches; la reine Blanche, veuve de Philippe VI, leur légua un magnifique reliquaire en or, enrichi de pierres précieuses, et leur prestige s'accrut d'autant. Mais la décadence morale ne tarda pas à se faire sentir; le schisme de l'Église, 1378-1428, les divisa eux-mêmes; il y eut deux partis, ils élurent deux généraux, et l'unité ne se rétablît qu'au chapitre de 1430. Eugène IV adoucit la règle, autorisa l'usage de la viande 3 fois par semaine, la conversation à certains moments et la promenade dans les cloîtres au lieu du séjour continuel dans les cellules. Pie II permit même aux généraux de dispenser du jeûne. Ceux qui acceptèrent ces adoucissements portent le nom de carmes conventuels, mitigés, ou BiUettes (du nom de leur couvent); mais d'autres s'y refusèrent et s'appellent C. de la stricte observance. Parmi ces derniers on remarque surtout ceux de la Congrégation de Man-loue, fondés sous l'influence d'un Français, Thomas Connecte, de Rennes, homme d'une grande piété, fort éloquent, très populaire, qui rêvait de réformer, non seulement son ordre, mais l'Église elle-même, et qui fut brûlé à Rome comme hérétique 1443 sous Eugène IV. Sixte IV institua l'ordre des Tertiaires, 1476. Une nouvelle tentative de réforme fut faite par Soreth, q. v. et n'aboutit pas davantage. C'est à lui qu'on doit l'ordre féminin des carmélites 1452, qu'illustra et réforma sainte Thérèse, secondée par Jean de la Croix. Elle institua les déchaus-sées, qui furent suivies bientôt aussi des C. de-thaussés, allant pieds-nus. Ces derniers finirent 1383 par avoir leur général à part, et même deux généraux, pour leurs deux provinces d'Espagne et d'Italie, ce qui porta à 4 le nombre des généraux de l'ordre. Mais peu à peu la chair remporta sur l'esprit; l'intempérance et la luxure remplacèrent les règles, et le nom de carme devint proverbial pourdésigner un homme adonné à ces passions. Ils furent plusieurs fois censurés et condamnés par le parlement de Paris. Supprimés en 1780, ils se sont un peu relevés dès lors, mais leurs deux maisons, de Montélimar et de Montpellier, qui comptaient en tout une quinzaine de religieux, ont de nouveau été fermées.

 

CARNAVAL, trois jours de divertissements et de folies, qui précèdent le mercredi des Cendres, et par lesquels les fidèles se préparent à supporter mieux les privations et les austérités du carême. L'Égl. catholique n'a jamais sanctionné, mais elle n'a pas non plus interdit ces réjouissances souvent grotesques. On a voulu faire dériver ce mot du latin: Caro, vale (Adieu, viande), mais c'est étymologiquement peu probable. D'autres le font venir de Car novale (chariot naval) et le rattachent à un vieux sanctuaire germanique, espèce de char nautique, que les populations du Ras-Rhin promenaient en procession dans quelques-unes de leurs solennités religieuses.

 

CAROLINS (livres). Adrien 1er ayant envoyé, 787, en traduction latine, les décrets du 2®e concile de Nicée à l'emp. <îharlemagne, celui-ci les lit examiner par une commission de ses théologiens; leur préavis, qui fat défavorable, fut adopté au conc. de Francfort par les Anglo-Saxons et par les Francs. Ce préavis, avec les capitulaires du conc. de Francfort, dus en grande partie à Charlemagne, forme ce qu'on appelle les Livres Carolins. Ils furent publiés pour la première fois par Jean Tileus, qui fut plus tard év. de Mende. Leur authenticité est prouvée par le fait que Hincmar de Reims les mentionne et les cite. Us condamnent et réfutent plusieurs résolutions du conc. de Nicée comme étant en contradiction avec la Bible et la tradition, et comme empreintes de servilité vis-à-vis de l'empereur; ils repoussent en particulier le décret relatif aux images. Ils donnent l'idée de ce qu'était alors l'état religieux de la France, mais quelques-unes de leurs critiques tombent à faux, parce que la traduction qu'il* avaient des Actes du conc. de Nicée était elle-même défectueuse. Leur influence ne fut pas de longue durée, et le culte des images fut rétabli à la suite d'une lettre d'Adrien, réfutant les erreurs commises au conc. de Francfort.

 

CARPENTARIUS, v. Wagner.

 

CARPOCRATE, et son fils Épiphanes, hérétiques gnostiques, vivaient à Alexandrie au 2»* siècle. Selon eux l'homme Jésus, dont ils niaient la divinité, avait enseigné aux gnostiques à se délivrer du démiurge pour s'unir à la divinité souveraine, à la Monade. Leurs temples renfermaient les portraits de Platon, d'Aristote, de Jésus, etc. La foi seule et l'amour avaient quelque efficace; ils étaient antinomiens. Épiphanes mort à 17 ans, ils lui érigèrent un temple à Céphalonie.

 

CARPZOV, famille allemande qui a fourni à la théologie et au droit un grand nombre d'hommes distingués.

lo Le chef de cette famille est Benoît (ou Bè-nédict) Carpzov, né en Brandebourg 1565, f prof, de droit à Wittenberg 1624; il laissa 5 fils, qui tous se firent un nom; entre autres 2° Benoit, prof, de droit à Leipzig, f 1666, luthérien pieux mais rigide, partisan du système épiscopal, criminaliste impitoyable, qu'on rend responsable de 20,000 condamnations à mort; lecteur assidu de la Bible, non moins assidu au culte public. 11 eut pour fils

3° Jean-Benoit Carpzov 1er, pasteur et prof, à Leipzig, + 1657, auteur d'une Introduction aux livres symboliques des Égi. luthériennes. Son fils est:

4° Jean-Benoît Carpzov II, pasteur et prof, d'hébreu, puis de dogmatique à Leipzig, f 1699, s'occupa surtout d'homilétique. Il combattit Spener et ses « réunions de piété. » Ses publications sont sans importance; il eut pour fils 5° Jean-Benoît III, prof, d'hist. à Leipzig. 6o Samuel-Benoît, frère de Jean-Benoit II, f 1707; fut d'abord prof, de poésie à Witten-berg, puis 1674 prédicateur de la cour à Dresde; très sympathique à Spener, il finit cependant, sous l'influence de son frère, par se tourner contre lui.

7o Son fds Jean-Gottlob, né 1679 à Dresde, f 1767, pasteur et prof, à Leipzig, puis 1730 surintendant à Lttbeck; le plus considérable des théologiens de la famille. Il hérita de son père et de son oncle leur répugnance contre les novateurs de toute nature, et publia même en 1742 un travail contre les Frères moraves. Ses principaux ouvrages sont une Introduction aux livres de l'A. T. 1721, sa Critique sacrée 1728, et son Étude sur les Antiq. de l'A. T. 1748. On y remarque une science de bon aloi, une grande clarté d'exposition et beaucoup de méthode. Il combattit Richard Simon, Leclerc et Spinosa. Son point de vue est celui de Buxtorf et de Hottinger; il admet l'inspiration littérale du texte sacré, son intégrité absolue, l'absence de toute erreur, et l'antique autorité des points-voyelles. Son orthodoxie extrême lui valut une double vocation à Dantzig et à Lttbeck; il accepta cette dernière et fut heureux de voir le culte des réformés confiné hors des portes de la ville, les moraves bannis et les conventicules frappés d'amendes.

8° Jean-Benoît IV, fils de Jean-Benoit III, prof, de poésie et de grec à Helmstâdt, puis abbé de Kônigshutter; f 1803. C'est le dernier des grands théologiens de la famille. Élève de Gessner et d'Ernesti, à Leipzig, il fut appelé comme prof, à Helmstâdt, où les travaux de Teller, entachés de libéralisme critique, ayant compromis la réputation d'orthodoxie de l'université, le prince chargea Carpzov de la relever en publiant un manuel populaire d'instruction religieuse, ce qu'il fit 1768 dans son Liber doctrinale theologiœpurioris. Il s'occupa d'ailleurs plus volontiers dejphilologie, profane et sacrée, écrivit sur les Hébreux, les Romains et les ép. catholiques, et donna sa fille en mariage à l'historien Henke, lejsuccesseur de Teller dans sa tendance libérale.

 

CARRANZA, Barthélémy, souvent appelé de Miranda, du lieu de sa naissance; né 1503; étudia à Alcala, entra 1520 dans l'ordre des dominicains, s'illustra par ses talents et son érudition, fut délégué à Rome en 1539 pour prendre part à un chapitre de son ordre, fut consulté à plusieurs reprises par l'Inquisition dans des cas difficiles, jouit de l'entière confiance de Charles-Quint, fut le confesseur de Philippe qu'il accompagna en Flandre, et refusa trois évêchés. Au conc. de Trente, où il se rendit par deux fois, il soutint avec énergie le droit divin des «■vêques contre les légats qui soulevèrent à cette occasion de violents débats; les Espagnols n'en tinrent pas moins bon jusqu'à la fin. Il accompagna en Angleterre l'infant Philippe lorsqu'il épousa, juillet 1554, Marie-la-Sanglante et profita de son séjour pour activer un peu les persécutions contre les protestants. Marie le nomma son confesseur. A son retour en Espagne il accepta l'archevêché de Tolède 1557; fut la fin de ses triomphes. Charles-Quint étant mort, et, à ce que l'on dit, dans les sentiments de la Réforme, Carranza fut accusé par ses ennemis de n'avoir pas été étranger à cette apostasie de l'ex-empereur. Il fut arrêté par l'Inquisition 1559 et mis en prison; en dépit de sou appel au pape il y passa 8 ans; transféré à Rome en 1567, il y passa de nouveau 9 ans eu prison, et quand enfin on lui fit son procès, en 1576, on constata qu'on ne pouvait le convaincre d'hérésie, mais il resta assez suspect pour qu'on lui infligeât une rétractation publique et une nouvelle suspension de 5 ans de ses fonctions archiépiscopales; il fut placé dans le couvent délia Minerva, où il f 22 mai 1576, âgé de 73 ans. Dans sa prison il écrivit un traité sur la Résidence obligée des évêques. On a encore de lui divers écrits: sur l'Autorité des papes et des conciles, Abrégé des conciles et des papes depuis Pierre jusqu Jules III, Instruction sur la Messe, Catéchisme, etc. Inconséquent, il a prêché la justification par la foi, Jésus seul Sauveur, et il a été le persécuteur acharné des protestants.. v. Droin.

 

CAS 1° de conscience, v. Casuistique. 2° Cas réservés. On appelle de ce nom certains péchés, ou transgressions, pour lesquels un confesseur ordinaire n'est pas en mesure de donner l'absolution. Soit par leur gravité, soit simplement par leur nature, ils relèvent d'une autorité supérieure, des évêques, des généraux d'ordre, ou même du pape. Le conc. de Trente mentionne spécialement les crimes graves et atroces. Ce n'est que peu à peu, au fur et à mesure des besoins et des expériences, que la législation s'est formée et complétée sur ce point. Les cas réservés au pape sont surtout énumérés dans la bulle In ceenâ Domini; ce sont les offenses contre les autorités ecclésiastiques, tous les péchés entraînant l'excommunication, les empiétements du pouvoir temporel sur le spirituel, et aussi d'autres péchés qui ne supposent pas nécessairement l'excommunication, tels que la simonie, des accusations calomnieuses contre un prêtre, etc. Parmi les cas réservés aux évêques on doit ranger presque tous les crimes de droit commun, assassinats, péchés de la chair, violation du secret de la confession, etc.; mais les év. peuvent déléguer leurs droits aux doyens. La violation des vœux monastiq. et les délits qui s'y rattachent, sont réservés aux abbés et aux supérieurs réguliers. Toutefois, quand il y a danger de mort, toutes ces réserves cessent, et le premier prêtre venu peut donner l'absolution au mourant qui se confesse et se repent. Le conc. de Trente est précis dans ses anathèmes sur ces différents points; il y a cependant des canonistes qui soutiennent que l'absolution d'un prêtre est toujours valable, même s'il s'agit de cas réservés.

 

CASAS, Barthélémy (de Las), ou plus ordinairement Las Casas, né à Séville 1474, f à Madrid 1566, consacra sa vie entière à protéger les Indiens de l'Amérique contre les cruautés et la rapacité de leurs envahisseurs. Son père, Antonio, avait accompagné Christophe Colomb à bon premier voyage; il y trouva les ressources nécessaires pour faire étudier à son fds la théol. et le droit à Salamanque. Le jeune Barthélémy lit partie de la seconde expédition 1498, et ne cessa dès lors, pendant un ministère de 50 années, de défendre contre ses compatriotes la population douce et inoffensive dont il s'était fait le père et qu'il s'efforça d'amener à l'Évangile par la douceur et la persuasion. C'est à iiaint-Domingue, 1510, qu'il remplit pour la première fois les fonctions ecclésiastiques; il entra en 1524 dans l'ordre des dominicains, vit accourir à ses appels des prêtres, des missionnaires et des évêques, parcourut tontes les Antilles, et l'Amérique centrale depuis le Mexique jusqu'au Pérou, et obtint parmi les naturels du pays une telle popularité, qu'un mot de sa uiain faisait plus qu'une troupe de soldats. Mais les conquérants compromettaient son œuvre par leurs exactions; ils pillaient et volaient, ils se distribuaient les Indiens comme du bétail et les exploitaient comme des esclaves, les faisant travailler dans les mines et les ruinant sans scrupule pour senrichir le plus possible. Las Casas compte par millions ceux qui périrent en peu d'années, victimes des cruautés des Espagnols. Il fit jusqu'à 7 fois le voyage d'Espagne, pour demander justice envers ses protégés; il vit le roi, la reine, les ministres, le Conseil des Indes, le cardinal Ximénès; il intéressa à sa cause Paul III et Charles-Quint; il obtint tous les pouvoirs, tous les titres, mais il échouait chaque fois contre les passions surexcitées, contre la soif de l'or et contre le mauvais vouloir des gouverneurs et des aventuriers qui ne songeaient qu'à faire fortune. Il avait refusé le riche diocèse de Cuzco; à 70 ans il accepta celui de €hiapa, beaucoup plus modeste, et comme il refusa les sacrements et l'absolution à ceux qui refusaient de se conduire en chrétiens vis-à-vis des Indiens, il souleva de n >mbreuses inimitiés qui se firent jour dans un mémoire publié par l'avocat Prias Albornas; on réussit à faire soupçonner sa fidélité envers la couronne, et le vénérable vieillard dut se remettre une 7»® fois en route pour l'Europe 1547, non plus comme représentant de la cause des Indiens, mais comme accusé. Le pays et la cour étaient divisés en deux camps ennemis: on était pour ou contre Las Casas. Une assemblée de prélats, de théologiens, de juristes, devait traiter la question devant le Conseil des Indes réuni à Valla-dolid. Sépulveda se porta comme accusateur; Las Casas lui répondit et n'eut pas de peine à gagner sa cause. Charles-Quint défendit d'une manière absolue toute atteinte à la liberté des Indiens, et prit les mesures nécessaires pour que cette résolution ne fût pas une lettre morte. Le pieux philanthrope avait réalisé le rêve de sa vie. Il avait écrit une vingtaine d'ouvrages et mémoires plus ou moins considérables, la plupart à la demande du roi ou du Conseil des Indes, entre autres, en 1524, à Saint-Domingue, un traité latin sur le seul moyen de convertir les Indiens, savoir la charité; un autre sur les moyens légaux et chrétiens d'assurer aux Indes la domination des rois d'Espagne; en 1552 une Brève relation de la destruction des Indiens; une Hist. des Indes occid. depuis leur découverte jusqu'en 1520; à l'âge de 90 ans il écrivit encore en faveur des Péruviens. Ces différents ouvrages, auxquels les intéressés reprochent des exagérations, ont du moins été reconnus exacts sur tous les points où la vérification a été possible; tout au plus peut-on reprocher à l'auteur une certaine partialité en faveur des malheureux dont il prenait la défense. Quant à l'accusation portée contre lui d'avoir introduit en Amérique l'esclavage des nègres pour soulager les Indiens, elle tombe devant le fait que les Portugais faisaient déjà la traite vers le milieu du 15»© siècle, et que ce commerce fut interdit en 1506 à cause des dangers qu'il présentait au point de vue politique. Las Casas mourut dans un couvent des environs de Madrid, à 92 ans, après une courte maladie, 1566.

 

CASELIUS, Jean, d'une famille de Hollandais réfugiés pour cause de religion; né à Gëttingue 1533, f à Helmstàdt 9 avril 1613; fut un des humanistes les plus distingués de son temps, un des élèves préférés de Mélanchthon. Après deux voyages en Italie, d'où il revint en 1566 avec le titre de docteur en droit, et une réputation qui lui valut de l'emp. Maximilien des lettres de noblesse, il s'attacha à la personne du duc Jean-Albert de Mecklembourg, qui lui confia l'éducation de ses deux fils à Rostock; il y resta de 1570-1589 et regarda toujours ces années comme les plus belles de sa vie. Il refusa une vocation à la nouvelle université de Helmst&dt, parce qu'il ne pouvait signer la Confession de foi obligée; mais 14 ans plus tard, son élève Jules étant arrivé au gouvernement et l'ayant dispensé de la signature, il accepta les fonctions de professeur, qu'il remplit pendant 35 années. Malheureusement pour lui les temps avaient changé; lés esprits, tout à la guerre ou à la théol., ne savaient plus apprécier la belle littérature. Sa réputation européenne, l'amitié de Scaliger et de Casaubon, la protection du duc, ses talents, son latin classique, son caractère môme, ne réussirent pas à lui épargner des déboires que lui préparait la position incertaine qu'il avait prise dans les luttes théologiques. Son collègue Daniel Hoffmann écrivit contre lui en 1598, pour lui reprocher la place trop grande qu'il faisait à la philos, et à la raison; il y répondit par des écrits pleins de finesse et d'une élégance toute romaine, mais qui manquaient d'énergie et d'actualité. 11 a publié un assez grand nombre d'ouvrages sur la grammaire, la rhétorique, la pédagogie et la politique, se plaignant de la décadence des lettres et du retour de la barbarie. Il s'éteignit à 80 ans, comme un vieux savant déclassé dans un monde qui n'est plus le sien.

 

CASSANDER, Georges, né 24 août 1513 à Cazdand près Bruges, un des savants catholiques les plus paisibles du 16"1* siècle. Après avoir étudié à Bruges, à Gand et à Cologne, il fut appelé par le duc Guillaume de Clèves à réconcilier les anabaptistes avec l'Église romaine, et il publia à cette occasion un travail sur le baptême des enfants. L'emp. Ferdinand l'employa ensuite à une œuvre plus difficile; reconnaissant l'inaptitude du conc. de Trente à rapprocher les Églises, il entreprit d'y aviser lui-même directement, et il s'entoura de théologiens modérés, parmi lesquels Cassandre figurait au premier rang, s'étant déjà fait connaître en 1551 par un écrit sur la conciliation, et par la modération avec laquelle il avait répondu à Calvin et à Bèze. Sa santé l'ayant empêché de se rendre à Vienne sur l'invitation de l'empereur, il envoya de Cologne une Consultation, dédiée à Maximilien (Ferdinand étant mort dans l'intervalle). Son point de vue est celui d'une conciliation sur le terrain des anciens conciles, de Constantin à Léon ou à Grégoire-le-Grand. Il n'abandonne pas la tradition; il admet le schisme en ce qui touche à la personne de Christ. Mais il veut l'union dans la charité pour les divergences sur les rites, opinions et cérémonies. Strictement orthodoxe en ce qui le concerne, il voudrait que Rome cédât sur la question de la coupe, de la valeur inégale des sacrements, et du mariage des prêtres. C'est un peu ce que demande aujourd'hui la réforme catholique. f 1566. L'Église essaya en vain d'obtenir de lui une rétractation, et depuis 1616, sur l'initiative de Louvain, ses œuvres sont à Tindex.

 

CASSEL (Colloque de), conférence qui eut lieu en 1661 par l'initiative personnelle du landgrave de Hesse, Guillaume VI, et dans laquelle les théologiens réformés de Marbourg et les luthériens de Rinteln examinèrent en paixr du 1er au 9 juin, les points sur lesquels ils étaient d'accord et ceux sur lesquels ils différaient. Musée et Heunichen d'un côté, disciples de Calixte, et de l'autre Curtius et Hein, anciens élèves des académies suisses et hollandaises, poursuivirent ainsi sous les yeux des commissaires du duc l'œuvre de pacification rêvée par Calixte et l'écossais Dury. Ils s'entretinrent de la Cène, du baptême, de la prédestination et de l'union des deux natures en Christ; ils reconnurent à l'unanimité que leurs divergences ne touchaient pas au fondement de la foi, et conclurent à la convocation d'un congrès oti les théol. des contrées voisines auraient à ratifier les propositions d'union qui leur seraient présentées. Malheureusement le duc f 1663, avant d'avoir pu donner suite à ce projet, qui s'éteignit avec lui.

 

CASSIEN, Jean, contemporain de Jérôme et d'Augustin, écrivain ascétique, né vers le milieu du 4me siècle en Gaule, probablement en Provence; selon d'autres, en Chypre. Il entra fort jeune dans un monastère de Bethléhem, sous les auspices de son ami l'abbé Germain. Ils visitèrent ensemble en 390 les solitaires de la Thébaïde, et après un second voyage en Égypte, se rendirent à Constantinople où Chrysostome venait d'être nommé patriarche. Chrysostome attacha Cassien à son église, Cassien prit le parti de son supérieur dans les discussions dont celui-ci fut victime. Il plaida sa cause auprès d'Innocent 1er, et resta quelque temps k Rome. 11 en fut chassé par l'invasion des Goths, et s'établit vers 415 à Marseille où il fonda 2 couvents, dont un à Apt. Après la condamnation de Pélage, Cassien releva quelques-unes de ses idées qui lui paraissaient justes, et se mit à la tête d'une opinion moyenne, connue sous le nom de semi-pèlagianisme. Il reconnaissait la corruption humaine comme suite de la chute d'Adam. Le combat de la chair contre l'esprit est aussi une suite de la chute, mais il doit être dirigé de Dieu pour préserver l'homme de paresse et d'orgueil et concourir à son développement. Cassien maintenait contre Pélage l'insuffisance dn libre arbitre, et contre Augustin il soutenait que l'influence de la grâce est déterminée par le libre assentiment de la volonté humaine. Il estimait que l'homme, depuis la chute, est malade, mais pas mort. Il f vers 440, très avancé en âge. On a de lui un Traité des institutions monastiques en 12 livres, 420,. dédié à son ami Castor, év. d'Apt; un travail plus considérable sur le même sujet: 24 confér. des Pères du désert, et un traité de l'incarnation, écrit à la demande de Léon-le-grand, contre Xestorius. Il n'a pas été canonisé; cependant quelques diocèses le fêtent le 23 juillet, et Thomas d'Aquin appréciait extrêmement ses écrits, dont le style, d'ailleurs clair et persuasif, ne manque pas d'une certaine élégance.

 

CASSIN, v. Mont-Cassin.

 

CASSIODORE, Magnus Aurelius, né entre 468 et 480 à Squillace, Calabre, d'une vieille famille romaine, remplit avec distinction sous Théodoric, roi des Goths, et sous ses successeurs, plusieurs hautes fonctions, préfet du prétoire, consul, etc., comme son père l'avait fait avant lui sous Odoacre. Avec l'âge il abandonna les affaires publiques, et se retira dans le couvent de Viviers, près de sa ville natale, où il continua de se rendre utile à ses contemporains par sa piété, son influence sur les moines et ses travaux littéraires; il rassemblait et faisait copier les plus précieux mss. de l'antiquité, f vers 575, presque centenaire. On a de lui un Traité de l'Âme, 4 livres sur les Arts libéraux, 12 livres de Lettres, un Comment, sur les Psaumes, une Hist. des Goths, enfin une Hist. de l'Église en 12 livres, extraite de Socrate, Sozo-mène et Théodoret (d'après la trad. de son ami Épipbane-le-Scolastique). Cet ouvrage, avec Mist. d'Eusèbe, a été au moyen âge la principale source et autorité en matière d'hist. ecclésiastique. Eloge et Vie, par le bénédictin Sainte-Marthe. Ed. de ses QEuvres, D. Garet, Rouen 1729.

 

CASTALION, Sébastien, CasteUion, ou plus exactement ChateiUon (c'est lui qui changea son nom, par allusion sans doute à la poétique source de Castalie). Né 1515 en Savoie, selon d'autres en Dauphiné, ou près de Nantua; f à Bàle 29 déc. 1563, de privations et de misère. Il doit surtout sa réputation à ses luttes avec Calvin. D'une famille respectable, mais trop pauvre pour pourvoir à ses études, il eut le bonheur d'être chargé de l'éducation de 3 jeunes nobles qu'il accompagna à Lyon, où il sut mettre son temps à profit. En 1540 il est à Strasbourg, où Calvin le loge dans sa maison, en attendant que, de retour à Genève, il lui procure me place de régent au collège. Philologue plus que théologien, avec plus de goût que de profondeur, ne jugeant les choses qu au point de vue critique, il ne tarda pas à se brouiller avec m amis par la manière tranchante avec laquelle il se prononçait sur des questions qu'il n'avait pas suffisamment étudiées: ainsi sur le Cantique des Cantiques, qu'il traitait d'obscène; sur la descente de Christ aux enfers; sur l'élection, cela va sans dire. Il avait entrepris une nouvelle version de la Bible en français et en latin, mais Calvin lui fit plusieurs observations qui achevèrent de le froisser et rendirent impossible la continuation de leurs rapports. Casta-lion résigna ses fonctions de régent, mais demanda en même temps d'être agrégé au clergé genevois; il y avait quelques titres par son instruction, par les soins qu'il avait donnés à l'égl. de Vandœuvres, et par le dévouement avec lequel il avait offert ses services pour l'hôpital pendant la peste de 1543; mais ses opinions particulières, sa vanité, ses attaques violentes contre les pasteurs empêchèrent sa nomination. Il quitta Grenève 14 juillet 1544, et se rendit à Bàle, où il vécut quelques années dans une grande pauvreté, labourant la terre ou ramassant le bois flotté, faisant tout pour entretenir sa famille, et publiant de temps à autre quelques écrits, dont les premiers n'eurent d'autre résultat que de le faire connaître et de lui procurer enfin, en 1552, une place de prof, de grec. Le libraire Oporin fut à la fois son protecteur et son éditeur. Les ouvrages de Castalion sont nombreux. Les plus remarquables sont ses Dialogues sur l'Uist. sainte, en latin, qui eurent de nombreuses éditions en plusieurs langues; sa trad. de la Bible, en latin, Bàle 1551, à laquelle on reproche surtout d'avoir sacrifié l'exactitude à l'élégance, et d'avoir modernisé certaines ex pressions (ainsi il dit lotion pour baptême, génies pour anges, république pour église, collège pour synagogue, etc.); ces expressions bizarres ont disparu dans les éditions subséquentes; sa trad. de la Bible en français, avec annotations, Bàle 1555, moins élégante que la précédente, et d'un français souvent vulgaire, quoiqu'on en ait exagéré les défauts; une trad. de la Théo-logia germanica, l'un des ouvrages les plus considérables du mysticisme allemand; plusieurs traités de controverse, notamment contre Bèze et Calvin, un entre autres à propos du supplice de Servet; des Comment, sur diverses portions des Écritures, diverses trad. d'auteurs grecs, etc. Il fut enterré dans les tombeaux des Gryn&us, et plusieurs épitaphes furent composées en son honneur. Il laissa 4 filles et 4 garçons; le plus jeune, Frédéric, né 1552, d'abord pasteur à Huningue, puis prof, de grec et de rhétorique à Bâle, f d'apoplexie 16 mai 1613.

 

CASUEL, se dit en général du revenu que procure au prêtre l'accomplissement de cérémonies, baptêmes, mariages, enterrements, pour lesquelles il revêt son étole (d'où le nom allemand de Stolgebuhren). L'ancienne Égl. ne connaissait rien de semblable, mais elle recevait des dons volontaires, qui servaient à l'instruction du clergé. Il était bien entendu que ce n'était pas le prix d'un acte religieux, Matth., 10, 8., que par conséquent il n'y avait pas simonie. Mais peu à peu on y attacha l'idée de témoignages de reconnaissance, et on réussit à les concilier avec Matth. 10, 10. Luc 10, 7. 1

Cor. 9, 11. On fit un pas de plus avec Innocent III, et leconc. de Latran 1215, en stipulant que les ecclésiastiques devaient remplir leurs fonctions gratuitement, ajouta que les fidèles devaient aussi de leur côté conserver la vieille coutume d'offrir un cadeau à l'officiant. Plus tard on y ajouta pour le prêtre le droit de se plaindre si on lui refusait l'offrande. L'importance du cadeau était d'abord déterminée par l'état de fortune du fidèle, mais comme il y eut des abus de part et d'autre, on finit par établir un tarif fixe, que chacun pouvait dépasser, s'il le voulait, mais qui représentait bien le prix de la cérémonie. La distribution de l'eucharistie, l'extrême onction, l'ordination et le sacrement de la pénitence n'étaient pas tarifés et le don dépendait de la fortune ou de la générosité du donateur. Le revenu appartenait au titulaire de la paroisse; si Ton jugeait bon de recourir au ministère d'un étranger, il y avait double casuel à payer, l'un à l'ordinaire, l'autre à l'officiant. L'Egl. ne veut pas considérer cet impôt comme le payement d'une cérémonie spéciale, mais elle y voit l'accomplissement du devoir imposé à chacun de concourir aux dépenses de la paroisse dans la mesure même où il y est intéressé; il est interdit au prêtre de se faire payer d'avance; il trouvera toujours moyen de se faire payer après, si même il y avait quelque velléité de refus. Il est parfaitement juste que chacun vive de son travail, et l'on ne peut dire que les humbles prêtres soient en général trop payés; mais la forme de cet impôt est humiliante pour celui qui le perçoit, souvent vexa-toire pour celui qui le paye, et elle est certainement peu conforme à l'esprit de l'Évangile. Les égl. luthériennes l'ont aboli presque partout; les églises réformées partout.

 

CASUISTIQUE. On donne ce nom d'une manière générale à l'étude des difficultés qui peuvent se présenter quelquefois dans l'application des principes de la morale, ces principes d'ailleurs n'étant jamais contestés, ni mis en question. Les cas dont il s'agit sont rares, et bien des personnes peuvent traverser la vie entière sans se trouver en face d'une question qui embarrasse leur conscience; l'homme honnête et droit de cœur peut être aux prises entre son devoir et son intérêt, mais habituellement son devoir est assez clairement tracé pour que l'hésitation ne soit pas possible, et à quelque résolution qu'il s'arrête, il sait s'il a bien ou mal agi. Dans certains cas cependant, et surtout quand il y a lutte entre deux devoirs qui semblent contradictoires, la conscience peut hésiter; plus ou moins éclairée, elle peut se demander tour à tour: Est-il permis de guérir un homme le jour du sabbat? Est-il permis de payer le tribut à Cés^r? Fait-on bien de se marier?

Luc 14, 3. Matt. 22, 17. 1 Cor. 7, 8. Et si l'Écriture nous présente ces exemples, la vie en offre d'autres, qu'il serait facile de multiplier. Sans parler des cas très clairs, où il n'y a d'incertitude que si l'on est décidé de faire le mal, il y a des cas difficiles à résoudre dans le commerce; il y en a pour le mariage; il y en a pour le pasteur, changements de poste, concessions à faire, conciliation de la fidélité et de la charité, etc* C'est à l'âme chrétienne elle-même qu'il appartient de résoudre ces difficultés, mais quelquefois elle peut avoir besoin de directions, et l'Eglise, déjà vers le 4™e et le 5™ siècle, fut appelée à se prononcer sur diverses questions importantes sur lesquelles les docteurs n'étaient pas d'accord. Cyprien, Tertullien, Augustin les examinèrent à divers points de vue, la question des apostasies momentanées, p. ex.; et peu à peu les membres de l'Égl. prirent la commode habitude de consulter leurs conducteurs, et ceux-ci de donner des conseils et des directions. Au moyen âge c'était devenu une carrière, une spécialité et même une littérature. Les livres pénitentiaux abordaient naturellement ces sujets, et à mesure qu'on voulut les perfectionner en les complétant, on s'enfonça davantage dans les minuties, et l'on en vint à ces distinctions subtiles qui furent le dernier mot de la casuistique, l'un des plus grands dangers de la morale. D'un côté l'étude du droit canon, de l'autre la méthode scolastique, P. Lombard, Alex, de Haies. Thomas d'Aquin (surtout dans sa Summa) concoururent à faire de la casuistique une science, et quand la confession auriculaire eut été introduite dans l'Égl., 1215, les anciens manuels ne suffisant plus, on en fit de nouveaux, dans lesquels étaient prévus autant que possible tous les cas, de manière à gêner d'une part l'expansion spontanée de la vie chrétienne, de l'autre à tranquilliser les consciences en remplaçant par une pénitence plus ou moins équivalente les dispositions intérieures que l'Evangile réclame. Ce que le christianisme n'avait pas voulu faire, la casuistique l'entreprit. Raymond de Pennaforte au 13mesiècle; au 14me et au 15me un grand nombre de moralistes, casuistes ou summistes; au 16m® Sylvestre Prierias, firent des travaux considérables, rangeant souvent par ordre alphabétique la liste des péchés, des vertus, des incidents et des cas de conscience qu'un bon confesseur doit connaître. Mais les casuistes n'étaient pas toujours d'accord; les uns plus indulgents absolvaient ce que d'autres condamnaient, et il en résulta un scepticisme moral auquel il devint urgenl de remédier. On crut y parvenir par la doctrine des probabilités, mais le remède fut encore pire que le mal, et la conscience en vint à ne plus regarder comme mauvais que les actes condamnés par les docteurs unanimes; s'il y avait un docteur qui hésitât, on s'autorisait de son nom pour se permettre ce qu'au fond du cœur on condamnait soi-même. La Réforme vit le danger, mais elle ne sut pas, surtout l'Égl. luthérienne, y échapper complètement. Perkins, de Cambridge (1558-1602), écrivit une Anatomie de la conscience, et même des Cas de conscience; Amesius, sous forme de catéchisme, écrit 5 livres sur la Conscience et ses cas; Fréd. Bal-duin, de Wittenberg (1575-1627) de même. Tous ont grand soin de protester contre les abus de la casuistique romaine et de s'en tenir aux questions vraiment graves et difficiles, mais le pas est glissant, les scrupules théol. se mêlent aux réflexions morales, et les superstitions elles-mêmes finissent par trouver place dans cette littérature factice, qui devrait ne relever tout entière que de la prudence pastorale. Les théologiens protestants comprennent peu à peu re qu'il y a de feux dans cette réglementation mécanique de la vie chrétienne. Osiander est beaucoup plus sobre, Spener est plus spirituel, et avec Buddeus la théol. morale se débarrasse complètement de la casuistique comme branche distincte et comme enseignement spécial. En revanche, les théol. catholiques se lancèrent avec une ardeur toute nouvelle dans cette voie dangereuse, et les jésuites en particulier, notamment Mariana, Suarez, Molina, Sanchez et Escobar, poussèrent les subtilités si loin qu'on ne sait plus si c'est le hideux ou le ridicule qui remporte dans leurs manuels dits de morale. Ils furent combattus avec une rare énergie par les solitaires de Port-Royal, par Arnaud, Pascal, Nicole, qui s'illustrèrent dans cette campagne en faveur de l'honnêteté vulgaire; ils furent abandonnés même par leurs amis, les Mabillon ^t les Du Pin, et s'ils perdirent leur cause devant l'opinion, ils se vengèrent en faisant raser Port-Royal. Ils ont d'ailleurs de telles racines dans la corruption naturelle du cœur, qu'il leur a été facile de recommencer, et de nos jours le p. Gury s'est fait l'auteur d'un manuel tel qu'il est difficile d'en citer des fragments, même en latin; les gouvernements de plusieurs cantons suisses ont dû, dans l'intérêt des mœurs, en interdire l'usage dans les établissements publics où les jésuites l'avaient introduit comme livre de lecture pour leurs séminaristes.

 

CATACOMBES. Ce mot, tiré du grec, signifie d'après son étymologie: cavité d'en bas, combe inférieure. Il a servi d'abord à désigner des galeries souterraines faites en vue de l'extraction du sable et de la pouzzolane aux environs de Rome. On y enterrait aussi les esclaves. Ces carrières ayant été abandonnées pour un motif quelconque, peut-être parce qu'elles ne présentaient plus un intérêt suffisant comme exploitation, les juifs d'abord, puis les chrétiens les utilisèrent comme nécropoles. On y tailla dans le tuf des rues plus ou moins régulières, bordées de couchettes étroites ou de caveaux plus considérables, et percées de niches perpendiculaires à l'axe de la voie. On fit naturellement une place d'honneur aux martyrs, et comme on avait l'occasion de se réunir souvent pour les honorer, on prit l'habitude d'y célébrer le culte, d'y distribuer la Cène, et au besoin de s'y réfugier dans les temps de persécutions. Le respect des Romains pour les tombeaux faisait de ces galeries funéraires une retraite relativement sûre. Si d'année en année le nombre des tombes allait en se multipliant et rendait nécessaires de nouvelles rues, on s'occupait aussi d'orner et surtout de distinguer certaines tombes; les familles avaient les leurs, l'Égl. avait les siennes. Elles étaient fermées par des tables de marbre ou de brique, sur lesquelles on gravait ou dessinait soit les noms et les titres du défunt, soit des symboles ou de simples ornements. Le manque d'air et de lumière, joint à ce qu'il y avait de malsain dans le fait de la décomposition des corps, ne permet cependant pas de croire qu'il s'y tint des réunions nombreuses et prolongées en dehors des cas d'absolue nécessité. Calixte fait creuser une catacombe sous la basilique di> Saint-Sébastien, mais déjà Léon-le-Grand est enterré hors des catacombes, 461. Puis au-dessus des tombeaux des martyrs on élève des églises et des chapelles, en communication avec la crypte, mais de manière à ce que les fidèles ne soient pas obligés d'y descendre. Tantôt utilisées, tantôt interdites ou délaissées. les catacombes cessèrent enfin au 7me siècle d'être officiellement employées par l'Église. L'approcha des barbares avait d'ailleurs décidé les évêques à retirer de leurs tombeaux les corps des saints et des martyrs, pour les mettre à l'abri de toute profanation dans les temples de la capitale, ou en leur élevant des chapelles particulières. Peu à peu l'oubli se fit sur les catacombes; au 15™ siècle on n'y pensait plus. Enfin Jean Lheureux (Macarius) et Bosio, 1593-1600, leur rendirent quelque notoriété, les visitèrent et publièrent ce qu'ils connaissaient de cette Rome souterraine, et dès lors les fouilles se sont continuées avec intelligence et activité. Auj. de nombreux ouvrages ont paru qui en donnent une description détaillée; Bellermann 1839, Perret 1852-1856, de Rossi 1864-1867, Roller 2 vol. 4° avec 100 planches. Il n'est pas facile de donner le plan exact des catacombes; elles s'entre-croisent sous terre et sont quelquefois superposées les unes aux autres jusqu'à une profondeur de 25 mètres; leur étendue totale est évaluée à environ mille kilomètres, mais sur plusieurs points elles sont obstruées par des amas de matériaux entassés ou éboulés. Les principales sont celles de Calixte, de Domitilla, de Sainte-Agnès, de Saint-Sébastien; sur la route d'Ostie on montre celle de saint Paul; on croit que sous le Vatican il y en a une où repose saint Pierre, etc. Klles sont placées sous la direction de la congrégation des indulgences et des reliques, qui peut puiser dans cet inappréciable trésor toutes les reliques qui lui sont demandées pour les églises nouvelles, soit des corps entiers, soit des fragments de corps des saints. L'étude des catacombes présente nn grand intérêt pour l'archéologie chrétienne; on y prend sur le vif ce qu'étaient la vie, la foi et les espérances de la primitive Église. Les symboles abondent: le poisson, dont les 5 lettres en grec sont les initiales de: Jésus-Christ, de Dieu le fils Unique, Sauveur; la colombe, image de l'esprit; l'agneau, image du chrétien; le paon, le cheval, la palme, le vaisseau, etc.; point de crucifix, des croix seulement à partir des 4*ne et 5me siècles. Parmi les inscriptions, aucune allusion au culte de la Vierge ou à l'intercession des saints; le monogramme du Christ; quelques mots, tels que, In pace, et Dormit, etc. Comme peintures, la vigne et ses sarments, Daniel dans la fosse aux lions, le bon berger portant sa brebis, Suzanne calomniée et réhabilitée. Des lampes de terre cuite, quelques fioles de verre avec un dépôt rougeâlre que l'on avait pris d'abord pour du sang de martyrs, mais qui paraît être plutôt du vin eucharistique, etc. Il existe des catacombes en beaucoup d'autres lieux, à Naples, à Florence, à Lucques, à Ca-nossa, en Sicile; celles de Syracuse forent jadis les célèbres Latomies ou carrières de Denys-le-Tyran, qui y fit enfermer Philoxène. Les catacombes qui s'étendent sous Paris ne furent d'abord que des carrières d'extraction; en 1786 on y réunit comme dans un vaste ossuaire les débris des cimetières de toute la ville, et un grand nombre de ceux qui étaient enterrés dans les églises. En 1792 on y ajouta les cadavres des victimes delà passion révolutionnaire.

 

CATAFALQUE. Ce mot d'une étymologie douteuse (peut-être de l'italien balco) désigne l'estrade ou l'échafaudage, ordinairement élevé dans une église, sur lequel est déposé avant la sépulture, le cercueil d'un mort pendant le service et les prières funèbres. Souvent richement orné, il est entouré de cierges et aspergé d'eau bénite.

 

CATAPHRYGIENS, v. Montanistes.

 

CATERKAMP, ou Katerkamp, Jean-Théodore Hermann, né à Hochtrup 17 janv. 1764, f à Munster, 8 juillet 1834; théol. cathol., chanoine de la cathédrale de Munster, après avoir été prof, d'hist. ecclésiastique et de droit canon dans c^tte même ville, où il avait fait ses premières études. Un préceptorat dans la faintttede Droste-Vischering, en lui faisant faine un voyage de 2 ans en Suisse et en Italie, avait élargi le cercle de ses idées et de ses connaissances, et s'il resta catholique jusqu'à la fin, il n'eut jamais les idées étroites de l'esprit de secte. Il a laissé une Hist. ecclés. estimée, «ne Notice sur le comte de Stolberg, un traité sur la primauté de Pierre, une Vie d'Amélie de Gallitzin, etc.

 

CATÉCHÉTIQUE, ensemble des règles adoptées pour l'enseignement de la religion aux enfants, et, d'une manière plus générale, à ceux qui n'étant pas encore chrétiens désirent apprendre à connaître le christianisme: Ce mot vient d'un mot grec qui signifie instruire par la parole et qui se trouve dans l'original de Luc 1,4. Act. 18, 25. Rom. 2, i8.1 Cor. 14,19. Gai. 6,6. Plus tard il s'y ajouta l'idée de l'enseignement par demandes et réponses. On appelle catéchumènes ceux qui reçoivent l'instruction, catéchistes ou catèchètes ceux qui la donnent (il y a eu transposition dans l'usage de ces termes, car autrefois c'étaient les disciples qui étaient dits catèchètes, comme on le voit dans Léon de Juda); catéchisme le livre plus ou moins développé, ordinairement assez court, qui résume la matière de l'enseignement, et catéchèse l'enseignement oral qui accompagne, pour l'expliquer et le développer, l'enseignement écrit du catéchisme. Cette branche de l'homilétique est dans la nature des choses et date de loin; l'Hébreu devait apprendre à ses enfants l'histoire de son peuple et leur faire connaître la loi ligne après ligne, commandement après commandement; le N. T. nous montre le maître des simples et le docteur des ignorants, et dès les premiers siècles de l'Égl. chrétienne l'enseignement des catéchumènes occupe une grande place dans l'école, dans l'activité pastorale et dans l'œuvre missionnaire. On connaît en particulier l'importance que ne tarda pas à acquérir l'école catéch. d'Alexandrie, qui remplissait la double mission d'instruire les prosélytes et de former des catéchistes. Au moyen âge, et quand le baptême des petits enfants eut fait disparaître l'ancienne notion des prosélytes, (puisque tous les baptisés étaient de droit membres de l'Église), l'idée du catéchuménat se modifia; on ne l'appliqua plus qu'aux populations païennes qu'il s'agissait de convertir, et, pour leur faciliter l'entrée dans l'Église, on réduisit toute l'instruction religieuse et toute condition requise pour le baptême à la seule déclaration par laquelle le prosélyte demandait à être baptisé, en s'engageant à suivre le culte et à se soumettre à la discipline. Les sectes en revanche attachèrent touj. une grande importance à ce que leurs disciples pussent rendre raison de leur foi. Gerson a traité ce sujet, mais uniquement au point de vue des confesseurs et du confessional. Depuis la Réformation les choses ont changé: l'enseignement religieux de l'enfance et de la jennesse est devenu l'une des principales branches de l'activité pastorale, et il s'est formé une littérature catéchétique si volumineuse que la seule nomenclature en ferait des volumes. Outre les catéchismes de Luther, de Heidelberg, de Calvin, il faut mentionner au moins les travaux de Spener et de Francke. En Allemagne, en Angleterre et en France, chaque année voit eclore de nouveaux essais, et l'Église catholique elle-même, depuis Canisius, est entrée dans cette voie.

 

CATHARES. Ce nom, qui signifie purs, puritains, et d'où est venu l'allemand Ket-ztr, hérétique, a pu désigner dans l'origine Je vrais hérétiques, tenant du manichéisme, mais il n'a pas tardé à s'employer d'une manière générale pour désigner les sectes nombreuses qui surgirent vers le siècle dans le midi de la France et au nord de l'Italie, où d'une part l'opposition des seigneurs à la hiérarchie, de l'autre les luttes des emp. contre les papes favorisaient la liberté de la pensée. Les cathares, appelés aussi gazares, ou publicains, bons hommes, patarins (qui se contentent du Pater), tisserands « à cause de la profession que plusieurs d'entre eux exercent » (Egbert, abbé de Schttnauge), se propageaient en secret, sans affecter un caractère de secte. Un d'eux faillit même être canonisé. On les trouve en 1101 à Agen, en 1115 à Soissons, en 1140àPérigueux. Ils étaient ennemis des formes. Quelque rustre 'pie l'on soit, dit Egbert, si l'on se joint à eux on devient en huit jours si expert qu'on peut raisonner de tout et répondre à tout. En 1121 ils sont à Trêves et à Cologne. Everinus, prévôt de Steinfield, dioc. de Cologne, écrit à Bernard de Clairvaux pour se plaindre de leur voisinage; il ne sait trop que penser d'eux; il constate leur connaissance des Écritures et admire leur courage en présence du bûcher et dans les flammes. Plusieurs passèrent en Angleterre en 1159. On essaya contre eux de la persuasion, de la prison, des croisades, même de la peine de mort (malgré Bernard); tout fut inutile. Ceux qui rentrèrent dans l'Église dirent qu'ils étaient fort nombreux, et qu'ils comptaient des adhérents même parmi les moines et dans le clergé; tous étaient d'accord à dire qu'ils dataient de loin et que leur doctrine existait en Grèce et dans d'autres pays (pauliciens, hogomiles). Les uns admettaient 2 principes: les autres, un principe et un ange déchu. Plusieurs concluaient de la parole: Venez, les bénis de mon père, • et de Eph. 4, 13 « l'homme parfait, » que les femmes n'iraient pas au ciel.

D'après Everinus, 1163, un de leurs principes fondamentaux était que tout ce qui ne procède pas de Christ et des apôtres est une superstition: ils ne baptisaient que les adultes, n'autorisaient le mariage qu'entre vierges, s'opposaient à l'intercession des saints et aux macérations, niaient le purgatoire et l'efficace des prières pour les morts. — Quant aux sectes orientales, c'est probablement des pauliciens réfugiés en B ilgarie que sortirent les bogomiles, dont le nom, slave d'origine, signifie grâce de Dieu (Bog = Dieu, Milié = pitié), parce que dans leurs prières ils imploraient la miséricorde de Dieu (de même que les euchytes au 5mc siècle, et les beggars plus tard). Ils se propagèrent en silence et sous l'habit de moines. Le principal d'entre eux, à Constantinople, était Basile, vieillard, moine et médecin. Alexis Comnène, par un honteux stratagème, lui fit rendre compte de toute sa doctrine; puis il fit dresser deux bûchers, dont l'un avec une croix, et menaça d'y faire jeter tous les bogomiles; ceux qui s'approchèrent de la croix furent acquittés, les autres furent condamnés à une prison perpétuelle; Basile seul fut exécuté, 1116. Selon eux, l'ancien et mauvais principe, Nathanaël, aurait porté les anges à la révolte, et aurait ensuite cherché à se soumettre, par le mosaïsme, les hommes de Dieu. Le Dieu suprême envoya alors Christ, ou l'homme-Dieu, incarné dans un corps d'une nature supérieure, qui n'était qu'en apparence soumis aux besoins des sens. Délivrés par lui, les hommes se dépouillent dans le sommeil de la mort de la vie du péché, et sont ainsi glorifiés et rendus participants du règne de Dieu. Les bogomiles rejetaient toutes les cérémonies de l'Église, les sciences, le mariage; ils jeûnaient. Chrysomane, successeur de Basile, fut condamné au feu k Constantinople, 1140. On donna du reste le nom de bogomiles k tous les chrétiens plus spirituels et plus indépendants des rites ou des traditions; deux év. deCappadoce furent condamnés comme tels, ainsi que le moine Niphon et un patr. de Constantinople. On n'assigne aucune date précise k la disparution de ces sectes, qui se transformèrent plus qu'elles ne s'éteignirent, et dont la partie la plus saine se fondit dans la Réforme.

 

CATHERINE, nom que les uns dérivent du grec catharf pur; les autres du syriaque kéthar, couronne, en le rattachant à la triple couronne de la première des Catherine: science, martyre et virginité.

1° Jeune fille d'Alexandrie, de race royale, dit-on, qui souffrit le martyre sous Maximin Daza, vers 312. Il n'en est parlé que depuis le 9m<> siècle, où l'on découvrit sur le Sinaï son corps parfaitement conservé. On en fait la patronne des écoles de filles, et même des élèves en philos», parce qu'on prétend qu'à 17 ans elle convertit plusieurs des 50 philosophes que l'empereur lui avait envoyés pour la ramener au paganisme. On dit aussi que son nom était Dorothée, et qu'on le changea pour rappeler sa triple couronne. Elle est représentée s'appuyant sur une roue brisée et teinte de sang.

2° Catherine, de Sienne, fille d'un teinturier nommé Jacob Benincasa; née 1347; entra à 20 uns clans l'ordre des sœurs de Dominique, où « Ile eut des révélations et composa des écrits mystiques qui lui firent une grande célébrité. Elle se distingua aussi par sa piété et par une charité active. Elle réconcilia les Florentins avec le pape Grégoire XI d'Avignon, joua un Krand rôle dans l'histoire du schisme, écrivit en faveur d'Urbain VI contre Clément VII, et + 29 avril 1380, à 33 aus, exténuée par ses austérités. Canonisée 1461. On a d'elle des correspondances remarquables, des poésies, six traités <le dévotion dialogués, en latin, et divers autres ouvrages spirituels pleins d'éloquence et de feu. La meilleure éd. de ses œuvres est celle de Gigli, Sienne et Lucques 1707-1713,4 vol. 4<>, où se trouve le Dialogue entre le Père éternel et sainte Catherine, qu'elle dicta 1378 étant en extase. Le sénateur Stefano, de Sienne, a écrit sa Vie. Le pape Pie II disait d'elle, qu'on ne pouvait pas s'en approcher sans devenir meilleur. Pendant la peste de 1374, elle se multiplia pour soigner les malades, en même temps qu'elle prêchait à tous la nécessité de la repentance.

3o Sainte de Bologne, 1413-1463; — 4o Sainte «le Gênes, fille du vice-roi de Naples, 1448-1510, toutes deux célèbres par leur mysticisme et leurs écrits.

5o Catherine d'Aragon, fille de Ferdinand V <?t d'Isabelle, épousa en 1501 Arthur, fils aîné <le Henri VII, puis, en 1509, avec dispense, le frère d'Arthur, qui devint plus tard Henri VIII, dont elle eut la sanguinaire Marie. Henri VIII la répudia pour épouser Anne de Boleyn. f 1536.

6° Catherine de Médicis, fille de Laurent II <le Médicis, née 1519, f 4589; vint à 14 ans < n France où elle épousa le dauphin, qui fut Henri II. Elle eut 10 enfants dont plusieurs moururent jeunes, et 3 montèrent sur le trône; c'est à elle que la dynastie des Valois dut le discrédit dans lequel elle tomba. L'intrigue et l'ambition la conduisirent à toutes les lâchetés H à tous les crimes. Elle subit les maîtresses de son mari pour mieux assurer sa puissance absolue; elle essaya de régner sous son fils François II en lui faisant épouser Marie Stuart, mais Wle dut partager le pouvoir avec les Guise; elle sempara de la régence pendant la minorité de Charles IX, fomenta la guerre civile, affecta de favoriser les protestants pour mieux les perdre <lans un massacre général, mais se brouilla ensuite avec Charles IX qui ne lui pardonnait pas les crimes qu'elle lui avait fait commettre. A la mort de ce prince et en attendant l'arrivée de son frère et successeur Henri III, roi de Pologne, Cath. reprit d'une main ferme les rênes du gouvernement, mais pour les remettre bientôt à son fils, et dès ce moment, perdue entre les différents partis, à la foi méprisée et redoutée des Guise, des mignons d'Henri III, des catholiques politiques du duc d'Alençon, son4""> fils, et des protestants dont son gendre Henri IV était le chef réel, il lui fallut en dépit de tous ses efforts, renonçer à l'espoir d'exercer désormais aucune influence. Ses complaisances forcées pour les Guise avaient précipité le royaume dans l'anarchie; l'assassinat du Balafré, dont elle fut probablement innocente, détendit un peu la situation. Sa mort fut accueillie par tous les partis comme une délivrance. Sa beauté, non moins que sa grande intelligence, en avait fait l'ornement de la cour de son père; elle eut en France un court moment de popularité, mais son ambition démesurée, son esprit de ruse et son absence de tout scrupule et de tout sentiment moral la compromirent bientôt et d'une façon irrémédiable. On la compara à César Bor-gia. Les Italiens dont elle s'entourait, et notamment Ruggieri l'astrologue, ne contribuèrent pas à la relever dans l'opinion. On vante son goût pour les arts; elle fit commencer les Tuileries et construire le château de Monceaux, mais quand on a dans son dossier la Saint-Barthélémy et la complicité des crimes de 4 règnes, l'amour de la belle architecture est un détail qui se noie dans l'ensemble et qu'on ne peut guère relever sans une espèce d'ironie. — Sa fille Marguerite avait épousé Henri IV.

7° Catherine de Ricci, née à Florence 1522, entra à 14 ans dans le couvent des dominicains de Prato; elle jeûnait 2 ou 3 jours par semaine, se flagellait et portait un cilice de fer; à 25 ans elle fut nommée prieure. La renommée de sa piété lui attira de nombreuses visites de princes, d'évêques et de cardinaux. Elle fut plusieurs années en correspondance avec Philippe de Néri. f 2 févr. 1589. On a d'elle une cinquantaine de Lettres.

 

CATHOLIQUE, catholicisme, mots grecs qui signifient universel, universalité, et qui s'emploient souvent en parlant des choses et des institutions religieuses. Il est évident que le christianisme, professé seulement par le quart ou le tiers des habitants du globe, ne saurai! s'appeler la religion universelle, ou catholique; il est plus évident encore que, même au sein de la chrétienté divisée en plusieurs grandes branches ou familles, ce titre ne saurait appartenir de droit ni à l'une, ni à l'autre. Dans ce sens i! n'y a donc point de religion proprement catholique. Si d'un autre côté l'on se rappelle que h christianisme est fait pour tous les peuples de la terre et qu'il se propose d'amener tous les hommes à Christ, chaque église, dans la mesure même où elle se croit en possession de la vérité, peut réclamer le nom de catholique, parce qu'elle espère être le centre humain autour duquel les autres viendront se grouper; cette aspiration est légitime, et le titre de catholique, si elle le prend, n'est plus que le symbole ou le drapeau de ses espérances. Seulement il ne détermine rien, parce que plusieurs églises différentes revendiquent le môme droit, et elles doivent pour se distinguer compléter leur nom en y ajoutant une désignation particulière; ainsi église cath. orientale, ou grecque, ou latine, ou romaine, ou gallicane, ou française. Cependant l'usage a prévalu, au moins dans l'Europe occidentale, de réserver le nom de catholique à TÉglise romaine seule, et en fait de langue ( usage est un maître. On désigne donc sous ce nom, et sans discuter la légitimité de ses prétentions, l'Église qui a son siège à Rome, qui admet le pape comme vicaire de Jésus-Christ, infaillible avec ou même sans les conciles; qui reconnaît l'autorité de la tradition, croit à la transsubstantiation, interdit le mariage des prêtres, maintient le culte en langue latine, défend au peuple la lecture de la Bible, a ses commandements spéciaux, etc. Toutefois, comme il n'y a rien d'absolu, le même usage fléchit dans la pratique, et l'on peut comprendre sous cette désignation bien des gens qui ne repondent en aucune manière à la définition traditionnelle, même des incrédules, pourvu qu'ils aient été baptisés dans le sein de l'Église en question et qu'ils ne l'aient jamais reniée officiellement ou collectivement. Les variations, ou les développements successifs qu'a subis l'Égl. latine, et les concessions qu'elle a dû faire en plusieurs pays, notamment en Orient, laissent une marge assez grande pour que des hommes, et même des ecclésiastiques, puissent demeurer dans l'Église sans en accepter toutes les doctrines ou toutes les ordonnances. Les anciens gallicans, tels que Bossuet, et les libéraux modernes, tels que Montalembert, Ozanam, l'abbé Cœur, ne sont pas des catholiques de la même espèce que les pères du dernier concile, et l'on est obligé d'accepter des nuances. Mais il est difficile de préciser le point exact où la nuance cesse d'être légitime. La question se pose au 17^* siècle à propos des jansénistes; elle se pose aujourd'hui à l'occasion de la réforme catholique en Allemagne et en Suisse, et l'on est fondé à se demander si des théologiens et des populations qui étaient bons catholiques en 1869, et qui n'ont pas varié ni changé dès lors, qui sont restés vieux-catholiques, ont cessé d'avoir droit à ce titre parce que le conc. de 1870 a fait un mouvement dans une nouvelle direction. Tous les conciles, ou à peu près, ont été suivis d'un schisme plus ou moins grave, et toujours les dissidents ont constaté qu'ils restaient seuls fidèles aux vieilles traditions, ce qui n'a jamais empêché la majorité de rester en possession du titre, de telle sorte que ce sont en fait ceux qui ont le plus varié qui détiennent aujourd'hui le nom qui devrait représenter la tradition exacte et constante de l'Église primitive.

— Sept épîtres du N. T. sont appelées catholiques, parce qu'elles sont adressées aux chrétiens en général, et non à une église particulière.

— Majesté catholique: titre d'honneur conféré par Alexandre VI aux rois d'Espagne, depuis Ferdinand IV, en récompense de l'expulsion des Maures et de la proscription des Juifs.

— Ligues catholiques, v. Ligue.

 

CAVALIER, Jean, le chef le plus brillant

des camisards, né 1680 à Ribaute. près d'An-duze; d'abord valet de berger, puis boulanger: menacé de deux procès pour cause de religion, il s'enfuit à Genève 1701, mais rentra l'année suivante dans son pays que désolaient les férocités de l'abbé du Chayla. Il prit part au meurtre de cet archiprêtre, qui donna le signal de l'insurrection, et il commença avec une vingtaine de jeunes gens de Ribaute la guerre de 2 ans qui a illustré son nom. Brave autant que prudent, il fit, avec ses troupes improvisées, des prodiges qui étonnaient même le maréchal de Villars, se portant d'un point à l'autre avec une incroyable rapidité, enlevant les convois, surprenant l'ennemi, le fatigant d'escarmouches, s'emparant des châteaux, désarmant les garnisons, détruisant les bandes de brigands connues sous le nom de Florentins, ou Cadets de la Croix, et s'arrêtant de temps à autre pour prêcher. A la fois capitaine et prophète, il exerçait sur ses troupes une influence merveilleuse et il obtint, soit par son habileté, soit par sa rare intrépidité, soit par d'étranges stratagèmes, des succès qui furent pour les camisards la preuve que Dieu était avec eux, et pour leurs ennemis. Montrevel, Basville, Broglie, Villars, un indice qu'ils gagneraient plus à négocier qu'à poursuivre la campagne. Cavalier ayant subi une défaite dans les environs de Nîmes, le 16 avril 1704, après un combat de 7 heures contre des troupes cinq fois plus nombreuses, il se décida à écouter les propositions que lui fit Villars. Il se rendit à Nimes le 16 mai et fit connaître ses conditions au général. La première stipulait la liberté de conscience pour les protestants; c'était la plus importante; elle fut rejetée par le roi. Les autres furent accordées, soit un brevet de colonel, une pension de 1200 livres et la formation d'an régiment de camisards à destination de l'Espagne. Ce n'était pas assez, mais en traitant, Cavalier s'était presque désarmé; il dut prendre ce qu'on lui donnait. Les camisards refusèrent, sauf 40, de déposer les armes. Ainsi désavoué par les siens, et mécontent, il fut envoyé par Villars à Lyon, sous bonne escorte; de là à Màcon, puis à Neuf-Brisac, d'où il réussit à gagner la Suisse, 1 sept. 1704. Il avait 24 ans; sa carrière était finie comme héroïsme. Il vécut encore 34 ans, colonel en Savoie, en Angleterre, en Espagne, le plus souvent vaincu et sans grand succès. De retour en Angleterre, il épousa Mselle Du Noyer et fut nommé major-général et gouverneur de Jersey, + 1740 à Chelsea. Il a dicté à Galli ses Mémoires sur la guerre des Cévennes, 1726, sincères, mais quelquefois peu exacts, parce qu'il dictait de souvenir. Petit de taille, trapu, ramassé, grosse tête, yeux bleus et vifs, cheveux blonds, abondants et flottants, il y avait du génie dans sa figure et il fascinait ses troupes. Malesherbe en parle avec une espèce d'enthousiasme. L'apostat Brueys seul l'appelle un gueux qui tranchait du général.

 

CAVE, théologien anglais, né 1637 à Picevel, Leicester, étudia à Oxford, devint chapelain de Charles II, puis pasteur d'Islington, enfin chanoine de Windsor ^>ù il f 1713. II a composé de nombreux ouvrages, dont quelques-uns ont encore de la valeur; le principal est (en latin) son Hist. littéraire des écrivains ecclésiastiques, Londres 1688, avec un Appendice de Wharton: les deux furent réimpr. Genève 1694. Cave a publié plus tard une seconde partie de son travail, qui, avec la première, a eu à Genève de nombreuses éditions. Attaqué par plusieurs critiques, notamment par Leclerc, Cave s'est défendu dans son Epistola apologetica, Londres 1700.

 

CECIL, William, né 1520, f 1598, secrétaire d'État en Angleterre sous Édoaurd VI et sous Élisabeth, fit convoquer un parlement pour régler les questions religieuses, et prit une part active à la rédaction des 39 articles de l'Egl. anglicane.

 

CÉCILE, la patronne des musiciens chez les catholiques. On la fête le 22 nov., mais on n'a rien de certain sur sa vie. On la dit vierge et martyre; Fortunat la fait vivre en Sicile et f vers 176; Métaphraste, dans une de ses 122 biographies plus ou moins légendaires, lui fait subir le supplice à Rome vers 230 sous Alexandre Sévère: enfin une légende du 14®© siècle, sans indiquer ni lieu, ni date, porte qu'en se rendant à l'échafaud, elle pria Dieu de lui permettre de chanter encore une fois ses louanges avec accompagnement de l'orgue; cette grâce lui fut accordée; après avoir chanté elle détériora l'instrument pour qu'il ne pût plus servir à de* usages profanes, et elle se livra joyeusement au b inrreau; mais celui-ci tout ému n'osa porter la main sur elle et se convertit. Sa fête se célèbre à Londres chaque année; c'est pour elle que Hândel a composé son Messie, et Mendelsohn son Paulus. Plusieurs poètes l'ont chantée. Dryden, etc. La légende la plus accréditée la fait vivre à Rome, où son père l'aurait fiancée, malgré elle, au jeune et noble Valérien; mais elle obtint par ses ardentes prières la conversion de ce jeune homme et de son frère Tiburee: Valérien renonça à l'épouser; les deux frères furent baptisés par Urbain et furent martyrisés; elle-même dut avoir la tête tranchée, mais le bourreau dut s'y reprendre it 3 fois, et encore elle ne mourut que 3 jours après, des suites dises blessures.

 

CÉCILIEN, év. de Carthage pendant le schisme des donatistes, fut déposé par Donat à cause de son indulgence pour les lapsi, les traditeurs ou tombés, vers 312.

 

CÉLANO, v. Thomas.

 

CÉLESTIN 1° pape 422-432 condamne la doctrine de Nestorius, et envoie des missionnaires en Irlande. Dans une discussion avec les év. africains au sujet d'un vieillard qui avait été excommunié et qui en avait appelé au pape, Célestin produisit des actes de conciles établissant qu'un appel à Rome était permis. Mais les év. de Carthage ne trouvèrent ces actes ni dans les archives du conc. de Nicée, ni à Antioche. ni à Alexandrie. Voyant sa fraude découverte. Célestin n'en maintint pas moins son jugement à l'égard du vieillard; mais, contre toute attente, dans une assemblée d'évêques qui eut lieu en Afrique, le vieillard confessa ses fautes. On a de Célestin quelques Lettres. Il appelle les églises chrétiennes » nos membres, • se mettant sans scrupule à la place de celui qui est le chef.

2<> Célestin II, Gui du Chastel, français; ami d'Abélard et protecteur d'Arnold de Bresce. élu pape 1143, f 1144.

3*> Célestin III, connu d'abord sous le nom de cardinal Hyacinthe, élu pape 1191 à l'âge-de 85 ans; homme faible et affaibli; sacre l'emp. Henri VI et l'impératrice Constance; il donne la Sicile à leur fils Frédéric, malgré lui et à condition que celui-ci lui paie un tribut; il fait prêcher des croisades et encourage ces entreprises dignes de leur temps et du saint-siège. Il reste de lui 17 Lettres, f 1198.

4° Célestin IV, Geoffroy de Castiglione, élu 1241, ne fat pape que 18 jours.

5o Célestin V, Pierre de Murrone, né dans la Pouille, bénédictin, fondateur de l'ordre des Célestins, élu 1294. Il vivait dans la retraite, se livrant aux plus dures austérités, quand on lui apporta la tiare. Gauche, inexpérimenté, ne connaissant rien du monde, sans prétention â l'infaillibilité, il commit fautes sur fautes, et linit au bout de 5 mois par donner sa démis-sion. Son successeur Boniface VÏII le fit enfermer dans une tour du château de Fumone, en Cainpanie, où il f au bout de 2 ans. Il a laissé quelques Opuscules. Clément Y le canonisa.

&> Célestin I bis, antipape, nommé en 1124, ne garda le pouvoir que 24 h. et fut remplacé par Honoré II.

 

CÉLESTINS, ordre religieux fondé 1254 par P. de Murrone, plus tard Célestin V. Il habitait solitaire le mont Magelle, dans les Abruzzes; c'est là qu'il établit son premier couvent, lui donnant la règle de saint Benoît, un peu modifiée. Les célestins se répandirent rapidement en Italie, France, Allemagne et Hollande. Philippe-le-Bel les introduisit en France vers 1300; ils forent supprimés 1788 à cause de divers désordres; on n'en trouve plus guère qu'en Italie.

 

CÉLESTIUS, avocat, puis moine, né en Cam-panie à la fin du 4me siècle, chaud partisan de Pélage, engagea courageusement la lutte. En 411 il se prései)ta à Carthage pour une place d'ancien, mais en 412 le diacre Paulin l'accusa devant un concile, à Carthage, d'avoir soutenu que la chute d'Adam n'avait eu de suites que pour lui, et que les enfants naissaient dans le même état qu'Adam avant la chute; il fut excommunié. Il en appela à Rome et obtint du feible et superficiel Sozime un jugement favorable à Pélage; mais après plus ample informe, le pape voulut prendre de nouveaux renseignements, et Cèlestius, cité de nouveau, refusa de comparaître.

 

CELIBAT. L'antiquité païenne offre quelques exemples, mais rares, de personnes ou de classes vouées au célibat. Rome a eu ses Vestales, la Grèce ses Hiérophantes, l'Égypte quelques prêtres. Mais la religion mosaïque n'a rien connu de semblable, les seules réserves qu'elle fesse ont trait à la respectabilité des femmes qu'épousaient les prêtres et le souv. sacrificateur. Le N. T. est plus explicite encore, non seulement en ce qu'il affirme la sainteté du mariage, mais encore et surtout en ce qu'il flétrit d'avance toute tentative qui pourrait être faite contre cette institution à la fois naturelle, morale et divine. S'il félicite, eu égard aux malheurs des temps, ceux qui peuvent vivre dans le célibat, l'apôtre n'en maintient pas moins le droit et la liberté de chacun, et il va jusqu'à conseiller le mariage à ceux qui n'ont pas le don de la continence. Mais les prophéties de l'apâtre ne devaient pas tarder à s'accomplir, 4 Tim. 4, 3. Ce furent les hérétiques les premiers, les gnostiques et les manichéens, qui entrèrent dans cette voie, et l'Église les condamna. Mais peu à peu, sous l'influence d'une fausse idée de la sainteté, et s'altérant au contact de la philos, et du paganisme, une partie de l'Église en vint à regarder le célibat comme supérieur au mariage, et des propositions furent faites à diverses reprises dans les conciles pour l'imposer au clergé. Les conciles repoussèrent cette innovation, à Gangres 324, à Nicée 325, etc. Plusieurs pères de l'Église, des moines môme protestèrent contre l'esprit qui inspirait les novateurs et contre les conséquences fatales que pourrait avoir une résolution dans ce sens. Mais la question était posée et pendant plus de six siècles encore elle fut l'objet de débats, parfois violents, de luttes, de résolutions contradictoires, jusqu'au moment où la main de fer de Grégoire VII l'imposa de force au clergé, 1074. La résistance à ce décret fut immense: plusieurs conciles, notamment en Allemagne, Erfurth, Mayence, Worms, refusèrent de s'y soumettre, mais les coups d'État frappés vigoureusement finissent touj. par entraîner les faibles, et peu à peu ce qui n'avait été accueilli que comme une usurpation devint la loi; on se soumit en murmurant, et l'Église latine s'inclina sous le joug du célibat, tandis que l'Égl. grecque continua d'avoir ses prêtres mariés. Le but poursuivi par Grégoire VII était essentiellement politique; il voulait avoir à son service une armée d'hommes entièrement dévoués à sa cause et qui n'eussent aucun intérêt étranger, ni patrie, ni famille. Il réussit, mais au prix de désordres tels que pendant tout le moyen âge ce ne fut qu'un cri contre l'immoralité du clergé, depuis saint Bernard qui déplore des désordres « qu'il est honteux de nommer, » jusqu'à Clémengis qui fait la description la plus déplorable d s infamies qui se commettent dans les monastères; jusqu'aux conciles de Valladolid et de Tolède, 1322 et 1473, qui représentent le clergé comme vivant dans la débauche; jusqu'aux emp. d'Allemagne, Sigismond, Ferdinand, Maximilien, Charles-Quint lui-même, qui importunent le pape pour obtenir l'abolition du célibat forcé des prêtres, dans l'intérêt des mœurs et pour la garantie des honnêtes femmes. C'était la grande réforme réclamée par l'Europe; un pape même, Pie II, en donnait le signal quand il disait: si par de bonnes raisons on a ôté le mariage aux prêtres, par de meilleures il faudrait le leur rendre. Néanmoins le conc. de Trente se refusa sur ce point à toute concession, malgré les instances réitérées de l'ambassadeur de France et de tous les États de l'Europe. La question en est là aujourd'hui. La cour de Rome a permis le mariage à ses prêtres orientaux, maronites, grecs catholiques et autres, mais elle continue de l'interdire à ceux de l'occident. Une corde trop tendue finit par se rompre, et en dépit de l'appui que les gouvernements temporels donnent encore aux décrets des conciles, la conscience et le bon sens public revendiquent leurs droits; bien des prêtres se marient, et d'éloquents plaidoyers s'écrivent et se publient en faveur d'une cause qui n'a contre elle que les traditions, la ioutine et l'intérêt du souverain pontife, tandis qu'elle a pour elle les expériences faites, l'Écriture Sainte, les plus anciens conciles, les plus illustres docteurs, et les réclamations presque unanimes de la moralité publique, v. Le Célibat des Prêtres et ses conséquences, par l'abbé Chavard, Genève, 1874. D«" Schulte, de Bonn: Der Cœlibatszwang und dessen Aufhebung, Bonn 1876.

 

CELLARIUS, allemand Kellner, appelé aussi Martin Borrhaus, né 1499 à Stuttgard, élève de Keuchlin à Tubingue, gradué à Heidelberg, se lia intimément avec Mélanchthon à Witten-berg. Sous l'influence de Stubner, et malgré les efforts de Mélanchthon et de Luther, il embrassa les vues de l'anabaptisme 1522, mais on 1527 il avait déjà rompu, sinon avec la doctrine, du moins avec ses exagérations; il publia un traité sur l'œuvre de Dieu dans l'élection et la réprobation, avec une préface de Capiton et fut recommandé à Zwingle par OEcolampade. Il s'établit 1536 à Bâle, s'y maria et gagna sa vie en faisant des fenêtres, jusqu'à ce que la fortune lui sourit de nouveau; il fut nommé prof, de rhétorique, puis de théol., docteur en 1549, et f de la peste 11 oct. 1564. 11 légua sa biblioth. à la ville. Il a écrit aussi des Comment, sur l'A. T. — Ce nom a été porté par plusieurs savants allemands, entre autres Christophore, philologue, né à Smalcalde 1638 f 1707.

 

CELLÉRIER 1° Jean-Isaac-Samuel, né 1753 à Crans, près Nyon, Vaud, d'une famille de cultivateurs pieux, consacré à Genève 1776, fréquenta les pères de l'Oratoire à Paris, fut nommé en 1783 pasteur de Satigny, près Genève, et conserva ces fonctions jusqu'en 1814. Il passa ses dernières années à Genève, et f 1844, entouré de l'estime universelle. Prédicateur éminent, évangélique, onctueux et populaire, il a écrit 480 sermons, dont 141 ont paru de son vivant, et 23 après sa mort. On a aussi de lui un Cathéchisme ou Cours d'instruction religieuse. Il avait réimprimé, avec Gaussen, la Conf. de fois helvétique. Vie par Diodati.

2° Jacob-Élisée, son fils unique, né 1785, consacré 1808, aida son père dans son ministère de Satigny. En 1816 il fut nommé prof, d'hébreu et d'exégèse de l'A. T. à Genève, chaire qu'il échangea en 1825 pour celle d'exégèse du N. T. Chrétien par tempérament, par éducation et par conviction, il appartient au libéralisme par certains instincts et par sa tournure d'esprit, et il a concouru pour sa part à des mesures hostiles au réveil religieux, telles que le règlement du 3 mai 1817. Il a collaboré au journal Le protestant de Genève et à la version du N. T de 1835. Mais il se détacha du libéralisme, quand celui-ci fut devenu essentiellement négatif. Il maintint avec énergie l'inspiration divine des Écritures et la foi aux miracles. Sa position théol. était indécise; il se définissait lui-même un homme de transition, un Robinson. f 1862. Il a publié de nombreux ouvrages qui, dépassés aujourd'hui, ont été un progrès et ont fait du bien au moment où ils ont paru: Gramm. hébraïque, d'après Gese-nius, 1820; Introd. critique au N. T., d'après Hug, 1823; Introd. à l'A. T. 1832; Esprit de la législation mosaïque, d'après Michaëlis, mais original, 1837; Comment, sur saint Jacques, 1850, Manuel d'Herméneutique, 1852; outre un grand nombre de Discours pour les étudiants, sermons, opuscules, articles de journaux ou de revues, biographies, et en 1835, pour la jeunesse, Histoire d'autrefois, à l'occasion du jubilé de la Réformation.

 

CELLITES, v. Alexiens.

 

CELSE, philos, du 2">e siècle, vécut sous Trajan et ses successeurs. On n'a aucun détail sur sa vie. Eclectique, ou inconséquent platonicien, quelques-uns l'ont confondu, probablement à tort, avec un autre Celse, épicurien, ami de Lucien. Il fut le Voltaire de son temps et combattit le christianisme avec les armes de la logique et celles du ridicule. Le livre qu'il composa sous le titre prétentieux de Discours vrai est perdu, mais Origène, qui le réfuta, nous en a conservé des fragments, qui donnent une idée assez juste du christianisme de cette époque, au travers des préjugés et des erreurs dont le livre est plein. Son principal grief contre les chrétiens, c'est la simplicité de leur foi et leur humilité. Il ne comprend pas la rédemption et dit que Dieu n'a pas besoin, comme nous, de reloucher ses ouvrages. Jésus est pour lui le fils d'une pauvre Juive répudiée pour cause d'adultère; il a appris les arts magiques en Égypte, où sa mère s'était enfuie pour gagner sa vie comme servante.

 

CENDRES (mercredi des), le premier jour du Carême, succédant aux folies du carnaval qui finissent avec le Mardi-gras. On ignore l'époque à laquelle furent introduites ces cérémonies d'une licence exagérée et d'une abstinence minutieusement réglementée que l'esprit de l'Écriture ne sanctionne pas et que les premiers siècles n'ont pas connues. Elles sont fort anciennes et remontent probablement à l'époque où le paganisme vaincu fit irruption dans l'Église. Les écrivains catholiques eux-mêmes rapprochent ces fêtes des fêtes païennes, bacchanales, saturnales, etc. Les anciens appelaient le mercredi des cendres Caput jejunii, le commencement du jeûne. C'était le jour des pénitences publiques; les fidèles se présentaient devant le prêtre la téte couverte de cendres, en signe de deuil et de purification. Aujourd'hui le prêtre se borne à leur faire une croix sur le front avec de la cendre et à leur dire, en latin: 0 homme, souviens-loi que tu n'es que poudre et que tu retourneras dans la poudre.

 

CÉNOBITES, moines qui vivaient en commun, par opposition aux anachorètes qui vivaient seuls. V. Moines.

 

CÉNOTIQUES, du grec Kenôsis abaissement. Pendant près d'un siècle les théologiens allemands ont discuté l'insoluble question de la nature de J.-C. sur la terre. S'était-il réellement abaissé, en dépouillant ses attributs divins? C'est ce que soutenaient les cênotiques, représentés par l'univ. deGiessen, en s appuyant sur l'histoire évangélique. Ou bien avait-il seulement voilé, caché l'éclat de sa divinité? C'est ce qu'affirmaient les cryptiques (cacher) de l'école de Tabingue, en s'appuyant de la logique. Il est difficile de comprendre qu'on ait pu se passionner pour de pareils débats.

 

CENSURE (des livres). L'influence de la littérature sous toutes ses formes est assez puissante pour que l'État et l'Église s'en soient toujours préoccupés, et avec raison. Ils ont eu recours, tantôt aux mesures répressives, c.-à-d. à la condamnation des mauvais livres, et de leurs auteurs, quand c'était possible; tantôt aux mesures préventives, k l'interdiction de rien imprimer ou de rien mettre en vente avant d'en avoir reçu l'autorisation de l'autorité compétente, c.-à-d. à la censure. Ces deux moyens ont prévalu tour à tour, et quelquefois simultanément, c.-à-d. que la censure préalable existait, et elle existe encore dans certains pays, sans détriment des peines qui peuvent frapper après coup l'auteur, même après autorisation. Les apôtres mettaient les fidèles en garde contre les mauvais livres, et ils obtinrent par la persuasion l'étonnant succès rapporté Act. 19, 19. Constantin fit brûler les écrits d'Arius, et le moyen âge fournit un grand nombre de lois et de règlements plus ou moins sévères contre les mauvais livres, leurs auteurs et leurs lecteurs. Depuis l'invention de l'imprimerie, les anciennes règles étant devenues insuffisantes durent être renforcées, et les papes publièrent coup sur coup plusieurs édits et bulles, revendiquant pour eux-mêmes ou pour leurs délégués le droit de permettre ou d'interdire certaines publications. Le conc. de Trente jugea convenable de charger une commission spéciale de faire un travail sur la question. Pie IV sanctionna dix règles qui devaient présider au travail de cette commission, et plus tard d'autres papes y ajoutèrent d'autres règles en même temps qu'ils dressèrent la liste des ouvrages condamnés et proscrits. Ces règles et ces listes ne furent d'ailleurs jamais reconnues, ni en France, ni en Allemagne. Auj. la congrégation de l'Index (v. Cardinaux) partage son travail en trois parts 1° les livres mis décidément à l'index, 2° les livres expurgés, 3° les livres à expurger. Il y a en outre les livres permis au clergé et interdits au peuple, et les livres pour la lecture desquels on peut obtenir une dispense. Les égl. protestantes, princes et docteurs, ont à plusieurs reprises décrété des mesures contre la mauvaise presse, hérétique ou licencieuse, mais en général c'est plutôt par la persuasion qu'ils ont cherché à agir, et en favorisant la bonne littérature; les voies répressives ont l'inconvénient d'attirer l'attention, et l'on sait qu'une prohibition de l'Index n'est trop souvent qu'une recommandation. Les livres défendus sont très recherchés.

 

CENTURIES, v. Magdebourg.

 

CERDON, gnostique syrien de la fin du 1er siècle, probablement né païen; il admettait deux principes, ne voyait dans le judaïsme que l'œuvre de Satan, rejetait la plus grande partie des Écritures et prétendait que J.-C. n'avait eu qu'un corps fantastique. On ne sait s'il se sépara lui-même de l'Église ou s'il en fut retranché; en tout cas Hygin l'excommunia. Il eut pour disciple Marcion, qui compléta et développa son système.

 

CÉRINTHE, juif d'origine malgré son nom grec, né peut-être en Égypte où il reçut sa culture, vint plus tard en Asie Mineure et rencontra à Éphèse l'ap. Jean qui, d'après une vieille tradition, quitta précipitamment un bain public où ils se trouvaient ensemble, de peur que la maison ne s'écroulât sur l'hérétique. Les uns en font un ébionite, les autres un gnostique; en réalité il représente un mélange des deux doctrines, et plutôt la transition de l'une à l'autre. C'est surtout par Irénée et parÉpiphanes qu'il est connu. Une force subordonnée, ou des anges auraient été le moyen par lequel Dieu aurait créé le monde. Jésus, fils de Joseph et de Marie, était un juif comme les autres, ne se distinguant de ses contemporains que par sa piété, quand tout à coup, à son baptême, le Verbe se plongea en lui. Dès lors il fit des miracles et chercha à amener le peuple à la connaissance de Dieu. Ses souffrances ni sa mort n'auraient aucun rapport avec la rédemption. D'après Irénée, Cérinthe aurait enseigné la résurrection de Christ; selon Épiphanes, il l'aurait renvoyée au millénium.S'ap-puyant de Ps. 90, 4. et de l'analogie du 7me jour après la création, plusieurs de ses disciples pensaient qu'après 6000 ans de luttes il y aurait un règne de mille ans de paix. Il semble aussi que Cèrinlhe baptisât des hommes vivants, à la place d'hommes morts. Il eut des adhérents dans l'Asie Mineure jusque dans le 2®« siècle, mais les cérinthiens dépassèrent quelquefois la doctrine de leur maître. On croit que Jean écri vit son Évangile par opposition à Cérinthe; cependant ce ne fut évidemment pas sa seule raison.CÉRON, ou Kèrold, moine de Saint-Gall, qui vivait vers 750 ou 760, et auquel on attribue diverses compositions en prose et en vers, et une traduction en langue alémanique de la règle de saint Benoît, des hymnes, du Pater et du Credo. Sa langue est bien informe encore, mais elle indique le travail qui commençait à se faire et qui a contribué à la haute réputation de cette abbaye.

 

CÈRULARIUS, Michel, patr. de Constantino-ple vers 1043, recommença la lutte que la différence des tempéraments avait rendue inévitable entre Rome et l'Église orientale. Sous Léon le philosophe 886, il y avait eu un apaisement momentané, mais les prétentions et les ambitions rivales, plus encore que les questions de doctrine, ravivaient à chaque instant les ani-mosités. On s'était dès les premiers temps servi de pain ordinaire pour la sainte Cène. Au 9m* siècle, en Occident, on commença à prendre du pain sans levain (ou azyme), et au 11 me Cé-rularius accusa les azymites de judaïsme et d'hérésie; il écrivit dans ce sens à Léon, le métropolitain de la Bulgarie, et supprima de son autorilé ce qui restait de rites latins dans ces églises. Sa lettre tomba entre les mains du violent cardinal Humbert, de Rome, qui la communiqua à Léon IX. Celui-ci y répondit avec amertume. Le faible Constantin Monomaque, désireux pour beaucoup d^ raisons de conserver la paix, envoya un délégué à Rome avec une lettre de réconciliation. Sur sa demande le pape envoya à son tour plusieurs députés à Constantinople, ayant à leur téte l'archidiacre Frédéric, et pour principal orateur le cardinal Humbert. L'abbé Nicetas Pectoratus publia contre l'Église latine un violent manifeste; Humbert répondit à cet dne, et l'emp. contraignit Nicetas à désavouer et à brûler lui-même son écrit; mais Cérularius se refusa à tout rapprochement. Cependant Humbert entra dans Sainte-Sophie, juillet 1054, et déposa sur l'autel même la bulle d'excommunication de son adversaire; celui-ci la fit enlever et la remplaça par une excommunication d'Humbert. Dès lors le schisme fut consommé. Pierre d'Antioche éleva seul encore la voix pour l'union. Faiblement soutenu par Constantin, Cérularius put encore se maintenir sous sa veuve Théodora, mais l'emp. Isaac Comnène le condamna à

l'exil 1059, et il ne tarda pas à mourir sur la terre étrangère. Cérularius n'en a pas moins laissé un bon souvenir à cause de son attachement à l'orthodoxie grecque.

 

CÉSAIRE lo Césaire d'Arles, fils du comte de Chalon-sur-Saône, né 470. entra en 490 an couvent de Lérins où il passa plusieurs années. Obligé par sa santé de se rendre à Arles, il y j remplit d'abord les fonctions de diacre 501, puis fut élevé malgré lui au siège archiép. de ! cette ville 502. Il l'occupa avec distinction pendant 40 ans et f 27 août 542. Pendant ce temps | il fut le plus influent des évêques de la Gaule méridionale, autant par sa fidélité et son énergie que par son éloquence, dont les 130 sermon* qu'il a laissés ont conservé le souvenir. Il fonda de nombreux couvents, des hôpitaux pour les malades et les blessés, et fit des collectes pour racheter les prisonniers francs retenus par les i Gofhs. Il présida 4 conciles dans le sens du I maintien de la saine doctrine. Suspect aux sou- j verains barbares qui avaient envahi la Provence, il eut à comparaître plusieurs fois devant eux, fut exilé par Alaric et emprisonné par Théodo-ric, mais finit par se concilier leur estime et leur resppet. L'év. de Rome, Symmaque, lui envoya le pallium et le nomma son vicaire pour les Gaules. Il écrivit une Règle en 26 articles pour les communautés d'hommes, et une autre, beaucoup plus détaillée, pleine de minuties, pour les monastères de femmes. A Arles même il fit élever un couvent de femmes, dont sa sœur Cé-sarie fut pendant 30 ans l'abbesse, et qui ne compta pas moins de 200 religieuses. Il s'y fit transporter lui-même avant de mourir, pour y faire ses derniers adieux à la vie, à la Provence et à ses sœurs.

2° Césaire de Naziance, frère cadet de Grégoire, mathématicien, naturaliste et médecin, connu surtout par l'oraison funèbre que son fr. prononça sur sa tombe, 369. Il fut le médecin de Constantin, quitta la cour sous l'emp. Julien, mais reprit son service sous Jovien et Valens; ce dernier le nomma en outre directeur du trésor en Bithynie. Il se fit baptiser un an avant sa mort et légua ses biens aux pauvres. On a sous son nom quelques traités de théol. et de philosophie, mais l'authenticité en paraît don-teuse.

3° Césaire de Heisterbach, près Bonn, moine et prieur d'un couvent de cisterciens au 13®* siècle, auteur de plusieurs écrits théol. et historiques, remarquables par le mouvement et h fraîcheur du style. On a souvent réimprimé son Grand Dialogue (latin) sur les visions et les miracles, en 12 livres, où il parle de la tentation, des démons, de l'eucharistie, de la sainte Vierge, de la mort et de l'état des âmes après la mort.

4o Un autre moine Césaire, de la fin du 13me siècle, a écrit une Explication des choses et des mots, que Leibnitz a consultée avec intérêt dans .ses recherches sur les étymologies.

 

CÉSARANGUSTA, ancien nom de Saragosse. Il s'y tint en 380 un concile contre les Priscil-liens; 1111 eu 592 à l'occasion de la conversion des Visigoths à l'orthodoxie. Une légende fait de l'ap. Jacques le fondateur de cette église. L'univ. date de 1474.

 

CÉVENNES, groupe ou chaîne de montagnes qui relie les Pyrénées aux Vosges, et dont le Mont de Lozère, 2120m, peut être considéré comme le centre. Des gorges abruptes alternent avec de gras pâturages, d'épaisses forêts, de profonds ravins et des cavernes presque impénétrables. Ce qu'on appelle le pays, ou la contrée des Cévennes, s'étend ainsi sur les départements actuels de l'Ardèche, de la Lozère, du Gard et de l'Hérault, et formait les diocèses de Nîmes, Uzès, Viviers, Mende, Alais et Montpellier. Célèbre par la guerre des camisards, et riche de souvenirs qui ont conservé toute leur fraîcheur dans la mémoire et dans les récits des Cévenols, ses habitants, cette contrée ravagée par une guerre de dix ans, par des massacres et par des incendies, a vu renaître peu à peu sa prospérité par Tordre et le travail et se livre auj. à l'agriculture et à de modestes fabrications.

 

CHAILA (Du), v. Chayla.

 

CHAIRE. Dans les temps anciens, quand lev. était spécialement chargé de parler au peuple, il le faisait ordinairement de sa place à l'extrémité du chœur, de son siège, de son fol-distolium (fauteuil). Peu à peu les orateurs durent se rapprocher de leur auditoire, et l'im-j>ortance que prit la prédication décida les Augustin et les Chrysostome à parler du haut de la tribune, ou ambo q. v., pour être mieux entendus. Puis on ajouta à la tribune elle-même un appendix mobile, plus élevé, que l'on pfit suivant les besoins avancer ou reculer; que l'on fixait contre une des colonnes dans les églises à plusieurs nefs, ou à moilié longueur du grand côté dans les petites églises. Ce siège garni d'un treillis s'appelait en latin cancelli, d'où est venu l'allemand KanzeL On y ajouta bientôt des ornements, un escalier, un dais, des figures symboliques, les 4 évangélistes, la colombe comme symbole de l'Esprit-Saint, etc. L'ornementation des chaires devint dès lors, à partir du 15^ siècle, une partie essentielle de l'architecture catholique. Souvent on enterra sous une chaire les hommes qui l'avaient illustrée: Luther à Wittenberç, Brenz à Stuttgard, Gailer de Kaisersberç à Strasbourg.

 

CHALCEDOINE, ville de Bitbynie, sur le Bosphore, en face de Constantinople, non loin du Scutari d'Asie; auj. Kadi-Keni. Après la f de Théodose II, 450, sa sœur Pulchérie, héritière de l'empire, ayant épousé Marcien, déjà sexagénaire, opéra toute une révolution dans la politique et dans la théol. de son prédécesseur. Elle convoqua un conc. à Nysse 451, et 630 évêq. s'y trouvèrent, mais les moines ayant recommencé leurs agissements et leurs violences d'Éphèse, le synode pour être plus libre dut se rapprocher de la capitale et se réunit à Chalcédoine. Ce fut le 4m* ou 5m* conc. écuménique. Théodoret, qui avait été condamné à Éphèse, se présenta et fut justifié. Les faibles évêques qui avaient voté les décrets d'Éphèse s'écrièrent: Nous avons tous péché. On proposa sur les deux natures du Christ diverses formules, entre autres: t Christ est composé de deux natures, » qui fut rejetée comme ambiguë. Les menaces des év. romains et celle de l'emp. accélèrent les votes. Les députés de l'emp. posèrent clairement la question: t Dioscure dit que Christ est bien composé de 2 natures, mais qu'il n'y a pas 2 natures en lui; Léon dit qu'il y a 2 natures en lui, mais sans mélange dans le même Christ; avec lequel êtes-vous d'accord ?» Le concile se prononça dans le sens de Léon. Dioscure ayant refusé de signer fut excommunié. Théodoret pour être pleinement réhabilité fut obligé de crier anathème à Nes-torius. Le concile condamna donc à la fois l'eutychianisme et le nestorianisme. Il établit aussi, malgré l'opposition des députés de Léon, l'égalité de droits du patr. de Constantinople et de l'év. de Rome, avec réserve quant au rang. L'empereur avait nommé 6 délégués pour le représenter; il n'assista lui-même, ainsi que l'impératrice, qu'à la 6me session. — C'est dans un faubourg de Chalcédoine, appelé Le Chine, que s'était déjà réuni en 403, sous la présidence de Théophile d'Alexandrie, le synode qui avait déposé Chrysostome.

 

CHALMERS, Thomas, né le 17 mars 1780 à East-Anstruther, comté de Kife, Écosse, d'une vieille et pieuse famille puritaine. Il fit ses études de théol. à Saint-André, et fut nommé pasteur en 1803 à Kilmany, mais son intelligence semblait spécialement ouverte aux mathématiques, aux sciences naturelles et à la philosophie. Il fit des lectures sur la théorie de la chaleur, fut nommé prof, de mathém. à Édimbourg 1805, se fit remarquer par le patriotisme de ses prédications, lorsqu'on put craindre une descente de l'empereur en Angleterre, publia en 1808 une statistique sur les ressources du pays, mais fut ramené en 1810 par une longue et sérieuse maladie à mettre les choses de Dieu au-dessus de celles du monde. Il venait aussi de faire l'art. Christianisme pour l'Encyclopédie de David Brewster. Sans abandonner aucune de ses études favorites, il les subordonna à la seule chose nécessaire, et tout en réclamant pour elle une entière indépendance, il reconnut qu'elles ont toutes une limite que l'esprit de l'homme ne peut dépasser; il définit le rôle de la philos., de la science, de la morale, de la théologie, et réussit dans chaque branche à captiver l'attention des simples aussi bien que celle du public le plus éclairé. Nommé pasteur à Glasgow en 1815, prof, à Saint-André en 1823, enfin pasteur et prof, à Édimbourg en 1828, il obtint partout d'immenses succès, dus à la profondeur, mais aussi au caractère pratique de sa parole et de son ministère. Il était frappé de voir la population des grands centres industriels se développer rapidement, sans qu'il y eût d'augmentation ni dans le nombre des tomples et chapelles, ni dans celui de leurs desservants; aussi beaucoup de familles vivaient-elles dans un état voisin du paganisme. Il porta sur ce point son attention, son énergie et son activité. Pour Glasgow seulement il fallait au moins 20 églises de plus; pasteur de l'Égl. nationale, il estimait que c'était à l'État d'y pourvoir, mais il fit appel en même temps au zèle individuel et sollicita non seulement les dons des fidèles, mais la participation active des laïques à l'œuvre de l'évangélisation des masses, sous la direction des pasteurs et des diacres. C'était ce qu'on a appelé plus tard la mission intérieure. Il publiait alors des séries de sermons: l'une sur la Révélation dans ses rapports avec l'astronomie; l'autre sur le Christianisme appliqué au commerce et aux affaires ordinaires de la vie, 1817 et 1820. Mais c'est à partir de si nomination à Édimbourg que son influence devint surtout prépondérante. Non seulement il y publia ses ouvrages de théol. les plus considérables (Évidences du Christianisme, Théol. naturelle, Esquisses de philos., Lectures sur les Romains, etc.), mais il continua ses travaux de statistique et d'économie politique au point de vue de l'inégalité des classes sous tous les rapports, et des remèdes à apporter à un état de choses qui menaçait de creuser un abîme entre les citoyens d'un même pays; il voyait les intérêts matériels compromis en la même mesure que les intérêts moraux et spirituels, et les mémoires qu'il écrivit sur ces questions attirèrent la sérieuse attention des hommes d'État et même des souverains étrangers. En 1834 il fit voter dans une assemblée générale de l'Église d'Écosse la construction de 200 nouvelles églises. En une année plus de 60,000 L. st. étaient recueillies pour cet objet: en 7 ans, plus de 306,000 (7,650,000 fr.), et 205 églises furent bâties. 11 continuait de défendre avec ardeur le système des Églises nationales, estimant que l'État doit au peuple l'éducation et l'instruction religieuse. Il eut contre lui l'économiste Smith qui soutenait que l'Etat ne doit pas plus intervenir dans la direction morale des individus qu'il n'intervient pour la satisfaction de leurs besoins personnels et matériels. Mais si l'État refusa les nouvelles charges qu'on voulait lui imposer, il n'entendait pas renoncer à son droit de gouverner l'Église, et l'occasion s'étant présentée en 1834 de faire acte d'autorité, il s'empressa de la saisir. L'assemblée générale de l'Église d'Écosse vota, sous l'influence de Chalmers, Y Acte de Veto qui restreignait le droit de patronage et réservait l'indépendance des paroisses. L'État refusa de le sanctionner, et une lutte s'engagea, qui dura 9 ans, entre le gouvernement et l'Égl. d'Écosse. Le gouvernement refusa toute concession, et le 18 mai 1843, l'assemblée, sous la présidence de Chalmers, se constitua en Église libre d'Écosse, au nombre de 125 ecclésiastiques et de 77 anciens. Pendant 4 ans encore il put assister au développement de cette œuvre immense, dont il avait été l'un des instruments les plus distingués, et il s'endormit eu paix le 31 mai 1847. Ses Œuvres complètes forment 25 vol . plus 9 vol. d'oeuvres posthumes. Sa vie a été écrite par son gendre Hanna.

 

CHALON-sur-Saône, évangélisé par Marcel et Valérien, d'après la légende; on n'y trouve qu'en 470 un premier évêque. Conc. peu importants en 579 et 646.

 

CHALONS sur Marne, évangélisé par Memi ou Menge, disciple de Pierre? plus vraisemblablement par Alpin. Lumier vers 580 fut persécuté par Brunehaut, mais il résista à cette reine cruelle, et l'œil dont il la regarda a été trouvé intact dans son tombeau. Les év. de Châlons furent pairs de France depuis Charlemagne; on distingue dans le nombre Guill. de Champeaux et Louis de Noailles. Il s'y tint plusieurs conciles. Patrie de Clémengis.

CHAMBRE apostolique (italien: Caméra flo-mana apostolica); le département des finances du gouvernement papal. A sa tête est placé le cardi nal-camer I in gue.

 

CHAMIER, 1° Adrien, docteur en droit-ca-non, se convertit au protestantisme au retour d'un voyage à Rome, et fut nommé pasteur à Romans 1560. Il desservit ensuite Nîmes, Le Pouzin, Privas et Montélimar, et prêchait encore ayant plus de cent ans; il se noya en revenant d'un colloque. Il eut 5 filles, dont une épousa le prof, et pasteur La Faye, de Genève, et un fils, le célèbre

2° Daniel, né 1565. Il fit ses premières études à Orange, fut nommé à 16 ans régent de 4e à Nîmes, vint à Genève en 1583 pour y étudier sous Théod. de Bèze, fut ensuite nommé successivement pasteur aux Vans, à Aubenas et enfin à Montélimar 1596, avant la mort de son père. Bayle le qualifie de raide, inflexible et intraitable. C'était un homme comme il en fallait à cette époque. Henri IV lui-même se montra peu aimable pour ce rude champion de la réforme, et lui fit faire une fois une antichambre de 5 mois avant de consentir à le recevoir. Charnier fut délégué à plusieurs synodes; il fut modérateur de celui de Gap 1603 et de celui de Privas 1612. Les missions dont il fut à diverses reprises chargé par les synodes à Loudun, à Paris, en Hollande, à Sainte-Foy, à Saumur, servirent de prétexte à ses ennemis pour le faire remplacer à Montélimar 1611, et quoiqu'il y fût rappelé, par ordre de l'assemblée politique de Saumur, il n'y retourna pas, mais il accepta les fonctions qui lui étaient offertes pour la 4° fois, de pasteur et de prof, à Montauban. Il réorganisa l'académie, tout en continuant de travailler dans l'intérêt général des églises; il fut notamment chargé d'élaborer, avec Du Plessis-Mor-nay et quelques autres, un projet d'union, que malheureusement les circonstances forcèrent d'ajourner. La guerre ayant éclaté, l'armée royale mit le siège devant Montauban, où plusieurs pasteurs s'étaient réfugiés, et dans un assaut, Charnier s'étant avancé sur les remparts, fut tué d'un coup de canon, 17 oct. 1621. Les protestants pleurèrent sa perte comme s'ils avaient perdu une de leurs meilleures places de sûreté; les catholiques s'en réjouirent et se moquèrent de l'obésité de l'illustre prédicateur. Il a laissé plusieurs ouvrages: une Dispute de la vocation des ministres: Epistolœ jesuiticœ; Con-fasion des disputes papistes: De œcumenico pontifice; la Honte de Babylone; Panstratiœ ca-tholicœ, en 4 vol. f°, arsenal de controverse avec tous les arguments de la Bible, des pères pt de l'histoire; Corpus theologicum. inachevé comme le précédent, et non moins estimé; une Gramm. hébraïque, mss. conservé à Metz. Charnier eut 3 filles et un fils.

3* Adrien, né 1580. pasteur à Montélirnar, édita plusieurs mss. de son père; et f 1671 à 91 ans. Il eut pour fils Jacques et Daniel;

4° Jacques, avocatà Montélirnar,pèred'Adrien, pasteur dans l'Essex, et de Moïse (ou Antoine) martyrisé à 28 ans;

3° Daniel, né 1628, fr. du précédent, pasteur àBeaumont 1655, puis à Montélirnar; +29 juin 1676.

La famille, fort nombreuse, fut dispersée par les persécutions; les uns se réfugièrent à Genève, d'autres à Neuchâtel, la plupart en Angleterre, où l'on comptait encore en 1848 un Henry Charnier, secrétaire-général pour les possessions anglaises dans l'Inde, et en 1853 un pasteur William Charnier, ministre anglican à Paris.

 

CHAMPEAUX, Guillaume (de), né à Cham-peaux en Brie, d'une famille de cultivateurs;

un des principaux chefs de l'école réaliste, archidiacre à Paris, prof, à l'école du cloître de Notre-Dame, puis à celle de Saint-Victor, eut pour disciple Abélard, qui plus tard le combattit et le réfuta victorieusement dans une dispute sur les idées générales. Il renonça dès lors à ses leçons, fut nommé 1113 év. de Châlons, se fit cistercien 1119 et f 1121. On a de lui un Traité de l'origine de l'âme et un Livre des sentences.

 

CHANCELLERIE papale, v. Curie.

 

CHANDELEUR (la), fête qui se célèbre le 2 févr. en l'honneur de la purification de Mario, 40 jours après la naissance du Sauveur, Luc 2, 22-31. On l'appelait aussi fête de Siméon^ parce que ce vieillard était le héros du jour où Jésus ftit présenté au temple; et comme l'enfant fut appelé la Lumière des Gentils, on choisit cette fête pour allumer, bénir et exorciser les cierges, ou chandelles, d'où est venu son nom. C'est à l'emp. Justinien, à la suite de tremblements de terre et d'autres phénomènes, que l'Église orientale doit cette solennité, 5i2, qui d'ailleurs concordait avec la place toujours plus grande que le culte de Marie commençait à prendre dans l'Église. D'après Baronius, le pape Gélase aurait déjà établi cette fête vers 492, et l'on sait que les Romains, déjà du temps de Numa, avaient fait du mois de février le mois de la grande purification, februatio. Luther a conservé la Chandeleur comme jour de la présentation de Jésus au temple, mais elle n'est plus guère célébrée dans aucune église protestante.

 

CHANDIEU, Antoine (de), seigneur de La Roche-Chandieu, né dans le Mâconnais vers 1534, f à Genève 23 févr. 1591. Destiné d'abord au droit, il se décida après sa conversion pour la théologie, connut Bèze et Calvin à Genève, et fut nommé pasteur de Paris à 20 ans. Arrêté par la police, il fut réclamé par Ant. de Bourbon, mais, par prudence, dut quitter la capitale. Il fut chargé d'une mission dans le Poitou et concourut à la convocation du synode de 1559, mais rien ne prouve qu'il y ait assisté. En 1562 il est nommé modérateur du synode d'Orléans. En 1563 il est de nouveau pasteur à Paris, mais pour peu de temps. Son frère aîné étant mort à Dreux, il se trouva à la tête d'une grande fortune et se consacra à l'évangélisation du Lyonnais et de la Bourgogne. Obligé de fuir les persécutions catholiques, il vint à Lausanne où il enseigna la théologie, puis à Genève où il fut nommé pasteur et prof, d'hébreu, et où il resta jusqu'à sa fin, avec de rares absences, motivées par des missions à l'étranger; en 1587, appelé comme chapelain par Henri de Navarre, il assista à la bataille de Coutras, mais ne tarda pas à rentrer à Genève. C'était un homme très modeste, instruit et d'un grand talent oratoire. Il a publié une vingtaine d'ouvrages plus ou moins considérables (quelques-uns sons les noms hébreux, de Sadeel ou de Zamariel, qui sont la traduction de Chant de Dieu); la plupart sont en latin et tiennent à la controverse. Il eut 13 enfants, dont le 8«, Pierre, fut pasteur dans le Béarn; les autres suivirent presque tous la carrière des armes.

 

CHANNLNG, William-EHery, né à Newport 7 avril 1780, d'une vieille et pieuse famille puritaine, étudia à Harvard, fut 2 ans précepteur en Virginie, et en 1803 pasteur de régi- con-grégationaliste de Fédéral-Street à Boston; il y resta jusqu'à sa f 2 oct. 1842, ne l'ayant quittée qu'en 4822 pour un voyage de santé en Europe. Sérieux et doux, petit de taille, d'une constitution délicate, il eut une vie simple et pure, sans épisodes; tout se passait chez lui dans le monde moral. Répugnant à la « terrible théologie » calviniste, il éprouvait encore plus de répulsion pour le déisme voltairien et pour les platitudes du rationalisme inauguré par Priest-ley et Belsham. Il se joignit aux unitaires, lors de la crise religieuse du Massachusets 1810, et ne tarda pas à devenir leur chef, mais avec l'espoir d'être aussi leur réformateur et d'infuser un peu de vie et de chaleur à cette froide théologie. Supranaturaliste décidé, il croyait aux miracles et à la religion révélée. Dieu était pour lui le Père céleste, toujours bon, plutôt qu'un roi et un juge. Il voyait en Christ un être céleste préexistant, qui avait fait des miracles et des prophéties et qui était ressuscité, un ami des pécheurs, le seul médiateur entre eux et Dieu, mais il n'admettait ni sa divinité, ni son sacrifice expiatoire. Il ne croyait pas non plus au péché, tel que la Bible le représente; pour lui le mal n'était qu'une faiblesse, une infirmité, un retard dans le développement, l'homme n'avait pas besoin d'être converti, mais seulement amélioré et ramené au bien. Sa vie personnelle et son caractère l'empêchaient peut-être de sentir vivement les lacunes et les luttes du cœur humain. En revanche il souffrait de la souffrance de son prochain, et sa sensibilité ne resta jamais inactive. Il s'occupa des classes pauvres, non seulement pour les soulager, mais pour les instruire par des leçons et des lectures publiques et pour les moraliser par des délassements honnêtes. Il combattit également l'esclavage, à une époque où il y avait du danger à le faire, et publia en 1835 son Traité de l'esclavage qui suffirait à lui seul à honorer sa mémoire. Sans être un orateur de premier ordre, ni un écrivain sans défaut, ni un penseur profond, ni un théologien bien au courant des questions, il a exercé une grande et saine influence par son caractère élevé et par l'exquise distinction de ses sentiments, v. Bunsen, La-boulaye et Rémusat.

 

CHANOINES, chanoinesses. Cette institution comme telle remonte à Chrodegang, év. de Metz, vers 760. Plus anciennement, et déjà du temps d'Augustin, on donnait le nom de chanoines (canonici) aux ecclésiastiques spécialement attachés à une église et vivant, sinon d'une vie commune, au moins d'après certaines règles, ou canons. Ils ne prononçaient pas de vœux proprement dits, et plusieurs conservaient leur liberté et vivaient dans le monde, sans avoir des fonctions spéciales, mais en observant les règles canoniques. La plupart se réunissaient chaque jour dans l'église cathédrale, sous la présidence de l'évêque pour étudier ensemble; ils prenaient leurs repas en commun et habitaient le même bâtiment. Avec Chrodegang ce qui n'était qu'un fait et une habitude devint une institution; il y eut des chanoines et une vie canonique. Dans l'intérêt de la discipline, les ecclésiastiques attachés à une cathédrale reçurent un règlement en 34 articles, qui les soumettait à l'autorité épiscopale, leur imposait la vie commune et les 3 vœux monacaux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance; les obligeait à des exercices religieux particuliers, et leur assurait leur entretien sur les dîmes et les revenus de la cathédrale, sans cependant les priver entièrement du droit de posséder. Charlemagne et Louis-le-Déb. confirmèrent ce règlement aux conciles d'Aix-la-Cha-pelle, 789 et 816, en le développant jusqu'à 86 articles; et là où les moyens de leur subsistance étaient assurés, les chanoines formèrent une vraie corporation, dans laquelle on distingua ceux qui relevaient d'une cathédrale et ceux qui appartenaient à une simple collégiale. Mais de nombreux abus se firent sentir, et déjà au 10me siècle les chanoines de Trêves se partageaient les biens de la fondation. Les papes et les conciles intervinrent à plusieurs reprises, mais inutilement. Benoît XIII, en 1339, fixa leur costume (noir, brun ou blanc) et les soumit à la règle d'Augustin; ceux qui se soumirent forent appelés réguliers, les autres séculiers. Plusieurs étaient laïques, bien que les règlements exigeassent qu'ils fussent au moins sous-diacres; les cadets de famille s'en firent une carrière, et le recrutement se fit, non plus d'après le mérite, mais d'après les quartiers de noblesse et la part de fortune qu'on apportait. Le conc. de Bâle décida que la moitié des places seraient données à des ecclésiastiques et à des hommes connus pour leurs qualités ou pour leur instruction; ailleurs on fixa le nombre des chanoines pour prévenir l'envahissement des nobles; toutes ces précautions furent inutiles; en bien des lieux les chapitres devinrent des puissances, et il y eut des chanoines qui siégèrent dans les diètes de l'empire. Lors de la Réforme beaucoup de chapitres furent supprimés et tours biens sécularisés; en quelques endroits les chanoines tétant tous convertis conservèrent leurs privilèges, leurs fondations et leurs revenus, qui devinrent peu à peu l'apanage de jeunes nobles. Il y eut même, à Lubeck et à Osnabrtick, des chapitres mixtes, qui avaient alternativement à leur téte un év. catholique et un prince protestant. La réorganisation des chanoines des deux communions fut laborieuse en Allemagne; elle fut plus simple en France, où l'autorité ecclésiastique s'en occupa seule, à quelques exceptions près où le pouvoir civil institua des chapitres, afin de pouvoir donner des places de chanoines, soit comme retraite, soit comme récompense. Aujourd'hui les titulaires se recommandent plus par leur valeur personnelle que par leurs ancêtres ou leur fortune. — Chrode-gang avait aussi institué des chanoinesses, vivant en commun et soumises à la règle d'Augustin, mais elles se fondirent peu à peu dans les béguines. Les séculières, de familles nobles, conservaient le droit de se marier. Plusieurs églises protestantes, en Allemagne surtout et en Danemark, ont conservé cette institution, qui est purement honorifique, et qui peut être considérée comme une retraite pour des jeunes fdles nobles; quelques-unes de ces fondations, pien dotées, se consacrent à l'enseignement et rendent de véritables services.

 

CHANT, v. Ambroise, Grégorien, Hymnes, etc.

 

CHANTAL 1° Martyr protestant français, maître de la monnaie à Villeneuve d'Avignon; il recevait dans sa maison ses coreligionnaires, au nombre d'une douzaine. Les soldats du pape traversèrent le Rhône, tuèrent 7 de ces hommes, précipitèrent Chantai de sa fenêtre dans la rue et le traînèrent jusqu'au fleuve, 1561. C'était une violation de territoire; le roi de France ne s'en plaignit pas.

Jeanne-Françoise Frémiot, dame de Chantai, née à Dijon 1572, f 1641. Veuve de Christophe de Rabutin, elle refusa de se remarier et consacra sa vie à des œuvres de dévotion. Elle se fit le bras droit de François de Sales, concourut avec lui à créer l'ordre de la Visitation, et en fonda le premier couvent à Annecy 1610. Grand'mère de M™0 de Sévigné, elle a laissé des Lettres qui ont été publiées 1660. Canonisée par Clément XI, 1767.

 

CHAPELAIN, ecclésiastique attaché à une chapelle. Sa position était naturellement différente suivant que la chapelle elle-même était une fondation indépendante, ou qu'elle se rattachait comme annexe à une autre église. Il y avait des chapelains simples suffragants ou vicaires d'un curé, et d'autres chapelains relevant directement d'un seigneur, d'un prince ou d'un souverain. Quelques-uns avaient des fonctions spéciales, à l'armée, à la cour; aujourd'hui encore on les distingue suivant les services qu'ils sont appelés à remplir, dans les lycées, les prisons, etc. Les évêques ont leurs chapelains, qui leur servent ordinairement de secrétaires, et les papes eux-mêmes en ont, soit pour les assister dans leurs cérémonies, soit pour leur dire la messe ou pour les confesser. Dans les égl. protestantes les fonctions de chapelain sont assez indéterminées, locales, spéciales et temporaires; suivant leurs aptitudes, c'est le soin des malades, l'enseignement de la jeunesse ou la prédication qui leur sont plus particulièrement confiés; ils relèvent tantôt de l'État, tantôt des pasteurs titulaires, tantôt des corps ecclésiastiques.

 

CHAPELET, v. Rosaire.

 

CHAPELLES. Lorsque, sous Constantin, on affecta au culte du vrai Dieu les basiliques des villes, on comprit la nécessité de multiplier aussi dans les villes et dans les campagnes les édifices du culte, et l'on érigea des autels à la desserte desquels étaient préposés des diacres ou des clercs d'un rang inférieur. Ce n'étaient d'abord que de simples oratoires, ou lieux de prières; la messe ne s'y célébrait pas, si ce n'est dans des circonstances exceptionnelles. Le mot de chapelle n'apparaît guère qu'au 7m« ou au siècle; on donnait le nom de Cappa à la couverture en bois qui, destinée primitivement à protéger l'autel seul, avait été peu à peu agrandie et étendue de manière à protéger aussi les assistants contre la pluie ou contre le soleil, et le nom de chapelles en dériva pour désigner ces modestes églises, comme celui de chapelains leurs modestes desservants. On a cherché à ce mot une autre étymologie dans la cappe, ou grossier capuchon de saint Martin de Tours, que l'on appelait plutôt capella, à cause de sa petitesse, et qui donna son nom à l'église où la la cour de France conservait cette relique comme un palladium national. Des ecclésiastiques spéciaux en avaient la garde et reçurent le nom de chapelains. Aussi dans l'origine le nom de chapelles est-il employé surtout pour désigner des églises privées appartenant à des familles princières. Peu à peu le mot se prit dans un sens plus général et s'appliqua à toutes les églises non paroissiales, construites pour leur usage personnel par des rois, barons ou seigneurs. L'église de Saint-Marc à Venise ne fut d'abord que la chapelle des doges; la chapelle Sixtine à Rome, la Sainte-Chapelle à Paris, l'église du château à Wittenberg, etc. ont commencé par n'être que de simples chapelles, dont les droits augmentèrent à la longue par des né-gociaCions et des concessions successives. Les couvents obtinrent de même pour leurs chapelles des privilèges, et celui d'y lire la messe finit par assimiler à de véritables églises paroissiales des bâtiments qui dans l'intention première des fondateurs, n'étaient que de simples oratoires. Les églises proprement dites se sont cependant réservé en général les baptêmes et les enterrements, ainsi que la grande messe des jours de fête. — On désigne encore sous le nom de chapelles des compartiments particuliers qui dans les églises sont réservés, soit à une famille qui en fait les frais, soit à un saint dont on veut honorer le souvenir; elles sont quelquefois souterraines, et dans ce cas on les appelle cryptes; plus ordinairement latérales, ou disposées autour du chœur, garnies d'un autel et de divers ornements, reliques, bancs pour la famille ou pour les fidèles. Dans certaines églises elles sont fort nombreuses; l'église du Saint-Sépul-cre, à Jérusalem, n'en compte pas moins d'une vingtaine. — On comprend encore sous ce nom l'ensemble des vêtements ecclésiastiques requis pour la célébration de certains actes religieux, à la condition qu'ils soient de la même forme, étoffe et couleur (qui peut varier suivant la liturgie); et aussi le personnel vocal et instrumental chargé de la musique d'église dans les cathédrales.

 

CHAPITRE; d'une manière générale toute corporation religieuse, vivant sous une même règle et poursuivant un but déterminé; plus spécialement l'ensemble des chanoines rattachés à une cathédrale et servant de conseil à l'évêque. C'était d'abord la règle elle-même, le canon et ses différents chapitres, que l'on appelait ainsi; puis la salle où il en était fait lecture; enfin les titulaires eux-mêmes, ecclésiastiques et parfois laïques. Du temps d'Augustin on réunissait sous ce nom tous les ecclésiastiques, prêtres, diacres et employés d'une cathédrale; leurs conférences étaient régies par des règlements. Sous Chrodegang l'institution prit quelque chose de plus spécial; ses fonctions, ses privilèges et ses droits furent plus nettement déterminés, et les avantages l'emportaient tellement sur les charges, que ceux qui en avaient le moyen faisaient tout pour parvenir à occuper ces places; elles devinrent l'apanage des riches, surtout des nobles, et les chapitres s'arrogeant le droit de se recruter eux-mêmes finirent par devenir de véritables puissances avec lesquelles les rois et les évêques durent compter. Les conciles et les papes intervinrent plus d'une fois pour mettre un terme îi de criants abus, mais ils n'y réussirent qu'imparfaitement. La réforme, et concurremment avec elle le conc. de Trente, diminuèrent ce qu'il y avait d'exagéré soit dans les richesses, soit dans les prétentions de ces corps, dont quelques-uns jouissaient de t>iens très considérables, et la valeur matérielle des canonicats cessa d'atteindre les proportions scandaleuses auxquelles elles avaient été portées. En même temps le mode et les conditions de l'élection furent modifiés, et les pouvoirs des chapitres furent restreints. Un chapitre n'est plus auj. qu'un conseil chargé d'assister l'évêque dans ses fonctions, de le remplacer en son absence, et d'élire son successeur sous réserve de la ratification du gouvernement et de celle du pape. L'Égl. anglicane a conservé les chapitres et les chanoines au service de ses cathédrales. En Allemagne Luther lui-même a essayé de conserver cette institution qui, bien comprise, peut avoir sa raison d'être, mais elle est peu en harmonie avec l'esprit du protestantisme, et Tépiscopat étant supprimé les canonicats ont successivement disparu et les biens des chapitres ont été sécularisés; le peu qui en subsistent encore ne sont plus que des fondations sans caractère ecclésiastique.

 

CHAPPUIS, Jean-Samuel, né 16 juill. 1809 à Rivaz, Vaud; suffragant à Montreux et à Bâle, prof, de dogmatique à Lausanne en 1838, démissionnaire lors de la crise de 1845, un des théol. les plus distingués et des hommes les plus influents de l'Égl. libre vaudoise; professeur de la faculté libre réorganisée, directeur du Chrétien èvang., président du synode, f 3 avril 1870. Auteur d'une thèse remarquable: l'Ane. Test, dans ses rapports avec le christianisme, et de% nombreux articles. Élève de Néander et ami de Yinet; animé d'une foi vivante et d'un grand respect pour la Bible; théologien indépendant.

 

CHARENTON, petit village des environs de Paris, au confluent de la Marne et de la Seine, où Henri IV permit, 1er août 1606, aux protestants de Paris de s'assembler pour célébrer leur culte. Le 27 août 3000 fidèles s'y réunissaient dans un local provisoire. Le local, bien aménagé, fut pillé et incendié 21 sept. 1621 à la nouvelle de la mort de Mayenne. En 1625 il était reconstruit par les soins de S. de Brosse, long de 104 pieds, large de 66, avec 81 croisées, 3 étages de galeries soutenues par 20 colonnes doriques, et pouvant contenir plus de 4000 personnes. Le service s'y faisait le dimanche de 9 à 11, et de 1 à 3 h., et le lendemain des jours fériés. La population, dressée par le seigneur le Bossu, était généralement hostile. Après plusieurs tentatives d'incendie, le temple fut démoli par ordre du parlement, à la suite de la Révoc. de l'édit de Nantes, 22 oct. 1685. Plusieurs synodes avaient été tonus à Charenton.

 

CHARITÉ (La), une des 4 places fortes données aux protestants par te traité de Saint-Ger-main-en-Laye; une des 6 de la trêve de Chantilly; 20 personnes y furent tuées à la Saint-Barthélémy. Bourg de la Nièvre.

 

CHARITÉ (du latin carus, cher), s'emploie dans le langage vulgaire pour désigner les secours accordés par un plus riche à un plus pauvre. Il se dit aussi du sentiment qui porte à la bienfaisance. Dans un sens plus relevé il caractérise la bienveillance en général, une disposition à juger favorablement, à ne pas soupçonner le mal, à l'atténuer ou à l'excuser. Mais dans le langage religieux il a une signification tout autrement grande, puisque après avoir énuméré les principales vertus chrétiennes, l'apôtre ajoute qoe la plus excellente c'est la charité, 1 Cor. 13. Seulement il faut noter ici que le mot grec employé dans ce passage et dans presque tout le X. T., signifie amour et vient du verbe aimer; c'est donc ainsi qu'il devrait être traduit, et qu'il l'aurait été certainement, si le mot français ne prêtait pas de son côté à des équivoques. De là aussi dans la plupart de nos verrons une hésitation sur le mot à employer; elles mettent tantôt charité, tantôt amour, ce qui enlève à la doctrine chrétienne sur ce point quelque chose de son ampleur et de sa précision. - Cette doctrine pénètre la révélation tout entière. Elle se présente sous les formes les plus diverses: l'amour de Dieu pour son peuple et pour les hommes, l'amour que les hommes lui doivent en retour du sien, l'amour des hommes te uns pour les autres, l'amour spécial des chrétiens pour leurs frères, l'amour des chrétiens pour ceux qui ne connaissent pas l'Évangile, l'amour dans les relations de famille, l'affection provenant d'une sympathie naturelle, etc. On peut remarquer l'excellence de cette vertu dans le fait qu'elle résume la loi tout entière; Wle en est le sommaire, le premier et le second commandement; elle est le nom même de Dieu 1 Jean 4, 16; l'accomplissement de la loi, l'abrégé de l'histoire et de la doctrine évangéli-que, la pierre de touche de la foi, l'objet de Tétonnement des apôtres Rom. H, 33. 1 Jean

I. et de l'admiration des anges, 1 Pier. 1, 12; elle couvre une multitude de péchés.

 

CHARITÉ (Frères de la), v. Frères. — Les de charité, appelées aussi sœurs grises à cause de leur costume, sont une congrégation de religieuses, fondée 1617 par Vincent de Paule et Mad. Legras. Elles desservent souvent te hôpitaux; il y en a d'excellentes, mais il en <*t qui par un faux zèle sont une plaie pour te pauvres patients qui leur sont confiés.

 

CHARLEMAGNE, ou Ch. -le-Grand, un des pins grands hommes qui aient jamais été à la tête des nations, et qui, malgré ses guerres continuelles et ses conquêtes, n'a cessé d'avoir en vue le bien de son peuple, les progrès de la ci-\ilisation et la propagation du christianisme. Fils de Pépin, premier roi des Francs, et de Bertrade. il naquit le 2 avril 742 à Aix-la-Cha-pelle; selon d'autres, au château de Salzbourg, Haute-Bavière. On sait peu de chose de sa jeunesse. D'une taille fort au-dessus de la moyenne, et rompu à tous les exercices du corps, il avait ce qu'il fallait pour régner à cette époque; il était en outre profondément religieux. A H ans, en nov. 753, il fut envoyé à la rencontre du pape Étienne II, qui l'année suivante, au couronnement de son père, le sacra, lui et son fr. Carloman, comme futurs rois des Francs. A 19 ans il se signala par sa valeur dans une campagne contre le duc d'Aquitaine. En 768, son père étant mort, il monta sur le trône et partagea d'abord le royaume avec son fr. Carloman, qui avait l'Austrasie et une partie de l'Aquitaine. La mort de ce dernier, 4 déc 771, coupa court à des rivalités naissantes; Charlemagne usurpa les États de ses neveux qui s'enfuirent avec leur mère Gerberge en Lombardie, auprès de leur aïeul Didier, déjà irrité contre Charlemagne qui, d'accord avec le pape, avait répudié sa fille Désirée pour épouser Hildegarde de Souabe. Dès lors la vie de Charlemagne n'est plus, pendant une trentaine d'années, qu'une vie de batailles et d'expéditions militaires, dont le détail, étranger à l'histoire de l'Église, occuperait des volumes. En 774 il fit Didier prisonnier, s'annexa ses États, et se rendit à Rome auprès du pape qu'il avait délivré. En 778 il passe en Espagne, remporte plusieurs victoires sur les Sarrasins, mais voit son arrière-garde massacrée à Ronce vaux, où périt Roland. Il doit recommencer la guerre contre les Saxons. Irois fois soumis et trois fois révoltés à l'appel de l'héroïque Witi-kind; il les soumet de nouveau 782, et pour les punir de leur manque de foi, fait trancher la tête à 4,500 d'entre eux, ne faisant grâce qu'à ceux qui se décident à embrasser la foi chrétienne. Cet acte cruel les exaspère davantage encore; ils sont de nouveau battus et c'est en 785 seulement que Witikind met enfin bas les armes et vient à Attigny rendre hommage au roi des Francs. De 791-96 il combat les Avares et détruit leur empire. Enfin il se soumet Rome et son territoire qui était censé appartenir encore à l'emp. de Constantinople, bien qu'en réalité il fût tombé entre les mains des papes, et Léon III lui rend hommage comme à son suzerain légitime. En 800, à Noël, Léon place sur sa tête la couronne et le proclame emp. d'Occident. Il aurait voulu épouser l'impératrice Irène, de Constantinople. pour fondre en un les deux empires, mais Irène fut détrônée et ce projet n'eut pas de suite. Charles d'ailleurs était assez puissant; presque toute l'Europe lui était soumise, et il put se consacrer plus entièrement à l'œuvre de réorganisation qu'il n'avait jamais perdue de vue, mais qu'il avait dû plus d'une fois interrompre. En 813 il associa à l'empire son fils Louis-le-Déb. et f 28 janv. 814 à Aix-la-Chapelle où il fut enterré. — Les institutions dont il dota son pays prouvent à la fois l'étendue de son génie et l'élévation de ses sentiments. Il fut le restaurateur des lettres et s'entoura de savants qu'il fit venir de divers pays, qu'il mit à la tête des écoles, dont il suivit lui-même les leçons, ainsi que les princes et les princesses de sa famille. Alcuin, Pierre de Pise, Rhaban Maur, Adelhard, et d'autres hommes illustres composaient cette académie royale, dont les membres aimaient à prendre des noms de fantaisie: Horace, Augustin, etc. Le roi avait pris le nom de David, dont les psaumes étaient une de ses lectures favorites. C'est aussi au point de vue de l'enseignement, et pas seulement au point de vue religieux, qu'il favorisa les couvents, désirant relever le niveau moral et intellectuel du clergé et des populations. Il fit composer ou traduire dans le même but un certain nombre d'écrits, fragments de la Bible, extraits de biographies, grammaires, etc. Un des livres qu'il appréciait le plus était la Cité de Dieu d'Augustin. Il voyait aussi dans la Bible un puissant moyen de civilisation, et il en imposa la lecture journalière à tout le clergé jusqu'à ses derniers rangs. Les mesures qu'il prit pour la conversion des Saxons ne peuvent pas être jugées sainement de notre point de vue ordinaire. D'abord il ne leur fit pas la guerre pour les convertir, mais pour les soumettre et pour délivrer son pays des incursions incessantes et dévastatrices de ces barbares; défensive au début la guerre devint peu à peu offensive, comme il arrive souvent, mais le point de départ était dans les attaques renouvelées depuis deux siècles des Saxons contre les frontières franques. S'il mêla ensuite les missions à la guerre, c'est qu'il crut voir dans la foi chrétienne le moyen le plus sûr et le plus efficace d'assouplir moralement des caractères indomptés et sauvages. On peut dire qu'il s'y prit mal, et Alcuin déjà lui fit des observations à ce sujet, mais à la distance où nous sommes, et dans le milieu où nous vivons, il est difficile de juger. Il ne faut pas oublier non plus que s'il envoyait des soldats contre les soldats, il envoyait aussi des missionnaires, des évangélistes et des évêques, pour instruire et pour persuader, à Ehresbourg, Mayence, Fulda, Wurzbourg, Os-nabruck, Minden, Hanovre, Brème, etc. L'état du clergé laissait beaucoup à désirer sous le rapport de l'instruction, du zèle et du dévouement. On trouvait même des ecclésiastiques qui ne savaient pas lire. Ce fut une des principales préoccupations du monarque, de remédier à un pareil état de choses, et il convoqua plusieurs conciles pour aviser. Le recueil de ses Capitu-laires, q. v., contient à cet égard des lois, des décrets et des ordonnances, qui prouvent jusqu'à quel point il s'intéressait au relèvement de son clergé, comme à tous les détails de sa vaste administration, agriculture, marine, ports, beaux-arts, police, finances, etc. Outre se» Lettres, et une grammaire qu'on lui attribue, on connaît encore sous son nom quelques écrits de théol., entre autres les livres Carolins, q. v. Sa Vie a été écrite par son secrétaire Eginhard, et dès lors par un grand nombre d'écrivains. La légende n'a pas tardé non plus à s'emparer de cette colossale figure, et les poètes lui ont prêté des voyages imaginaires à Constantinople et au tombeau du Christ à Jérusalem. Ses dernières années furent troublées par des chagrins domestiques, par la conduite de ses filles, par la mort de ses deux fils aînés Charles et Pépin, et par la faiblesse de caractère du seul survivant, Louis, roi d'Aquitaine, qu'il associa à son trône la dernière année de sa vie, mais avec le pressentiment, trop justifié, qu'il ne serait pas de force à maintenir l'intégrité de l'empire, v. Wyss, Monnier, Mullinger, Capefigue, Gaston Pàris.

 

CHARLES-QUINT, né à Gand 24 févr. 1500, fils aîné de Philippe-le-Beau, archiduc d'Autriche et de Jeanne, dite la Folle (peut-être à cause de l'indépendance de ses idées religieuses), était petit-fils de l'emp. Maximilien, de Ferdinand le Catholique et d'Isabelle de Castille. Il avait dans les veines du sang allemand, espagnol, portugais, italien, hollandais et anglais, curieux mélange quri devait faire de lui l'étrange souverain que l'on connaît. A 16 ans la mort de son père le fit roi d'Espagne, de Naples, de Sardai-gne, de Sicile, d'Autriche, de Bourgogne et des «entrées nouvellement découvertes au delà de l'Atlantique, le Mexique et le Pérou. Son grand-père étant f 12 janv. 1519, il fut élu à sa place à l'empire, ayant eu pour principal compétiteur François 1er, qUi prodigua l'or pour se faire élire, mais qui fut évincé, sous l'influence prépondérante de Frédéric-le-Sage, électeur de Saxe. Il fut couronné à Aix-la-Chapelle 23 oct. 1520. Il avait promis de défendre les Cent griefs de la nation allemande contre la cour de Rome, mais le besoin qu'il avait du pape lui fit bientôt oublier ses engagements. La rivalité qui existait entre lui et François dura autant que leur vie et donna naissance à quatre guerres qui, après des alternatives diverses, aboutirent à la défaite du roi de France à Pavie 1525, à la prise de Rome 1527, à la paix de Crespy 1544, et à une vaine tentative contre Metz 1552. Par politique Charles passa sa vie à faire la guerre aux protestants, car l'alliance du pape lui était nécessaire contre la France, et elle menaçait à chaque instant de lui échapper. Cependant les Turcs d'une part, représentés par Soliman, et d? l'autre les pirates de la Méditerranée, dans la personne des deux frères Barberoussse, l'obligèrent plus d'une fois à concéder à ses sujets une liberté de conscience momentanée, pour poovoir réunir toutes ses forces contre l'ennemi du dehors. C'est à la diète de Worms 1521 qu'il se trouva pour la première fois en présence des idées nouvelles et de Luther. L'édit de Worms qu'il publia à cette occasion lui fut probablement inspiré par le légat Àléandre, mais la guerre l'empêcha d'y donner suite. En mars 1529 la diète de Spire confirme l'édit de Worms et décide que les choses resteront en l'état jusqu'au prochain concile; les villes et les princes évangéliques déposent le 19 avril une protestation solennelle contre ce vote et sont dès lors appelés les Protestants. Charles les accueille si mal que le bouillant Philippe de Hesse est sur le point d'organiser une Ligue de la résistance. En 1530 a lieu la diète d'Augsbourg, où Ch. a pour conseiller Granvelle; malgré le mauvais vouloir de l'emp. les princes évangéliques déposent le 25 juin la célèbre Confession de foi (Au-gustana) rédigée par Mélanchthon, qui produit une impression extraordinaire, même sur les princes catholiques. Il y est répondu au bout de quelques jours par une Confutatio très faible et insuffisante, dont Mélanchthon n'a pas de peine à démontrer la pauvreté dans sa remarquable Apologie de la Confession. Mais la majorité est là, et le légat du pape. Charles ordonne aux évangéliques de se soumettre jusqu'au prochain concile, et il leur donne 7 mois pour se réconcilier avec l'Église. En même temps il cherche à faire nommer roi de Rome l'archiduc Ferdinand, son frère, mais Jean de Saxe et Philippe de Hesse ont quitté la ville sans prendre congé et le 24 déc. 1530 ils posent les premières bases de la Ligue de Smaicalde, qu'ils confirment définitivement le 27févr. 1531 pourôans. L'approche des Turcs décide Charles à signer à Nuremberg le 23 juillet la première paix de religion, paix trompeuse et forcée, mais qui permit aux évangéliques de poursuivre en paix leur œuvre pendant une dizaine d'années. L'Intérim de Ratisbonne 1541 leur donna encore quelques loisirs, quoique l'empereur, dans son discours de clôture, se montrât encore leur ennemi. Mais après que Paul III eut convoqué le concile à TVente, l'emp. se crut en droit de contraindre les protestants par les armes, et en 1547 il les avait réduits à capituler. Chose étrange, et qui montre combien la politique l'emportait chez lui sur la question religieuse, à ceux qui lui cédaient leurs États il garantissait la liberte de conscience, et quand, à Wittenberg, le duc d'Albe et l'év. d'Arras lui proposèrent de faire exhumer Luther et d'en jeter les cendres au vent, il répondit: Je fais la guerre aux vivants, mais pas aux morts. La même année, à Augs-bourg, il déclara son intention de maintenir la paix de l'empire par la tolérance accordée aux dissidents. Ceux-ci avaient à peu près promis de se rendre au conc. de Trente, mais par une fatalité malheureuse le pape venait de le transférer à Bologne et refusait de donner aux protestants aucune garantie, ce qui les déliait de leur promesse vis-à-vis de Charles et déliait eu même temps celui-ci de ses engagements envers le pape. Décidé d'accorder la liberté de culte, l'emp. crut devoir régler l'exercice de cette liberté par un décret, connu sous le nom d'Intérim d'Augsbourg, qui ne satisfit naturellement aucune des deux parties, et qui était si peu favorable aux évangéliques que les princes songèrent un moment à le remplacer par l'Intérim de Leipsic. La prétention de Charles de faire donner la couronne impériale à son fils Philippe II, et d'étendre les prérogatives du souverain en matières religieuses, contribua encore à augmenter la méfiance générale. Son fidèle allié, Maurice de Saxe, dont il retenait en prison, malgré la foi jurée, le beau-père Philippe de Hesse, finit par se tourner contre lui, s'empara de Magdebourg, et avec l'aide de quelques princes, contraignit Charles à signer le 2 août 1552 la paix ou transaction de Passau, qui rendait la liberté aux prisonniers, restituait les provinces conquises et garantissait la liberté de conscience. En même temps Charles perdait en France Metz, Toul et Verdun; il devait lever le siège de Metz, et s'écriait, en arrivant à Bruxelles: Décidément la fortune est une femme; elle m'était favorable quand j'étais jeune, elle m'abandonne à présent que je vieillis. Il tomba dans une profonde mélancolie, refusa d'assister à la diète d'Augsbourg où fut signée enfin la Paix de religion, 21 sept. 1555, et comme les médecins lui conseillaient un climat plus chaud, il abdiqua le 25 oct. à Bruxelles, dans la même salle où il avait été proclamé empereur 40 ans auparavant, et se retira en Espagne, au couvent de Saint-Just, Estramadure, où il se fit construire une maison avec les dépendances nécessaires, et où il partagea son temps pendant 3 ans entre l'horlogerie, le jardinage et les exercices de dévotion. Il continuait de s'intéresser à ce qui se passait, et entretenait une correspondance suivie avec son fils Philippe II, qu'il avait fait roi d'Espagne et souverain des Pays-Bas. Il apprit ainsi les progrès incessants du protestantisme et il put comprendre que les convictions religieuses ne s'imposent pas par la violence. Il vit même les idées de la réforme pénétrer en Espagne; son confesseur Augustin Cazalla les embrassa; un autte de ses confesseurs, l'archev. Carranza, dominicain, fut également suspect de les avoir embrassées, et mourut en prison. Enfin Charles-Quint lui-même fut accusé d'avoir penché vers le protestantisme et de s'être converti, sous l'influence de son maître d'horlogerie qui était protestant. Parmi les fantaisies qu'il se passa dans ses dernières années, on cite le simulacre de ses funérailles auxquelles il assista de derrière un vitrage. Il mourut le 21 sept. 1558, âgé de 59 ans et 7 mois. Son génie était incontestable; sa dissimulation n'est pas moins connue; personne ne put jamais se fier à lui. Il a eu de nombreux biographes. Parmi ses enfants illégitimes, le plus connu et le plus distingué fut le célèbre don Juan d'Autriche.

 

CHARLES IX, roi de France, l'avant-der-nier des Valois: 2m« lils d'Henri II et de Catherine de Médicis, né 1550, succéda en 1560 à son fr. François II. Sa minorité fut troublée par les intrigues de sa mère, par l'ambition des Guise, et par les guerres de religion. Le colloque de Poissy auquel il assista en personne 1561, n'ayant pas abouti, les protestants durent songer à se défendre. L'édit du 17 janv. 1562, quoique rédigé par le chancelier de l'Hôpital, ne leur offrait pas assez de garanties, et la guerre fut déclarée. Sans en être directement responsable Charles IX compte dans son dossier le massacre de Vassy, 1er mars 1562. Les protestants furent battus successivement: à Dreux par le duc de Guise 1562, à Saint-Denis par Montmorency 1567, à Jarnac et à Moncontour par le duc d'Anjou 1569. Enfin la paix fut signée à Saint-Germain, 15 août 1570; les protestants reçurent 4 places de sûreté, et le mariage de Marguerite, sœur de Charles IX, avec le roi de Navarre, Henri IV, 16 août 1572, pouvait faire espérer une réconciliation durable, quand, 6 jours après, le 24 août, eut lieu l'horrible massacre de la Saint-Barthélémy. Le rôle de Charles IX fut équivoque; il voulut un moment anêter les massacres, puis, comme enivré par l'odeur du sang, il s'y associa bientôt et envoya de nouveaux ordres en province pour y organiser les exécutions; il ne fit grâce qu'au roi de Navarre, au prince de Condé et à son médecin Ambroise Paré. Deux jours après il se rendit à Montfaucon pour y voir les restes de l'amiral, et comme on lui fit observer qu'ils sentaient déjà: Oh, dit-il, le corps d'un ennemi mort sent toujours bon. Mais ces assassinats ne pacifièrent pas le royaume: les réformés coururent aux armes avec l'énergie du désespoir; un grand nombre de catholiques se joignirent à eux par horreur du crime, et une insurrection formidable, encouragée par le parti des Mal-contents, menaçait d'être victorieuse, quand le 30 mai 1574, après 3 jours de maladie, Charles IX mourut d'une violente hémorragie; le sang suintait de sa peau. Depuis la Saint-Bar-thèlemy il était déchiré de remords et poursuivi par des songes affreux, qui achevèrent de miner une constitution déjà usée par les excès et les débauches. Sa nourrice, une huguenote, qu'il aimait beaucoup, l'assista seule à son lit de mort et lui annonçait la grâce promise à ceux qui se repentent. Comme sa mère, Charles aimait les beaux-arts; on a des vers de lui.

 

CHARLIER, v. Gerson.

 

CHARPENTIER 1° Pierre, toulousain, feignit d'embrasser la foi réformée, pour pouvoir servir d'espion à Catherine de Médicis, et il réussit à se placer à Genève comme prof, de droit civil, 1566; il partit en 1570 sans payer ses dettes, vint à Paris où il se posa comme intermédiaire entre les huguenots et le conseil privé, échappa à la Saint-Barthélémy et fut démasqué à Strasbourg. N'ayant plus rien à ménager, il publia le 15 sept. 1572 sa Lettre à Portus, de 72 pages, déjà probablement rédigée d'avance, où il cherche par les plus énormes arguments à justifier les massacres du 24 août. Ce méprisable mouchard, nommé avocat du roi, après avoir servi la Ligue, joua la comédie d'une nouvelle abjuration, le 16 janv. 1604, comme s'il avait jamais été protestant, fut nommé doyen de l'école de droit à Pont-à-Mousson, et f mai 1612, méprisé de tous les partis. Il a publié encore un Avertissement « sainet et chrétien » 1575, pour engager les protestants à déposer les armes, et des Discours académiques, 1608.

2° Charpentier de Ruffec, martyr de l'An-goumois, 1685. Les dragons lui firent avaler 25 à 30 verres d'eau, et firent dégoutter dans ses yeux le suif d'une chandelle allumée. Il mourut dans d'horribles souffrances. Son fils se réfugia en Angleterre, où il était pasteur à Cantorbéry vers 1710.

 

CHARRON, Pierre, penseur et philos., né 1541 à Paris, d'un père libraire qui avait 25 enfants. D'abord avocat, puis prêtre, il prêcha dans le midi avec succès, se lia à Bordeaux avec Montaigne, fut nommé vicaire-général de l'év. de Cahors, délégué par sa province à l'assemblée du clergé de France, qui le choisit pour secrétaire, et f subitement à Paris 1603. Son meilleur ouvrage, provoqué sans doute par l'excellent traité apologétique de DuPlessis-Momay, a pour titre: Traité des trois vérités; il prouve 1° contre les athées, l'existence de Dieu, 2° contre les juifs et les musulmans, que la religion chrétienne est la vraie, 3° contre les hérétiques, protestants et autres, qu'il n'y a de salut que dans l'Égl. catholique. Il a aussi publié 16 Discours chrétiens, et un Traité de la Sagesse, souvent réimprimé.

 

CHARTREUX, ordre de religieux très sévère, fondé vers 1084 dans les environs de Grenoble par Bruno, q. v. Les solitaires se bâtirent d'abord quelques cellules, puis un oratoire. Ils étaient vêtus de blanc et s'assujettissaient au silence le plus absolu; leur régime était de la plus stricte sobriété, leurs occupations consistaient dans la prière et dans la copie d'ouvrages religieux. Jusqu'en H30 ils n'eurent pas de règle écrite. L«ur 5»® prieur, Guigon (le 1er avait été Bruno) leur donna alors ses Coutumes des Chartreux. Bernard de la Tour réunit en 1238 les résolutions prises en chapitre général depuis 1141; d'autres collections furent réunies en 1367, en 1509 et en 1581. L'ordre, reconnu en 1170 par Alexandre, avait pour principal caractère la séparation la plus entière du monde et de ses tentations; ils ne s'intéressaient à rien de terrestre, et même ils frayaient peu entre eux; ils anticipaient sur le système pensylva-nien. Leur vie calme, sans émotion, leur sobriété, leur permettait d'atteindre un âge très avancé. Leur isolement les mit aussi à l'abri des changements successifs qui se produisaient dans les autres ordres, au point qu'ils sont auj. comme une pétrification bien conservée de ce qu'ils étaient à l'origine. Ils perdirent de bonne heure leurs fondations calabraises, qui passèrent aux cisterciens; ils faisaient peu de propagande; en 1137 ils ne comptaient que 4 maisons, toutes en France; en 1151 ils en avaient 14, mais en 1258, grâce à la faveur des papes, ils en comptaient 56. Pour éviter des rivalités qui s'étaient produites, Jules II décida 1508 que le prieur de la Grande-Chartreuse serait touj. le général de l'ordre. En 1513 on renditaux chartreux le couvent de Saint-É tienne. Calabre, où reposait leur fondateur, et au commencement du 18me siècle l'ordre possédait 170 maisons, dont 75 en France. Supprimé en 1790 par la révolution, l'ordre se releva en 1814; en 1819 la Gr. Chartreuse était de nouveau habitée, et c'est de cette époque à peu près qne date la célèbre industrie qui a popularisé ces religieux, la fabrique des différentes espèces de chartreuses. Ils n'ont plus en France que cette seule maison, mais ils en ont 92 dans les autres pays catholiques, et en outre 5 communautés de femmes, dont 3 en France. Les couvents des chartreuses datent déjà des 13me et 14"* siècles; leur règle est un peu moins sévère; elles peuvent manger ensemble et même parler; elles ont pour confesseurs des chartreux, qui demeurent avec quelques frères lais dans de petites maisons voisines. — Les chartreux ne se sont jamais donnés pour faire des miracles; mais un de leurs historiens, regrettant cette-lacune, y a pourvu par une légende sur l'origine de l'ordre. Raymond de Paris, docteur en théol. et chanoine de N. Dame, étant + 1082, on lui fit des funérailles dignes de sa position; mais par trois fois, pendant la lecture de l'office, le défunt ressuscita et se dressa sur son séant pour dire à l'assemblée, d'abord: C'est par le juste jugement de Dieu que je suis accusé, puis: Que je suis jugé; et la dernière fois, d'une voix terrible: Que je suis condamné! C'est à la suite de cette scène, dont il fut témoin, que Bruno se convertit et abandonna le monde.

 

CHASSIDIM. On nommait ainsi chez les juifs tous ceux qui s'adonnaient à des exercices extraordinaires de piété; c'étaient les saints par excellence. Il y en a eu de tout temps de vrais, chez les juifs comme chez tous les peuples, et on les trouve déjà mentionnés 1 Macc. 7, 13., mais la considération et les avantages qui s'attachaient à la personne de ces hommes distingués produisirent leurs effets accoutumés, et l'on vit de bonne heure aussi des individus faire de la piété une industrie, un moyen de gagner, en même temps que d'autres, plus consciencieux peut-être, mais fanatisés, s'adonnaient à des arts occultes et se posaiënt en faiseurs de miracles. Plusieurs, par un spiritualisme exagéré, passèrent au christianisme sans y croire, mais en interprétant d'une manière allégorique les récits du N. T. et en les faisant servir d'enveloppe à leurs idées philosophico-religieuses. — Dans un sens plus restreint on a donné ce nom à une secte qui parut vers 1740 en Pologne et en Podolie et qui eut pjur fondateur un certain Israël Baal Schem, surnommé Bescht. Cet homme réussit à se faire une réputation de sainteté, grâce à sa vie contemplative, à ses études, à ses fréquentes ablutions et à sa bienfaisance. A l'inverse des ascètes il fit de la satisfaction des besoins matériels un aide plutôt qu'un obstacle au développement de la piété, el il obtint ainsi de nombreux disciples. Il inventa sur sa naissance et sa jeunesse des légendes, qui furent publiées en 1815 par son petit-fils Bœr Linez, et il fit de l'attachement à sa personne la première condition de la communion avec Dieu. Il prit pour lui et pour ses successeurs le titre de Tsadik, saint, pieux; il exigea de ses fidèles la foi en son infaillibilité et des cadeaux sans nombre sous toutes les formes; celui qui pouvait toucher la chemise du Tsadik était absous, même d'un meurtre. Quant aux simples Chassidim, saints, fidèles, ils devaient s'estimer heureux de pouvoir faire quelque chose en faveur de leur chef; ils ne pouvaient rien entreprendre sans le consulter, et cela coûtait cher; s'ils se ruinaient pour lui, c'était un grand honneur. Bescht et ses sectateurs furent anathé-matisés et persécutés par la synagogue, mais ils n'en continuèrent pas moins de subsister comme secte, gardant le Talmud comme règle de leurs cérémonies et de leur foi, mais préférant les livres de prières espagnols et orientaux aux allemands et aux polonais. Partout où il y a des Chassidim ils se constituent en association, ou Klossel. Les règles et doctrines de la secte restèrent secrètes jusqu'après la f de Bescht 1760; dès lors les affiliés se répandirent jusqu'en Moldavie, en Valachie, en Hongrie et en Galicie. Ils sont auj. peu nombreux. On a remarqué la grande analogie qui existe entre leur organisation et leurs prétentions cléricales et celles de la hiérarchie romaine.

 

CHASUBLE, ornement que le prêtre met pardessus l'aube et l'étole, quand il dit la messe. Innocent III y voit l'image de l'Église universelle. Chez les diacres elle s'appelle dalma-tique.

 

CHATEL, Ferd.-François (l'abbé), né 179S à Gannat, vicaire k Moulins, puis aumônier de la garde, fondateur d'une Église catholique française qui, dépouillée des vérités chrétiennes, n'admettait que la loi naturelle. Il fleurit sous Louis-Philippe, écrivit la Conf. de foi de son église, un Catéchisme, le Code de l'humanité; se lit consacrer Primat des Gaules par le grand maître des Templiers, Fabre-Palaprat; et, ses chapelles ayant été fermées par la police en 1842, il entra dans l'administration des postes. 11 voulut recommencer après 1848, mais ne réussit pas davantage, f 1857.

 

CHATELAIN, Jean, ou Chastellain, moine au-gustin et docteur, converti par une étude personnelle de la Bible. Il prêcha dans le duché de Lorraine, en particulier à Metz, où il y avait alors environ 900 prêtres. Il en fut bientôt craint et détesté, grâce à la popularité qu'il s'était acquise en annonçant la vérité et en l'opposant aux messes et autres cérémonies cléricales. Comme ils craignaient le peuple, les prêtres jugèrent prudent de n'arrêter Châtelain qu'après l'avoir fait sortir de la ville. Ils l'enlevèrent 5 mai 1524 (jour de l'Ascension) et le laissèrent languir plus de 8 mois enchaîné dans un cachot. Menaces, promesses, discussions, rien ne put l'ébranler; la parole de Dieu restait victorieuse. On le dégrada de sa qualité de prêtre, et l'évêque de Metz le livra au juge, disant: « Nous nous en remettons à votre clémence pour que ce pauvre homme ne soit ni mis à mort, ni maltraité. > Le juge comprit et Châtelain fut condamné au bûcher. En s'y rendant il disait: « Je n'ai rien prêché qu'Augustin ou Ambroise n'aient prêché avant moi. > Il mourut, priant et chantant des cantiques, 12 janv. 1525. Il est l'auteur d'une Chronique de Metz en vers. Châtelain était le grand ami de Lambert d'Avignon.

 

CIIATELLION, v. Castalion.

 

CHATILLON, illustre famille de France, dont l'origine remonte au 9®« siècle, et qui a compté parmi ses membres un pape, Urbain II; un sénéchal de Bourgogne f 1219, qui accompagna Philippe-Auguste en Terre-Sainte; un connétable, Gaucher, 1250-1329, qui fut ministre de

Louis X; un duc de Bretagne, Charles de Blois, etc. Un de ses descendants fut:

lo Gaspard de Châtillon et de Coligny, maréchal de France, qui servit avec distinction sous François 1er, et f 1322, en allant au secours de Fontarabie. Il avait épousé Louise, sœur du connétable de Montmorency, et la laissa veuve avec 4 fils: 1° Pierre, qui mourut jeune 1534, Odet, Gaspard et François. 2<> Odet, né 10 juillet 1517, avait plus de goût pour la diplomatie ou pour l'Église que pour la carrière des armes. Il accepta avec reconnaissance le chapeau de cardinal que lui offrit son oncle de Montmorency; il avait à peine 16 ans quand Clément VII le revêtit de la pourpre, 7 nov. 1533. Il fut en même temps fait archev. de Toulouse et enrichi de nombreuses abbayes. Il assista à l'élection de Paul HI, fut appelé en 1535 à l'évêché de Beau-vais, entra à la cour des pairs en 1538, concourut à l'élection de Jules III, et promulgua en 1554 ses Constitutions synodales contre différents abus ecclésiastiques. Plusieurs membres de sa famille s'étaient convertis au protestantisme; il ne tarda pas à faire comme eux 1561, renonça à ses dignités ecclésiastiques, prit le nom de comte de Beau vais, suivit Condé à Orléans et travailla à faire accepter dans le midi l'édit d'Amboise. Cité devant l'Inquisition, il reprit sa soutane rouge, et assista dans ce costume au lit de justice où Charles IX fut déclaré majeur; il se maria, aussi dans ce costume, avec Elisabeth de Hauteville, 1er déc. 1564. Aprèsde longues et inutiles négociations avec Catherine qui voulait seulement traîner en longueur, il dut fuir en Angleterre, où il fut magnifiquement reçu par Élisabeth, € ainsi que Madame la cardinale, » et où il put rendre de grands services à ses coreligionnaires. Condamné par le parlement comme rebelle et coupable de lèse-majesté, il fut empoisonné par un de ses domestiques et f 14 févr. 1571; enterré à Cantorbéry. Il ne laissait pas d'enfants. Brantôme, deThou et La Faille rendent le plus bel hommage à son intelligence et à son caractère.

3° Gaspard, comte de Coligny, v. Coligny.

4° François, frère des précédents, sieur d'An-delot, né 18 avril 1521 à Châtillon-sur-Loing; génie actif, entreprenant et généreux, se distingua à Landrecies, Cérisoles et Carignan, épousa Claude de Rieux le 19 mars 1547, et fut nomme inspecteur-général de l'infanterie, par la faveur de son oncle le connétable. Fait prisonnier en Italie, il fut enfermé dans le château de Milan, où il employa ses loisirs à lire les œuvres de Calvin; il en fut si vivement frappé qu'il embrassa avec ardeur ses opinions et travailla à les faire partager à ses frères. Libéré en 1556, il rendit de grands services au roi k Saint-Quentin, Calais et Guines, mais excita par cela même la jalousie des Guise, qui travaillèrent à le perdre et y réussirent en l'accusant d'hérésie. Il fut enfermé au château de Melun et n'en put sortir qu'après avoir autorisé une messe dite dans sa chambre, ce dont il fut sévèrement repris par Calvin. Dès lors il se trouve mêlé à toutes les guerres de religion, dont il fut un des plus actifs organisateurs, et malgré une santé compromise il se multiplie dans les négociations comme dans les batailles, à Orléans, à Dreux, dans le midi. En 1564 il épouse Anne de Salm. Peu après la bataille de Jarnac il se rendit à Saintes, où il + en peu de jours, 7 mai 1569, probablement empoisonné. Il fut inhumé provisoirement à La Rochelle. Il laissait de ses deux femmes 4 filles et 4 fils, dont 3 moururent la même semaine, avril 1586, après le combat de Taillebourg; le dernier, Guy-Paul de Laval, né le 13 août 1555, ne laissa qu'un fils, Guy de Coligny, qui f le 30 déc. 1605, sans postérité, et avec lequel s'éteignit la famille d'Andelot.

 

CHAYLA (l'abbé du), originaire du Haut-Gé-vaudau, cadet de la maison Langlade du Chayla, destiné dès son enfance à entrer dans les ordres, avait des aptitudes plus militaires que pastorales, et fut enrôlé d'abord dans les missions étrangères. Il fit ses premières armes dans le royaume de Siam contre les sectateurs de Boudha. De retour en France peu après la révocation de l'édit de Nantes, il fut nommé archiprê-tredes Cévennes et inspecteur des missions du Gévaudan. Son ministère fut une longue suite d'atroces persécutions; il remplit les prisons et les bagnes, multiplia les supplices et fut le fléau de la contrée. Ses crimes finirent par trouver leur châtiment. Quelques-unes de ses victimes étaient renfermées dans les caves de sa maison du Pont de Montvert quand, un soir, une petite troupe de 50 hommes, conduite par Esprit Sé-guier, se précipite sur la maison pour délivrer les captifs, dont les pieds sont bientôt débarrassés des ceps qui les enserrent. Ils sont libres. Les Cévenols mettent le feu à la prison; l'abbé essaie de fuir avec ses gens; il tente inutilement de fléchir ses ennemis, personne ne croit à ses paroles et à ses promesses, et il tombe frappé de 50 coups, dont 20 étaient mortels. Ce fut l'origiue de la guerre des camisards. Ce meurtre fat cruellement vengé; le 12 août Séguier était brûlé vif au Pont de Montvert, après avoir eu le poing coupé; un autre prisonnier était roué à Ladevèze. un troisième pendu à Saint-André de Lancize.

 

CHAZARES, v. Cyrille.

 

CHEMNITZ, Martin, né 15 nov. 1522 à Treun-Britzen, Brandebourg. Il eut une jeunesse difficile et dut interrompre à plusieurs reprises ses études pour gagner sa vie; il fut 3 fois maître d'école. La protection de Mélanchthon lui procura à Kônigsberg 1547 une bonne place auprès du duc Albert de Prusse, d'abord comme précepteur de quelques enfants nobles, puis comme bibliothécaire, ce qui lui permit de se mettre vigoureusement à la théologie. Il avait surtout jusque-là étudié les langues, les mathématiques et l'astrologie; il tirait même des horoscopes. Mais le duc ayant appelé Osiander à Kônigsberg lors des luttes sur les rapports de la loi et de l'Évangile, Chemnitz prit parti contre Osiander, et quoique son opposition fût très modérée, il comprit que sa position était fausse vis-à-vis du prince, qui regardait Osiander comme son père spirituel. Il donna sa démission, vers la fin de 1552, et son protecteur ne le laissa partir qu'à regret. lise rendit à Wittenberg où, sur le conseil de Mélanchthon, il donna un cours de dogmatique; son succès fut immense; il aurait pu se faire une carrière dans le professorat, mais ayant été appelé comme pasteur à Brunswick, il se décida à accepter cette vocation, 16 déc. 1554. Il épousa le 19 août suivant la fille d'un juriste nommé Jeger. A partir de ce moment la polémique prit une grande place dans sa vie. Il donne des cours de dogmatique et d'exégèse. Il prend parti, avec Môrlin, l'adversaire d'Osiander, contre Hardenberg de Brème, et publie plusieurs écrits sur la Cène du Seigneur. Il est très luthérien, mais il veut qu'on s'en tienne aux paroles de l'institution; il admet la présence réelle, mais il ne veut pas qu'on l'explique; il y voit un acte spécial de Dieu en faveur de ceux à qui le Christ veut se donner; ce n'est pas de l'ubiquité, c'est de la muUivoliprê-sence. La peur du calvinisme ne lui fait cependant pas oublier d'autres ennemis; il écrit ses Principaux chapitres de la théol. des jésuites, car il a compris que les jésuites sont une arme de guerre contre le protestantisme. Un jésuite du conc. de Trente, nommé Andradius, lui ayant répondu, il est amené à faire une étude des travaux et des décrets de cette grande assemblée, et il publie successivement, dans l'espace de dix années, 4 vol. in-folio: Examen du conc. de Trente (latin), qui est son principal ouvrage et qui a encore auj. de la valeur. Il est nommé surintendant, puis docteur. Par son tact il vient à bout des difficultés qu'il rencontre dans l'application de la discipline dans l'Église. Malheureusement il apporte un esprit trop entier dans les conflits confessionnels, et s'imagine qu'on peut maintenir l'unité par la rigueur des formulaires; il attaque avec violence toutes les doctrines qui lui paraissaient entachées de calvinisme; il condamne sons des formes polies les tendances de Mélanchthon; il donne un préavis sévère contre le catéchisme de Wittenberg, et se montre en tout un luthérien rigide. Il a pour lui le surintendant général Sel-necker et le pasteur et prof- Andréa, ainsi que la majorité du clergé allemand, et il fait passer à Torgau, 21 mai 1576, une première rédaction de la Formule de concorde. Mais bientôt il doit reconnaître que ce chemin mène droit à Rome; la discorde résulte de la formule de Concorde. Il essaie d'en adoucir un peu les angles, en mai 1577, mais il s'est usé dans ces luttes stériles, et le 9 sept. 1584 il donne sa démission, sentant ses forces diminuer et sa mémoire s'affaiblir. f 8 avril 1586. Il a laissé un grand nombre d'ouvrages; citons encore ses Lieux communs do dogmatique, son Harmonie des évangiles, son Traité des indulgences, et plusieurs mss. conservés à la biblioth. de Wolfenbtittel. Vie, par Rethmeyer. — Son fils Martin fut chancelier du prince duc de Holstein-Gottorp.

 

CHENEVIÈRE, J.-J. Caton, né 1783 à Genève, f 5 févr. 1871. Pasteur à Marseille, puis pasteur et prof, de théol. à Genève, orateur éloquent et populaire, il se distingua surtout par son opposition au réveil religieux, et fut touj. unitaire, mais supranaturaliste. Auteur d'Essais théol., d'Observations sur Saurin, d'une trad. de rintrod. de Michaëlis au N. T., d'un Précis des débats théol., de Sermons, et de plusieurs écrits polémiques contre Strauss, Schérer. — Son fils Charles (né 16 oct. 1813, + 1er déc. 1877) a laissé un Mémoire sur Farel, Froment. Viret (couronné), des sermons et des mélanges.

 

CHEVALIERS, v. Christ, Frères 6°, Teuto-nique, etc.

 

CHILI, pays de l'Amérique du Sud, constitué en république depuis 1817; le catholicisme est la religion nationale, mais la liberté des cultes est garantie par la constitution de 1833. L'État se réserve la haute main en religion; il a réduit à H les jours fériés, et interdit les processions, sauf le jour de la Fête-Dieu. Le nombre des couvents est limité et diminue chaque année. Un peu plus de 2 millions d'habitants. On ne prévoit pas les changements qu'amèneront les nouvelles circonstances issues de la guerre avec le Pérou.

 

CHILIASME, mot dérivé du grec kilios, mille (môme racine que pour les kilos du système métrique), et servant à désigner la doctrine plus connue chez nous sous son nom latin de millenium. Cette doctrine, qui ne repose que sur un seul texte précis, Apoc. 20, 1-6. peut se développer d'après un grand nombre d'autres textes suivant qu'on l'entend dans un sens plus ou moins spirituel: ainsi Gen. 12, 1. 15, 5. 27, 27, sq. Matt. 5, 5. 19, 29. Luc 14, 14. 1 Cor. 15, 25, etc. L'idée d'un règne temporel de Christ sur la terre a eu à toutes les époques des partisans décidés, sans toutefois qu'ils aient formé une secte à part, et sans que leur doctrine ait pu trouver place dans le symbole d'aucune Église. Ce fait tient à la double circonstance qu'un règne de mille ans est bien annoncé d'une manière positive, mais qu'il n'y a rien de précis quant au mode de son avènement et de sa manifestation. Les écrivains se sont donné libre carrière à cet égard, et les opinions les plus divergentes, même les plus étranges, se sont produites, de sorte que plusieurs pères de l'Église ont pu paraître combattre le chiliasme, quand ils n'en combattaient que les exagérations ou les conceptions trop charnelles. Barnabas, le pasteur d'Hermas, les Ebionites, l'hérétique Cérinthe, Papias, Iré-née, Tertullicn, renferment de nombreux passages chiliastes; mais Caïus de Rome, et surtout l'école d'Alexandrie, Origène, Népos, les combattent vivement, et la discussion aurait même abouti à un schisme sans l'intervention de Denys qui réussit par sa modération à calmer les esprits. Le triomphe de l'Égl. sous Constantin, succédant à l'ère dos martyrs, mit un terme aux excentricités chiliastes, et depuis Augustin on admit comme établi que l'Église était le règne de Dieu sur la terre; mais le moyen âge, avec ses dogmes, ses institutions et son clergé corrompus, ramena l'idée d'un triomphe plus pur et plus vrai; Joachim de Flore fut à la tête de nouveaux millénaires rêvant d'un retour de Christ qui rendrait au monde l'Évangile éternel. Avec la réformation s'inaugure une seconde période pour cette doctrine. La Bible est abondamment répandue, on la lit, on l'explique; on trouve dans l'Apocalypse l'histoire prophétique de l'Église: la haine de Rome déteint sur l'interprétation, et une foule de visionnaires se forgent un monde à venir qu'ils justifient par l'Ecriture en en sollicitant doucement ou violemment les textes; ainsi les anabaptistes, Joris, Bœhme, Weigel, et d'autres. Au 17me siècle, et peut-être sous l'influence des guerres de religion, l'év. Comenius, P. Jurieu, les Laba-distes, Antoinette Bourignon, Poiret, Joseph Mède, Jane Leade, Th. Burnet, se consolent du présent par l'espoir d'un rétablissement final qui a pour base le chiliasme. Dans l'Égl. luthérienne le piétisme fonde ses espérances sur un règne de mille ans emprunté à l'anglais Peter-sen; Spener n'y reste pas étranger; Joachim Lange et la Bible de Berlehourg le popularisent; au commencement du 18m* siècle tout le monde y croit. Bengel commence une 3e période, plus scientifique, plus ecclésiastique, plus compliquée aussi de calculs sur la fin des temps; mais chacun présente son système avec une précision toujours croissante et avec des détails toujours plus complets, depuis le prélat Œtinger, jusqu'à Hahn, Stilling, Lavater, Hess, et dans notre siècle Irving, Cumming. les mormons. Les excès des uns, contrebalancés par les excès des autres, ne doivent pas faire rejeter le tout, et s'ils renferment un appel à la prudence, ils n'autorisent pas la négation. On lira avec fruit: Bogue sur le Millenium, trad. de l'anglais; Guère, faragl aux derniers jours; Rougemont, la Révél. de saint Jean.

 

CHINE. Cette vaste contrée fut mise pour la première fois en rapport avec le christianisme par les nestoriens vers l'an 636, sous l'influence dn patriarche Jésujasub, qui y envoya des missionnaires. On mentionne un métropolitain vers NSW; Assemani en nomme un vers 520, et Ar-nobe parle même de conversions qui auraient eu lieu au commencement du 3me siècle parmi les Sères, qui ne sont autres que les Chinois. Mais ces origines anciennes sont un peu sujettes à caution à cause de l'imperfection des connaissances géographiques chez les anciens. Ce qui parait presque hors de doute, c'est qu'il y eut un mouvement chrétien sérieux dans une province de l'empire, de 636 à 781. Mais à partir du 9®e siècle ce mouvement s'arrête pour ne reprendre an moment que vers 1202 après les conquêtes de Gengiskan. Nicolas III, en réponse à une ambassade spéciale, envoie aux Mongols et en Chine une nombreuse mission de moines, parmi lesquels Marco PqIo; vers 1290 Nicolas IV en emroie d'autres, et dans le nombre Monte Cor-vino, franciscain pieux et distingué, qui entra en rivalité avec les nestoriens, fit venir de nouveaux missionnaires, et fut nommé archev. de Kambalu. Il fut remplacé par Nicolas, accompagné de 26 prêtres et moines; d'autre* arrivèrent encore en 1342 et en 1353, mais en 1368, a la suite d'une révolution, la mission fut dissoute, et l'on n'en entendit plus parler. Les Portugais ne trouvèrent plus trace d'Égl. chrétienne, quand ils renouèrent en 1522 leurs relations commerciales avec ce pays, mais en 1588 les jésuites Ricci et Schall reprirent la mission, et ils comptaient déjà en 1651 plus de 150,000 adhérents. Malheureusement, soit par leurs intrigues, soit par leurs luttes avec les dominicains, ils perdirent le terrain qu'ils avaient con-qnis, et des édits persécuteurs les frappèrent en 1684 et en 1747. Enfin le 19*e siècle a vu renaître, sur une plus grande échelle et dans de meilleures conditions, cette œuvre si importante et si difficile. Les catholiques ont eu le père Hue et d'autres hommes non moins zélés et dévoués, mais qui ont compromis plus d'une fois lear mission par la manière dont ils ont voulu l'imposer. Les protestants ont leur Morrison, qui avec l'aide de Leang-A-Fa, a traduit la Bible en chinois; leur Gutzlaff, 1826, qui s'est élevé par ses talents et par la confiance qu'il a inspirée, jusqu'aux plus hautes charges du mandarinat; les noms d'Abeel, Medhurst, Yates, sont devenus populaires, et plus de cent indigènes prêchent auj. l'Évangile à leurs compatriotes.

Depuis 1845 la religion chrétienne est officiellement tolérée. La révolte des Taïpings qui, un moment, avait paru devoir favoriser l'œuvre des missions, était trop politique pour qu'on en pût rien espérer.

 

CHOEUR. L'architecture chrétienne réserve à l'une des extrémités des églises un espace plus ou moins grand pour l'autel, pour le clergé et pour les chantres; c'est le chœur. C'est là que se célèbre le service public liturgique, chants et prières. On a appelé ensuite de ce nom les hommes chargés du chant. Enfin chez les moraves, Zinzendorf a divisé en chœurs les membres de l'église suivant les circonstances, leurs fonctions ou leur position.

 

CHORAL. Cantique ou chant à quatre parties qui, par son harmonie et par une heureuse succession d'accords consonants et dissonants, charme l'oreille et saisit le cœur, plus que no pouvaient faire soit l'unisson, soit les arides et laborieux enchevêtrements de notes des temps anciens. C'est à Luther que l'on doit le choral, qui fut une révolution dans le chant d'église: il remplaça par un chant vrai, libre et pur, par le chant de tous, ce que Michelet appelle le morne chant du moyen âge et son prétendu unisson. Après avoir écrit son Éloge de la musique lEukomion), il se mit à l'œuvre, et s'éclai-rant des conseils de Rumpf et de Walther, il composa lui-même quelques-uns de ces chorals qui ont électrisé l'Église, Ein feste Burg, etc. . Pour ses premiers cantiques il a puisé dans les hymnes déjà connus, dans les chants de Marie, dans les cantiques moraves et dans les Lieder populaires. L'un des caractères du choral c'est l'accompagnement note pour note, que l'Italie appelle le style familier; en d'autres termes la valeur des notes dans l'accompagnement se mesure sur les notes de la partie principale, de manière à ce que la mélodie ne disparaisse pas sous l'entrecroisement des voix. La eonférence d'Eisenach 1853 s'est montrée favorable à un chant plus mouvementé.

 

CHRIST (Ordre du), ordre portugais fondé en 1317 par Denis pour la défense des frontières des Algarves contre les Maures. Il comptait au 16™ siècle jusqu'à 450 maisons et possédait d'immenses revenus. Ce n'est plus auj. qu'un titre honorifique; le roi est le grand-maître depuis 1550.

 

CHRIST (Chevaliers du), v. Frères 6°.

 

CHRISTIAN, ou Chrétien l<> né à Freyenwald, Poméranie, entra fort jeune au couvent d'Oliva, et se sentit pressé d'aller convertir les païens. Pieux, instruit et bien doué, il se rendit d'abord dans le pays de Culm. Prusse, où il fut bien reçu par le duc Conrad et sa cour, 1209; plusieurs personnes se firent baptiser. Pour mieux assurer son œuvre, il crut bien faire d'aller à Rome demander l'appui du pape. Innocent III l'accueillit parfaitement et le recommanda à l'archev. de Gnèse. Deux princes prussiens s'étant convertis 1214, il retourna à Rome avec eux porter cette bonne nouvelle; les princes offraient leur territoire au pape en reconnaissance de ce qu'il les érigeait en évêché. Mais le peuple, en grande partie encore païen, fut irrité de cette cession, se révolta, mit tout à feu et à sang, et la mission fut interrompue. Christian eut un moment Pidée d'organiser une croisade, mais il revint à des sentiments meilleurs, et au lieu de soldats il fit venir des évangélistes. Cependant en 1218 un nouveau soulèvement eut lieu, et de nombreuses églises furent détruites. Alors Honoré III ordonna la croisade, et Conrad céda à l'évéque son territoire de Culm en toute propriété, 1223. A peine les croisés partis, les massacres recommencèrent, et Christian recourut aux chevaliers du Christ, ou de Do-brin, qui se firent tuer inutilement, puis à l'ordre Teutonique, plus nombreux et plus puissant, qui après 60 ans de guerres, finit par exterminer les Prussiens en en convertissant quelques-uns par la force. Ce fut une triste époque, mélée de succès et de revers. Christian fait prisonnier en 1233, puis libéré, vit conclure la paix en 1243. Il f 12i4, regrettant sans doute d'avoir fait intervenir Rome et sa politiq. dans son œuvre missionnaire.

Christian III, roi danois, né 12 août 1303, fils de Frédéric 1er, duc de Holstein, qui monta sur le trône de Danemark en 1523 après la déchéance de Christian II. Il reçut une bonne éducation, et se rendit pour la compléter chez son oncle Joachim I«r, électeur de Brandebourg; il assistai la diète de Worms en 1521, et fut gagné à la cause évangélique. Do retour dans le Holstein- il exerça une bonne influence, même sur son père, et lui succéda en 1533 malgré les agissements du clergé qui lui opposait son jeune frère âgé de 10 ans. Mais ce ne fut qu'en 1536 qu'il arriva réellement au pouvoir, après la prise de Copenhague qui lui avait été longuement disputée. Le 12 août 1537 eut lieu son couronnement, auquel présida Bugenhagen. La cérémonie fut simple, mais solennelle. Christian profita de la presence de cet homme émi-nent pour organiser l'Égl. protestante en Danemark; il fonda des écoles supérieures et donna tous ses soins au choix de bons professeurs. Il se joignit à la ligue de Smalcalde. Il fit traduire la Bible en danois, 1550, et veilla à ce que chaque église en eût un exemplaire. Il était d'une piété, d'une simplicité et d'une sincérité remarquables. f 1559.

 

CHRISTOLOGIE. De même qu'on appelle théologie l'ensemble des études qui traitent de Dieu, on appelle christologie les études relatives à J.-C., à sa personne, à ses deux natures, à son œuvre, à la rédemption. C'est dans un sens l'étude du christianisme tout entier, mai* on peut dire aussi que suivant les époques, suivant les attaques des adversaires, et suivant les besoins spirituels des églises, chaque siècle a insisté plus ou moins sur tel point particulier de la doctrine de Christ. L'âge apostolique le présente surtout comme l'homme-Dieu, seul Médiateur entre Dieu et les hommes, 1 Tim. 2,5., seul Seigneur, Eph. 4,5., seul nom donné aux hommes pour les sauver, Act. 4,12. C'étaient là les rudiments de la foi. Les questions de l'école sont venues ensuite, et les docteurs onl désiré mieux connaître. Si la personne de Christ est une et sans pareille, elle n'est pas simple, mais mixte et composée, ce qui n'a rien d'étrang» pour l'homme qui est lui-même un être mixte, un composé de matière et d'esprit. Dans quelle mesure ces deux natures sont-elles unies ou combinées? Demeurent-elles distinctes, ou forment-elles par leur union une troisième nature intermédiaire f La divinité est-elle complète ? L'humanité est-elle réelle ou apparente ? Y avait-il en Christ une où deux volontés ? Dans quel sens faut-il entendre la rédemption? Le docétisme, le sabellianisme et l'arianisme onl rempli de leurs disputes les 2m«, 3me et 4»»e siè cles; puis sont venues les controverses nesto-riennes et eutychéennes. Au moyen âge, d'Augustin jusqu'à Anselme, la christologie revêt en Occident un caractère plus anthropologique; ce n'est plus de la nature même de Christ qu'il s'agit, mais de son œuvre et de ce qu'elle a été pour l'homme, l'expiation des péchés, la substitution de l'innocent au coupable, la satisfaction donnée à la justice divine. Avec la Réformation commence une ère nouvelle, plus complète plus critique, plus historique et en même teni|» plus profonde. Les anciennes formules sont abandonnées, ainsi que les discussions qu'elle> avaient provoquées; les questions sont saisie> dans leur ensemble. Ce que l'on étudiera surtout, c'est l'œuvre personnelle du Christ dans toute sa vie, œuvre rédemptrice dont la passion et la mort sont les moments suprêmes, mais qui commence avec son entrée dans le monde, avec sa manifestation en chair, et qui se poursuit dans tous les détails de sa vie et de son ministère. La christologie se résume dès lors dans la Vie de Jésus, et c'est à l'histoire que les théologiens rattachent auj. presque toute la doctrine de Christ; concilier sa divinité et son humanité, telles que les Évangiles les révèlent, c'est la vraie christologie.

 

CHRISTO SACRUM (consacré à Dieu), petite secte fondée à Delft, Hollande, 1797, dans le but de réunir en une seule société religieuse le> chrétiens des diverses dénominations sur I* base du christianisme positif, de la foi en la divinité de J.-C., et en l'efficace rédemptrice de sa mort. Le gouvernement leur accorda 1802, la liberté religieuse. Ils se recrutèrent jusqu'au chiffre d'environ 3000, la plupart mennonites. En 1822 ils célébrèrent leur premier jubilé, mais déjà en 1827 Fliedner n'en comptait plus qu'on fort petit nombre.

 

CHRISTOPHE, pape de nov. 903 à juin 904, lil enfermer son prédécesseur Léon V, et fut pareillement mis en prison par son successeur Serge 111.

 

CHRISTOPHORE (porte-Christ), saint et martyr, honoré des grecs et des latins, mais d'une origine et d'une époque inconnues. Des égl. et des couvents portaient son nom au 6m« siècle. S'il a réellement existé, c'est en Lycie et sous Décius vers 250 qu'il aurait vécu et serait mort. U légende dorée lui prête une foule de choses incroyables, une taille gigantesque, 12 coudées, une force herculéenne; il aurait porté le Christ nurses épaules: de là son nom. Statue colossale à N.-D. de Paris avant 1789, et à Berne iquelquefois appelée aussi Tour de Goliath). Patron des porte-faix. #

 

CHRODEGANG, ou Grodegang, Rodigang, iils de Sigiramne et de Landrade, d'une des plus nobles familles des Francs Ripuaires, né au commencement du 8<ne siècle, d'abord prêtre, puismajordonne, référendaire, enfin év. de Metz depuis 742, contribua à rétablir les rapports eutre Rome et la cour de France. Pépin le chargea en 753 d'aller en Italie au-devant détienne II pressé par les Lombards et de l'accompagner en France, ce qui lui valut le titre d'archevêque et les honneurs du cardinalat. Il employa ses grandes richesses à secourir les pauvres, à fonder des couvents, à bâtir et orner des églises. En 764 il se rendit à Rome pour y chercher des reliques, et Paul III lui donna trois squelettes sous les noms de Gordon, Nabor et Nazaire, qu'il partagea entre 3 de ses couvents. Il s'occupa beaucoup de discipliner son clergé et il y réussit surtout en l'organisant en chapitres; c'est à lui qu'on doit l'institution ou la réorganisation des chanoines, q. v. f 6 mars 766; inhumé an couvent de liorze.

 

CHRYSANTHE, patr. grec de Jérusalem au commencement du 18®® siècle, successeur de parent Dosithée. Il avait étudié à Constan-tiuople et en Italie et parcouru toute l'Europe; savant, versé dans les mathématiques, les classiques et les pères. Il obtint du sultan la percussion de faire restaurer le Saint-Sépulcre, et publia à Bucharest 1710 la Ire éd. de la Panoplie de Zigabenns. Il a écrit aussi quelques ouvrages sur la confession, etc. 4

 

CHRYSIPPE, de Cappadoce, frère de Cosmas et de Gabriel, vivait en Syrie et se rendit à Jérusalem pour y suivre les leçons de l'abbé Enthyme. Abbé du couvent de Laura 455, puis attaché à l'égl. de la Résurrection, il fut pendant 10 ans un des custodes de ia Sainte-Croix. On a de lui un sermon imagé sur la Vierge mère de Dieu.

 

CHRYSOLOGUE, surnom de Pierre de Ra-venne. Né 406 à Tirnola près de Rome, il fut élevé par l'év. Cornélius pour l'état ecclésiastique. fût nommé 433 à l'évêché de Ravenne et sacré par Sixte III. Il se distingua par ses talents et son austérité, défendit la doctrine de l'Eglise contre les ariens, intervint par lettres dans les luttes eutychéennes, et mérita par son éloquence son surnom, qui signifie: parole d'or; f vers 450. On a sous son nom 175 discours, dont 160 seulement paraissent authentiques; rèimpr. plusieurs fois.

 

CHRYSOSTOME (bouche d'or), le plus éloquent peut-être des pères de l'Église, brillant comme caractère, comme pasteur fidèle et comme prédicateur, comme théologien pratique et non comme savant ou chef d'école. Né à Antioche 347, il était fils du général Second et de la pieuse Anthuse qui. veuve de bonne heure, exerça sur lui une influence qui dura toute sa vie. Il étudia sous le rhéteur païen Libanius et devint avocat, mais dégoûté de la corruption du monde il se voua à l'étude des choses divines et suivit pendant 3 ans les leçons du vénérable év. Meletius qui, après l'avoir instruit, lui conféra le baptême et le nomma anagnoste, c.-à-d. lecteur. Il fut même sur le point d'être nommé évêque, mais ne se sentant pas mûr pour ces hautes fonctions, il réussit à faire nommer à sa place son ami Basile et, après la mort de sa mère, il se retira dans les montagnes des environs d'Antioche. où il passa 6 ans avec quelques jeunes amis, parmi lesquels se trouvait Théodore de Mopsueste. Ils étudiaient sous la direction du savant abbé Diodore, le père de l'exégèse simple et anti-origéniste, qui concourut à donner à sa théol. le caractère pratique qui le distingue. Sa santé épuisée le contraignit à revenir à Antioche 380, où Meletius le consacra diacre. U composa vers cette époque plusieurs ouvrages, entre autres une Vie du martyr Babylas, pour montrer aux païens que le christianisme a sa vie en lui-même, et non comme le paganisme dans les moyens extérieurs; puis deux autres écrits, l'un sur la Contrition, l'autre sur le Sacerdoce, dans lequel, au milieu de vues exagérées dans le sens ecclésiastique, il émet des idées pleines de sens et de vérité; il combat entre autres la recherche des effets oratoires. En 386 Flavien, successeur de Meletius, consacra Jean comme ancien, ou prêtre, et lui confia spécialement les fonctions de prédicateur.

Jean prêchait tantôt après une complète préparation, tantôt après une simple mais consciencieuse méditation; tantôt même il devait improviser. En 387, Théodose ayant établi de nouveaux impôts, les Antiochiens se révoltèrent et les statues impériales furent renversées. Deux délégués de l'emp. vinrent de Constantinople âAn-tioche. Flavien se rendit dans la capitale pour intercéder; Chrysostome prononça ses beaux Discours sur les statues, dans lesquels il censure le peuple, mais engage chacun à faire un examen de conscience, et Théodose pardonna. Chrysost. aimait les petites assemblées plus que les foules qui s'entassent par (lots; il condamnait 1rs applaudissements, disant que l'Église n'est pas un théâtre; il recommandait le culte domestique, le culte individuel et surtout la lecture de la Bible. A l'occasion du schisme qui avait éclaté entre les orthodoxes larges et les rigides, il voulait qu'on jetât l'hameçon de la charité. Des ariens étant venus à Antioche, il ne les attaqua pas d'abord, mais comme ils le prièrent d'exposer les raisons de ses vues, il le fit. Il eut aussi affaire à des païens, et il accuse les chrétiens d'être souvent un obstacle à la conversion de ceux-ci; il n'en appelait qu'à la douceur, à l'amour et à la persuasion. Il s'exprime avec force sur la nécessité de la communion avec Christ: Il est la vie, et nous sommes les vivants. Eutrope, le favori d'Arcadius, l'ayant entendu, le lit nommer malgré lui év. et pair, de Constantinople, 397. 11 fut atliré par surprise hors d'Antioche et enlevé ainsi à son troupeau qu'il avait conduit pendant 12 ans. Sa présence ranima ceux qui étaient susceptibles de recevoir une bonne influence, mais il excita les murmures des autres, d'abord parce qu'il institua des services du soir, puis à cause de sa vie simple, frugale et pieuse. Il entra en rapports avec quelques veuves chrétiennes, en particulier avec la pieuse Olynthia, dont il administra les biens. Théophile d'Alexandrie s'était opposé à son élection, et ne devait pas tarder, bien que Chrysostome lui eût tendu une main fraternelle, à devenir son ennemi acharné. Les ariens de Const., n'ayant pas de temple, se réunissaient en dehors de la ville sous des colonnades vers lesquelles ils se rendaient en procession. Jean organisa des processions semblables, et les deux partis s'étant rencontrés, il y eut du sang versé et les processions furent interdites. Il combattit la sainteté prétendue des no-vatiens et des cathares. Il s'occupa toute sa vie des missions étrangères. Il fit un jour célébrer dans Saint-Paul le culte en langue gothe par un prêtre goth, puis monta en chaire pour faire remarquer la force divine du christianisme qui a pénétré jusque chez ces barbares. Il envoya des missionnaires en Phénicie et fit couper les bois sacrés. Eutrope avait compté que Jean serait sa créature; il s'était trompé. Le pieux et ferme pontife censurait sans crainte, avec douceur, tout ce qui devait être censuré. Cet eunuque, haï de tous, dut s'enfuir et se réfugia dans Sainte-Sophie; malheureusement pour lui il avait travaillé peu auparavant à enlever aux églises le droit d'asile, et le peuple l'y suivit. Mais Chrys. le défendit du haut de la chaire, dans son sermon sur Vanité des vanités, et il refusa jusque devant l'empereur de le livrer, comme il refusa plus tard au terrible général goth, Gainas, le temple qu'il demandait. Cependant l'orage approchait. Il y avait en Egypte, dans le désert de Nitri, des moines appelés les Grands Frères: Théophile en enrôla quelques-uns à son service; l'un comme économe de son collège, un autre comme év. d'Hiérapolis, mais révoltés de son avarice ils le quittèrent bientôt. Furieux, il résolut de se venger, les accusa d'origénisme et convoqua 399 à Alexandrie un synode où ils furent condamnés et les livres d'Origène, dont ils étaient enthousiastes, prohibés. Ils réclamèrent; Théoph. marcha contiv eux avec des soldats; 80 fle ces pauvres solitaires réussirent à s'échapper et s'enfuirent à Constantinople auprès de Chrysostome, qui les reçut avec bonté, avec compassion, mais aver sagesse. Il écrivit à Théoph. pour prendre des informations; celui-ci envoya quelques moines, ses créatures, mais sur l'ordre d'Eudoxie, il dut comparaître lui-même devant un tribunal, présidé par Chrysostome. Épiphane, pieux évêqu* de Chypre, était venu rempli de préventions, et il avait attisé le feu contre Jean, mais gagne par sa bonté et éclairé par les explications des Grands frères, il comprit qu'il avait fait fausse route et repartit précipitamment. En attendant, Théoph. continuait de tout préparer pour intervertir les rôles; d'accusé il allait devenir accusateur; il avait pour lui quelques évêques, un moine nommé Jacques, quelques femmes de distinction, et enfin Eudoxie. Quand Théophile arriva, avec son cortège et ses richesses 403, un concile fut convoqué dans un des faubourgs de Chalcédoine, et Chrys. y fut accusé d'une foule de méfaits: d'avoir conféré les ordres à des gens corrompus, de dissiper les revenus de l'Église, de n'être pas hospitalier, de s'habiller et de se déshabiller sur le siège épiscopal en mangeant un gâteau, de ne pas prier eu se rendant à l'église, de porter les pécheurs à la sécurité, d'exciter le peuple â la révolte, d'avoir traité Eudoxie de Jésabel, etc. Jean était dans son palais épiscopal, entouré de plus de 40 évêques qu'il cherchait à consoler, lorsque 2 évêques lydiens et un secrétaire de Théoph. virtrent le sommer de comparaître. Sa condamnation était certaine, étant donnée la composition du concile; il fut livré à l'emp. comme coupable de lèse-majesté. Le peuple entoura sa maison pour le défendre, et Ghrys. ne se rendit que lorsqu'il vit approcher les soldats. Quelque temps après, un tremblement de terre ayant causé de grands ravages, Eudoxie épouvantée le rappela de son exil aux acclamations du peuple. Mais le fidèle évêque ayant prêché contre l'érection d'une statue d'Eudoxie près de Sainte-Sophie, la haine de l'impératrice se réveilla. Il prêcha ensuite sur la danse d'Hérodiade et le supplice de Jean-Baptiste; on y vit des personnalités. Il fut de nouveau condamné par le concile même qu'il avait convoqué pour sa réintégration. Le jour de Pâques 401, à minuit, le temple était plein et 3000 catéchumènes devaient être baptisés; une troupe de soldats thraces dispersèrent les fidèles. L'Église se réunit de nouveau le lendemain autour de son pasteur près d'une maison de bains, mais les >oldats étaient là; Jean fut saisi; il put prier encore une fois dans le temple, fit ses adieux à m amis, aux évêques, aux diaconesses, puis monta sur sa mule et partit avec les soldats qui «levaient l'accompagner. Il se rendit d'abord à Micée, Bithynie, oii il s'occupa d'évangélisa-lion. Eudoxie le fit reléguer à Cucusus, sur la frontière de l'Arménie. Son voyage fut pénible. H écrivit de Cucusus à ses amis persécutés de Constantinople, et s'occupa des missions en Syrie. eu Phénicie et panni les Goths. Honorius et beaucoup d'autres hommes influents écrivirent en sa faveur, mais ils ne faisaient qu'exciter davantage ses ennemis. On le relégua plus loin encore, aux dernières limites de l'empire, a Pityus, chez les barbares; mais il n'atteignit pas ce dernier terme de son exil; il f en che-mien, près de Comana, dans l'égl. de Saint-Ba-siliscus, 14 sept. 407. Théodose II, 30 ans plus tard, lit ramener ses cendres à Constantinople. Ce n'est qu'au siècle que le nom de Chrysostome lui fut donné; jusque-là il n'est connu qne sous le nom de Jean. On l'a surnommé l'Homère des orateurs; il y a chez lui la vigueur ^Démosthèneset l'élégance de Cicéron. Comme père de l'Église sa place est à côté d'Origène, d'Athanase, d'Ambroise et d'Augustin. Outre les ouvrages déjà cités, on a de lui de nombreuses Lettres, des Homélies, des Sermons de circonstance, un Traité de la Virginité, un de la Providence, etc. Biog. par Palladius, du Pin, Érasme, Tiilemont, Néander, etc. Ses œuvres ont été réunies par Montfaucon, Paris 1718-4738, Guillon 1834, et plusieurs de ses ouvrages séparés ont eu de nombreuses éditions, par Ant. Lemaistre, Bengel, Auger, Bellegarde, etc. Bccker a publié à Leipzig 1838, cinq Homélies jusqu'alors inédites. Il combattit la confession obligatoire, la primauté de Pierre, l'adoration des saints, la doctrine du Purgatoire, et recommanda la lecture de la Bible à tous les chrétiens.

 

CHYTRÉE, David, théol. allemand né à In-gelfingen 26 févr. 1530, f 25 juin 1600, élève de Camerarius et de Mélanchthon, voyagea en Italie, fut nommé prof, à Rostock, fut appelé à organiser l'Église êvangélique en Autriche et en Styrie 1569; docteur en théol. 1570; un des fondateurs de Tuniv. de Helmstâdt 1576, et un des 6 rédacteurs de la Formule de concorde. II a laissé de nombreux ouvrages, fort bien écrits, entre autres un Onomasticon theol., une Éthique d'après les principes de Mélanchthon, et une Hist. de la Conf. d'Augsbourg.

 

CIBOIRE (saint), de cibus, nourriture. Vase dans lequel les hosties sont conservées; il est ordinairement en argent, en vermeil ou en or, et a la forme d'un calice, avec un couvercle. Ce mot désigne aussi la petite armoire qui renferme le calice et les hosties, et dans l'Égl. grecque le dais qui surmonte l'autel.

 

CIERGES. L'habitude de brûler des cierges peudant le service divin était déjà générale au 4«»e siècle et remonte peut-être aux souvenirs des catacombes où elle était une nécessité. Elle se rattache à la symbolique du chandelier à 7 branches de l'A. T. et à la signification de la lumière dans l'Écriture. Il est de règle qu'il y ait au .moins 2 cierges allumés pendant la messe; ils doivent être de bonne cire vierge et avoir été bénits à la Chandeleur. On en brûle aussi devant les reliques, devant les images des saints, aux processions, aux mariages, aux funérailles; quelquefois on les porte dans les cérémonies sans les allumer. L'Égl. luthérienne a conservé en certains endroits l'usage des cierges pendant la célébration du repas eucharistique. Les puséistes d'Angleterre ont donné à ce mode d'éclairage un développement exagéré.

 

CILICE, étoffe de poil de chèvre, que portaient anciennement les paysans et les matelots. Elle se fabriquait surtout en Cilicie, d'où son nom. Les moines et les ascètes en firent leur costume et le portaient sur la peau. Jean Cas-sien ne l'approuvait pas pour les moines, parce que cela les gênait dans leur travail; cependant peu à peu l'usage s en établit, au moins pour quelques jours par semaine. Puis on réduisit cette portion de vêtement à une simple ceinture. Dans les couvents de stricte observance, cette ceinture est en mailles de fil de fer et parfois garnie de pointes. On pense réaliser ainsi la parole de l'apôtre: Je châtie rudement mon corps.

 

CIMABUÉ, Giovanni-Gualtiere, né 1240, f 1310; Florentin, peintre et architecte, restaurateur du grand art en Italie, eut pour maîtres des peintres grecs, et pour élève Giotto qu'il devina et qui devait le surpasser. Connu surtout par une Madone, la Vierge et Jésus avec des groupes d'anges, et les fresques de l'église de Saint-François à Assise.

 

CIMETIÈRES, mot dérivé du grec, qui signifie proprement dortoir, lieu où l'on dort. Le mot allemand Kirchhof signifie cour de l'église. C'est, d'après les anciens canons, l'espace qui entoure l'église ot qui doit être séparé de la voie publique par un mur ou par une haie. Les corps devant être, d'après les lois romaines, enterrés hors des villes, ot les martyrs chrétiens étant fort nombreux, les égl. ou chapelles qui s'élevèrent sur leurs tombeaux furent naturellement désignées, avec leur cour extérieure ou parvis, pour lieux de sépulture, et l'idée de la communion qui persiste entre les morts et les vivants y trouva sa satisfaction, l/enceinte funèbre fut déclarée sainte, et toute profanation de l'égl. rendait nécessaire une nouvelle consécration du champ du repos. La législation civile ayant transporté hors des villes les cimetières, ceux-ci. quoique indépendants de l'égl.. ont continué presque partout d'être régis par les lois ecclésiastiques, mais les abus qui en sont résultés en divers pays, notamment en France et en Angleterre, ont amené, ou amèneront peu à peu la sécularisation complète de ce dernier asile de l'homme. Les cathol. ont conservé partout où ils l'ont pu, des coins réservés pour les enfants morts sans baptême, pour les suicidés et pour les hérétiques. Distinctions que n'admet nulle part l'autorité civile, ni dans les pays protestants, ni même, quand elle est assez forte, dans les pays catholiques. Ordinairement une croix, on une chapelle, rappelle la pensée religieuse de la inort. En tout cas des mesures sont prises partout pour faire régner l'ordre et la décence dans ces sombres demeures, qu'embellissent même des monuments couverts de pieuses inscriptions, et des arbres ou des fleurs symboliques, destinés à rappeler la vanité des choses terrestres et les espérances du chrétien.

 

CIRCONCELLIONS. ou Circumcellions, ascètes du nord de l'Afrique; ils se réunirent aux donatistes, et protestant contre les faveurs dont jouissait l'Église, rattachant à sa prospérité matérielle les misères spirituelles dont elle souffrait, ils se mirent à parcourir le pays en mendiant, et sous la conduite de leurs chefs Fasir et Axid déclarèrent la guerre à tous ceux qui possédaient. On dut employer la force pour les réduire, 3i5, et souvent on les vit, dans leur mépris pour l'existence, rechercher volontairement la mort. Leur nom leur fut donné par leurs ennemis; ils s'appelaient eux-mêmes Agonistici, les combattants de Christ.

 

CIRCONCISION (fête de la). C'est l'octave de la fête de NoPl. Les enfants de\aient être circoncis 8 jours après leur naissance. Mais comme cette fête tombait sur le nouvel an des Romains et que des collisions étaieut à craindre, on évita longtemps de la célébrer. Elle ne fut introduite que sous Grégoire-le-Gr. et c'est seulement au 10me siècle qu'elle fut officiellement admise au nombre des fêtes ecclésiastiques. Elle se confondit avec la fête du nouvel an quand l'Église fit dater du l*r janvier le commencement de l'année, c.-à-d. en France 1564, Écosse 1600, Angleterre 1756.

 

CIRCONSCRIPTION (Bulle de), décret, ou constitution du pape, déterminant l'étendue d'un diocèse et certains détails de son administration. Une bulle de ce genre, ou toute autre, tendant à modifier ou k étendre la circonscription d'un diocèse, supprimant ou dédoublant une circonscription existante, ne peut être promulguée qu'avec l'assentiment des gouvernements intéressés.

 

CISTERCIENS, nom dérivé de Cistercium ou Citeaux, village de la Côte-D'or, k 22 kil. de Beaune et près du Clos Vougeot. Ordre religieux fondé 1098 par Robert, dit de Champagne (1024, f H10), prieur de l'abbaye bénédictine de Molesmes, qu'il avait également fondée 1075. Réélu abbé de Molesmes 1099, il fut remplacé k Citeaux par Albéric qui donna à sa maison les Statuts cisterciens. Les libéralités du vicomte de Beaune facilitèrent les commencements de l'ordre et l'érection d'un monastère: mais la sévérité de la règle menaçait, sons Étienne Harding, son 3* abbé, l'existence même de la jeune institution, quand en 1113 saint Bernard vint, avec quelques amis, lui apporter l'appui de son zèle, de ses vertus et de son autorité. L'ordre prit dès lors une rapide extension, et ses membres furent désignés souvent sous le nom de bernardins; au bout d'un siècle il comptait déjà plus de 500 abbayes. Étienne lui avait donné en 1119 une constitution sous le titre de Charta caritatts, et une organisation qui le rendait indépendant des évêques. Les 4 premières filles de Citeaux, ou abbayes fondées par Étienne, furent La Ferté, Pontigny, Mori-mond et Clairvaux dont Bernard fut le premier abbé. L'administration générale de l'ordre était confiée à un collège de 25 membres choisis parmi les abbés et présidés par celui de Citeaux. L'ascétisme et l'activité militante de plusieurs de ses membres, et l'intérêt qu'ils prirent aux croisades, leur donnèrent une grande influence sur le peuple et même sur quelques ordres militaires d'Espagne et de Portugal. Le relâchement de la règle accentua an 13™ siècle la décadence de l'ordre; de nombreuses tentatives de réformes eurent lieu, qui donnèrent naissance à des divisions intestines, à des luttes et a la formation de nouveaux ordres, dont les feuillants et les trappistes sont les plus considérables. Il n'existe plus guère auj. de cisterciens qu'en Espagne, Pologne, Autriche, Saxe rt même en Angleterre. Leur uniforme est une robe blanche avec une ceinture noire. — Il y «ut aussi des religieuses de Giteaux, ou feeroar-dines, ou clairettes, fondées probablement par Etienne, et soumises aux mêmes règles que les moines; elles furent instituées en 1120 à Tart, près Langres, mais se séparèrent aussi en plusieurs branches. Leurs maisons les plus célèbres furent celles du faubourg Saint-Antoine à Paris et de Port-Royal.

 

CITE AUX, v. Cisterciens.

 

CLAIRE (sainte), né 1193 à Assise, d'une famille riche et distinguée, s'enfuit du domicile paternel sur le conseil de saint François 1212, renonça à sa fortune, prononça les vœux de rhasteté et d'obéissance, et se soumit, avec quelques-unes de ses amies qui partageaient ses sentiments, aux directions de François, qui leur imposa la règle de saint Benoît. Elles fondèrent ainsi Tordre de sainte Claire ou des clarisses9 qui fut en 1224 reconnu par le pape, et se répandit d'Italie en Allemagne et en France. Il comptait an 18®* siècle 900 maisons. D'abord purement contemplatif, l'ordre s'est plus récemment voué a l'éducation de la jeunesse. Les clarisses ont quelquefois porté le nom de damianistines, du nom de l'église de Saint-Damien, oti Clara se réfugia d'abord.

 

CLARENDON, ville d'Angleterre non loin de Salisbnry. On y voit encore les ruines d'un palais, séjour favori d'Henri II, célèbre dans l'hist. de l'Égl. d'Angleterre; c'est là que ce monarque lit signer à ses barons, évêques et prélats, en janvier 1164, les résolutions en 16 chapitres votées à Westminster par le parlement, tendant a régler en les restreignant les droits du clergé et la juridiction des tribunaux ecclésiastiques. Beeket lui-même signa, mais voulut retirer ensuite sa signature et donna lieu par là au conflit qoi finit par sa mort, 1170. Henri II, pour rentrer en grâce, dut retirer ou modifier quelques-uns des articles de ces Constitutions de Clarenr àon qui avaient le plus excité la susceptibilité de la cour de Rome.

 

CLARKE, Samuel, philos, et théol. anglais, «é à Norwich 11 oct. 1675, f 1729. Il fut 12 ans chapelain de l'év. de Norwich, en 1706 chapelain de la reine Anne et pasteur de Saint-Bennet, en 1709 recteur de Saint-James. Partisan de la philosophie newtonienne, il fut en rapports avec les hommes les plus célèbres de son temps, et correspondit avec Leibnitz sur les problèmes de l'espace, de la nécessité et de la liberté; cette correspondance fut publiée en 1717. Il est surtout connu par sa démonstration de l'existence et des attributs de

Dieu, série de sermons prononcés pour la fondation de Boyle, où il n'emploie que des arguments métaphysiques et a priori. démontrant que Dieu, la vertu et l'immortalité sont des postulats de la raison pure, et fondant ainsi la nécessité d'une révélation. Par la nature de ses preuves il peut être considéré comme le fondateur du snpranaturalisme rationnel. Ses vues sur la Trinité, dont il ne reconnaît pas l'immanence, le tirent suspecter d'arianisme et il eut à s'en justifier devant la Convocation. Il combattit Hobbes, Spinosa, Dodwell et Collins. Outre ses sermons, trad. par Ricotier, on a encore de lui divers ouvrages de physique, et d'excellentes éditions de César et d'Homère. — Son frère Jean, f 1759, pasteur à Norwich, chapelain du roi, et doyen de Salisbury, a traduit et développé le traité de King sur l'Origine du mal.

— L'Angleterre compte encore d'autres théologiens de même nom: Samuel 1599-1682, destitué comme non-conformiste, martyrologe distingué; — Son fils Samuel, auteur de Notes sur la Bible, — le frère de celui-ci, Dr John Clarke, doyen de Westminster, — Samuel Clarke, 1623-1669, orientaliste. — William, né 1696, savant dans les antiquités. — Adam Clarke, 1760-1832, prédicateur wesleyen, auteur d'un Comment, sur la Bible: il ne voit en J.-C. le fils du Père que dans son incarnation.

 

CLASSES. On désigne ainsi dans plusieurs égl. réformées les synodes de district; elles se composent des pasteurs et d'un ou deux anciens par paroisse. Plusieurs classes réunies forment le colloque ou synode provincial. Les classes portent quelquefois aussi le nom de Consistoires: le mode de leur composition et leur organisation varient suivant les églises.

 

CLAUDE, 1° emp. romain de l'âge apostolique, f 54.

2° Claude Apollinaire, v. Apollinaire.

3° de Turin; espagnol de naissance, disciple de l'adoptien Félix d'Urgel, quoiqu'il n'en partageât par les idées particulières; fut appelé par Louis-le-Déb. à la cour d'Aquitaine pour expliquer la Bible, et quand Louis eut été nommé empereur, désireux de combattre l'idolâtrie dans ses provinces, il le nomma év. de Turin 820, son diocèse comprenant les Vallées, la Provence et le Dauphiné. Génébrard, archev. d'Aix au 16™ siècle, traite Claude de calviniste. On peut en effet le regarder comme un protestant de son époque, car il combattit avec énergie toutes les superstitions, le culte des image*, l'adoration des reliques, les pèlerinages à Rome, etc. Ayant fait abattre des croix, on l'accusa de vouloir introduire une nouvelle religion, quand il voulait seulement en revenir au culte en esprit et en vérité. Pascal I" l'attaqua, puis l'abbé Théodemir, ou Theutmir, un ancien ami, auquel il répondit par une Apologie De cultu imaginum: « Faut-il adorer la croix, ou la porter?... Si l'on adore la croix, pourquoi pas aussi les crèches, les langes, les bateaux, les ânes? » Dungal de Saint-Denis, moine écossais, Jonas d'Orléans, et d'autres encore se prononcèrent contre lui, et l'emp. assembla quelques évêques pour le juger et terminer les différents; mais Claude refusa de comparaître devant une « assemblée d'ânes. • Les év. n'osèrent pas passer outre, il ne fut pas jugé; Louis lui laissa son évêché, le pape ne l'excommunia pas, et aucun soupçon d'hérésie ne pèse sur sa mémoire (Bossuet). On en a voulu faire, mais à tort, le premier fondateur de lfégl. des Vaudois. Il a écrit plusieurs comment, sur différents livres des Ecritures, composés en partie de citations des Pères pour établir que ses doctrines ne sont pas nouvelles; on leur donna même le nom de Catena patrum, La chaîne des Pères, précisément à cause de ce but spécial qu'il poursuivait, de se rattacher à l'Église primitive. Il appartenait dogmatiquement à l'école d'Augustin, f 839- Ses sectateurs étaient nombreux, et après sa mort on en trouva longtemps encore dans le Milanais.

4o Jean Claude, né 1619 à La Sauvetat, où son père était pasteur, étudia à Montauban, fut consacré à 26 ans, et occupa successivement les postes de Latreyne, Sainte-Affrique, Nîmes 1654 (doû il fut banni pour avoir combattu en synode 1661 un projet de réunion présenté par Conti au nom de la cour), Montauban, et enfin Paris-Charenton 1666, où il demeura 19 ans. Le 21 oct. 1685 il reçut l'ordre de quitter la France dans les 24 heures parce qu'il avait déjoué une comédie ourdie par l'archevêché. Le temple de Charenton devait être entouré de soldats; deux prélats devaient monter en chaire et prêcher l'union; des hommes gagés devaient se convertir à la voix des évêques; ceux-ci donnaient l'absolution à la congrégation entière et le tour était joué. On fit prévenir les pasteurs qu'ils pouvaient prêcher tranquillement et que même on leur donnerait des gardes pour leur sûreté, mais Claude prévoyant un piège fit annoncer aux fidèles qu'il n'y aurait pas de service. M®e de Maintenon traite cet acte de séditieux; en tout cas Claude fut banni pour ce fait, et quelques jours après le temple de Charenton était rasé jusqu'à la base. A La Haye Claude reçut deux appels comme prof., l'un à Francfort-sur-Oder, l'autre à Groningue; mais le prince réussit par ses sollicitations et en lui assurant les moyens de vivre, à le retenir à La Haye, où il continua de servir l'Égl. par sa plume et par sa parole. Il prêcha pour la dernière fois à No'él 1686, tomba malade en descendant de chaire et f 13 janv. 1687. Claude est regardé à juste titre comme un des pasteurs les plus influents de son temps. Il eut des controverses à soutenir avec Arnaud, Nicole et Bossuet, et fut consulté dans des cas difficiles qui exigeaient un homme de résolution ou un habile dialecticien. Il a laissé de nombreux ouvrages, parmi lesquels les plus connus et les plus importants sont ses Rép. aux Traités de Nicole et d'Arnaud sur l'eucharistie 1665, 1669 et 1670; sa Défense de la Réformation 1673; Plaintes des protestants cruellement opprimés en France, Cologne 1686; Réponse à Bossuet, donnant une version différente de la conférence qu'ils avaient eue ensemble en 4678, et un certain nombre de sermons d'un style ferme, correct et souvent majestueux. — Son fils Isaac né à Sainte-Affrique 5 mars 1653, publia en 5 vol. les Œuvres posthumes de son père, et f pasteur à La Haye 29 juillet 1695; il eut deux fils qui furent l'un et l'autre pasteurs en Angleterre.

 

CLAUDIEN Mamert, prêtre du diocèse de Vienne, frère de l'év. Mainert; auteur de plusieurs poésies estimées et notamment du Ponge lingua gloriosi, qui est dans le Bréviaire, + vers 470. Il a écrit aussi un Traité sur la nature de l'âme. Son ami Sidoine Apollinaire le regardait comme le plus beau génie de son siècle.

 

CLAUDIUS, Matthias, écrivain et poète allemand, surnommé le Messager de Wandsbeck. Né 15 août 1740 à Rheinfeld, Holstein, il étudia à Iéna et passa presque toute sa vie à Wandsbeck, f 21 janv. 1815 à Hambourg. Humoristique et sarcastique, il est en même temps grave et sérieux, et prend à cœur les questions religieuses; avec le temps même sa direction dogmatique s'accentua et il attaqua vivement le rationalisme. De 1770-1775 il publia un recueil, le Messager de Wandsbeck, collection de variétés et d'actualités, qui a fait sa réputation. Ses œuvres ont été rassemblées par lui en 8 vol. sous le titre de: Asmus omnia sua secum portant. Son chant: Le vin du Rhin, est encore populaire aujourd'hui.

 

CLÉMENGES, ou Clemangis. Matthieu-Nicolas, né 1360 à Clémanges, Champagne, fit ses études au collège de Navarre à Paris, sous d'Ailly etGerson; en 1391 il était bachelier, en 1393 recteur de l'université. C'est comme tel qu'il fut appelé à intervenir dans les débats soulevés par le schisme, et la plupart des adresses et mémoires envoyés aux rois et aux papes ont été rédigés par lui. L'univ. de Paris ayant proposé comme remède l'abdication des deux papes rivaux, et Benoît XIII ayant été élu pour les remplacer, Clémangis fut choisi par lui pour être son secrétaire, mais soupçonné d'avoir pris part 1407 à la rédaction de la bulle qui excommuniait Charles VI et la France, il nia le fait, quitta la cour papale et se retira à Langres, d'abord comme chanoine, puis chez les chartreux de Valprofonds, et enfin chez ceux de Fon-taine-du-Bosc. C'est là que s'étant remis à l'étude de la Bible, et en correspondance avec d'Ailly, Gerson et d'autres illustres amis, il composa ses meilleurs ouvrages: De fructu eremi, De fructu rerum advei'sarum, De novit festivitatibus. De studio theolDe concilio generali. Il écrivit aux pères du conc. de Constance pour leur recommander l'union et leur rappeler que le concile est supérieur au pape. Appelé à Bayeux il quitta Langres à regret et renonça à son canonicat, ne se croyant pas le droit de cumuler deux bénéfices. En 1421 il défendit publiquement à Chartres les libertés de l'Égl. gallicane. En 1425 il reprit au collège de Navarre ses cours d'éloquence et de théol., et + vers 1435, peu après le conc. de Bâle. Outre les écrits déjà cités on a encore de lui de belles poésies latines, des traités sur la Simonie, sur les Annates; des Lettres adressées à des prélats, à des cardinaux, à Henri V d'Angleterre, etc. Le traité de la Corruption de l'Église, paru en 1401, qui lui a été attribué, ne saurait être de lui, soit à cause de son mauvais latin, soit à cause de ses attaques contre Benoit XIII dont il était le secrétaire et l'ami. Cléinenges est resté fidèle à l'Égl. catholique jusqu'à la fin, mais il n'a cessé d'en combattre les abus. Il a déploré la décadence de l'Église, qu'il attribue à l'oubli de la Parole de Dieu. Les pères de l'Égl., dit-il, sont des ruisseaux qui découlent de la Bible, et ils doivent v ramener. Il ajoute: Le but de toutes les études théol. est pratique et non spéculatif; il consiste à se conduire soi-même et et les autres a a salut. Il n'admettait l'autorité des conciles que si ceux qui les composaient étaient de vrais croyants. Quant aux messes, processions, fêtes et autres cérémonies, elles n'ont de valeur que ni les cœurs sont purifiés par la foi.

 

CLÉMENT d'Alexandrie. Titus Flavius, d'Athènes ou d'Alexandrie, philos, platonicien, né et élevé dans le paganisme, se convertit plus tard au christianisme, après avoir beaucoup voyagé, étudié et connu les maîtres les plus célébra de son temps. Le désir de tout savoir lui fit aussi étudier les livres des juifs et des chrétiens. Lorsque Pantène partit pour les Indes, Clément le remplaça, d'abord comme catéchiste, pois comme pasteur ou évêque. Lors des persécutions de Septime Sévère 202, il dut quitter son école et Alexandrie; on croit qu'il y revint plus tard, qu'il reprit ses fonctions et qu'il y f en Î17 ou 220, mais Fhist. de ses dernières années est incertaine. Pour lui le christianisme était l'accomplissement de la connaissance. Sa méthode était l'examen, et il la recommandait à ses auditeurs. Il mêla la sagesse de Dieu à celle de l'homme. Selon lui, le Logos amène d'abord les hommes à la foi, puis il les sanctifie, enfin il les élève à une connaissance plus su blime des choses de Dieu. Il admet une tradition intérieure qui fait comprendre le sens allégorique de la lettre et qui produit une connaissance et une spiritualité que n'atteindront jamais ceux qui ne saisissent que le sens littéral. Ses trois principaux ouvrages sont: le Protreptricos, exhortation aux gentils, où il leur montre la vanité de leurs croyances; le Pédagogue, qui est surtout un traité de morale, et les Stromates (broderies, tapisseries) en 8 livres, mais le est inauthentique, recueil très intéressant de pensées chrétiennes et de maximes philos.; ses Adumbrationes (Esquisses), trad. par Rufin, sont en grande partie perdues. Il faut noter aussi son beau travail, d'un ascétisme élevé: Comment le riche pourrait-il être sauvé? — Édit. compl. de Potter, Oxford 1715. Public, partielles de Klotz, Piper, Olshausen. etc.

 

CLÉMENT. Plusieurs papes de ce nom: lo disciple de Pierre et successeur de Lin on d'AnacIet au siège épiscopal de Rome, connu sous le nom de Clément Romain. était probablement juif d'origine. 11 est possible, mais douteux, que ce soit le même dont il est parlé Philipp. 4, 3. Auteur un peu prolixe, mais estimé, d'une Épître de paix et de concorde qu'il écrivit aux Corinthiens divisés; il parle au nom de l'Égl. de Rome, et non comme chef de l'Égl. univ. Le ton en est onctueux, vif. grave et réellement digne. On lui attribue aussi, peut-êUv pour les faire paraître plus anciens, divers écrits du 3®o siècle, dont la morale est sévère, mais qui renferment plusieurs exagérations de la dignité èpiscopale; ainsi que les canons apostoliques, les Clémentines, une 2« aux Corinthiens, etc. — La tradition est si confuse qu'on ignore s'il fut év. 9 ou 33 ans. + vers l'an 100 (23 nov.?). Quelques-uns l'identifient avec le consul Flavius Clemens, neveu de Domitien, martyr.

2° Suidger, allemand de naissance, év. de Bamberg, nommé nape sous le nom de Clément II au concile de Sutri convoqué par Henri-le-Noir en 1046. Il fut élu, dit l'histoire, parce qu'il n'y avait pas dans toute l'Église de Rome un homme digne de remplir ces hautes fonctions. f 1047.

3° Paulin Scolaro, romain, év. de Préneste, élu 1187 sous le nom de Clément III, publia une croisade contre les Sarrasins. Frédéric II, surnommé Barberousse, part pour la Terre Sainte et se noie à Tarse dans le Cvdnus, 1190. Son fils Henri IL le Cruel, est l'ennemi acharné du pape Clément f 27 mars 1191.

4# Sous le même nom de Clément III, Gui-bert, év. bavarois, archev. de Ravenne, antipape, fut promu par un concile, sous la protection de l'emp. Henri IV, à la dignité pontificale, 1080, en opposition à Grégoire VIL II réussit à se maintenir en face de son puissant adversaire, grâce à la faveur impériale, et chassa même de Home ses deux successeurs, Victor III et Urbain II; mais Urbain ayant fait proclamer la lrc croisade au conc. de Clermont, 1095, l'autorité pontificale en reçut un nouveau lustre, et l'antipape, ainsi que son protecteur, en éprouva Ip contrecoup. Clément III tomba en défaveur, et en 1100, sous Pascal II, il fut définitivement expulsé de Rome, f la même année à Citta di Caste! lo.

5° Clément IV, de Saint-Gilles sur le Rhône, s'appelait Foulques, en italien Guido Fulcodi. Il fut d'abord militaire, puis jurisconsulte, enfin secrétaire de saint Louis. Après la mort de sa femme il entra dans les ordres et devint successivement arche v. de Narbonne, cardinal-év. do Sabine et légat en Angleterre. Il fut élu pape à Pérouse 1265 et f à Viterbe trois ans après, 1268. Son pontificat vit tomber sous la hache du bourreau la tête du dernier des Hohenstau-fen, le jeune Conradin. Ainsi fut atteint, dit Clément, un but longtemps poursuivi par les papes. Rome l'emportait sur l'Allemagne. Personnellement il était doux, modeste et désintéressé: il concourut avec saint Louis à l'élaboration de la célèbre Pragmatique Sanction qui, fondant les libertés gallicanes, mit fin pour un temps aux luttes qui divisaient Rome et la France.

6° Clémpnt V; Bertrand de Got on d'Agoust, né à Villandrand, archev. de Bordeaux en 1300, fut élu k Pérouse, 1305, par le parti français en opposition aux trois candidats présentés par le parti de Boniface VIII. U accepta la liane aux conditions qui lui furent imposées par Philippe-le-Bel, et dont la sixième et dernière ne lui fut pas même communiquée. Cette dernière n'était autre que la suppression de l'ordre des Templiers. Chargé de cette humiliante couronne, il canonisa Célestin V persécuté par Boniface VIII, et modifia ou plutôt retira la bulle de Boniface qui condamnait Philippe, et vint fixer son siège d'abord k Carpentras 1308, puis à Avignon. 1309. C'est Ip schisme d'Occident qui commence. Pour plaire k son souverain, le pape le seconde dans ses persécutions contre les templiers, il convoque dans ce but un conc. général h Vienne 1310, et dit que si l'on ne peut pas les détruire par les voies légales, on trouvera bien d'autres moyens. L'inquisition s'pn charge. Clément cherche à se dédommager sur d'autres princes de la portion de pouvoir qu'il a aliénée entre les inains de Philippe: il excommunie Henri d'Allemagne et met Venise à l'interdit, f 1314. On a de lui des constitutions dites Clémentines, formant le 7e livre des fausses Décrétâtes, Mayence 1460, qui font partie du droit canonique. Avec lui commence la confiscation de la papauté au profit d'une nation; la science y gagna. Ses mœurs passent pour avoir été légères et même licencieuses; on l'accuse aussi d'avarice et de simonie. La légende a exploité et exagéré sa haute taille que l'on porte à 8 pieds. Son pontificat fut suivi d'un interrègne de 2 ans.

7o Clément VI; Pierre de Rogier, de Limoges, docteur de Paris, élu pape en 1342, f 1352. avait été bénédictin, puis archev. de Rouen et cardinal. Poco reltgioso, dit un de ses biographes, mais savant et doué d'une mémoire prodigieuse. Il représenta surtout l'esprit français. Un des papes d'Avignon, il résista aux sollicitations des Romains qui, Rienzi en tête, le suppliaient de revenir à Rome. Il défendit énergiquement les intérêts de son Église, défendit contre le roi d'Angleterre le droit d'investiture, et réduisit à 50 ans le retour périodique du jubilé qui n'avait lieu que tous les 100 ans. Léger, mais courageux, il visite les malades pendant la peste et protège les juifs contre le préjugé qui leur impute ce fléau. En politique il essaya, sans y réussir, de nommer Charles de Bohême à la place de Louis.

8° Clément VII; Jules de Médicis, cousin d^ Léon X, élu pape après la mort d'Adrien VI. 1523 f 1534. Moins vertueux, mais plus fin que son prédécesseur, il ne reconnut pas aussi franchement que lui des désordres auxquels il était résolu de ne pas toucher. Il abandonne pour 6 mois à son cousin Hippolyte tous les bénéfices de la chrétienté qui viendront k vaquer, et fait offrir à la diète germanique la ré-formation du petit clergé. Les princes demandent celle du grand clergé, des hauts dignitaires, et reproduisent leurs Cent griefs. La diète statue la prochaine convocation d'un concile, chose que Clément redoute par-dessus tout. Il ménage tour à tour Charles-Quint et François Ier. Il finit par se liguer avec François, les princes d'Italie et le roi d'Angleterre contre l'empereur; cette ligue, appelée Sainte parce que le pape en est le chef, ne lui procure que des infortunes. Il publie contre le cardinal Pompée des Colonnes un monitoire, que cependant il doit bientôt rétracter. Attaqué par les troupes de ce cardinal, il se réfugie dans son château, d'où il voit piller Saint-Pierre et le Vatican. Par un accord perfide, il obtient que ces troupes ennemies s'éloignent, puis il excommunie Pompée. Celui-ci en appelle à un concile, mais Clément n'en veut rien parce qu'il est bâtard et qu'il a obtenu la tiare par simonie. Les hostilités continuent. Le pape est assiégé dans Rome par le prince connétable de Bourbon qui le relient 7 mois prisonnier, 1527; il s'enfuit à la faveur d'un déguisement. Charles lui rend les villes qui ont fait défection, lui promet son secours contre les luthériens et demande un concile. Clément continue d'éluder ce sujet. Diète de Spire, 1529, contre laquelle les princes protestent, parce qu'elle t défend à quiconque de se faire luthérien. » Diète d'Augsbourg, 1530, où le pouvoir temporel de Charles tranche les questions, ce qui déplaît au pape comme aux luthériens. Ligue de Smalcalde, 1531. Lassé des refus et des détours de Clément, Charles proclame la liberté religieuse jusqu'à l'ouverture d'un concile. Clément à son tour, fatigué de tant d'instances, affecté de voir la moitié de l'Europe embrasser la Réforme, excommunie Henri VIU, roi d'Angleterre, 1534, et f la même année. — (lomme administration intérieure, il avait autorisé deux branches de franciscains, les capucins 1525, et les récollets 1532.

9o Clément VII, antipape; Robert de Genève, ev. de Thérouanne, cardinal -archev de Cambrai, éln pape en 1378 par 15 cardinaux qui avaient nommé Urbain VI quelques mois auparavant. Il fut reconnu par la France, la Lorraine, la Savoie, l'Ecosse, la Sicile, la Castille et l'Aragon, pendant que le reste de l'Europe continuait de reconnaître Urbain. Il réside à Avignon. Cette double élection cause un schisme, qui se prolonge longtemps après sa mort. Il survit 5 ans à son collègue et f d'apoplexie 1394.

10° Clément VIII, Hippolyte Aldobrandini, né à Fano dans les États de l'Église, élu 1592, 11605 à 69 ans. De rares talents secondaient

politique insidieuse et son désir d'en finir avec le protestantisme. Il s'attacha à faire revivre la piété dans l'Église et favorisa la science. Il condamna les duels, présida à l'abjuration d'Henri IV, et concourut à la paix de Ver vins, 1998. Il éleva au cardinalat Baronius, Bellar-min, Tolet, d'Ossat, Du Perron et d'autres hommes distingués. Sous son pontificat surgit la fameuse querelle de la grâce, à propos du livre de Molina, mais il évita de se prononcer, Il fit faire un abrégé du conc. de Trente, et commit une fatale imprudence en publiant une édition de la Vulgate, fort différente de celle de Sixte V, corrigée et retouchée, ce qui mettait en question l'autorité de l'une ou de l'autre.

11° Gilles de Munoz, chanoine de Barcelone, éln antipape sous le nom de Clément VUI, par les cardinaux dissidents, après la démission et •a mort de l'antipape Benoît XIII, 1424, s'établit à Peniscola. Le roi d'Aragon, Alphonse V, tétant réconcilié avec le pape Martin V, il invita Munoz à donner sa démission, 1439, ce qui mit (in au schisme qui durait depuis 51 ans. Munoz reçut l'évêché de Majorque en récompense de sa docilité; il n'avait d'ailleurs jamais eu que l'apparence de l'autorité pontificale.

12° Clément IX; Jules Rospigliosi, d'une famille de Pistoie en Toscane, né 1599, élu 1667, f 1669, se montra ennemi du népotisme, ami de la justice et de la paix. Il gouverna sagement, travailla à l'union des princes chrétiens, essaya mais inutilement de secourir les Vénitiens contre les Turcs qui assiégeaient Candie, et vit cette place importante tomber entre les mains du croissant. Il mit fin à l'affaire de la signature du Formulaire par un accord qui reçut le nom de Paix de l'Église, 1668.

13° Clément X; Émile Altieri, successeur du précédent, élu en 1670 à l'âge de 80 ans après une vacance de plusieurs mois. Trop âgé pour rien faire par lui-même, il abandonna le gouvernement au cardinal Antoine Paluzzi qui n'en abusa pas.

14° Clément XI; J.-Franc;. Albano, né à Pe-saro 1649, élu 1700, f 19 mars 1721. Il surpassait tous ses cardinaux par son savoir et ne le céda à aucun de ses prédécesseurs dans l'art de bien gouverner, mais il ne sut pas s'opposer à la corruption générale et s'occupa seulement de la grandeur apparente de l'Église. Il se mêla de politique et prit des mesures qui no lui réussirent pas. Exalté par les dernières victoires de la papauté, il tenta de renouveler les droits du pape au moyen âge. Son règne n'est qu'une série de chutes et d'échecs. Avec Joseph I«r, emp. d'Allemagne, qui réclame le jus primariarum precum comme son droit et le duché de Parme comme son fief, Clément essaie d'abord de l'excommunication, mais en vain, puis des armes séculières, mais sans plus de succès. Le conflit se termine par un compromis, 1709, qui est à l'avantage de l'empereur. En Sicile le duc de Savoie refuse de céder des droits ecclésiastiques qui lui appartiennent; le pape veut l'y contraindre, mais il échoue. Il proteste enfin contre la dignité royale donnée aux électeurs de Brandebourg (rois de Prusse),mais inutilement. C'est par suite de ses luttes avec Joseph qu'eut lieu la guerre d'Espagne, dans laquelle il se prononça pour la France. Il obtient un succès négatif en Portugal, et refuse au roi le rappel du nonce apostolique Vincent Bitschi, qui s'était conduit d'une manière répréhensible. Il crut mettre un terme aux troubles de l'Église de France en expliquant le conc. de Trente, eu confirmant la condamnation des cinq fameuses propositions de Jansénius par la bulle Vincam Domini Sabaoth et en donnant la fameuse constitution Unigenitus qui condamnait 101 propositions du P. Quesnel.

15° Clément XII; Laurent Corsini, élu en 1730, f 1740 à 88 ans, diminua les impôts et punit ceux qui avaient abusé de la faiblesse de son prédécesseur Benoît XIII pour prévariquer dans leurs fonctions, notamment Nicolas Cos-cia. Son règne fut sage, mais sans éclat.

16° Clément XIII; Charles Rezzonico, né à Venise 1693, élu pape 1758; homme tout d'une pièce et véritable représentant du moyen âge, l'opposé de son prédécesseur Benoît XIV. Protégé par les jésuites, il les protégea à son tour et les maintint solennellement contre les États de Portugal, de Naples, d'Espagne et de France. En dépit de sa bulle des milliers de jésuites furent expulsés, mais Clément les repoussa quand ils voulurent mettre pied à terre; il regardait leur expulsion comme non avenue, et les malheureux durent errer longtemps sur la mer. Trop faible pour lutter contre Pombal et Choiseuil, Clément se tourna contre un prince plus faible, le duc de Parme, qui avait limité la puissance et les revenus du clergé. Le duc de Parme était un Bourbon; les cours de sa famille prirent parti pour lui; le pape perdit le comtat d'Avignon et la principauté de Béné-vent 1768 et mourut la même année sans s'être vengé.

17<> Clément XIV, successeur du précédent, mais porté par le parti libéral; Laurent Ganga-nelli, né en 1705 dans le duché d'Urbin, élu en 1769 sous J'influence de la France. Son père était chirurgien. Animé du même esprit que Benoît XIV il rétablit de bons rapports avec toutes les cours, renonça aux prétentions de son prédécesseur sur le duché de Parme, recouvra Avignon et Bénévent, et recueillit les heureux fruits d'une politique conciliante. Cédant aux sollicitations de plusieurs princes, il supprima (21 juillet 1773) l'ordre des jésuites qui, banni de tous les pays catholiques, ne subsista plus que dans l'empire grec et la Prusse, c.-à.-d. chez des princes schismatiques et héretiques. Sa bulle Dominus ac Redemptor noster est un chef-d'œuvre de droit canon. Il mourut peu de mois après, 1774, et le bruit courut, non sans apparence, qu'il avait été empoisonné par les jésuites. Caraccioli a publié sa vie en français, 1775, avec un recueil de Lettres, mais dont l'authenticité est contestée.

 

CLÉMENTINES. On réunit sous ce nom plusieurs compositions du milieu ou de la fin du 2®e siècle, écrites dans un même esprit, et attribuées, mais à tort, à Clément de Rome. Elles renferment l'exposé comparatif de la foi des judéo-chrétiens et de la foi des chrétiens d'entre les gentils, concluant en faveur des premiers. Parmi ces écrits il faut distinguer

4<* les Homélies de Clément Romain, soit une lettre de Pierre à Jacques, une de Clément à Jacques après la mort de Pierre, et 20 homélies ou discours qui ont dû être écrits à la demande de l'apôtre et qui, sous une forme très fine, souvent élégante, racontent les voyages de Pierre, ses discussions avec Simon le magicien, avec Appien, avec Athénodore, etc. Une série d'épisodes relèvent l'intérêt du récit, qui d'ailleurs est un simple cadre où l'auteur fait parler ses interlocuteurs et réfute les objections que Ton peut faire à sa doctrine.

2« Les Récognitions, qui ne nous sont parvenues que dans la traduction de Rufin, sont un développement dti précédent ouvrage, mais moins tranché quant à la doctrine. Il raconte aussi, et probablement après avoir puisé aux mêmes sources, les nombreuses pérégrinations de l'apôtre; Clément est encore son compagnon de voyage; Clément retrouve son père, sa mère, ses deux frères qu'il avait perdus, et tous se convertissent. Pierre a une discussion de 3 jours avec le magicien; il le retrouve plus tard à Laodicée et lui inflige une nouvelle défaite, etc. Pierre soutient un christianisme mélangé d'ébionitisme, en opposition à Simon qui représente les vues de saint Paul sur les pa-gano-ch ré tiens; on a pu même se demander si l'auteur n'a pas voulu introduire sous le masque de Simon l'apôtre des gentils. La doctrine est monothéiste, mais avec une tendance à laisser la pensée de Dieu se développer dans le jeu des contrastes, l'homme représentant le bon principe et la femme le mauvais. L'Adam-Christ est le principe éternel, toujours le même, de l'immuable vérité. Le Christ n'est donc ainsi que le modèle parfait du prophète inspiré de l ieu, et son œuvre a consisté simplement à révéler aux hommes la doctrine secrète de Moïse telle qu'elle s'était conservée à travers les siècles malgré quelques altérations. La morale des Clémentines se résume tout entière dans l'ascétisme.

3° L'Epitome; encore un extrait, abrégé et défectueux, des Homélies, avec quelques additions où figurent les noms de Siméon Méta-phraste et d'Éphraïm. év. de Cherson. qui aident à fixer les dates.

4o Enfin, quelques autres Fragments isolés, découverts plus tard, dont l'authenticité est controversée, et qui rappellent de loin les Homélies et les Récognitions.

Tous ces ouvrages paraissent avoir été écrits dans la Syrie orientale, où les sectes ont toujours été nombreuses; plusieurs peuvent avoir été retouchés à Rome. Aucun n'est antérieur à l'an 150, plusieurs sont postérieurs à 170, ce qui exclut toute participation de Clément Romain. La plus ancienne mention que l'on en trouve est d'Origène, vers 230. Cette littérature pseudo-clémentine ne manque pas d'un certain intérêt; elle a été étudiée avec soin par Baur et l'école de Tubingue.

 

CLERC (Le), v. Leclerc.

 

CLERC, tout ecclésiastique depuis le momeut où il reçoit la tonsure.

 

CLERGÉ, mot dérivé du grec clèroe, qui ne se trouve appliqué au ministère dans le N. T. que Act. 1, 17. 25. oii il est traduit par toi, part ou partage, et n'a rien du sens que l'usage lui a donné par la suite. Il désigne auj. l'ensemble des hommes directement attachés au service de l'Église, ou d'une église, et il n'y aurait aucun inconvénient à s'en servir pour eviter une périphrase, si des idées fausses ne lui avaient donné un sens et un caractère qu'il n avait pas à l'origine. Dans l'Égl. primitive l'idée du sacerdoce universel était une réalité; chaque chrétien était, dans la mesure de ses dons et de ses forces, un ecclésiastique, un prêtre, un témoin. A mesure que la vie religieuse s'altéra, on s'habitua à confier à des hommes spéciaux les différents ministères de l'Église, et une fois sur celte voie on ne s'arrêta plus. Déjà vers la tin du 3me siècle on voit s'accentuer l'idée d'une caste sacerdotale. Le célibat des prêtres, qui n'est encore qu'en germe, favorisera cette tendance en même temps qu'il sera favorisé par elle, et s'il lui faut 8 siècles pour arriver, il y mettra 8 siècles. A cela se joindra l'idée fatale de l'influence magique de la consécration; elle sera pernicieuse en ce que, la capacité d'un pastear ne dépendant plus de sa personne mais de sa consécration, les ecclésiastiques en vinrent promptement à négliger soit les études, soit même l'exercice de la piété. Enfin la hiérarchie ^organisant peu à peu depuis le simple prêtre jusqu'à Tévêque, au métropolitain et au pape, l'élection des pasteurs finit par être enlevée aux paroisses et tomba entre les mains des évêques. A la vérité l'eglise-peuple, ayant perdu sa sainteté première, était dominée par des passions et des partis, et plusieurs fois les élections avaient été signalées par des émeutes. Les privilèges qui devinrent peu à peu et tout naturellement l'apanage des ecclésiastiques, altérèrent l'idée de lenr ministère et leur donnèrent à la fois un pouvoir et un caractère temporel, avec des prétentions à l'autorité, qui, plus que tout autre chose, concoururent à leur faire d'implacables ennemis. La réformation a supprimé l'abus en théorie, mais elle n'a pas réussi partout à le supprimer entièrement dans la pratique.

CLÉS (Pouvoir des); expression qui désigne dans régi, cathol. le droit de lier et de délier que J.-C. a donné à l'apôtre Pierre, Matt. 16,19: • Je te donnerai les clés du royaume descieux, » et dont les év. de Rome prétendent avoir hérité. Au 9m« siècle on montrait encore à Rome deux grosses clés d'argent que l'on affirmait être celles que Jésus avait remises à l'apôtre. Toute la théorie de l'absolution repose sur le passage cité. Saint Pierre, et depuis lui les papes, et par leur délégation les prêtres, ont le droit de lier et de délier, c.-à-d. de retenir ou de remettre les péchés, et cela d'une manière absolue, par le seul fait de leur autorité, sans aucune condition morale, à la seule exception des cas réservés. Sans doute ils peuvent demander le repentir, mais ils peuvent aussi s'en dispenser, comme l'a prouvé le scandaleux trafic des indulgences. La principale difficulté, qui a fait rejeter ce pouvoir par les égl. de la réforme, c'est que le droit de lier et de délier n'a pas été donné à Pierre seul, mais à tous les apôtres, comme on le voit par Jean 20, 19. qui d'un consentement unanime, présente le même sens que les paroles adressées à Pierre, et même à tous les disciples, comme cela ressort du passage parallèle Luc 24, 34. où l'on voit Jésus se montrant aux onze assemblés et à ceux qui étaient avec eux. Le vrai pouvoir des clés n'appartient donc ni à un homme, ni à une classe d'hommes, mais à tous les disciples, et cela non dans le sens d'une autorité particulière résidant en eux, mais dans la mesure de leur foi et pour autant qu'ils annoncent la Parole de Dieu et rappellent la prédication de la croix. La nourrice huge-note de Charles IX avait le pouvoir des clés, quand elle disait à ce pauvre mourant: Croyez que Dieu couvrira vos péchés du manteau de la justice de son Fils. — L'interprétation cathol. actuelle des paroles de Jésus à Pierre n'était admise ni par Tertullien, ni par Cyprien; ce dernier dit positivement que les pasteurs ne peuvent pas conférer l'absolution des péchés, mais seulement amener les Ames à la connaissance de leurs fautes et à chercher leur pardon auprès du Seigneur. Saint Jérôme, Augustin, Théodore!, P. Lombard, Adrien VI, tiennent le même langage; l'homme ne peut pas pardonner les péchés, il ne peut qu'annoncer le pardon en J.-C. C'est encore auj. la doctrine de l'Égl. grecque et de toutes les églises d'orient. Thomas d'Aquin est le premier qui ait formulé et précisé la doctrine actuelle du pouvoir des clés, telle qu'elle a été proclamée par le conc. de Trente.

 

CLÈVES, v. Juliers-Clèves.

 

CLOCHES. On trouve déjà chez les Romains, les Égyptiens et les Juifs quelques traces d'une espèce de sonnerie, cloches ou clochettes, pour les convocations religieuses; cependant on peut dire que l'usage régulier des cloches est d'origine chrétienne. On l'attribue généralement à l'év. Paulin, de Nola, quoique dans la description qu'il a laissée des églises, il n'y fasse aucune allusion. C'est au 7roe siècle qu'il est pour la première fois fait mention de cloches, à Rome et à Orléans. Charlemagne en répandit l'usage. Les cloches étaient d'abord faites d'un alliage de cuivre et d'étain; plus récemment on en a coulé en fer fondu, et même on a fait entrer aussi de l'argent dans leur composition. Jean XIV eut le premier, 965, l'idée de baptiser une cloche, à laquelle il donna son nom; c'est la grosse cloche de Saint-Jean de Latran, et dès lors le baptême des cloches fut introduit et s'est perpétué jusqu'à ce jour; l'idée n'était que le développement exagéré d'une pensée vraie, mais elle ne tarda pas à dégénérer en une grossière superstition, comme si la cloche, bénite et baptisée, pouvait par elle-même produire de bons sentiments, chasser les démons et conjurer les fléaux. On lit sur la grosse cloche de Saint-Pierre à Genève: Pestent fugo, pello deemones. En tout cas elle ne chasse pas les orages, elle les attire plutôt. — L'usage de sonner les cloches le soir pour Y Angélus Domini remonte à Urbain II et visait particulièrement les Turcs; il s est conservé après le danger passé; les catholiques récitent alors trois Ave Maria. La sonnerie du matin et de midi est plus récente. Plusieurs égl. évangéliques ont conservé les cloches du soir.

 

CLOVIS, ou Chlodowig (Ludwig. Louis), fils de Childéric et de Basine, femme d'un roi thu-ringien, qu'il avait séduite et qu'il finit par épouser, fut le fondateur de la monarchie fran-que. Né 465, roi 481, f 511. D'un caractère rude et violent, à moitié barbare, dévoré d'ambition, il trouvait trop petit son royaume qui était borné par l'Escaut, Boulogne et Cambrai; il prit Soissons sur Siagrius et poussa jusqu'à Paris 493. La même année il épousa Clotilde, et 3 ans après, à sa sollicitation, ayant gagné sur les Allemands la bataille de Tolbiac 496, il se déclara chrétien et se fit baptiser par Rémi. Sans être exclusivement une manœuvre politique, sa conversion favorisa ses desseins; elle assura sa prépondérance sur les populations chrétiennes, et son catholicisme orthodoxe lui permit de combattre les princes ariens, notamment Alaric et les Visigoths, Arrêté dans ses conquêtes par le grand Théodoric, il n'en re;ut pas moins de l'emp. Anastase les insignes de patrice et de consul, mais il souilla ses dernières années par des assassinats dont le nombre et l'atrocité effraient l'imagination; il fit massacrer les rois de Boulogne, du Mans et de Cambrai pour s'approprier leurs royaumes. Il venait enfin de convoquer le premier concile de France, quand il mourut, laissant ses États à ses 4 fils. Grégoire de Tours loue la sincérité de son cœur et met sur le compte de la bénédiction divine l'agrandissement successif de son royaume; c'est un jugement bien partial et superficiel, mais il n'en est pas moins vrai que la conversion de Clovis, quelle qu'elle ait été au fond, est une date importante, à la fois pour l'hist. de France et pour l'hist. du christianisme.

 

CLUNY, ou Clugny, célèbre abbaye de Saône-et-Loire, fondée 910 par Guillaume d'Aquitaine et par Bernon, abbé du couvent de Beaume; elle appartenait à la règle stricte de l'ordre de saint Benoît, et ne relevait que du pape. Réformée 930 par Odon, successeur de Bernon, elle compta bientôt plusieurs couvents, et de puissants abbés accrurent la considération dont elle jouissait. Dans le nombre il faut compter surtout Pierre-le-Vénérable 1122-1156, l'adversaire de Pierre de Bruys, mais protecteur d'Abélard contre Bernard de Clairvaux; c'est à lui qu'on doit les Coutumes de Cluny qui transformèrent en règles ce qui n'était que coutumes et organisèrent en congrégation les nombreux couvents qui se rattachaient à la maison. Au 12^® siècle l'abbaye atteignit le plus haut point de prospé ri té; elle ne comptait pas moins de 2000 couvents, et son chef portait le titre d'Abbé des Abbés, mais ce titre ayant été donné à l'abbé du Mont-Cassin par un concile de Rome 1126, l'abbé de Cluny prit celui d'Archi-abbé. Les richesses, la puissance, les privilèges ne tardèrent cependant pas à porter leurs fruits accoutumés; la discipline se relâcha, les divisions au dedans, les jalousies au dehors menacèrent jusqu'à l'existence de la congrégation, et l'abbaye, pour se soustraire aux dangers, se mit sous la protection des rois de France, qui devinrent ses maîtres en même temps que ses protecteurs. En 1528 Cluny tombait entre les mains des Guise dans la personne du cardinal Jean de Lorraine; puis venait le cardinal Char les, puis Claude de Guise f 1612, puis le cardinal Louis de Lorraine + 1621; quelques essais de réforme eurent lieu, mais sans aboutir ,* le parti des vieux l'emporta sur celui des jeunes, surnommés les Réformats; ces derniers obtinrent cependant de l'abbé prince de Conti 1645 le droit d'avoir un chapitre annuel, avec un su périeurde leur choix; déjà en 1634 ils s'étaieni rattachés aux bénédictins de Saint-Maur. Maza rin condamna le parti des jeunes, mais comprit la nécessité d'introduire quelques réformes. Dès lors les divisions ne firent que s'accentuer, l'ordre déclina, et lorsqu'en 1790 la révolution supprima l'abbaye, dont le dernier abbé fut un La Rochefoucault, ce n'était plus qu'un riche bénéfice, une prébende sans action, ni autorité. Ses reliques et ses ornements précieux furent vendus, et sa riche bibliothèque fut réunie au domaine public; elle fait auj. partie de la Bi-blioth. nationale.

 

COADJUTEUR, aide d'un ecclésiastique empêché par l'âge, la maladie ou d'autres motifs, de remplir tout ou partie de ses fonctions. Son entretien lui est assuré sur les revenus de la place, et le plus souvent la survivance lui est promise. D'après le Conc. de Trente, c'est l'év.

qui nomme le coadjuteur d'un curé. Dans la rè-jçle les évéques n'ont point de coadjuteurs; en cas d'empêchement, ce sont les év. voisins, ou l'év. provincial qui le remplacent, mais en pratique et dans des cas d'urgence on sait touj. faire fléchir la règle, en ayant soin que le coadjuteur remplisse toutes les conditions requises d'un évêque réel et qu'il possède le titre d'un autre évêché, souvent fictif (ainsi le comte de Wessenberg à Constance, Geissel à Cologne). Même alors le coadjuteur n'a le droit ni d'aliéner, ni de dénaturer les biens du diocèse. Il faut pour la nomination d'un coadjuteur episcopal le choix du chapitre, le placet du gouvernement et la confirmation du pape.

 

COCCÉIUS (Jean Koch), né à Brème 1603, fils du secrétaire de la ville, qui était un homme craignant Dieu. Il fit ses études à Brème, à Hambourg, enfin à Franeker sous Amesius et A marna. En 1629 il fut nommé prof, de philologie biblique à Brème, en 1636 à Franeker, entin de dogmatique à Leyde, où il + 1669. Il a fait école, et ses disciples furent appelés Coc-cèiens. Il a rendu des services à la théol. en général par la largeur de ses vues et la profondeur de ses aperçus; à l'Égl. réformée par sa conception claire de la liberté dans le développement de la foi, et à l'esprit religieux par l'importance qu'il attachait à la piété dans ses rapports avec les formules théologiques. Strictement orthodoxe réformé il n'aimait pas la scolastique et la rendait responsable, à cause de la subtilité de ses distinctions, des luttes qui existaient au sein des égl. protestantes. En exégèse il a posé le principe qu'un texte de l'Écriture doit s'expliquer par le contexte et, contrairement à l'exégèse traditionnelle, qu'il doit signifier tout ce qu'il peut signifier dans ce contexte, alors même que cette explication dérangerait certaines idées reçues; Vitringa, son élève, a prouvé l'excellence de ce principe. Mais c'est dans h dogmatique surtout qu'il a innové. Au lieu de prendre son point de départ dans le N. T. seul et dans la doctrine du salut, il le prend à l'ori-gine, dans les rapports de Dieu avec l'homme, dans les alliances successives qu'il a contractées avec Phomme, savoir: Avant la chute, alliance en quelque sorte unilatérale, où Dieu donne tout et l'homme reçoit tout; après la chute, alliance de grâce et de restauration, qui se divise en 3 périodes: Avant la loi, sous la loi, après la loi, ou économie de la conscience, de la loi et de l'Évangile. Coccéius avait laissé le chemin traditionnel de l'école, pour inaugurer la théol. biblique; il prenait l'histoire sainte pour fil conducteur et suivait dans l'histoire le développement de la doctrine. Son principal ouvrage est intitulé: Summa doctrinœ de fœdere et testamento Dei 1648, et le mot de fœdere (alliance) a servi à désigner son système, qu'on a appelé la théologie fédéraliste, ou des alliances. Très vivement attaqué par les orthodoxes rigides, notamment par VoPtius, comme ayant une tendance vers l'arminianisme et comme n'affirmant pas suffisamment la prédestination, le fédéralisme devint un champ de bataille qui en 1672 menaçait de sortir des bornes de la simple discussion; les esprits s'échauffaient et il fallut le synode d'Amsterdam 1677 pour assurer à la doctrine de Coccéius le droit de vivrr et de s'affirmer dans le pays et dans l'Église. On a du même auteur un Lexicon et Comment. Serrn. hebraici et chaldaici. Œuvres compl. publ. par son fils.

 

COCHLIEUS (Jean Dobeneck), théol. catholique de l'époque de la Réformation. Né à Wen-delstein, près Nuremberg 1503, il fut nommé doyen à Francfort, puis à Mayence, chapelain et secrétaire du duc Georges de Saxe à Dresde, enfin chanoine à Breslau où il f 1552. II avait beaucoup voyagé. Un des agents les plus passionnés de la controverse contre les protestants, il trouva moyen de se mêler à diverses négociations importantes. Déjà par la protection du légat Aléandre, il put assister à Worms à la conférence de Luther avec le prince électeur de Trêves, 24 avril 1521. A Augsbourg 1530 il prit part à la rédaction de la Confutation de l'Augustana. Il fut présent à la conférence de Haguenau 1540, et au Colloque de Ratisbonne 1546. Ses ouvrages sont peu importants; il ne voit dans la Réforme qu'une question d'intérêts personnels. Son Hist. des hussites est le plus utile à consulter, par le nombre des sources qu'il a eues à sa disposition.

 

COELLN, Daniel-Georges, né 1788, f 1833, prof, de théol. à Breslau, rationaliste modéré, auteur d'une Théologie biblique. Il écrivit contre Hengstenberg pour réclamer l'entière liberté d'enseignement.

 

CŒUR (Fête du sacré-) de Jésus. Il y avait déjà la Fête-Dieu, Corporis Christi. Un mystique du siècle dernier, Joseph de Galiffet (1663-1745), provincial des jésuites de Lyon, étant tombé malade, s'engagea, s'il guérissait, à se consacrer tout entier à la gloire du sacré cœur de Jésus. Il publia en effet un traité latin sur ce sujet, qui parut à Rome 1726, avec un mémoire approbatif et enthousiaste des visions de la mère Marie Alacoque q. v. Nouvelle édition française du traité, Paris 1733, sous le titre de: Excellence de la dévotion au Cœur adorable de Jésus, étrange composé de spiritualisme matérialiste et d'aspirations charnelles. De nombreux théologiens et le conc. de Pistoie condamnèrent cette innovation et ce culte rendu à la nature humaine du Sauveur; mais les jésuites étaient là, les vieilles fêtes ne suffisaient plus pour ranimer le zèle des fidèles, il fallait du nouveau; Clément XIII autorisa, Pie VI dans sa bnlle Auctorum fidei, recommanda la fête, et maintenant, quoiqu'elle ne soit pas encore ordonnée, elle a pour elle la mode; c'est en son nom que sp font les miracles, que s'organisent les pèlerinages et que se fondent les églises. Elle se célèbre ordinairement à l'octave de la Fête-Dieu.

La Congrégation du Sacré-Cœur date de 1794; elle se forma sous les auspices des abbés Charles de Broglie et Tournelly. De Louvain les circonstances politiques la forcèrent de se rendre à Augsbourg, puis à Vienne où, en 1799, elle se fusionna avec les paccanaristes, aulre branche des jésuites. Le conc. de Pistoie se prononça contre eux. Une congrégation de femmes, du même nom, fut fondée à Paris 1800 par MUc Barat. Léon XII la reconnut 1826. Elle s'occupe surtout de l'éducation de la jeunesse, et compte des succursales dans presque tous les pays du monde.

 

COLENSO, J.-W.; né 1814 dans le Cor-uouailles, étudia à Cambridge où il fut agrégé à Saint-John's Collège. De 1836 à 1842 il fut inaitre-adjoint au collège de Harrow, passa ensuite 4 ans k Cambridge, 7 ans à Norfolk comme pasteur et se distingua surtout par ses traités d'arithmétique et d'algèbre. En 1853 il fut nommé év. de Natal, et en 1855 commença une série de publications, dont la plus importante, contre le Pentateuque et Josué, amena en 1864 sa révocation par les 2 chambres de la convocation de Cantorbéry. Il tint bon, soutenu par le Conseil privé, et ses adhérents lui firent de riches cadeaux. Sa destitution fut de nouveau ratifiée par le Conseil pan-anglican, et l'év. Gray, du Cap, lui donna un rival en la personne du Dr Macrorie. Il y eut ainsi 2 évêques dans la contrée, ce dernier soutenu par les colons et l'Église; Colenso surtout par les Zoulous, dont il avait défendu les droits, f 20 juin 1883 à Natal. Il repoussait le dogme de l'inévitable damnation des païens, et l'obligation imposée aux convertis de renoncer k la polygamie.

 

COLÈRE de Dieu, l'une des expressions an-thropopathiques le plus souvent employées dans la Bible, surtout dans l'A. T., pour représenter en langage d'homme le sentiment qu'inspire à Dieu la vue du mal et du péché. La colère est ordinairement l'expression d'un sentiment mauvais; cependant elle peut être quelquefois considérée comme juste, légitime et sainte; dans ce cas on emploierait plutôt le mot d'indignation, mais c'est à peu près la même chose. En parlant de Dieu les auteurs sacrés veulent désigner simplement, de manière à le faire comprendre à l'homme, le déplaisir que lui causent des actes contraires à sa sainteté et au but qu'il se propose dans le gouvernement du monde; il s'y rattache en même temp& jme idée de justice, par conséquent de châtiment, v. Ex. 32, 10. Jug. 6, 39. Job 9, 13. Matt. 3, 7. Rom. 1, 18. Eph. 5, 6. cf 4, 26. Apoc. 6, 16.

 

COLIGNY. Gaspard, comte de Coligny, devenu chef de la maison de Ch&tillon par l'entrée de son frère Odet dans les ordres, naquit à Châ-tillon-sur-Loing, 16 févr. 1518. Il fut présenté de bonne heure à la cour par son oncle le connétable, et se lia d'amitié avec François de Lorraine qui, plus tard, devenu duc de Guise, devint son plus implacable ennemi. On trouvera partout l'histoire de sa carrière militaire, que nous n'avons pas k raconter. Il servit son pays comme soldat pendant plus de 40 ans, et versa son sang sur maint champ de bataille avant d'être assassiné par ordre de son roi. 11 reçut sa première blessure au siège de Montmédv 1542. En 1543 il était à Landrecies, en 1544 à Cérisoles, puis à Carignan. En 1551 il fut nommé gouverneur de la Champagne, puis amiral de France. Après la campagne de 1552-1555 qui donna k la France Metz, Toul et Verdun, il défendit Saint-Quentin avec vigueur, en 1556, retint les Espagnols pendant 3 semaines, ce qui les empêcha de marcher sur Paris, mais dut enfin capituler et fut fait prisonnier. 11 passa 2 ans au château de Gand, où il lit une grave maladie. Il employa ses loisirs à écrire l'hist. du siège qu'il avait soutenu, et à étudier La Bible et divers livres de controverse. En 1558 il se convertit au protestantisme et, quand il eut recouvré sa liberté, il abjura publiquement le catholicisme, avec sa famille; la noble Charlotte de Laval, qu'il avait épousée en 1547, partageait ses convictions. Dès ce moment, et plus désintéressé que Condé, il se consacra tout entier au service de l'Église, ne demandant au roi que le libre exercice du culte pour les réformés, et l'observation des édits rendus en leur faveur, deux choses qu'on ne se lassa pas do leur accorder en apparence et de leur refuser dans la pratique. De là ces 25 années de guerres de religion, qui aboutirent à la Saint-Barthé-lerny. On essaya, mais en vain, de le faire passer pour compromis dans la conjuration d'Am-boise; ni le roi, ni la reine, ni les Guise, ni Brantôme ne le crurent. Mais navrés des affreuses exécutions dont ils avaient été les témoins, Coligny et Andelot demandèrent à la reine la permission de quitter la cour, et Coligny fut chargé d'une mission en Normandie: il fortifia Dieppe, comme il avait fortifié Boulogne, et prépara les voies à un essai de colonisation dans la Floride. Rappelé à Fontainebleau, pour y assister à une assemblée des Notables, il travailla, d'accord avec le chancelier de L'Hospital, à procurer la paix du pays « troublée par la diversité de religion et par la lourdeur des impôts. » Les év. Montluc et Marillac forent d'accord à blâmer les persécutions, mais les Guise manœuvrèrent de manière à empêcher tonte résolution positive. Les États d'Orléans et le colloque de Poissy n'aboutirent pas davantage. Le massacre de Vassy donna le signal de la reprise des hostilités, et Coligny fut élu lieu-tenant-général des armées protestantes, sous les ordres deCondé. Il s'opposa à toute demande de secours aux puissances étrangères, laissant aux Guise le triste honneur de vaincre des Français avec des troupes espagnoles. Il empêcha la bataille de Dreux de se changer en une véritable déroute, et envahit la Normandie, maintenant dans son année la plus stricte discipline. Accusé par ses ennemis de complicité dans l'assassinat du duc de Guise par Poltrot, il n'eut pas de peine à prouver son innocence; son grand caractère suffisait pour le mettre à l'abri de tout soupçon, et le Conseil privé, en 1566, le déchargea officiellement d'une participation quelconque à ce crime. — La paix d'Amboise ne dura pas longtemps. Coligny dut reprendre les armes en 1567, et son armée fut presque détruite à la bataille de Saint-Denis; lui-même, emporté par son cheval, faillit être fait prisonnier. Il était sous les murs d'Orléans quand il apprit que sa femme était à toute extrémité; elle était tombée malade en soignant les soldats dans les hôpitaux; elle mourut 7 mars 1568. Après la petite Paix de Longjumeau, les intrigues des Guise lirent recommencer les persécutions; Coligny fortifia La Rochelle, et après la malheureuse bataille de Jarnac, où Condé fut tué, il fut nommé général en chef. Battu de nouveau à Moncontour, il répara promptement ses brèches, et se jeta sur le midi, prit Toulouse, Nîmes, Aubenas, Saint-Étienne. Mais épuisé de fatigues, souffrant de ses blessures, accablé de soucis, il tomba gravement malade. Le roi venait de le faire pendre en effigie, et d'offrir 30,000 écus d'or à qui le lui livrerait « mort ou vif. * A peine en convalescence, Coligny battit le maréchal Brissac à Arnay-le-Duc 27 juin 1570, et se mit en marche sur Paris. La cour effrayée accepta la paix qui lui était offerte, et le traite de Saint-Germain fut signé le 8 août, garantissant aux réformés la liberté de conscience, ^i Coligny, ni Télignyson gendre ne pouvaient croire que ce ne fût qu'un leurre et une infâme perfidie. L'amiral congédia ses troupes étrangères; cependant il céda aux conseils de la prudence en se retirant à La Rochelle, où il assista comme député an synode d'avril 1571. Mais la cour le rappela k Blois; il y arriva en septembre. Charles IX le reçut comme son père, le combla d'honneurs, lui rendit ses charges et parla de lui confier le commandement de la guerre de Flandres. En vain ses amis lui conseillaient de se méfier des Guise et de la cour: tous les avertissements étaient inutiles. Le 7 août 1572 il écrivait encore au prudent capitaine Blosset: Nous avons un bon roi. Celui-ci lui répondit: Il nous est trop bon, c'est pourquoi j'ai envie de m'en aller. Le 22 août, comme il sortait de chez le roi, Coligny reçut deux coups d'arquebuse de Maurevel, le tueur du roi, et Paré dut faire l'amputation de l'index de la main droite. Le roi témoigna une grande colère contre l'assassin, fit placer ses propres gardes k la porte de l'hôtel de Coligny, et deux nuits après, donnait le signal du massacre des protestants. Le 24 août à 2 h. du matin le tocsin sonnait à Saint-Germain l'Auxerrois, et inaugurait cette nuit fatale, qui déshonorait une monarchie et une Église. Coligny fut assassiné par les gardes mêmes que le roi lui avait donnés; percé ^ de coups, son corps fut jeté dans la cour où Guise vint bientôt le reconnaître et le repoussa du pied en disant: C'est bien lui. La tête de l'amiral fut d'abord portee au roi, puis embaumée et envoyée au pape; le corps mutilé fut pendu à Montfaucon où le roi se donna le plaisir de l'aller voir; il en rêva jusqu'à sa mort. Le maréchal de Montmorency fit transporter secrètement le cadavre à Chantilly, jusqu'à ce que en 1599 il put être inhumé dans le tombeau de la famille à Châtillon-sur-Loing. Coligny, dont la mémoire fut déclarée infâme par le parlement de Charles IX, est resté une des plus belles et des plus pures gloires de la France, à la fois grand capitaine, grand diplomate, grand citoyen et humble chrétien. Il a laissé une Relation du siège de Saint-Quentin, une de la bataille de Dreux, une réponse à l'interrogatoire de Poltrot, un discours sur la guerre des Flandres, des Ordonnances sur la discipline militaire, etc. — De sa première femme il eut 6 fils et 2 filles; plusieurs moururent en bas âge; François né le 28 avril 1557, soutint dignement la réputation du nom paternel; sa sœur Louise, femme de Téligny, puis de Guillaume de Nassau, fut la trisaïeule de Frédéric-Guillaume roi de-Prusse, duquel est issue la duchesse Hélène d'Orléans, mère du comte de Paris. De sa seconde femme, Jaqueline de Montbel, il n'eut qu'une fille, posthume, Béatrice, qui fut arrachée à sa mère et élevée dans la religion catholique. — V. Haag, Tessier, J. Delaborde, Bersier. — Un monument vient de lui être élevé à Paris, au chevet de l'Oratoire, non loin de l'égl. Saint-Germain-l'Auxerrois qui donna le signal des massacres.

 

COLLECTES a deux sens: lo Quêtes pour un objet déterminé ou d'intérêt général; déjà connues dès les temps apostoliques, Rom. 15, 25. Act. 24, 17, etc., elles se sont continuées dan

tous les âges, parce qu'elles répondent à des besoins réels; parfois elles se sont multipliées abusivement, et l'usage a dû en être réglé soit par l'État, soit par l'autorité ecclésiastique supérieure. Dans l'Égl. réformée les collectes pour ce qu'on peut appeler les objets de luxe, cloches, clochers, orgues, etc., ont été longtemps interdites. — 2° Courtes prières qui se font encore à l'autel avant la lecture de l'Évangile ou des Épîtres.

 

COLLÈGES. On désigne sous ce nom toute association ou fondation qui a pour objet l'instruction publique ou le bien de l'Église. Les collèges nationaux ou pontificaux sont destinés, dans les pays non catholiques, à former un clergé qui, exclusivement soumis a Rome, prend soin de ses intérêts, provoque des conversions, surveille les ecclésiastiques, leur donne le ton dans les moments difficiles et représente la mé-* tropole au milieu des infidèles. Quand ces collèges ont une destination particulière, ils prennent le nom de la nation dans laquelle, ou pour laquelle ils sont créés. Ainsi: le Collège germanique fondé en 1552 par Loyola pour combattre la réforme en Allemagne; déchu, puis relevé par Grégoire XIII, 1573, qui fonda aussi un collège grec, un anglais, un maronite, etc. Ces établissements étaient tous placés sous la direction de la congrég. pour la propagation de la foi. — Les ecclésiastiques d'une église paroissiale, s'organisant sur une base commune, comme les employés d'une cathédrale, forment un collège, et leur église prend le nom de collégiale; les deux peuvent coexister dans une même ville, et historiquement l'on peut dire que si les chanoines représentaient en général la noblesse et l'aristocratie, les collégiales représentaient plu-têt la bourgeoisie.— Spener avait fondé, sous le nom de Collèges de piété des conférences ou réunions d'édification, qui valurent à ceux qui en faisaient partie le surnom de piètistes. On donne aussi le nom de collégiants à une fraction d'arminiens qui, à l'époque des persécutions, se réunissaient pour étudier la Bible. Les trois frères De Codde de Leyde, en étaient les chefs; les orateurs s'appelaient des prophètes. Ils ne tardèrent pas à se fondre dans les qnakers ou dans les anabaptistes. La secte s'éteignit vers 1800.

 

COLLYRIDIENS. v. Antidicomarianites.

 

COLOGNE, ancienne capitale des Ubïens, 37 ans av. C., puis de la Germanie inférieure, enfin des Francs Ripuaires, fut embellie par la fille de Britannicus, femme de Claude, qui y était née 51 ap. C. et reçut d'elle les noms de Colonia Claudia Augusta Agrippina, dont le premier seul, Colonie ou Cologne, lui est resté. La légende lui donne pour premier èvêque Materne, le jeune ressuscité de Nain; l'histoire accepte le nom de Materne, mais le place au 4me siècle sous Constantin vers 313; Materne intervint dans les discussions donatistes et signa les actes du conc. d'Arles 314. En tout cas la légende de sainte Ursule, celle des trois mages, celle des onze mille vierges et d'autres encore prouvent que l'Évangile s'introduisit de bonne heure dans cette colonie, mais il n'y régna sans conteste qu'à dater de Clovis et de l'incorporation de la ville à l'empire franc. Après quelques hésitations de Boniface qui avait fini par se décider pour Mayence, Cologne devint cependant sous Charlemagne le siège de l'archevêché pour les contrées du Rhin, comprenant les év. de Liège, Utrecht, Osnabrllck, Minden, Munster et Brème. Plusieurs archevêques jouèrent dès lors un rôle politique important, entre autres Bruno, le frère d'Othon 1er, 953-965, qui la fit déclarer ville libre et impériale. La faveur des papes et des emp. augmenta la considération dont jouissaient ces prélats privilégiés, et la dignité électorale qui leur fut définitivement conférée en 1357, mais qu'ils avaient déjà possédée à plusieurs reprises, ajouta à l'importance politique de leur rôle. Les richesses qu'ils avaient acquises et l'étendue du territoire sur lequel ils régnaient, leur suscitèrent de nombreuses difficultés de juridiction avec les seigneurs dont les terres et les châteaux étaient enclavés dans le j diocèse. L'Église, comme telle, eut beaucoup à en souffrir pendant 2 siècles, et il ne fallut rien moins que la Réformation pour apporter un remède à cet état de choses. La ville de Cologne, par une curieuse anomalie, était restée ville libre et n'appartenait pas à l'électorat; elle était devenue un centre littéraire et intellectuel, comme elle était déjà un centre commercial. La Réforme y pénétra, mais y fut en partie étouffée par les princes de la maison de Bavière, après que l'archev. Gebhard de Wildburg eut épousé Agnès de Mansfeld; on n'admettait pas que dans ces conditions il pût conserver son siège. — Parmi les prélats qui ont honoré le diocèse, il faut nommer saint Séverin f 408, Cunibert 631 663 qui fut presque régent d'Austrasie sous Dagobert et Sigebert; Bruno I**, Annon II, Réginald de Dassel 1159-1167, qui reçut de Frédéric I^r de nombreux domaines en Italie, ainsi que les têtes des trois mages et plusieurs os de Félix, de Nabor, d'Apollinaire, etc.; saint An-getbert de Berg, assassiné par le comte d'Isen-bourg; Conrad de Hochstaden, qui posa les fondements de la cathédrale 1248; Hermann Vde Wied, qui se prononça pour la Réform. et fat chassé 1546. Le diocèse n'a cessé d'aller dès lors en déclinant. Louis XIV s'en empara un moment. Les Français le prirent de nouveau en 1795. Le dernier électeur, Maximilien-François-Xavier f 1801, était frère de Marie-Antoinette.

En 1803 l'électorat fut sécularisé, et depuis 1814 Cologne appartient à la Prusse. La bulle De sa-Jute animarum a reconstitué en 1821 le diocèse qui avait été désorganisé, et qui comprend auj. les év. de Munster, Paderborn, Trêves et Osna-JbrUck. Droste-Vischering q. v. vint ensuite, puis Geissel, Paulus, et auj. M. Melchers.

Les égl. protestantes datent de la domination franç. et se rattachent au consist. de Coblence.

 

COLOMBA, ou Columba surnommé Columkill (de kill, cellule, couvent, parce qu'il fonda de nombreux couvents), s'appelait proprement Krimthan. Né 7 dec. 521 à Gartan, Irlande, d'une famille noble, il fonda 546 le couvent au tour duquel s'éleva plus tard la ville de Lon-donderry, et s'embarqua 565 pour l'Ecosse: le roi Conall lui ayant donné l'île de Hy, ou Jona (dès lors Icolmkill) il y fonda un couvent, qui devint le centre d'un mouvement missionnaire remarquable, en particulier pour les Hébrides, la Calédonie et les Culdéens. Il fut à la fois le fondateur de l'Église chez les Scots et les Pietés et leur législateur, aussi distingué par sa douceur que par son énergie et son activité, f 9 août 597. La légende lui attribue une foule de miracles.

 

COLOMBAN, ou Columban, né en Irlande ou en Angleterre, vers 525, d'autres disent vers 545 ou 550, passa ses premières années dans le couvent de Jona, en Écosse, puis dans celui de Bangor, en Irlande, où il ne s'occupa d'abord que d'études et d'exercices de piété. Assez tard, il se sentit pressé de se rendre sur le continent pour y travailler à la conversion des païens. Il partit vers 585 avec 12 compagnons, parmi lesquels Gallus, ou saint Gall, et se rendit dans la contrée des Vosges, Plombières, etc. Là tout en travaillant à défricher le sol, il réunit un grand nombre de disciples pour lesquels il construisit plusieurs couvents, entre autres ceux d'Annegray et de Luxeuil, qu'il soumit à une discipline sévère et à la règle de saint Benoit, mais où régnait en même temps une profonde piété. Les <lémêlés qu'il eut avec le clergé bourguignon sur la question du jour de la Pâque. et surtout sa franchise à censurer les débordements de Brunehaut et de son petit-fils Thierry II, roi de Bourgogne, l'obligèrent à quitter le pays en 610. Contraint de se rembarquer pour l'Irlande, il prophétisa, dit-on, la ruine de ses persécuteurs ^t la conquête du royaume de Bourgogne par Clotaire II, qui eut lieu en effet 3 ans après. Rejeté par une tempête sur les côtes de la tiaule, il traversa l'Helvètie, séjourna quelque temps sur les bords du lac de Constance à Bre-genz, et put enfin se rendre dans la Haute-Italie pour y porter l'Évangile aux Lombards. Arrivé à Milan il y baptisa le roi Agilulf et une grande partie de son peuple, tout en tenant tête avec une inébranlable fermeté au pape Boniface IV, qui voulait lui imposer les rites romains. Après avoir fondé encore le couvent de Bobbio, il y f 616 (15 nov.?). Il a laissé quelques poésies et plusieurs écrits contre les ariens.

 

COLOMBIE, républ. fédérative de l'Amérique du Sud, formée en 1819 et 1821 de neuf provinces arrachées par Bolivar à l'Espagne, cessa d'exister en 1831 et se partagea en 3 républiques indépendantes, celles de la Nouv.-Grenade, de l'Equateur et de Vénézuela, qui portent le nom de Conféd. des Ét.-Unis de l'Amérique du Sud. Les catholiques y sont en immense majorité, mais ils pratiquent peu, ils méprisent leur religion et leurs couvents, s'amusent de leurs processions, font des lois contre les jésuites et maintiennent les droits de l'État contre le clergé. Leur principal lieu de pèlerinage est Chinquin-quira, où il y a de riches madones magnifiquement ornées. A Santa-Fé de B >gota la Vierge porte 1358 diamants, 1259 émeraudes, 59 améthystes, 1 topaze, 1 hyacinthe et 372 perles; le piédestal est orné de 609 améthystes.

 

COMENIUS, Jean-Amos, né 1592 à Komnia, Moravie, grammairien et pédagogue, auteur de plusieurs ouvrages sur l'étude des langues (/a-nua linguarum, 1631, trad. dans presque toutes les langues; Novissvna methodus 1648, Orbis sensualium pictus 1650) est plus connu dans le, monde religieux par son zèle et sa piété. Recteur à Prerau 1614, puis pasteur de l'égl. mo-rave à Fulneck, il fut frappé par Fédit de persécution et se réfugia à Lissa où il publia son premier écrit qui le rendit bientôt célèbre. On le demanda en Suède, en Angleterre, en Transylvanie pour y organiser les écoles. Ses principaux séjours furent Elbingen et Lissa, où il travailla pendant ses loisirs à une encyclopédie de toutes les sciences; mais Fincendie de cette dernière ville 1655 ayant détruit tous ses livres, il se rendit à Francfort-sur-FOder, puis à Hambourg, enfin à Amsterdam, où il donna des leçons et publia ses ouvrages philosophiques. Il avait été consacré évêque au synode de Lissa 1632, et ne cessa pendant la guerre de Trente ans de plaider la cause des égl. de Moravie et d'espérer. Il publia en 1648 et 1649 l'Hist. de l'origine des Frères, écrite en latin par Lasitius, et il y ajouta un 8« chapitre sur leurs mœurs et leurs institutions; plus tard 1661, un Catéchisme. Le malheur des temps le disposa à admettre certaines prophéties et visions qui faisaient beaucoup de bruit; on croit volontiers ce qu'on désire; on annonçait le règne de mille ans pour 1672, et il imprima quelques-unes de ces prédictions en 1657 sous le titre de Lux in tene-bris, mais il reconnut ses erreurs dans un livre sur la Seule Chose nécessaire, 1668. Il fit agréer et consacrer comme évêque son gendre

Pierre Jablonskv, puis, a la mort de ce dernier, son petit-fils Daniel Ernest. Il f à Amsterdam 15 nov. 1671. Son fils mourut aussi à Amsterdam, pasteur des Bohémiens réfugiés.

 

COMESTOR, le dévoreur, Pierre, ainsi nommé parce qu'il avait lu beaucoup de livres; né à Troves, doyen de cette ville, directeur de l'école de théol. de Paris pendant 5 ans, + & l'abbaye de Saint-Victor vers 1178 ou 1198, auteur d'un abrégé annoté des S. Écritures, intitulé Historia scholastim, qui fut plus tard trad. en français et servit de base au Comment, de Guiar.

 

COMMANDEMENTS de l'Église. On comprend sous ce nom 5 ou 6 règles de conduite ajoutées avec le temps aux dix commandements de Moïse. Ils portent en substance sur 1° la célébration des fêtes, 2° la fréquentation de la messe, 3° les jeflnes et la distinction des aliments, 4° la confession une fois l'an au moins, et 5° la communion, aussi une fois l'an. Ces deux derniers points sont quelquefois réunis en un seul, et le 5me serait l'interdiction de toute noce pendant les fêtes ecclésiastiques. Bellarmin en ajoute un 6m« sur la dîme.

 

COMMENDES, bénéfices ecclés. dont le titulaire n'était pas obligé de remplir lui-même les fonctions; quelquefois aussi la simple jouissance des revenus pendant une vacance. Des abbayes étaient souvent données comme commences à des ecclésiastiques séculiers. On trouvait ainsi le moyen d'éluder, au moins pour la forme, les dispositions sur le cumul des bénéfices. L'abus des commendes, si scandaleux sous les papes d'Avignon, a été restreint sinon supprimé par le conc. de Trente. Le délégué d'un abbe commendataire s'appelait prieur claustral, et devait résider; il avait le pouvoir spirituel.

 

COMMODE, emp. romain 180-192, fils de Marc-Aurèle, monstre de cruauté et d'impudi-eité, ne persécuta du moins pas les chrétiens; on dit que son indulgence sous ce rapport fut due à l'influence de Marcia, sa maîtresse, la même qui le fit empoisonner pour éviter la mort.

 

COMMODIEN, poète chrétien du 3™ siècle: né païen en Afrique. Son poème: Instructions contre les dieux des gentils, est un des plus vieux documents de la poésie chrétienne; il po-lémise contre le paganisme et a des tendances chiliastes prononcées. Ed. de Ludwig, Leipzig 1877.

 

COMMON Prayer-Book, v. Anglicane.

 

COMMUNICATION des idiâmes, terme de théol. luthérienne, affirmant que les deux natures en Christ se sont tellement unies qu'elles se sont communiqué l'une à l'autre leurs propriétés respectives; ainsi la divinité est devenue mortelle, l'humanité possède la toute science, etc. Les théol. réformés ont combattu cette doctrine comme menant au nionophysitisme; ils s'exposaient eux-mêmes à se voir traités de nes-toriens. On commence à comprendre la puérilité de semblables discussions.

 

COMMUNION, se prend dans plusieurs sens différents. Il est synonyme de sainte Cène, et l'on en a fait dériver le verbe communier, tantôt neutre, tantôt même actif pour: donner la communion. Chez les catholiques on dit la Communion laique, pour l'ensemble des fidèles, par opposition aux ecclésiastiques; un prêtre n'y peut rentrer que par dispense spéciale, ou par destitution. La communo pereyrina (étrangère) est une espèce de suspension; le prêtre qui y est condamné est assimilé k un prêtre étranger qui ne peut produire aucune pièce justificative; il conserve la jouissance de ses revenus, mais ne peut remplir aucune fonction ecclésiastique. — Dans Je Symbole des apôtres la Communion des saints est mentionnée dès le 5me siècle comme article de foi et suit immédiatement la mention de l'Église; elle consacre l'idée de l'Égl. invisible, mais il est difficile de préciser exactement la nuance qui sépare les deux articles. — Les livres de C. ont touj. été nombreux. Chez les cathol. il faut citer le chap. IV de l'Imitation de J.-C.; chez les luthériens Luther, Osiander. Fresenius; chez les anglicans. Bradshaw; chez les réformés en France, le Voyage de Beth-EI, Saumur 1677; et plus récemment Ad. Monod, Grandpierre, L. Bonnet, (ionthier, Pilet, Goût, etc. — V. Eucharistie.

 

COMMUNISME et socialisme. Deux mots qoi dans la langue vulgaire se confondent fréquemment, bien qu'ils représentent des tendances absolument contraires; ils n'ont de commun que le désir et la prétention de remédier aux lacunes de l'organisation sociale, telle qu'elle résulte des différences de forces, de talents, d'aptitudes et de besoins qui se rencontrent dans Phumanité. Ils sont l'un et l'autre la négation de la liberté et la subordination de l'individu à l'intérêt général. Nous n'avons à les mentionner ici que par le fait, très curieux, que ces tendances se sont produites à presque toutes les époques sous le manteau de l'Église et comme sectes religieuses, depuis les circoncellions, les pastoureaux et les heggars jusqu'aux anabaptistes, tandis que de nos jours elles affectent plutôt l'irréligion la plus caractérisée et le matérialisme le plus grossier. Cela tient à ce que le christianisme est la source de tout progrès et de toute amélioration, ce qui a surexcilé les espérances des malheureux et des opprimés; mats comme il procède lentement et qu'il condamne les moyens violents, les malheureux se sont cru abandonnés; ils ont vu dans le christianisme un ennemi, parce qu'il leur conseillait la patience et la résignation; des récriminations réciproques ont aigri les esprits des deux côtés et la séparation s'est faite et tranchée de plus en plus. L'économie politique prouve que le communisme n'est pas réalisable à la longue, mai? les rêves du socialisme humanitaire ne sont pas tous des chimères, et ceux qui s'en font un épou-vantail, au lieu d'examiner toutes choses pour retenir ce qui est bon, vont à rencontre du but qu'ils se proposent; ils aggravent le mal au lieu de l'empêcher, et ne servent ni l'Église, ni l'ordre, ni l'humanité. La société vraiment religieuse en Allemagne, en Suisse, en Angleterre, a compris que ne pouvant supprimer le problème de la misère et de la souffrance, ni le nier, ni le résoudre, la sagesse ne consistait pas à fermer les yeux ou à se croiser les bras, mais à travailler de manière à adoucir le mal le plus possible el à combattre tout ce qui était de nature à l'envenimer. La charité est au fond le grand remède, et comme forme, non l'aumône, mais l'association, la coopération et la mutualité. Les sociétés coopératives et la mission intérieure dans plusieurs de ses branches ont fait plus de bien, et en tout cas moins de inal, que les théories des Babœuf, des Darthé, des La Mennais, des Cabet et des Proudhon.

 

COMPACTATA de Bàle; articles formulant les concessions faites on 1433 par le concile de Bâle aux réclamations des fr. de Bohême, savoir 1° la Cène sous les deux espèces, la libre prédication de la Parole de Dieu par des ecclésiastiques réguliers, 3<> l'administration des biens par le clergé, mais non la possession, V> rétablissement d'une discipline rigoureuse, applicable aux ecclésiastiques aussi bien qu'au troupeau.

 

COMPÉTENCE, droit d'exercer certaines fonctions ou une juridiction attachée à une charge déterminée; dans un sens plus restreint, droit de jouir des revenus d'un bénéfice.

 

COMPIÈGNE; plusieurs synodes; le principal, 833, eut lieu pour condamner Louis-le-Débonnaire. Vieilles ruines de l'abbaye fondée par Ch.rie-Chauve 918. C'est là que Jeanne d'Are fut faite prisonnière.

 

COMPLUTENSIS, édition polyglotte de la Bible, impr. 1513-1517 h Alcala (Complutum) par plusieurs savants espagnols, aux frais et par l'initiative du cardinal Ximénès; approuvée par Léon X. Elle contient le texte hébreu du N. T., le Targurn dOnkélos sur le Penta-teuque, les Septante, la Vulgate, le N. T. grec, ^t une trad. latine du Targum et des Septante. Plus, un dictionn. hébreu-chaldéen.

 

COMPOSTELLE, Saint-Jacques (de), aussi connu sous le nom de Santiago, le lieu de pèlerinage le plus célèbre après Rome et Jérusalem. Saint Jacques doit y avoir été enterré; du moins Théodomir y a retrouvé son corps en 808, et

Ion raconte qu'à la bataille de Logrono, Jacques apparut lui-même, monté sur un cheval blanc et décida le sort de la bataille contre Abderhaman; dès lors tout propriétaire fut obligé de lui payer une redevance annuelle, ce qui fit de l'archevêché l'un des plus riches de l'Espagne; il possédait plus de 80,000 ducats de revenu. L'ordre de Saint-Jacques, fondé 1161 pour la protection des pèlerins, et surtout pour leur faciliter le passage des rivières, fut supprimé en 1835. La charge de grand-maître était depuis 1439 un apanage de la couronne.

 

CONCEPTION Immaculée. Cette apothéose de la Vierge, promulguée comme dogme par Pie IX le 8 déc. 1854, n'est que la conséquence naturelle du développement que le culte de Marie n'a cessé de prendre dans l'Égl. de Rome; on la trouve déjà, comme germe dans la théol. du siècle. Au 12me siècle elle compte en France des adeptes passionnés, mais elle rencontre en Bernard de Clairvaux un adversaire énergique. Les franciscains, à la suite de Duns Scot, en font le trait distinclif de leurs luttes contre les dominicains. Sixte IV consacre cette innovation et introduit une Fête de l'Immaculée C., mais avec défense expresse de traiter d'hérésie l'opinion contraire. Dans le même esprit Pie V interdit de porter la question en chaire, el le conc. de Trente s'abstient également de se prononcer. Ce sont les jésuites qui, embrassant avec ferveur la doctrine des franciscains, l'ont enfin amenée à maturité. Lors de l'encyclique du pape aux évêques, ces derniers se sont prononces en très grande partie en faveur du nouveau dogme. Le conc. de 1870 l'a définitivement consacré. — Un ordre de ce nom fut fondé 1484 par Béatrice de Silva. en accomplissement d'un vœu de chasteté qu'elle avait fait, lorsque la reine Isabelle, par jalousie, la fit enfermer et la laissa 3 jours sans nourriture. Cisterciennes d'abord, elle passèrent ensuite aux clarissines.

 

CONCILE, réunion d'ecclésiastiques s'occu-pant de régler les questions relatives à la doctrine, à la discipline et aux mœurs. Le premier qu'on désigne sous ce nom, mais improprement, fut celui de Jérusalem, Act. 15, supérieur à tous les autres par la présence des apôtres, plus vrai comme assemblée d'Église par la présence des anciens. Les |m?rsécutions des premiers siècles ne permirent pas la convocation d'assemblées régulièrement convoquées, bien que les circonstances fussent de nature à les faire désirer. C'est en 325 seulement que se réunit le premier concile, et dès lors ils se suivirent, à des intervalles plus ou moins réguliers. On distingue: 1° les Conc. Ecumêniques q. v., où se traitent les intérêts généraux de la chrétienté; 2° Les C. nationaux, comme ceux de Carthage sur le baptême, ceux d'Espagne sur l'organisation de l'Égl., celui d'Aix-la-Chapelle sur le filioque, celui de Paris sur le culte des images, maintenaient les droits et l'indépendance de chaque église. Mais ils perdirent de leur importance à mesure que le pouvoir se centralisait dans la cour de Rome; l'assemblée de Bourges 1438 fut pour la France à peu près le dernier conc. national, car on ne peut donner ce noin aux assemblées du clergé qui suivirent, pas même à l'essai de N. D., Paris, juillet 1811, quoiqu'il y figurât 89 év., 9 archev. et 6 cardinaux; 3° Les C. provinciaux, prescrits comme triennaux et réglés par le conc. de Trente malgré Lainez; ils perdirent vite toute raison d'être, n'ayant aucune autorité. Borromée essaya en vain de les galvaniser, et pour la France la tentative d'un conc. de la prov. de Tours, faite en 1851, suffit à prouver qu'il ne saurait plus en être question.

 

CONCLAVE, réunion des cardinaux pour l'élection d'un pape; et aussi le lieu où se tient cette réunion. On appelle conclavistes les serviteurs des cardinaux qui sont admis à accompagner leurs maîtres. Les règles du conclave datent de 1274, mais elles ont été souvent modifiées, plus souvent encore violées. Les cardinaux, seuls électeurs, ne peuvent sortir du palais avant qu'un nouveau pape soit élu par les deux tiers des voix.

 

CONCOMITANCE (accompagnement), terme scolastique imaginé par Thomas d'Aquin pour exprimer la doctrine de P. Lombard sur l'eucharistie. Il signifie proprement que le sang de Christ accompagne toujours son corps dans l'hostie, si bien que l'usage de la coupe en devient plus ou moins superflu. Cette doctrine est la conséquence de la transsubstantiation; elle se rattache à la fois comme cause et comme effet à la suppression de la coupe. L'idée de concomitance implique le caractère accessoire de la chose concomitante par rapport â la principale qui est essentielle.

CONCORDANCE, livre sous forme de dictionnaire, dans lequel tous les mots sont rangés par ordre alphabétique, avec l'indication des livre, chapitre et verset où ils se trouvent. Ce sont des concordances verbales. On en fait d'autres, sur les divers points de doctrine ou de morale, qui marquent tous les passages qui s'y rapportent; ce sont des Concordances réelles, ou de matières. La plus vieille concordance connue est celle de Hugo de Saint-Chair d'après la Vulgate, 1244; il fut assisté, dit-on, par 50() moines. Il y en a une de Lankisch 1677, en allemand, hébreu et grec; édition de Reineccius, Leipzig 1718, la meilleure de toutes; une de Crudens en anglais, et plusieurs en français (Mackenzie, Lambert, etc.).

 

CONCORDATS: les transactions ou traités conclus par voie de concessions réciproques entre les papes et les souverains temporels. Ils sont un mode de vivre, plutôt qu'un abandon de principes, entre des autorités de natures différentes, appelées à coexister, et ne pouvant ni l'une ni l'autre abdiquer le caractère absolu de leurs droits. Dans ces conditions, à moins de luttes permanentes et stériles, le bon sens veut que l'on s'accorde sur certains détails pour rendre possible la vie commune. Il arrivera cependant que le plus tenace des deux contractants cherchera peu à peu à retirer ses concessions et ravivera les conflits que l'on s'était proposé d'écarter. C'est l'hist. de la plupart des concordats conclus avec Rome, la curie n'admettant pas qu'on puisse traiter avec elle d'égal à égal et se réservant de ne voir dans ces contrats que des concessions octroyées par elle* qu'elle est libre de modifier à son gré. Lorsque pour divers motifs un État se refuse à faire un concordat, il peut y être suppléé par des Bulles de circonscription, fixant l'étendue et les limites du diocèse; l'acceptation et la promulgation (le ces bulles par l'État, équivalant de fait à un concordat. — Le plus ancien concordat connu est celui de Worms (ou de Calixte), 23 sept. 1122, qui mit fin à la querelle des Investitures. Il fut conclu entre Henri V et Calixte II, l'emp. renonçant à donner l'investiture par la croix et l'anneau, et le pape renonçant à percevoir les droits de régale sur les bénéfices vacants. — Un autre concordat, fort intéressant pour la France, fut conclu le 15 août 1516 entre François I^r et Léon X, par l'intermédiaire du chancelier Duprat; il annulait de fait la Pragmatique, promulguée en 1439 par Charles VII, et froissa vivement l'épiscopat français; le Parlement ne se décida qu'en 1518 à l'enregistrer, et seulement sur le « très exprès commandement du roi. • Le monarque devint seul le grand électeur des évêques et il en abusait pour donner des places à ses amis; ainsi Crillon, sous Henri IV, se trouva posséder les archev. d'Arles et de Sens, les évêchés de Fréjus, Toulon et Saint-Papoul, et l'abbaye de l'île Barbe. — Le concordat du 15 juillet 1801, négocié entre Joseph Bonaparte et le cardinal Consalvi, qui, promulgué le 8 avril 1802 avec les Articles organiques, reconstitua l'Égl. de France que la révolution avait officiellement supprimée; il établissait 10 archevêchés et 50 évêchés, les titulaires étant à la nomination du gouvernement, mais avec confirmation par le pape; en revanche le pape reconnaissait l'aliénation des biens du clergé, la suppression des ordres monastiques, l'annulation des vœux monastiques et la tenue des registres de l'état civil par les> autorités civiles. Cette convention, a\ec le*

Articles organiques qui en précisaient le sens, fut présentée au corps législatif avec un exposé de Portalis et devint loi d'État en 1802. Le clergé ultramonlain n'a cessé d'en combattre l'esprit et les principales dispositions, notamment sous Louis-Philippe, et l'on peut dire que auj. ce n'est plus guère qu'une lettre morte, aucun gouvernement ne s'étant soucié d'entrer en guerre ouverte avec Rome depuis le Syllabus et le Concile. Divers concordats ont encore été signés: en 1817 avec la Bavière, en 1827 avec les provinces du Rhin et les Pays-Bas, en 1845 avec l'Espagne, en 1847 avec la Russie, en 1855 avec l'Autriche, en 1857 avec le Wurtemberg, mais aucun des États contractants n'a eu à s'en féliciter.

 

CONCORDE (Formule de). Les commencements de la réformation en Allemagne furent plusieurs fois troublés par de violentes discussions dogmatiques, au nombre desquelles nous rappellerons: les vues d'Agricola sur la prédication de l'Évangile seul, par opposition à la loi; la manière presque juridique et un peu matérielle d'Osiander, d'envisager la doctrine de la justification; les exagérations de Major et d'autres sur le danger des bonnes œuvres; les rapports entre la liberté de l'homme et la souveraineté de Dieu, poussant à la prédestination calviniste; les discussions sur la Cène, Mélanchthon essayant de prendre une position intermédiaire entre Luther et Calvin. On ne tarda pas à comprendre les inconvénients qui résultaient de ces divisions; on comprit aussi qu'il y avait beaucoup de malentendus à la base même de quelques-unes des divergences les plus apparentes, et l'on résolut, sur l'initiative du prof. Andréa, appuyé par le prince-électeur Auguste de Saxe, de travailler pacifiquement à la solution des difficultés, de préciser les points controversés, et d'arriver si possible à une entente commune. Ce but excellent ne fut pas atteint. Après une série de travaux préliminaires, un certain nombre de théologiens, des plus distingués, Andreâ, Chemnitz, Selnecker, Chytrâus, Musculus, Kôrner, se réunirent au couvent de Bergen près Magdebourg, et, sous la direction spéciale des trois premiers, rédigèrent en 12 articles le formulaire dit Livre de Berg, ou Formule de Concorde, qui fut achevé le 28 mai 1577, et qui accentue, bien loin de les adoucir, la plupart des doctrines contenues dans la conf. d'Augsbourg. Les 12 articles traitent: Du péché originel, du libre arbitre, de la justification par la foi, des bonnes œuvres, des rapports de la loi et de l'Évang., du troisième usage de la loi, de la Cène, de la personne du Christ, de la descente du Christ aux enfers, des cérémonies ecclésiastiques vulgairement dites adiaphora (indifférentes), de la prédestination éternelle et de l'élection; enfin de quelques autres hérésies et sectes. Ce document fut signé par 86 villes ou princes souverains, mais rejeté par Brème, Hesse, Nassau, Poméranie, Holstein, Nuremberg. Il fut joint dans le Concordienbuch aux symboles écuméniques, à la Conf. d'Augsbourg, à l'Apologie, aux articles de Smalcalde, et aux catéchismes de Luther, le tout formant la grande charte du luthéranisme allemand. Cependant plusieurs États s'en détachèrent peu après et l'électeur de Saxe seul lui resta fidèle: il en profita même pour faire périr sur l'échafaud Crell, son chancelier 1601. Ce travail fait h bonne intention aboutit si peu que quelques-uns l'appelèrent Formule de discorde.

 

CONCUBINAGE, relations habituelles d'un homme et d'une femme en dehors du mariage; vie en commun, cohabitation sans engagement de part et d'autre. Ce fut évidemment la première forme du mariage, avant qu'aucune société civile et religieuse fût constituée, et si cette cohabitation durait toute la vie, elle équivalait presque au mariage. Dans le vieux droit romain il était en quelque sorte autorisé, en ce sens que les enfants qui en naissaient, quoique placés au-dessous des enfants légitimes, étaient cependant reconnus comme naturels. et placés au-dessus de ceux qui pouvaient naître d'une cohabitation illicite ou d'un caprice passager. Is-maPl, fils d'Agar, fut l'héritier, aussi longtemps que Sara ne donna pas un fils légitime au patriarche. Chez les Francs Thierry I** hérita de Clovis, quoique bâtard, au même titre que Clo-taire, Clodomir et Sigebert. Léon-le-philos. en Orient fut le premier à ordonner en 873 la célébration solennelle du mariage et à proscrire le concubinage; en Occident il faut descendre jusqu'au 16™* siècle et au conc. de Trente pour trouver des prescriptions fermes sur ce point. Jusqu'alors on admettait tacitement la différence qui existe entre un mariage régulier et le concubinage; il y avait une sorte de tolérance, et c'est grâce à cette tolérance qu'il a été possible d'imposer aux prêtres un célibat qui n'en était plus un. A partir du 16"^ siècle toutes relations d'un homme avec une femme sont condamnées comme coupables, si elles ne sont pas sanctionnées par un engagement positif qui. suivant les pays, est religieux ou exclusivement civil. Quant à la prétention de l'Égl. catholique de flétrir sous le nom de concubinage le mariage purement civil, elle est attentatoire au droit moderne, et pourrait être frappée par les lois.

 

CONFÉRENCES. 1° Discours religieux, plus libre et souvent plus nourri que le sermon proprement dit, sur un sujet plus vaste ou plus actuel; Massillon, Frayssinous, Ravignan, Lacor-daire se sont distingués dans ce genre; et parmi les protestants, Gasparin, Merle d'Aubigné, Munier, Martin, de Pressensé. — 2<> Conseil des weslevens anglais, anciennement composé de cent pasteurs, réglant toutes les affaires de l'Église, missions, finances, élections, contentieux, etc. — 3° Assemblée religieuse périodique ou non, consacrée à l'étude de certains faits, à la recherche de certains moyens, à la poursuite d'un but plus ou moins déterminé. Ainsi les conf. pastorales, les conf. fraternelles, les conf. de l'Alliance évangélique, celles de la Société pour l'observation du dimanche, les conf. missionnaires; en Allemagne le Kirchentag, le Gustave-Adolphs-Verein, l'Evang. Kirchen-conferenz, etc.

 

CONFESSION, lo Déclaration de sa foi, acte personnel, qui dans les premiers siècles exposait à la persécution, aux supplices et à la mort. De là le nom de confesseurs donné à ceux qui avaient payé de leur vie leur attachement à l'Évangile; de là aussi le respect dont on entourait leur nom et la personne de ceux qui avaient survécu à la torture. — 2<> Aveu de ses péchés à un prêtre: c'est ce qu'on appelle le sacrement de la pénitence. Cette pratique est plus ancienne que le christianisme; on la trouvait déjà chez les païens de Samothrace; on la trouve encore de nos jours au Pérou, à Madagascar et dans plusieurs endroits de la Chine et du Japon. L'Écriture sainte ne contient que 3 passages qu'on ait essayé d'invoquer en faveur de la confession telle qu'elle existe actuellement, Matl. 16, 19. Act. 19, 18. Jaq. 5, 16., mais il suffit de les lire pour se convaincre qu'ils n'ont aucun rapport, même éloigné, avec l'institution catholique. Les pères et les docteurs de la primitive Eglise n'en parlent pas; ils ne mentionnent que la confession publique, faite devant l'Église, pour des fautes publiques et notoires. Chrysostome, Tertullien, Cyprien, Jérôme, Augustin, Cassien, Hilaire, non seulement ne savent rien d'une confession minutieuse et individuelle, mais ils ne veulent rien non plus de la confession au prêtre: « Que Dieu seul voie ta confession. > « Ne le dis pas même à ton ami, mais à Dieu qui seul pénètre ton cœur. » Au9me siècle le conc. de Châlons ne sait pas encore si c'est à Dieu seul, ou aux prêtres aussi, qu'il faut confesser ses fautes; et au 12m« le Maître des sentences rappelle que David fut absous, quoiqu'il n'eût confessé son péché qu'à Dieu. C'est Innocent III qui décréta le premier la conf. auriculaire (à Yoreille du prêtre), et cette innovation, dont on ne prévoyait cependant pas encore les effrayantes conséquences morales, fut longtemps combattue par les docteurs les plus estimés de Home, Michel de Bologne, Semeca, Pierre d'Osma, Jean Scot, Panormitanus, Caje-tan, Ca<sandor, Canus, etc. Le conc. de Trente l'a enfin consacrée comme une institution apostolique et divine, et comme le moyen le plus Court et le plus sûr de venir à bout des hérésies; en même temps il l'a couverte du sceau du plus profond secret, sauf certaines réserves. Les prêtres honnêtes, et ils sont nombreux, sont d'accord à dire que le confessional est un des plus mauvais lieux qui existent au monde; il s'y dit et il s'y enseigne des choses qu'on ne dirait pas dans les antres de la débauche, et les manuels à l'usage des confesseurs sont pleins de questions, à l'adresse des femmes, mariées ou vierges, qui ne peuvent pas se reproduire, même en latin. On'les enseigne cependant dans beaucoup de séminaires, au grand détriment des confesseurs et de leurs pénitents des deux sexes. Le conc. de Latran, en imposant la confession dans son canon Omnis utriusque sexus, la rendue obligatoire au moins une fois l'an et spécialement à Pâques; le billet de confession est une attestation donnée par le prêtre, que cet acte a été accompli et que le porteur est apte à communier. Le confessionnal est une espèce de guérite qui doit dans chaque église être placée bien en vue; le pénitent est séparé du confesseur par une paroi dans laquelle est pratiquée une ouverture grillée, qui permet d'entendre, mais presque pas de voir; chaque église a autant de confessionnaux que de confesseurs, c.-à-d. de curés ou de prêtres autorisés.

3° Une Conf. de foi est l'énumération des articles admis par une Église comme l'exposé plus ou moins complet de ses croyances, et que déclarent accepter aussi ceux qui désirent en devenir membres. Ce sont en quelque sorte ses statuts, et comme personne n'est obligé, ni moralement, ni autrement, d'entrer dans cette Église, il n'y a pas plus d'intolérance à demander aux protestants s'ils adoptent ce symbole, qu'il n'y en a à présenter les règlements d'uue société quelconque, artistique, militaire ou commerciale, au candidat qui eu sollicite l'entrée. Les principales conf. de foi, outre les anciens symboles, sont: la conf. anglicane, dite des 39 articles 1552, 1563 et 1571; celle d'An-halt 1579, celle de Strasbourg ou Tetrapolilaine 1530, celle d'Augsbourg 1530, celle de Bàle 1534, appelée aussi de Mulhouse; celle de Belgique, remise à Philippe II en 1562 par les réformés des Pays-Bas; celle de Bohême 1575; la conf, de foi de La Rochelle 1559, celle de Genève, rédigée par Farel 1558; celle de La Marck 1568-1571, 1614.

4e Société religieuse, ou église, fondée sur une certaine conf. de foi. On dit: la confession luthérienne, les différentes confessions, uu changement de confession; l'Église chrétienne est une, mais elle renferme diverses confessions, dont aucune ne possède la vérité absolue et qui se doivent un respect mutuel. Le droit de changer de confession, longtemps contesté, est aujourd'hui reconnu; mais l'usage n'en est respecté que lorsque les motifs en sont sérieux et respectables.

 

CONFESSIONNALISME, tendance exagérée à s'attacher, en matière de doctrine ou de discipline ecclésiastique, aux points qui divisent plutôt qu'à ceux qui rapprochent. Cette tendance est née de l'exagération contraire qui affale de faire bon marché de la doctrine ou de l'Égl. à laquelle on appartient.

 

CONFIRMATION, un des sept sacrements de l'Égl. romaiue, et l'un de ceux qu'elle a été le plus embarrassée à préciser et à justifier. Cette cérémonie a pour but de confirmer les grâces du baptême chez le jeune adulte de 10 ou 11 ans et de le rendre « parfait chrétien » en lui communiquant t l'abondance des dons et des grâces du Saint-Esprit. » C'est l'év. seul qui peut y procéder, et il le fait par l'imposition des mains, le signe de la croix, l'onction du saint chrême (huile parfumée), et un léger soufflet *ur la joue, avec ces mots: La paix soit avec \ous! Lorsque P. Lombard eut le premier l'idée de compter 7 sacrements, et d'y comprendre la confirmation, il fut mù par l'idée de restituer en partie aux évêques le privilège qu'ils avaient à l'origine, d'administrer seuls le baptême; les circonstances ayant fait passer à tous les prêtres le droit de baptiser, et d'introduire ainsi des âmes dans l'Église, il s agit de rendre aux évêques quelque autorité pour relever aux jeux du peuple le prestige de la hiérarchie, et I on rappela Jésus bénissant les enfants, les apôtres oignant d'huile les malades, le Saint-Esprit descendant sur les iidèles de Samarie, etc. Ce mélange de passages (levait composer le ri -M de la cérémonie, mais il fallait aussi en fixer l'origine, et les uns la cherchèrent dans la colombe du baptême de Jésus venant confirmer x>n baptême; les autres dans les langues de feu de la Pentecôte, les autres enfin, plus hardis, dans la tradition seule, sans autre explication.

conc. de Trente semble ne s'être décidé qu'à regret à voter une innovation, que déjà Jean Huss traitait de puérile. — Ce qu'on appelle <>>ntirmation dans les égl. protestantes n'a donc aucun rapport avec le sacrement de ce nom; au de la vertu sanctitiante du baptême d'eau, ^lle suppose au contraire la foi personnelle au Sauveur, par conséquent la connaissance et l'intelligence des faits évangéliques. Ce n'est cependant que peu à peu que l'idée d'une instruction religieuse régulière et spéciale s'est frayé son chemin, et Spener est le premier qui (,n a formulé nettement le devoir. La confirmation est ainsi le dernier terme de l'instruction catechétique et l'acte officiel de l'introduction dans l'Eglise; elle doit être précédée d'uue épreuve ou exameu, fait en présence de l'Église ou de ses représentants, et constatant que le catéchumène remplit les conditions voulues pour son admission. S'il est admis il ne suit pas nécessairement qu'il soit converti, ni qu'il doive communier aussitôt; sa communion est un acte qui ne relève que de sa conscience, et la plupart des églises ont le tort d'établir une relation presque forcée entre la réception des catéchumènes et leur première communion; les deux choses doivent rester distinctes. La cérémonie de la confirmation est d'ailleurs des plus simples, et ne comprend qu'une déclaration de foi des récipiendaires, une exhortation et uue prière du pasteur. La tendance de quelques luthériens à réserver la confirmation au surintendant, et des anglicans à la réserver à l'évêque, n'est pas évangélique; elle marque un pas vers le catholicisme, et une importance magique donnée à un fait religieux. — En droit ecclésiastique la continu. est la reconnaissance par l'État d'une présentation ou d'une élection faite par l'autorité religieuse.

 

CONFRÉRIES. Associations soumises à des statuts et se distinguant d'autres corporations par le caractère religieux, moral et philanthropique du but qu'elles poursuivaient. Elles ne formaient pas de \œux et n'étaient unies que par la communauté des sentiments. Elles datent du moyen âge, où l'on a vu la confr. des pénitents blancs, ou noirs, ou bleus: celle du sacré-cœur; celle du saint-sacrement. La plus ancienne est peut-être celle de Notre-Dame, fondée 1168, pour aider à l'œuvre des croisades. Puis vint celle des Gonfaloniers, sorte d'ofli-eiers de justice, autorisée par Clément IV. 1265-1271 (le gonfanon était une bannière ornée de fanons). La plus célèbre fut la Sainte-Hermandad (de gevmanitas, fraternité), association d'ofliciers de police, chargée d'abord de \eiller à la sûreté des routes, puis mise au service de l'inquisition; son siège principal fut d'abord en Castille,;ï Tolède, 1486, puis à Madrid. Les jésuites et les franciscains ont également organisé des confréries, surtout en vue de la propagande.

 

CONFUCIUS, ou Kong-Fu-Tseu (le sage), né 551 av. C. à Tséhou-y, province de Lou, Chine, d'une famille considérable qui remontait à Hoang-Ti, législateur de la Chine, s'occupa surtout de réformer les mœurs de son pays, et recommanda pour cela l'étude des Kings, livres sacrés des Chinois, q i'il mit en ordre, abrégea et commenta. Nommé gouverneur à 24 ans, il s'occupa avec succès d'agriculture; il réussit moins bien avec les hommes qu'avec les champs, et après la mort de sa mère qu'il aimait et vénérait, il se retira des affaires pour* se livrer à la méditation et travailler à la régénération du pays. Il se fit de nombreux amis et disciples, et le roi de Lou le nomma son premier ministre; mais la pureté de ses mœurs, le sérieux de ses réformes, la sévérité de ses maximes éloignèrent de lui ceux qu'avait un moment séduits sa haute sagesse. À la mort du roi Ting-Kung, il fut forcé de s'éloigner de la cour; il rentra dans la vie privée, se remit à parcourir les provinces pour y recommander la morale et consacra ses loisirs à écrire les livres qui ont immortalisé son nom et qui comptent encore parmi les Quatre livres classiques des Chinois, f 479 av. C. âgé de 73 ans. Ses disciples lui vouèrent une sorte de culte et sa réputation n'a fait que grandir. On lui rendit justice après sa mort; sa doctrine se propagea rapidement, grâce à ses élèves et notamment à Meng-Tseou (Mencius), et en 203 elle était reconnue comme religion d'État, bien qu'au sens propre du mot ce ne soit pas une religion, mais plutôt un code de morale. Sans doute il recommande la crainte de Dieu, mais il ne faut pas trop s'approcher de lui par la pensée. Le ciel est honoré comme le père des vivants, la terre comme leur mère; il n'est pas question d'un culte à leur rendre. Le sentiment religieux se traduit surtout par la piété envers les parents et les ancêtres, surtout envers l'empereur, fils de la divinité. Confucius prêche l'amour du prochain, le perfectionnement graduel, la modération en toutes choses, une vie éloignée de tous les extrêmes (un de ses livres a pour titre Le juste milieu), l'harmonie de l'âme et l'accomplissement consciencieux de ses devoirs. Outre le Tchou-King, qui est un abrégé des Kings, et qui renferme les maximes des anciens sages, il a résumé sa inorale dans divers écrits, ou, ce qui est plus probable, ses disciples Font reproduite dans des livres qui portent le nom du maître.

 

CONGRÉGATION, lo V. Cardinaux. 2o Se dit aussi d'une assemblée relig. régulière, d'une paroisse, d'un troupeau. 3° Association d'ecclésiastiques, ni séculiers, ni religieux, mais qui tiennent de l'un et de l'autre: les congr. de l'Oratoire, de la Doctrine chrétienne, des Pia-ristes, de Saint-Lazare, des Eudistes; on l'étend même aux bénédictins, qui sont cependant des religieux. Ces congr. ont beaucoup d'analogie avec les confréries, et se distinguent des ordres proprement dits, en ce que leurs membres ne prononcent pas de vœux. 4° Les congr» d'ordres sont une réunion de couvents soumis à une même règle et à une même autorité, et se distinguant de leur ordre par des réformes et par une discipline plus sévère. 5° Sous la Restauration on avait donné ce nom à une association politico-religieuse dirigée par les jésuites, et qui travaillait à ruiner le libéralisme. 6<> Service religieux simple et familier, qui se tient plus habituellement les jours ouvrables et qui ne sort pas de l'instruction et de la pure édification.

 

CONGRÉGATIONALISTES, v. Indépendants,

 

CONNECTE, v. Carmes.

 

CONON lo pape 686-687. Sous son pontificat le missionnaire Kilian partit pour la Thuringe. — 2o Év. de Tarse en Cilicie, 6»« siècle, qui s'était attaché à la doctrine de Jean Philopone et s'exposa comme lui au reproche de tri-théisme. Ses partisans reeurent le nom de Co-nonites.

 

CONRAD 1° de Marbourg, dominicain allemand, plein d'un zèle farouche pour sa religion, fut chargé par Grégoire IX de plus, missions disciplinaires, visites de couvents, etc., dont il s'acquitta avec une grande rigueur. Il fit mourir, à force de dures pénitences, la pieuse Elisabeth de Thuringe et la fit ensuite canoniser. Promu aux fonctions d'inquisiteur général en Allemagne, il s'entoura d'assistants, parmi lesquels se trouvaient de vrais scélérats, et sur leur simple dénonciation il lit brûler une quantité de personnes. Ayant attaqué publiquement la noblesse à Mayence, et ayant commencé un procès en sorcellerie contre le comte de Sayn. il finit par être assassiné 30 juill. 1233. Le pape s'étonnait que les Allemands l'eussent supporté aussi longtemps. — 2o C. de Waldhausen, ar-chev. de Prague, successeur de Sbynko, fut l'un des adversaires de Huss, mais sans croire qne les choses pussent aller jusqu'au supplice. lise convertit plus tard et embrassa la cause des hussites.

 

CONRING, llermann, savant de premier ordre dans toutes les branches des connaissances humaines. Né à Noorden, Frise Orientale, 9 nov. 1606, il étudia à Helmstâdt et à Leyde, fut nommé prof, de philos, naturelle en 1632, puis de médecine en 1637 à Helmstâdt, et s'occupa en même temps de droit politique et de droit canon; il exerça une influence considérable et fut souvent consulté par les princes, notamment par le duc de Brunswick. Il a écrit sur le droit, la politique, l'hist., la physique, la médecine et la théologie. En matières ecclés. il fut le respectueux disciple de Calixte, qu'il défendit contre ses adversaires. Il a soutenu le droit de l'État dans ses rapports avec l'Égl., et s'est occupé des rapports des diverses confessions entre elles: De Constitutione episcoparwn Germaniep, De conciliis. Ses écrits polémiques sont très remarquables: Defensio eccleriœ pro-testantiurn, Fundamentorum fidei pontificœ co cussio. Il a écrit aussi De origine jurisgermanici, De imperio Germanorum romano, De finibus imperii Gei*manici, une Introd. à l'art médical, un travail sur Paracelse, sur la médeciue égyptienne, des traités, des dissertations, des Lettres.

112 déc. 1680- Ses Œuvres compl. ne forment pas moins de 7 vol. Brunswick 1730.

 

CONSALVI, Hercule, cardinal et homme d'État, né à Rome 8 juin 1757. Admis en 1786 dans laprélature romaine, il fut successivement auditeur de rote, juge au tribunal de la signature, et ministre de la guerre sous Pie VI. Ennemi déclaré de la révolution, il fut plusieurs fois arrêté par les Français maîtres de Rome, et finalement dut quitter la ville. Secrétaire! du conclave qui nomma Pie VII, il reçut on 1800 le chapeau de cardinal; envoyé en France 1801 il signa le concordat; mais Napoléon qui connaissait son hostilité, le fit éloigner des affaires en 1806,et interner à Béziers. Il retourna en Italie 1814, fut délégué au congrès de Vienne comme nonce, lit restituer au saint-siège les marches de Bénévent et de Ponte-Corvo, employa toute son influence dans le sens de l'absolutisme extrême, et f 1824, préfet de la Propagande. Il avait conclu des concordats avec qnelques princes allemands.

 

CONSCIENCE, faculté de l'âme qui, en donnant à l'homme le sentiment de son individualité, le met aussi en mesure, au point de \uc soit de la raison, soit de la sensibilité, de comparer les faits, de les apprécier et de les ju-?er dans leurs rapports avec ce qui est vrai, juste et bon. Sans être parfaite on peut dire qa iJ y a chez tous une conscience naturelle innée; elle soblitère par l'éducation ou par l'habitude de faire le mal; elle peut devenir plus délicate, plus sensible, par l'éducation rhrétienne, par la réflexion et par l'habitude de faire le bien. Elle peut devenir maladive, timorée, sous l'empire d'idées fausses et de préjugés; Hle peut enfin se fausser et n'être plus qu'artificielle suivant la direction qui lui aura été imprimée. Si les philos, matérialistes, depuis Épicure jusqu'à Helvétius et jusqu'à nos jours, ont paru nier la conscience en niant la distinction du bien et du mal. la consc. humaine n'a c^ssé de protester contre cette dégradante doctrine et Rousseau s'est fait l'éloquent interprète de cette protestation. L'ap. Paul fait l'éloge de la conscience, en même temps qu'il en trace les limites et qu'il en constate l'impuissance relative, Kom. 1 et 2. — Uue secte dite des Con-*nenciaires apparut un instant vers la fin du siècle dernier; elle avait pour chef un certain Matthias Knutsen, du Schleswig, candidat en Ihéol., qui vint à Iéna 1774, publia quelques brochures athées, nia jusqu'à l'immortalité de l'âme et déclara ne reconnaître d'autre règle que la conscience. U rejetait le mariage comme une souillure. Le sénat académique réfuta ses théories dans un travail spécial qui décida le malheureux à disparaître de la scène et à ne plus faire parler de lui.

 

CONSÉCRATION, acte par lequel on destine au service de Dieu une chose ou une personne. On consacre le pain et le vin de l'eucharistie par la prière et en prononçant les paroles de l'institution. On consacre des croix lorsqu'on les élève dans des lieux publics pour les offrir aux méditations des fidèles. On consacre les pasteurs et les prêtres au service de Dieu par l'imposition des mains, v. Ordination. Lorsqu'il s'agit d'un édifice religieux on dit plutôt la Dédicace, et les catholiques emploient le mot de bénédiction, soit quand il s'agit de choses matérielles, un four, une maison, une récolte, soit lorsqu'il s'agit de l'installation d'un abbé de couvent qui, n'étant pas nécessairement prêtre, ne peut pas être consacré. — La consécr. d'un évêque doit se faire un dimanche ou le jour de la fête d'un apôtre, par trois évêques, dont l'un est le consècrateur et les deux autres ses assistants.

 

CONSEILS 1° Corps chargés de représenter certains intérêts politiques ou religieux: Grand Conseil, Conseil aulique, Conseil des Cinq-Cents, etc. Dans l'Égl. réformée le Conseil presbytéral est le représentant officiel de la paroisse. — 2" Conseils évangéliques. On nomme ainsi dans l'Égl. catholique les œuvres recommandées comme honnes, sans être imposées comme obligatoires; mais celui qui les fait s'acquiert un plus grand mérite. Ce n'est pas la Loi, ce sont de simples conseils à suivre. La pauvreté, la chasteté et l'obéissance sont les trois principaux. Les Reformateurs se sont élevés avec énergie contre cette distinction, qui repose sur la théorie des œuvres surérogatoires, et ils lui ont opposé la doctrine scripturaire de l'incapacité de l'homme à accomplir toute la volonté de Dieu. L'homme, devenu par la foi une nouvelle créature, doit aimer, pratiquer et réaliser tout ce qui est bien et devenir parfait en toutes choses.

 

CONSENSUS (consentement, accord) nom donné à plusieurs confessions de foi de l'époque de la Réformation, qui prétendaient, les unes être des formules de concorde en adoucissant les divergences; les autres, au contraire, affirmer plus nettement la foi de l'Égl. universelle. Parmi les premières on note le Cons. de Sen-domir 1570, le Cons. Tigurinus 1549, ceux de Genève 1554, de Dresde 1562, Helvétique 1575, etc. Même les plus modérés des théologiens prétendaient cependant maintenir dans l'Égl. une certaine foi commune.

 

CONSISTOIRES 1<> Dans l'ancienne Rome, lieu oïi se traitaient les affaires publiques: Conseil secret des empereurs. 2<> Tribunal supérieur de la cour pontificale; réunion des cardinaux dans la grande salle 'du palais de Saint-Pierre. — Cons. secret; réunion des cardinaux dans un appartement retiré; on y préconise les év. et nomme les cardinaux. 3° Dans les églises réformées, c'est la représentation supérieure de plusieurs paroisses réunies, un intermédiaire entre les paroisses et les synodes. Bien que le mode de sa composition et de ses attributions ait varié, il a toujours été composé de pasteurs et de laïques, ces derniers étant au inoins en nombre double. En l'absence de synode le consist. était le lien entre l'Égl. et l'État. D'après la loi de germinal il devait y avoir un Consistoire par 6000 Ames, mais dans la pratique il n'était pas possible de s'en tenir ii la rigueur des chiffres. En certains départements les protestants étaient trop disséminés iArdennes. Côte-d'Or). pour qu'on pùt sans inconvénient faire un groupement de 6000: ailleurs au contraire (Seine, Gard, etc.) ils étaient beaucoup plus nombreux, et il n'était pas possible de disjoindre leurs intérêts. La constitution synodale présente, comme toutes les choses administratives, des inconvénients a coté de ses avantages, et plusieurs fois elle a menacé l'indépendance et la vie propre de la paroisse. On s'empressera sans doute d'y renoncer, quand on aura trouvé un système qui ne présente aucun inconvénient. Au-dessus des consistoires il y a, suivant les pays, le synode, un consist. supérieur, ou le Ministre des cultes.

 

CONSTANCE Emp. romain, surnommé Chlore (le pAle), nommé césar par Maximien 292 et auguste en 305; f 306 à York. Gouvernement sage et bon; il ménagea les chrétiens et fit cesser les persécutions. Mari d'Hélène, qui lut mère de Constantin, il la répudia pour épouser Théodora, fille de Maximien. Il nomma cependant Constantin césar en mourant. — Constance II, second tils de Constantin, partagea le pouvoir avec ses frères 337, mais à leur mort devint seul maître de l'empire 350. Faible et incapable, il n'en fut pas moins passionné d'autorité, voulut gouverner l'Égl. il sa manière, avoir la haute main en tout. Il rendit une loi contre les païens, lit fermer leurs temples et interdit leurs sacrifices sous peine de mort. Hi-laire lui reprocha de se servir de l'épée pour avancer la religion, et de détruire les temples païens pour enrichir de leurs trésors ses cour-tisaus. Il persécuta de même, au profit des ariens, les adhérents du conc. de Nicée, et bannit Athanase, Lucifer, Hosius, Libère, et tous ceux qui refusèrent, aux conc. d'Arles 353 et de Milan 356 convoqués par lui, de condamner Athanase: il sortit même son épée à Milan, pour faire voter les évêques. 11 s'était rendu si odieux que les troupes se révoltèrent et nommèrent à sa place son cousin Julien; Constance marcha contre lui dans l'Asie Mineure, mais il f 361 à Mopsucrène, au pied du Taurus.

3° Ville située sur le Rhin à sa sortie du lac de Constance; bâtie par le père de Constantin. Longtemps ville impériale et le plus grand évé-ché de l'Allemagne, elle compta quelquefois plus de 100,000 habitants, mais elle est bien déchue et n'en a plus guère auj. que 6 à 7000; l'herbe croît dans quelques-unes de ses rues. Elle est en voie de se relever. Ses habitants eux-mêmes flétrissent les souvenirs du conc. de 1414 qui lui a fait une si terrible réputation et ils ont^levé un monument à la mémoire de Huss et de Jérôme de Prague. La réform. s'v introduisit de bonne heure; la ville signa la protestation de Spire 1529, ainsi que la conf. tétrapolitaine; se joignit à la Ligue de Sinal-cade 1530, et s'opposa à l'Intérim, ce qui lui lit perdre ses franchises. Son dernier évéque fut Dalberg, assisté par Wessenberg, jusqu'en 1821.

Concile de Constance. Ouvert 5 nov. 1414. clos 22 avril 1418. Réclamé depuis longtemps par l'opinion, il fut enfin convoqué par le roi Sigismond et le pape Jean XXIII. pour mettre fin au schisme qui désolait l'Égl. par la simultanéité de 3 papes se disputant le pouvoir; pour av iser à la réforme de l'Égl. dans son chef et dans ses membres; enfin pour examiner et apaiser le mouvement produit par les doctrines de Wicleff et de Huss. Ce concile impuissant, qui comptait cependant parmi ses membres de> d'Ailly et des Gerson, ne sut rien faire pour le bien de l'Église, et ne sut pas profiter d'une occasion presque unique pour mettre un terme aux désordres existants. Le supplice de Huss et de Jérôme, en dépit de la foi jurée et des saufs-conduits délivrés, pèse encore sur sa mémoire, et les habitants ont longtemps attribué la décadence de la vieille cité impériale à ce crime, dont elle était cependant innocente. Les votes du conc. avaient lieu par nations: il yen avait 5: allemands, français, anglais, italiens, espagnols. Le conc. a maintenu, et il ne pouvait guère autrement, la supériorité des conciles sur les papes; il a décidé la périodicité, tous les dix ans, de ces assemblées écuméniques; il a déposé les trois papes, Jean qui s'enfuit, accusé de nombreux crimes; Grégoire, qui donna sa démission, et Benoît qui finit aussi par abdiquer. Le parti impérial, et Sigismond en tête, aurait voulu qu'on s'occupât immédiatement, et avant l'élection d'un autre pape, des réformes promises; mais le parti ultramontain l'emporta; on décida d'élire d'abord Martin V, 11 nov. 1417. et ensuite, il ne fut plus question de réformes; on amusa les Allemands, les Français et les Anglais par des promesses et de belles paroles; on les leurra d'un prochain conc. à Pavie. on négocia des concordats particuliers, et les réformes, dont on ne voulait pas. furent indéfiniment ajournées, après que des mesures de rigueur eurent encore été décidées contre les hussites.

5<> La Tour de Constance, à Aigues-Mortes, citadelle construite par saint Louis, et formée de i chambres circulaires superposées, communiquant par une ouverture ronde à la voûte; mure de plusieurs mètres d'épaisseur. Plus tard on en lit une prison d'État pour les prolestants. Le pasteur H. de Bosquet 1360 y fut enfermé et pendu. De 1686 à 1717 on y enferma les hommes, ainsi Mazel, Salindre; l'un d'eux*écrivit sur la muraille: Récistez. Depuis 1717 les femmes, dont le nombre varia de 22 à 33. C'était nn tombeau infect. Plusieurs y passèrent 38 ans. On connaît surtout Isabeau Menet et Mario Durand. Le prince de Bauveau prit sur lui, au risque d'une disgrâce, de faire vider et mûrer cette prison, H janv. 1767-juillet 1769. Ce n'est plus anj. qu'un but de pieux pèlerinage pour les descendants des martyrs. V. Borel, Frossard, Lombard et Recolin.

 

CONSTANT 1er, 3me fUs de Constantin, emp. avec ses deux frères 337-330, eut en partage l'Italie et l'Afrique, appliqua la loi de Constance contre le paganisme, chercha à gagner les Cir-coneellions par la persuasion et par des aumônes et recourut ensuite à la force. 11 protégea Athanase, mais se fit haïr par sa fierté et ses déhanches. Il fut assassiné par Magnence.

 

CONSTANTIN 1° le Grand, fils de Constance Chlore et d'Hélène, né 274 à Naisse, Dardanie, appelé auguste et césar à la mort de son père, partagea d'abord l'emp. avec Maxence, Maxime et Licinius, mais ne vit en eux que des rivaux, et, après leur avoir imposé ses principes de tolérance pour le christianisme, il finit par se débarrasser d'eux les uns après les autres. Plein d une ambition justifiée par ses talents et son courage, il rêvait d'être seul maître et les fautes de ses adversaires lui fournirent les prétextes dont il avait besoin. Son beau-frère, le tyran Maxence, qui régnait à Rome, avait exaspéré le peuple; le sénat et la ville prièrent Constantin de les délivrer, et celui-ci, bien qu'inférieur en forces, accepta la lutte, 312. La veille même de la bataille, au coucher du soleil, il vit, raconte Eusèbe, briller aux cieux de l'éclat du soleil, une croix immense sur laquelle étaient écrits en letUtsde flammes ces mots: Par ce signe tu vaincras. Constantin ajoute que la nuit suivante le Seigneur lui apparut lui-même en songe, portant la croix à la main et qu'il lui ordonna de faire faire pour l'armée un étendard de la même forme avec la même inscription. Il le fit, adopta ce signe pour drapeau, sous le nom de labarum, et défit successivement à Turin et à Rome son ennemi, qui périt dans les eaux du Tibre. Y a-t-il eu vision réelle, ou simple songe, comme le supposent Lactance et Ruffinî Peut-on n'y voir qu'un phénomène psychologique, ou le fait d'une imagination depuis longtemps travaillée et préoccupée? C'est ce qu'il n'est pas facile de dire, mais la question de bonne foi paraît hors de doute; si l'on sait peu de chose du développement religieux de Constantin, on sait au moins que sous l'influence de sa mère il penchait déjà vers les idées chrétiennes; en 310 il n'adorait déjà qu'un seul Dieu, et Apollon ou Christ pour son organe. Quoi qu'il en soit, il vainquit Maxence et se déclara dès lors franchement chrétien. D'accord avec Licinius il publia un premier décret accordant la liberté religieuse ii toutes les sectes, mais tolérant aussi les autres cultes, 312. On voulut l'exploiter, comme interdisant le prosélytisme. En 313 nouvel édit qui proclame le christianisme religion de l'État, et autorise par conséquent les conversions, Maximin doit permettre aux chrétiens d'Asie de reconstruire leurs temples. En 321 il rend une loi qui recommande la solennisation du Dimanche, comme dies venerabilis. Mais en 315 Constantin s'étant brouillé avec Licinius, cette guerre d'ambition devint une guerre de religion. Constantin victorieux reste en 323 seul maître de l'empire romain. Il en profite pour rendre diverses lois tendant à rétablissement définitif du christianisme dans ses États; il interdit la célébration des fêtes païennes, ordonne l'agrandissement des temples chrétiens, et convoque à Nicée une assemblée des év. et des prêtres les plus distingués de l'empire, 325. Il orne Rome d'églises magnifiques, mais décide en même temps de se construire sur les rives de la mer Noire une seconde Rome, plus splendide encore; c'est Bvzance; elle s'appellera de son nom, Constantinople, et il y transporte 330 le siège de son empire. Les temples païens sont dépouillés pour l'enrichir; mais le bien mal acquis ne profite jamais, et sous son double nom la ville nouvelle n'a pas fait honneur au christianisme. Du reste Constantin lui-même ne lui faisait pas non plus grand honneur. Il avait fait périr son beau-père Maximien Hercule, Maxence, Bassien, mari d'une de ses sœurs; Licinius, mari de son autre sœur. Il fera mourir après le concile, 326, son fils Crispus, né d'un premier mariage, jeune et brillant général, dont Fausta, sa seconde femme, a réussi à le rendre jaloux; puis Fausta elle-même, quand il a reconnu l'injustice de ses dénonciations. 11 a aussi laissé mettre à mort son neveu, le fils de Licinius, un enfant de 12 à 13 ans, qui était un rival possible. On comprend que tout en professant le christianisme, il hésitât à se faire baptiser. Il sentait vaguement d'ailleurs qu'en protégeant le christianisme, comme il le faisait, il encourageait l'hypocrisie; il s'en était plaint aux év. de Nicée; Eusèbe le lui reprochait, et ses hésitations dans sa conduite vis-à-vis des ariens, parfois ses tergiversations, et surtout son penchant à imposer sa volonté en matière de foi, prouvent qu'il n'avait pas encore compris ce qu'est le christianisme. Le païen Sosime assure que Const. ayant demandé l'absolution de ses crimes aux païens, qui la lui refusèrent, ne se tourna que pour ce motif vers le christianisme; en tout cas Hosius ne peut lui montrer d'absolution qu'en Jésus-Christ. Il fit faire pour différentes égl. 50 copies complètes de la Bible en grec, puis après avoir tracassé tour à tour Arius et Athanase au nom de l'unité de la foi, qu'il jugeait nécessaire à l'unité de l'empire, sentant sa fin venir, il demanda le baptême à Eusèbe de Nicoioédie et fut baptisé sur son lit de mort 337, dans la 3ime année de son long et glorieux règne. On a longtemps surfait la grandeur de son caractère chrétien et l'importance de son œuvre: auj. l'on tombe dans l'excès contraire en niant sa sincérité et en rabaissant les services qu'il a rendus au christianisme. II y a eu, comme presque partout. un mélange de bien et de mal, et il faut se rappeler que le temps où il a vécu ne comportait ni les habitudes, ni les principes d'un autre siècle.

2° Pape 708-715, syrien de naissance, combattit le monothéisme. Il revendiqua la suprématie papale sur les archev. de Ravenne~et de Milan. Justinien, l'ayant mandé en Nicomédie, le reçut en lui baisant les pieds; la mode s'en est dès lors conservée.

3° Constantin II, un des antipapes nommés en concurrence avec Étienne III (ou IV) après la mort de Paul 1er, 767. Il monta sur le trône, mais il en fut bientôt précipité, fut chassé de Rome 6 avril 769, et finit ses jours dans un monastère où on l'enferma après lui avoir crevé les yeux.

 

CONSTANTINOPLE, primitivement Byzance, fondée par des Grecs, dans une situation admirable, et successivement occupée par Darius, Xercès, la Macédoine et les Romains; détruite 196 par Septime Sévère, relevée par Caracalla, ne prit définitivement un rang dans l'histoire qu'à dater de Constantin qui l'embellit, l'agrandit, en fit la rivale de Rome, y fixa sa résidence impériale et lui donna son nom. Ce fut la première ville officiellement chrétienne et qui ne souffrit dans son enceinte aucun temple païen, sauf pendant un court intervalle sous Julien. Lors du partage de l'emp. romain 395, elle devint la capitale naturelle de l'Orient et ne tarda pas à l'emporter sur Rome en magnificence. Dès lors elle acquit une importance exceptionnelle, non seulement au point de vue politique, mais encore comme centre religieux et comme foyer d'une vie ecclésiastique indépendante de Rome, de ses conditions et de ses prétentions. Son caractère semble avoir été de concilier davantage la vie civile avec l'esprit de Christ, de rendre la vie religieuse en quelque sorte plus laïque et de sauvegarder l'indépendance de l'Égl. tout en maintenant sa subordination à l'État. Sans rien de particulièrement créateur, elle a conservé fidèlement les vieilles traditions, la vieille culture grecque, les souvenirs de l'art et de la science, cherchant à les mettre en harmonie avec l'esprit du christianisme, et les recueillant avec un soin jaloux pour pouvoir, quand le temps serait venu, les faire servir au relèvement et au rajeunissement de l'Église trop longtemps endormie et pétrifiée. L'importance de Const. pour le développement de la civilisation et comme sentinelle avancée contre les invasions de l'esprit asiatique, ressort des circonstances mêmes de son histoire si mouvementée; elle fut assiégée 29 fois et prise 7 fois avant de tomber définitivement la 8<ne fois entre les mains des Turcs 1453. Les suites de cette conquête ont été si considérables qu'elle forme une des grandes dates de l'histoire du monde et le passage du moyen âge aux temps modernes. — Après avoir été un simple évêché (et parmi sesév. elle eut l'honneur de compter Chrysostome), elle s'éleva rapidement au rang de patriarcat et partagea avec Rome le titre d'écuménique. De nombreux conciles ont été tenus dans ses murs ou à ses portes: 1<> Le 2* écuménique 381, qui condamna les ariens et les apollinaires, confirma les décrets de Nicée, assigna à l'év. de Constantinople le premier rang après celui de Rome, et essaya, mais sans y réussir, de mettre fin au schisme d'Antioche; 2° en 553, sur la question des Trois chapitres, où furent condamnés le> trois nestoriens, Ibbas d'Édesse, Théodore! de Cyr et Théodore de Mopsueste; 3° en 680, où furent condamnés le pape Honorius et les patriarches monothélètes; 4° le 8™ écuménique. en deux sessions: l'une 869, convoquée par le pape Nicolas, où Photius fut anathématise; seul reconnu à Rome, et l'autre en 879. reconnu par les Grecs seuls, où Nicolas fut à son tour excommunié; 5° le conc. de Trull, ou Quini-Sexte, 691, pour compléter les décrets des et 6m« conciles: non reconnu par les papes: 6° deux conc. des iconoclastes 730 et 759; 7° deux conc. contre Cyrille Lucaris, <638 et 1642. — Constantinople faisait remonter son épiscopat à l'apôtre André; l'évêché releva longtemps du métropolitain d'Héraclée; la grandeur politique de Const. fit aussi sa grandeur ecclésiastique, le 2* conc. écuménique la plaça immédiatement après Rome; le conc. de Chai-cédoine la fit l'égale de Rome, en étendant sa juridiction sur tout l'Orient; en 587 les patr. prirent le titre d'écuménique et ils l'ont conservé jusqu'à ce jour; si quelquefois ils en appelèrent à Rome comme arbitre; ce ne fut qu'exceptionnellement et dans des cas spéciaux. Dans U controverse des images Léon l'Isaurien réunit l'Illyrie à Constantinople, et les rivalités mûrirent jusqu'au moment où le schisme éclata sous Photius. La conquête des Turcs, bien loin d'affaiblir l'autorité patriarcale, la fortifia en faisant passer entre ses mains un certain nombre d'attributions civiles. Au 16m* siècle l'Égl. russe se sépara de Const. par l'établissement d'un patriarcat à Moscou, puis par l'établissement d'un saint synode. Il s'était aussi formé un patriarcat serbe au 14^ siècle, mais qui fut supprimé 1763. La Grèce s'est de même séparée du patriarcat écuménique par suite de sa fondation en royaume indépendant, 4 août 1833. La conquête de Const. par les latins 1204 eut pour conséquence l'érection d'un patriarcat latin, qui dura jusqu'en 1261 sous l'autorité du saint-siège; il s'est continué dès lors sons la forme d'un patriarcat-vicariat, ou vekil, qui exerce tous les droits métropolitains sur les catholiques de la Turquie et de l'Asie Mineure.

 

CONSTITUTION. D'une manière générale, la loi qui détermine la forme d'un gouvernement et règle les droits politiques des citoyens. Chaque pays a sa constitution qui lui est propre, écrite ou non écrite. Les Églises ont aussi les leurs, octroyées par l'autorité temporelle, ou élaborées par les autorités ecclésiastiques, synodes, consistoire supérieur, etc. — Les Consistions apostoliques q. v. sont un recueil de règlements faussement attribués aux apôtres. — On appelle aussi de ce nom, emprunté à la langue du droit, toutes les ordonnances, lois et règlements donnés par les papes. — Le consti-tutionalisme ecclésiastique désigne le système représentatif ou synodal appliqué à l'Égl.; c'est un presbvtérianisme mitigé.

 

CONSUBSTANTIATION, doctrine de Luther qui, pour adoucir sans la rejeter entièrement la doctrine de la transsubstantiation, admet qu'après la consécration le pain n'est pas transformé en corps de Christ, mais qu'il continue d'exister comme pain avec le corps, les deux substances conservant leurs propriétés, v. Durand, La question eucharistique.

 

CONSUBSTANTIEL, expression latine correspondant au grec homo-ousios, et fréquemment employée dans les controverses ariennes, pour indiquer l'identité d'essence du Père et du Fils, par opposition au mot homoî-ousios marquant seulement la ressemblance.

 

CONTARI, Cyrille, év. de Bérée 1635, le grand adversaire du patr. Cyrille Lucaris.

 

CONTARINI, Gaspard, né à Venise 16 oct. 1483, d'une fapiille illustre qui avait donné 7 doges à la république. Il fut envoyé par son pays auprès de Charles-Quint, et après avoir servi avec distinction, fut, quoique laïque, élevé au cardinalat 1535. Il travailla avec Caraffa, Sadolet et Pôle, à un projet de réforme, visant la suppression des abus les plus criants et une limitation plus exacte de l'arbitraire papal, mais ce projet n'aboutit pas. Comme légat à la diète de Ratisbonne 1541, il fit de vains efforts pour rapprocher les partis, et fit des concessions réelles aux évangèliques, mais fut débordé par les théol. et les princes catholiques. Il n'en conserva pas moins la confiance du pape, qui le nomma cardinal-légat à Bologne, où il f 24 août 1542. U a laissé de nombreuses lettres, un Traité sur la Justification, et un ouvrage sur l'Immortalité de l'âme, contre Pompanare, son maître. Vie, par Beccatello.

 

CONTEMPLATION, recueillement, concentration de la pensée, spécialement sur des sujets de l'ordre intellectuel; recherche, avec une nuance d'admiration; absorption dans l'étude d'un phénomène ou d'un problème particulier. La contemplation, tantôt instinctive, tantôt réfléchie, volontaire, habituelle, ou forcée, est un des procédés du génie, une des conditions du progrès, et souvent la cause de grandes aberrations intellectuelles ou morales. L'homme se dédouble en quelque sorte et, en arrachant son esprit aux choses extérieures, il se soustrait à l'influence de la matière, ce qui est un bien, et au sentiment de la réalité, ce qui est un mai. On a souvent voulu, dans le domaine de la religion, faire de la contemplation le degré le plus élevé; tout dépend de ce qui fait l'objet de la contemplation. Marie contemplait Jésus; Ignace de Loyola, la reine des cieux; le fakir des Indes, son nombril. Dans les meilleures conditions la contemplation présente encore du danger, si elle se prolonge aux dépens de la vie active.

 

CONTRITION, une des formes de la repen-tance, d'après la théol. catholique. Le premier degré est l'attrition, qui mécontente l'intelligence et produit du déplaisir; le second est la contrition, qui se passe dans le cœur. Le premier peut n'être produit que par la crainte de l'enfer; cependant, tel quel, il peut déjà suffire: le second vaut mieux; c'est le regret d'avoir déplu à Dieu et la crainte d'avoir perdu sa faveur. L'un et l'autre supposent la confession, une pénitence et l'absolution. Rien dans l'Évangile n'autorise ces distinctions qui, par leur subtilité, ne tendent à rien moins qu'à remplacer par des manifestations extérieures un changement de dispositions et de vie qui devrait être tout intérieur.

 

CONVENTICULES, petites assemblées religieuses, provoquées ou organisées comme les Collegia pietalis de Spener. Elles avaient pour objet spécial l'édification mutuelle et n'étaient pas tonj. présidées par un ecclésiastique attitré. Souvent interdits et persécutés, on essaya plus souvent encore de les compromettre par le ridicule; mais comme ils répondent à des besoins réels, ils ont survécu à toutes les attaques. Auj. grâce au droit de réunion et au triomphe de la liberté des cultes, ils sont rentrés dans le droit commun, et n'ont plus à se défendre que contre leurs propres excès en fait de zèle ou d'étroitesse.

 

CONVENTION d'Altranstadt (village de la Saxe prussienne, près de Lutzen); traité imposé par Charles XII à l'empereur 1707, pour restituer aux évangéliques de Silésie le libre exercice de leur culte que la paix de Westphalie leur avait garanti. Cette convention fut annulée en fait 1709 par la défaite de Charles XII à Pul-tava.

 

CONVERS, frère ou sœur; s'emploie dans le langage des ordres religieux, pour désigner les hommes ou les femmes plus spécialement chargés des travaux servi les du couvent; presque touj. laïques; on les appelle frères, et non pères; ils ne sont soumis qu'aux vœux d'obéissance et de chasteté, pas à celui de pauvreté. Ils peuvent servir de guides aux pèlerins.

 

CONVERSION, changement d'une chose en une autre; à Cana. changement de l'eau en vin. Changement de direction. Se dit du passage d'une religion à une autre, quels que soient les motifs qui l'amènent, persuasion, intérêt, contrainte, faiblesse d'esprit, ambition, etc. D'après l'Écriture et les théol. protestants, on peut la définir: la mort du vieil homme et la naissance du nouvel homme, le passage des ténèbres à la lumière, la communion intime avec Christ, Christ vivant en nous. C'est tout ensemble la reconnaissance de la révélation, la repentance et la foi, des choses qui semblent distinctes dans la forme, mais qui en réalité n'en font qu'une, puisque la repentance ne peut exister sans la foi, et que la foi sans repentarae ne serait qu'une foi morte. Les catholiques donnent le nom de convertis spécialement aux protestants qui reviennent à eux et qui ont à prononcer le Serment des convertis en adhérant aux décrets doctrinaires du Conc. de Trente.

 

CONVOCATION, assemblée génér. du clergé anglican; elle se compose de deux Chambres, les évêques qui forment la Chambre haute, et le clergé inférieur ou Chambre basse. Elle se réunit sur l'ordre du souverain et exerce le pouvoir législatif ecclésiastique. Ce n'est plus depuis 1717 qu'une formalité, le vrai pouvoir ayant passé aux mains du parlement.

 

CONVOITISE, désir immodéré de choses, d'ailleurs légitimes, telles que le manger ou le boire. C'est le triomphe des sens sur l'esprit et la preuve que Féquilibre régulier des facultés est rompu. La Bihle distingue la convoitise des yeux et celle de la chair, 1 Jean 2, 16; ailleurs les désirs de la chair et ceux de la pensée Éph. 2, 3. La morale chrétienne demande que ces convoitises soient réprimées et l'esprit de l'Évangile donne à l'homme les forces nécessaires. Rom. 6, 12. Gai. 5, 24. Col. 3, 5. Matt. 18, 9.

 

CONVULSIONNAIRES, enthousiastes du parti janséniste, qui, après les persécutions que leur ordre avait subies, et après la mort du diacre Pâris 1724, se rendaient sur le tombeau de ce saint homme, au cimetière de Saint-Médard, et cédant à une excitation fébrile et malsaine, comme il s'en produit quelquefois aux époques de troubles, se livraient à une gymnastique convulsive et nerveuse qui excitait l'admiration de la foule, la curiosité des physiologistes et les inquiétudes du gouvernement. Des cure* surprenantes eurent lieu, en même temps que des scènes extravagantes, et le cimetière fut fermé par ordre supérieur. Un plaisant afficha sur la porte ces deux vers:

De par la loi défense A Dieu De faire miracle en oe lien.

Des phénomènes de ce genre accompagnent souvent les manifestations religieuses; ils sont difficiles à expliquer, mais on ne peut ni le* nier, ni les dédaigner; on peut encore moins n'y voir qu'une jonglerie on de la prestidigitation.

 

COPHTE (église), v. Abyssins.

 

COPI ATS, hommes de peine, ou fossoyeurs; on nommait ainsi dans l'ancienne Église les fonctionnaires chargés des inhumations; ils appartenaient au clergé et formaient même, à Constantinople, une corporation spéciale, v. Pa-raholains.

 

COQUEREL 1° Athanase-Laurent-Ch. ne 25 août 1795 à Paris, pasteur à Amsterdam 12 ans, à Paris 38 ans, prédicateur distingué, homme de société, membre de la Constituante en 1848, député en 1849. f 2 janv. 1868. Auteur d'une Biographie Sacrée et de l'Orthodoxie moderne, le Christianisme expérimental, Chris-tologie, Sermons, Rép. à Strauss, articles de journaux, etc. Il a honoré et servi le protestantisme, il a défendu le supranaturalisme, mais il appartenait au libéralisme militant, et son attitude autoritaire, parfois provocatrice, a amené des conflits personnels qu'un esprit plus conciliant n'aurait pas fait naître, et qui ont jeté l'église de Paris dans un long malaise.

2° Son fr. Ch.-Augustin, 17avril 1797f l«rfév. 1851, savant et littérateur, auteur d'une Hist. des égl. du désert, d'un Annuaire prot., et fondateur de plusieurs revues pqptestantes.

3<> Athanase-Josné,filsdu i«r, né 16 juin 1810 à Amsterdam, étudia à Genève, fut consacré &

Nîmes en 1843, où il exerça le ministère pendant 5 ans. En 1848 il vint à Paris comme aumônier et suffragant, et se fit apprécier comme prédicateur et catéchiste. Esprit brillant, charmant causeur, doué de talents remarquables et d'un aimable caractère, il se laissa engager dans une lutte ardente contre le Consistoire, et perdit sa position. Il ouvrit une égl. libérale et f 24 juill. 1875 àFismes, Marne. Auteur de Calas, les Arts et le Protestantisme, Hist. de l'égl. réf. de Paris, Sermons, Catéchisme, etc.

 

CORAN ou avec l'article, Al Coran: ce qui est écrit, l'Écriture, le livre sacré des musulmans; suite des prétendues révélations que Mahomet aurait reçues à des intervalles irregu-liers par l'ange Gabriel. Il se compose de 114 fragments, ou sures, de valeur ou de longueur très inégales, dont chacun a un titre (la vache, les femmes, Abraham, la lune, l'éléphant, etc.) qui n'indique nullement son contenu, mais simplement un des objets qui s'y trouvent mentionnés, ou même le premier mot du chapitre. C'est un pêle-mêle de dogmes, de morale, d'histoire, de légendes, de préceptes, de controverses et de doxologies; les anachro-nismes et les contradictions y abondent, ce qui tient à la manière même dont le livre a été composé, c.-à-d. au furet à mesure des besoins et suivant les nécessités du moment. Ces fragments, tous littéralement inspirés, dit-on, furent recueillis d'abord, et sans aucun ordre, par Abou Beker. Il s'en fit un certain nombre de copies, complétées ou amendées ci et là par les souvenirs de la tradition orale, et par conséquent différentes les unes des autres. Le calife Omar, ou Othman, fit recueillir ce qu'il put trouver de manuscrits, les collationna, en tira un texte unique et authentique et fit détruire tous les exemplaires avec variantes, de manière à assurer la conservation du texte corrigé; auj. sauf des erreurs de copistes, le Coran a son texte reçu, qui est le même partout et pour tous. Il est écrit dans l'arabe le plus pur (dialecte du Hedjaz), mais, vers ou prose, il n'en est pas moins d'une lecture difficile, souvent obscure, sans rien de saillant comme idée religieuse. Sa dogmatique, ou islam, ne comprend que deux points: l'unité de Dieu, avec Mahomet pour prophète, et le jugement à venir; en d'autres termes le symbole des hommes de 1793: l'Etre suprême et l'immortalité de l'âme. C'est la foi des déistes en général, et Mahomet fut du moins assez logique pour ne pas revendiquer le titre de chrétien dans ces conditions. Le Coran voit en J.-C. le fils de Marie, simple homme, mais grand prophète, envoyé de Dieu, sa parole et son esprit. L'Orient compte par milliers les Comment, qui en ont été faits; les meilleurs sont ceux de Azzamachschari et de Beidhâwi, trad. en latin par Ribliander; en franç. par Duryer, Savary; en allemand par le rabbin Ullmann; en angl. par Rodwell.

 

CORAS lo Jean, né 1513 à Réalmont (ou Toulouse, ou Lauserte), un des plus savants jurisconsultes de son temps; prof, à Angers, Orléans, Paris» Padoue, VaJence, Ferrare, enfin Toulouse où il compta jusqu'à 4000 auditeurs. Nommé par Henri II conseiller au parlement de Toulouse; converti à la réforme, il fut plusieurs fois en danger, et finit par être massacré 4 oct. 1572, avec deux autres conseillers au parlement, comme épilogue, froidement calculé après coup, des massacres de la Saint-Barthé-lemy; on les pendit ensuite, avec leurs robes rouges, à l'orme du palais. C'était un esprit aussi lucide que ferme et entreprenant. Il a laissé une quinzaine d'écrits sur le droit.

2° Jacques, petit ou arrière-petit-fils du précédent, né à Toulouse vers 1630; d'abord cadet aux armes, puis étudiant en théol., exerça quelques fonctions pastorales, fut un moment aumônier de Turenne, puis abjura 1665 à Agen, après s'être bien fait marchander. Poète médiocre, auteur de Jonas, Josué, Samson, David, il n'est connu que par les satires de Boileau. f 1677. Le clergé lui faisait une pension de 800 livres. Sa femme, ayant refusé d'abjurer, fut transportée en Amérique avec quelques centaines d'autres, dont la plupart périrent en route.

 

CORBIE, célèbre abbaye de bénédictins, fondée vers 660, et pépinière de missionnaires; elle était située en Picardie, à 15 kil. d'Amiens. Louis-le-Débonnaire, dès la première année de son règne, 815, fit bâtir à Hechi, près Cassel, un monastère qu'il donna d'abord à des moines de Corbie, qui reçut en conséquence le nom de Corbie, ou Neto-Corvey, mais qui, dans l'intérêt de l'œuvre des missions, fut peu après transféré plus bas, en descendant le Weser, au pied de la forêt de Sollinge. Placée d'abord sous la direction immédiate d'Adalart, l'abbé de Corbie, la nouvelle création, à la mort de celui-ci, 826, eut son propre abbé en la personne de Warin; elle obtint la translation des os de saint Vit de Saint-Denis, et fut richement dotée. Elle dut surtout son importance croissante à la fondation d'une école en vue de l'évangéli-sation des Saxons, et il s'y forma un grand nombre d'hommes distingués, Anschar, etc. Mais la corruption générale des mœurs au moyen âge l'atteignit, comme presque tous les couvents, et sa décadence fut rapide. La guerre de Trente ans lui fut fatale. En 1794 son abbé reçut le rang d'évôque qu'il perdit en 1803, quand son territoire fut donné au prince d'Orange; elle passa en 1807 à la Westphalie, en 1815 à la Prusse; elle est auj. complètement sécularisée.

 

CORBIÈRE, Pierre de; v. Nicolas V.

 

CORBINIEN, né vers 680 à Chartres, f 8 sept. 730. Fondateur de l'évêché de Freisingen, Bavière.

 

CORDELIERS, v. François i<>.

 

CORDIER 1° Mathurin, né 1479, probablement en Normandie; amené à la réforme par Rob. Estienne; remarquable par son caractère, son érudition, son goût classique et ses dons pour l'enseignement. Régent à Paris dans les collèges de La Marche et de Navarre, il eut pour élève Calvin, qui plus tard lui dédia son Comment. sur 1 Thessal. Il quitta la i" classe pour prendre modestement la 4^ estimant que, pour la suite des études, il importait surtout de bien poser les premiers éléments de la grammaire. Devenu prêtre vers 1528, et chargé d'une église à Rouen, il ne tarda cependant pas à reprendre sa première carrière, enseigna à Nevers et à Bordeaux 1534-1536, vint à Genève en 1538, puis à Neuchâtel 1540. à Lausanne 1550-1557, et finit par revenir au poste qu'il avait déjà occupé au collège de Genève, f 8 sept. 1564, âgé d 4 85 ans, 4 jours après sa dernière leçon, et peu de mois après Calvin. Sa mémoire est restée populaire à Grenève, où il continue d'être considéré comme le modèle des pédagogues et comme le premier organisateur du vieux collège. Il a laissé une douzaine de petits écrits, presque toussur l'enseignement ou pour l'édification; ses Colloques sont le plus important, et ils ont été trad. dans plus, langues et souvent réimprimés.

2° Balthasar, né 1592 à Anvers, f 1650 à Rome; auteur de quelques comment, sur Job, Psaumes, Luc et Jean; éditeur de quelques pères grecs.

 

CORDOUE, célèbre ville d'Espagne, qui prospéra surtout sous l'administration des Maures, depuis Abdérame Ier 756, et qui atteignit l'apogée de sa splendeur sous Hakim II 980. C'est aux Maures qu'elle dut ses magnifiques monuments, ses immenses richesses, ses écoles et ses savants, au nombre desquels brillèrent Abulka-ris, Averroës, Maïmonides. Sa gloire commença à décliner quand elle retomba 1236 entre les mains de Ferdinand III. Patrie des deux Sénè-que et de Lucain sous les Romains, elle a donné 1.* jour dans les temps modernes au général Gonzalve, à des poètes et à des peintres. Il s'y tint en 852 un concile, qui se prononça contre la recherche exagérée du martyre lors des persécutions musulmanes.

 

CORDUS, Eurice, médecin et humaniste distingué de l'époque de la Réforme. Né 1486 à Weiter, il accompagna Luther à Worms, s'établit comme médecin à Brunswick, puis comme prof, à Marbourg 1527 et à Brème 1534. f 1535. Connu par de charmantes et fines satires htines contre les moines mendiants et les désordres de son temps.

 

CORNEILLE 1° centenier, Act. chap. 10; une tradition le fait év. de Césarée et martyr.

— 2° pape. Il monta sur le siège épiscopal de Rome vers 251, après un interrègne de 16 mois causé par les luttes sur la conduite à tenir à l'égard de ceux qui avaient renié leur foi pendant la persécution. Il représentait le parti de la douceur. Mais son élection donna lieu au schisme de Novatien, qu'une partie de l'assemblée nomma et essaya, mais en vain, de maintenir. Cyprien reconnut Corneille, malgré leurs divergences ecclésiastiques; Denys d'Alexandrie de même. L'év. d'Antioche refusa. L'emp. Gai-lus exila Corneille à Centum Cellae (Civita-Vee-chia) où il + 252, après 17 mois de pontificat.

— 3° Corneille de la Pierre (Cornélius a lapide. van den Steen), jésuite, exégète encore estiim des catholiq. Né 1598 près de Liège, il fut prof, à Louvain et à Rome, + 12 mars 1637. Ses Gomment, sont diffus, mais renferment beaucoup d'extraits des pères.

 

CORNELIUS 1° Pierre (de), né 1787, f 1867, peintre célèbre par la hardiesse de ses conceptions; il a peint pour plusieurs égl. des sujets religieux. Son Jugement dernier est à Munich: plusieurs cartons d'un Campo Santo sont à Berlin. — 2° v. Lapide.

 

CORONATI, les quatre couronnes: quatre frères, Sévère, Séverin, Carpophore et Victorin, qui subirent le martyre 304. La légende porte qu'on leur enfonça sur la tête des couronnes garnies de pointes.

 

CORPORAL, linge sur lequel on dépose l'hos tie; anciennement il était assez grand pour recouvrir l'hostie et le calice, et on l'appelait palla.

 

CORPUS DOCTRINE, corps de doctrine, nom de convention donné, surtout chez les luthériens, à des recueils contenant, outre la confession, l'Apologie, les catéch. de Luther, et les articles de Smalcalde qui manquent rarement, des documents plus spéciaux ayant pour but de renforcer, d'atténuer ou simplement d'expliquer la doctrine reçue. Ainsi le Corpus doctr. misnicum, ou philippicum, 1559, publié en Saxe, renfermait les écrits confessionnels de Mélanchthon; le Corp. de Hambourg 1560 contenait cinq déclarations, très raides dans l'esprit luthérien, sur la cène et l'adiaphorisme. Celui de Brandebourg, rédigé par Musculus, contenait des fragments de Luther sur les points controversés; celui de Hesse y avait joint la formule de Concorde de Wittenberg, etc.

 

CORPUS EVANGELICORUM, nom sous lequel se constitua, le 22 juill. 1653, à Ratis-bonne, sous la présidence de l'élect. de Saxe, une représentation régulière des États évangéli-ques, sur la base du jus eundi in partes garanti par le traité de Westphalie. Sa mission était de veiller aux intérêts du protestantisme; il fut reconnu par l'empereur. Les catholiq. avaient de même, sous les auspices de l'élect. de Mayen-ce, un corpus cathol., moins formellement organisé, mais qui figure cependant sous ce titre dans des documents officiels. L'un et l'autre cessèrent d'exister en 1806, mais furent remplacés officieusement, l'un par le Kirchentag, l'autre par la confér. d'Eisenach, dans la mesure où le besoin pouvait s'en faire sentir.

 

CORRECTEURS: collège de savants, fondé par Pie IV 1563, sur l'initiative du conc. de Trente, pour reviser et publier le Décret de Gratien. Ce travail aboutit à une Editio romatia, 1582.

 

CORRECTION (maisons de). Les catholiques ont des établissements où les ecclésiastiques peuvent être enfermés à la suite de grosses fautes disciplinaires, pour un temps plus ou moins iong. Les couvents sont habituellement utilisés pour ces exercices de pénitence. Quand il s'agit, non d'un prêtre qui a failli, mais d'un individu complètement indigne du ministère, et qu'on veut pour l'honneur de l'Égl. le soustraire aux yeux du monde, on appelle ces établissements des maisons de démérite. Plusieurs concordats reconnaissent ces maisons, mais en limitant le droit des év. quant à la nature et à l'application des peines. Les Égl. protestantes n'ont rien de semblable, attendu qu'un ecclésiastique perdrait son influence avec son caractère, par le fait d'une faute qui entraînerait son incarcération.

 

CORRÈGE, Antonio Allegri (di), de Modène, né 1494, f 1534, peintre d'église et de sujets religieux, comme presque tous les peintres de son époque, mais passablement naturaliste et voluptueux. Il vécut surtout à Parme. Ses deux plus belles fresques sont une Adoration du Christ, et une Assomption de la Vierge. Le Louvre, Dresde et Florence possèdent quelques-uns de ses tableaux, dont une Descente de croix, une Madone, une Fuite en Égypte. un Jérôme (sur bois), et une jolie Madeleine, mais qui n'a pas l'air de se repentir. Dessin correct, coloriste distingué, peintre gracieux, mais sensuel.

 

CORRODI, Henri. Né 31 juill. 1752 à Zurich; fils d'un pasteur. S'attacha à Halle à Sem-ler et travailla à Zurich dans le même esprit <omme prof, de droit naturel et de morale, f 1793.11 a écrit une Hist. du chiliasme 1781, et des Consid. sur l'hist. du canon, 2 vol. 1792.

 

CORVEY (New), v. Corbie.

 

CORVIN lo Jean, v. Hunyade. 2o Mathias, roi de Hongrie, fils de Jean, élu 1458 à 15 ans. t 1490; le souverain le plus illustre de son temps comme militaire et comme législateur. Attaqué par tous ses voisins, Autriche, Bohême. Pologne, Transylvanie, Moldavie, Valachie, il lit face à tous, et fut en outre le boulevard de la chrétienté contre les Turcs. Il introduisit l'imprimerie, fit élever un observatoire, fonda une université à Bude, et y réunit une des plus magnifiques bibliothèques du monde. Quand les Turcs se furent emparés de la ville, 1530, ils en détruisirent ou en dispersèrent les précieuses collections. Ce n'est qu'en 1877 qu'ils se décidèrent à rendre à la Hongrie ce qu'ils avaient conservé, une trentaine de riches volumes, de la biblioth. de Matth. Corvin.

3° Antoine, Rœbener (le corbeau, Corvinus), théol. du temps de la réforme, né 27 févr. 1501 à Warbourg, fut chassé de son couvent à cause de ses principes évangéliques, étudia à Wittenberg, prit part aux conférences de Smalcalde, fut chargé par Philippe de Hesse de parler aux anabaptistes prisonniers à Munster, s opposa à la tentative d'Eric II, redevenu catholique, de rétablir l'Intérim; passa 3 ans en prison pour sa fidélité, et f 1553. — 4° v. Monte Corvino.

 

COSME, ou Cosmos. 1° Arabe de naissance, ainsi que son frère Damien; patrons des chirurgiens et des apothicaires; ils exerçaient leur art gratuitement et furent martyrisés vers la fin du 3^0 siècle. — 2° Marchand d'Alexandrie, surnommé Indicopleustes, parce qu'il fit le voyage des Indes. Devenu moine, et relativement plus instruit, surtout en géographie, que la plupart de ses confrères, il eut l'idée de se faire une réputation comme géographe et écrivit, vers 536, sa Topogr. chrétienne, avec cartes et illustrations, qui est l'une des plus bizarres que l'homme ait imaginées. La terre est une grande cage dont les cieux forment le toit. La description de Ceylan est la meilleure partie du livre. — 3° Baseilhac, surnommé frère Cosme ou Cô-me, un des plus habiles chirurgiens du siècle dernier; inventeur du lithotome caché. Né 1703 près Tarbes, f 1781; était entré 1729 dans l'ordre des feuillants, qui lui donnèrent son nom.

 

COSRI, ou Cosari, titre d'un ouvrage du rabbin Juda Hallevi, vers 1400, dans lequel, sous la forme d'une conversation du roi Cosar avec un philosophe, un chrétien, un mahométan, un caréen et un rabbin, l'auteur s'applique à démontrer la supériorité du judaïsme rabbinique sur tous les autres systèmes ou religions. Écrit en arabe il a été trad. en hébreu, puis publ. par Buxtorf 1660.

 

COTELERIUS, Jean-Baptiste, né à Nîmes, déc. 1627, docteur à la Sorbonne 1648, fut chargé de cataloguer et de mettre en ordre les mss. grecs de la Biblioth. royale, f 19 août 1686, étant prof, de grec. On lui doit une édition des Pères 1672, réimpr. par LeClerc 1698; les Monuments de l'Égl. grecque, des Homélies, etc.

 

COUPE, v. Calice.

 

COURCELLES, Étienne (de), fils de Firmin d'Amiens, né à Genève 2 mai 1586, f à Amsterdam 22 mai 1659. Il fît de bonnes études, fut consacré en 1614 et fut successivement pasteur à Fontainebleau, Amiens, Heiltz-le-Maurupt, Vitry, et enfin prof, de théol. à Amsterdam. Arminien de cœur, il n'eut pas toujours l'énergie de ses convictions, et les renia pour éviter des difficultés. Mais ayant trouvé en Hollande un meilleur terrain, et protégé par Épiscopius, il vint à Amsterdam où il put professer plus librement ses opinions. On a de lui une bonne édition grecque du N. T. avec notes et variantes, plusieurs fois réimprimée; une Institution de la relig. chrét., inachevée; une étude sur la papesse Jeanne, de Blondel; et un grand nombre de dissertations et de Lettres. Il eut de sa femme Susanne Fleurigeon un fils, Gédéon, qui fut pasteur des Remontrants à La Haye.

 

COURLANDE, pays des Cures, ou Coures, qui avec les Esthes, les Lives et les Lettes, formait la race finnoise. Ces peuplades habitaient les (Mites orientales de la Baltique. Presque inconnus jusqu'au 13me siècle, les Cures furent conquis à l'Évangile par les Frères de l'épée, mais dans leur lutte pour leur indépendance, ils succombèrent presque tous; des Esthes et des Lettes prirent leur place, mais les conquérants allemands continuèrent de former la majorité de la population. Ils relevaient de Pév. de Riga. La réformation s'y établit par les soins du gouverneur de Livonie, Walther de Plettenberg. Son successeur Gotthard Kettler l'obtint à titre héréditaire, lors du traité de Wilna 1561, sous le protectorat de la Pologne, et dès lors la réforme y fut généralement professée, avec une constitution ecclés. donnée par le surintendant Ein-horn 1570. Vers la fin du 17me siècle la liberté religieuse y fut proclamée, et des catholiques purent s'y établir, aussi bien que des réformés, à côté des luthériens. L'état religieux était d'autant plus triste que les pasteurs ne connaissaient pas la langue de leurs paroissiens, et ne pouvaient ni les instruire, ni les exhorter. Réunie à la Russie 1795, la Courlande fut mieux protégée que les autres provinces contre les empiétements de la religion grecque: ce n'est toutefois qu'en 1865 que fut révoquée la loi qui donnait à la religion grecque tous les enfants issus de mariages mixtes. Les missions baptis-tes y ont obtenu de grands succès; les moraves, moins qu'en Livonie. Sur 500,000 habitants, on compte 400,000 luthériens et 50,000 catholiques; le reste se compose de réformés, de bap-tîstes, de juifs, etc.

 

COURONNEMENT. Cette cérémonie, telle qu'elle est racontée 2 Rois 11, 12. et qui symbolise le droit divin du monarque, mais aussi, en passant par les mains de l'Église, la prédominance de l'Égl. et la subordination de l'État, s'est introduite en Europe avec les premiers rois chrétiens, et notamment avec les emp. germaniques. Les princes protestants y ont renoncé les premiers, en supprimant l'onction d'huile et en plaçant eux-mêmes sur leur tête, sans l'intermédiaire du prêtre, la couronne, symbole de leur pouvoir temporel. Le couronnement du pape a lieu le dimanche qui suit son élection; c'est le plus âgé des cardinaux-diacres qui \ préside, conformément au cérémonial romain: Reçois, lui dit-il en latin, reçois cette tiare ornée de 3 couronnes, et souviens-toi que tu es le Père des princes et le chef (rectorem) des rois de ce monde, sur la terre le Vicaire de N. Sauveur J.-C., à qui soient l'honneur et la gloire aux siècles des siècles. Amen.

 

COURT, lo Antoine, que l'on peut appeler le grand restaurateur du protestantisme en France. Né 1696 à Villeneuve-de-Berg, Vivarais, il conçut le dessein de ressusciter une Église que le Néron du 17me siècle avait déclarée morte, el que ses persécutions avaient tuée. Il n'y avait plus de culte, il ne restait ci et là que des protestants isolés, un c reste qui s'en va mourir. » La guerre des camisards touchait à sa fin; le combat allait finir, faute de combattants; ils étaient presque tous morts, ou sur les galères, ou bannis. C'est un jeune homme de 17 ans qui rêva le relèvement de cette pauvre Église; doué d'un esprit droit et ferme, intrépide et prudent à la fois; navré de la lâcheté des uns, qui se rendaient à la messe par peur; effrayé du fanatisme maladif des autres, qui compromettaient la réforme par leurs écarts, il prêchait la Mit dans les solitudes rocheuses du Vivarais. Sans éducation classique, il s'efforçait de réparer cette lacune par le travail et la méditation. A19 ans il fut appelé à desservir l'égl. de Nîmes, el il y trouva sous d'autres formes les mêmes désordres que dans les montagnes. Il résolut de mettre la main à l'œuvre, et poursuivit le triple but lo de multiplier le nombre des assemblées, pour ranimer le zèle et raffermir la foi des fidèles; 2° de rétablir l'ancienne discipline, en réorganisant les consistoires, les colloques el les synodes; 3° de former de jeunes prédicateurs. et d'appeler, si possible, en attendant, des pasteurs et des ministres étrangers. Il commença par le Vivarais, et fut à la fois le président et le secrétaire d'un premier synode provincial tenu le 26 août 1715. Le « Vainqueur de l'hérésie » allait mourir, mais il devait constater avant son agonie, que l'Égl. qu'il avait juré d'anéantir n'était pas morte. Second synode en Dauphiné, 22 août 1716; 3»« en Lan- | guedoc, 2 mars 1717. Sur le conseil de Basnage, le régent duc d'Orléans fit sonder Court pour j savoir s'il y avait à craindre un soulèvement des réformés du midi. Court répondit qu'il n'y aurait de révolte à craindre qu'en cas de persécution, et refusa la pension que le gouvernement lui fit offrir. Il fut consacré en 1718, par Corteis qui venait de l'être à Zurich. En 1722 il épousa Étiennette Pagès, d'Uzès, « qui édifiait fort l'Église par son zèle et sa débonnaireté. » Après un court séjour à Genève il revint en France, cédant aux sollicitations des églises, et il reprit ses périlleux travaux; plusieurs fois il faillit être arrêté, mais il échappa à toutes les poursuites. En 1729 cependant il se décida à se fixer en Suisse, où il avait envoyé quelques mois auparavant sa femme et ses enfants, craignant qu'ils ne lui fussent enlevés. Il choisit Lausanne comme le lieu le plus convenable pour la fondation d'un séminaire, et il put l'ouvrir la même année, sous la direction d'un comité résidant à Genève, avec le concours du gouvernement bernois et l'aide de W. Wake, archev. de Cautorbéry. Il ne cessa dès lors de rendre d'importants services aux églises, comme leur député général, par ses conseils, ses lettres qui étaient fort nombreuses, et son intervention sous les formes les plus diverses; + 1760. II reste de lui plusieurs ouvrages, dont les plus importants sont: Le patriote français 1751. Lettre d'un patriote 1756, Hist. des Guerres des Cévennes, ou guerre des camisards 1760, réimpr. 1819. On conserve en outre à la Biblioth. publ. de Genève 116 vol. mss. et plusieurs liasses de papiers appartenant à la succession de Court. 11 eut de sa femme trois enfants, une fille aînée qui f 1731 à 7 ans; une seconde, Pauline, née 1727, qui épousa Étienne Solier, et un fils. — Vie et lettres, par Edmond Hugues; Dar-dier, etc.

2° Court de Gébelin, fils du précédent, né 1728, ajouta au nom de son père celui de sa grand'mère paternelle. Il fit ses études au séminaire de Lausanne, où il fut reçu ministre. Sa mère étant morte presque subitement 1755, et son père étant accablé de douleur, Gébelin le soulagea autant qu'il le put, se chargea de sa correspondance, prit soin des églises, mais il avait ses propres occupations, comme prof, au séminaire, et ses aptitudes étaient plutôt littéraires et scientifiques. A la mort de son père il le remplaça comme représentant des égl., et en 1763 il vint se fixer à Paris où, en continuant <le s'occuper avec zèle et dévouement des intérêts des églises, il put se livrer à des travaux plus conformes à ses goûts, se fit estimer des hommes de tous les partis, fut couronné 2 fois par TAcad. française, intervint avec succès dans la revision des procès de Calas et de Sirven, fut nommé censeur royal, quoique protestant et pasteur, et fut élu directeur du Musée, que les de lettres venaient de fonder. Ses dernières années furent attristées par des rivalités littéraires, des chagrins domestiques, des embarras financiers, et des reproches injustes des égl. pour lesquelles cependant il sacrifiait sa fortune, son crédit et sa gloire. Sa santé s'altéra; il chercha dans le magnétisme un soulagement momentané, et f 10 mai 1784. Il a écrit les Toulousaines, 30 lettres en faveur des réformés, 1763; en collaboration avec Franklin, un écrit périodique intitulé: Les affaires de l'Angl. et de K Amérique 1776; l'année de sa mort, Lettre sur le magnétisme animal, qui fit sensation. Mais le livre qui a fait sa réputation, quoiqu'il soitauj. complètement dépassé, c'est son gigantesque Monde primitif analysé et comparé, 9 vol. 4° 1773-1784. Il admettait une langue primitive unique, dont les dialectes actuels n'étaient que des modifications, et il espérait la reconstituer et en retrouver les éléments en remontant d'idiôme en idiôme. Il expliquait aussi les religions païennes par des allégories. Cet immense travail reposait sur une idée juste et géniale, mais la science n'était pas assez avancée pour fournir des bases suffisantes à l'édifice. Quand il mourut il lui restait encore des matériaux pour 6 ou 7 vol.; il n'eut pas le temps de les mettre en ordre et il chargea de ce soin son ami le savant pasteur Moulinié de Genève. Les circonstances ne permirent pas qu'il y fût donné suite. Court de Gébelin était un homme doux, aimable, laborieux, d'un esprit hardi et d'un cœur large. Il a eu des vues heureuses sur l'antiquité, mais n'a pas toujours su en tirer parti.

 

COUVENTS, maisons dans lesquelles habitent, soumis à la même règle, un nombre plus ou moins considérable d'individus, hommes ou femmes. Ils datent du temps où les religieux, renonçant à la vie solitaire, décidèrent de se grouper dans l'intérêt de leur sûreté on pour associer leurs forces et leurs travaux. La forme primitive du couvent fut la Laure (place, village) qui, dans l'origine se composait de cellules rapprochées, mais isolées, réunies autour de la cellule ou cabane d'un supérieur. A mesure qu'on sentit le besoin de se grouper davantage, les cellules se rapprochèrent, et finirent par ne plus former qu'un seul bâtiment, dont ta dispotion intérieure varia suivant les lieux et les circonstances. Dans les plus anciens couvents tout était d'abord en commun, même le dortoir ou le lit de l'abbé, placé au milieu, était entouré des couchettes des moines. Puis on donna à chaque moine sa cellule pour concilier les avantages de la solitude avec ceux de la vie commune; quelquefois aussi des ermites se construisaient une cabane dans le voisinage immédiat du couvent dont ils relevaient. Ou bien l'on élevait simultanément deux maisons, l'une pour les hommes, l'autre pour les femmes, séparées par une clôture, mais soumises à une même règle et à un même abbé. C'est l'Égl. orientale qui a le mieux conservé les anciennes formes de la vie conventuelle; ainsi le Sinaï, les monastères du Mont-Àthos (où il y a encore une Sainte-Laure), Etschmiatsin en Arménie. Dans l'occident les couvents sont toujours restés, plus ou moins, à l'état de bâtiments isolés et fermés. La forme architecturale varie naturellement beaucoup, mais partout on retrouve régi, avec son chœur, son autel, son lutrin, le chemin de la croix, le charnier ou cimetière (si Pégl. elle-même n'est pas utilisée pour cela), le réfectoire, la salle du chapitre, des cellules, un dortoir, et dans les couvents de femmes un parloir; puis des confessionnaux et des salles de malades. Les riches couvents ont en outre des bibliothèques, des salles de collections, et quelquefois dans l'enceinte même de leurs murailles, les bâtiments et dépendances nécessaires aux diverses exploitations, agricoles ou autres, de la maison: dépendances qui sont plus ordinairement placées en dehors, sous le nom de grangia (granges), et qui ne jouissent pas des privilèges accordés à la maison religieuse. Dans le principe chaque couvent formait un monde à part, indépendant, gouverné par un abbé ou prieur, sous l'inspection ecclésiastique de l'évêque. Peu à peu les plus importants obtinrent d'être soustraits à la juridiction épiscopale et de ne relever que du pape seul. Sous une apparence inoffensive ce fut une immense révolution. Les papes se procurèrent de la sorte une véritable armée; les couvents se multiplièrent, et les ordres religieux ne s'affranchirent de l'autorité diocésaine que pour être enrôlés directement au service pontifical. Des privilèges de toute nature leur furent accordés, et par le fait même de leur puissance, ils finirent par se rendre indépendants de l'autorité temporelle. Ils eurent leurs avocats, des intendants, des économes; leurs domaines s'étendirent, leurs richesses se multiplièrent, ils réussirent, déjà sous Charles Martel, à exercer une influence politique; les bénéfices dont ils disposaient, leur procurèrent des créatures; ils abandonnèrent les solitudes pour s'installer au milieu des villes et contrebalancèrent la puissance des seigneurs. Mais avec le luxe et la richesse, les mœurs et la discipline se relâchèrent; ce qui avait été la retraite de la piété, du travail et de l'étude, ne devint trop souvent que le repaire du vice, de la paresse, de la débauche et de la sensualité. La vie devint facile et mondaine, on en fit une carrière pour les jeunes nobles, et l'auréole de sainteté qui entourait les premiers monastères disparut, quand on vit combien ils avaient dégénéré. La Réformation leur porta un coup fatal, en prouvant qu'ils ne faisaient plus que se survivre à eux-mêmes. Les jésuites ne songèrent pas à en fonder de nouveaux: ce n'était plus nécessaire, ni au point de vue de l'œuvre des missions, ni comme centres pour les hautes études. Le christianisme était déjà représenté dans presque toutes les contrées du monde, et à cette époque troublée Rome avait besoin d'autres auxiliaires que ces moines méditatifs ou mendiants, qui avaient fait la fortune des monastères au moyen âge. O n'est pas seulement dans les pays évangéliques, c'est encore dans la plupart des pays soumis à Rome, que les couvents furent alors sécularisés ou supprimés, et ceux qui ne purent être affectés à d'autres destinations, ne tardèrent pas à tomber en ruines; plusieurs furent détruits ou brûlés pendant les guerres de religion en France, en Angleterre ou en Allemagne. L'emp. Joseph en supprima plus de 800 en Autriche. Enfin la rèvol. française leur porta le dernier coup en déclarant biens nationaux tous les établissements et propriétés ecclesiastiques. En Espagne même, sur cette terre privilégiée, et après que l'invasion française eut déjà réduit considérablement le nombre des maisons religieuses, 900 couvents furent encore supprimés en 1835, parce qu'ils ne comptaient pas plus de 12 membres. Napoléon n'octroya de nouveau en 1807 le droit de se réunir en corporations, qu'aux sœurs de charité. La Restauration de 1814 fut une réaction violente contre les mesures violentes dont on avait usé envers l'Église. L'Espagne et le Portugal autorisèrent les ordres religieux à se reconstituer, et leur rendirent une partie de leurs biens. Les couvents se relevèrent en France et en Relgique, ainsi qu'en Bavière et en Westphalie. Chaque année en vit surgir de nouveaux. Plusieurs des cantons cathol. de la. Suisse les laissèrent se multiplier sans obstacles. Les couvents de femmes s'occupèrent en général d'éducation ou du soin des malades, et quelques-uns se firent une réputation justement méritée. Le décret du conc. de Trente, qui, tout en plaçant les couvents sous la dépendance du pape, assure auxév. le droit d'inspection, a été, depuis la Restauration, d'autant plus facile à observer que les intérêts des év. se sont plus entièrement confondus et identifiés avec ceux de la papauté. Après avoir rendu de vrais services à la civilisation, les couvents ont cessé, même les meilleurs, de répondre à leur destination première, et il ne faut pas se dissimuler qu'auj., tout en en respectant l'idée, et sans aucun sentiment irréligieux, l'opinion générale leur est plutôt hostile. D'un côté les privilèges-exorbitants qui leur ont été concédés; de l'autre les avantages immenses que leur assure le fait de l'association, leurs richesses croissantes* leur caractère d'État dans l'État, leurs rapports, avec Rome; souvent leurs intrigues politiques; la concurrence ruineuse qu'ils font à l'industrie privée, comme éducateurs, liquoristes, fabricants de fleurs ou de dentelles, couturières; le poids enfin dont ils pèsent sur l'enseignement public, et leurs méthodes surannées, pour dire le moins, tout a concouru à les rendre suspects d'abord, puis à attirer sur eux l'attention vigilante de l'autorité. De là des règlements, des mesures de police, des suppressions, des inca-mérations, et dans plusieurs pays le retour à l'état de biens, tantôt mal administrés, tantôt mal employés. Les couvents qui, par leur respectabilité ou par les services qu'ils rendent, continuent de justifier leur droit de vivre, échapperont encore aux dangers que court cette institution des temps anciens; ainsi Einsiedeln, le Saint-Bernard, les couvents de l'Orient. Mais l'esprit public est éveillé, et ce n'est plus qu'à force de le mériter que ces établissements pourront prolonger leur existence. — Des trois mots qui servent en français à désigner à peu près la même chose, le mot grec monastère rappelle davantage l'idée de solitude, de retraite; couvent, dérivé du latin, exprime l'idée de communauté; enfin cloître, aussi latin, l'idée de clôture, de séquestration. On s'enferme dans un cloître, on se retire dans un monastère, on entre dans un couvent.

 

COVENANT, Covenantaires. Marie de Guise étant devenue régente d'Écosse 1555, s'étant entourée de-soldats français, et menaçant de faire de l'Écosse une dépendance de la France, en même temps qu'elle travaillait à relever le catholicisme, les protestants inquiets prièrent Knox de revenir en grande hâte, et sur son refus de quitter Genève pour une affaire qui présentait une apparence politique trop accentuée, les chefs du parti protestant se réunirent à Édimbourg pour faire une manifestation solennelle de leur attachement à la foi évangélique. Ils rédigèrent et signèrent 3 déc. 1557 un traité d'alliance pour la défense de leur religion, un Cwenant, ou convention (qui fut appelé ensuite le Premier)y s'engageant à consacrer leurs forces au service de Dieu, à faire au besoin le sacrifice de leurs vies pour combattre ceux qui troubleraient l'Église, à ne rechercher que les enseignements de la Parole de Dieu, à entretenir et i protéger des ministres fidèles, etc. Ce document est la première pièce officielle du protestantisme en Ecosse; il donna à l'Égl. une position qui lui permit de traiter directement avec l'État. Comme le mot de congrégation, au lieu d'église, revenait assez souvent dans le texte, on donna le titre de Seigneurs (Lords) de la Congrégation, à ceux qui l'avaient signé, les comtes d'Argyle, Glencairn, Morton, lord Lorn, Erskine de Dun, etc. La régente jetant de plus en plus le masque, et Knox étant arrivé en

Écosse, comme les troupes françaises allaient attaquer Perth, les lords de la Congrég. se réunirent de nouveau pour renouveler leur engagement d'être fidèles dans la défense de leur foi. Ce fut le Second Covenant, 31 mai 1559. Dans l'un comme dans l'autre, il n'y avait alliance qu'entre les membres de la congrégation. Plus tard on comprit que pour assurer le respect de ces droits, il fallait en faire l'objet d'un traité entre l'Égl. et l'État et lui donner le caractère d'un contrat. Le premier Covenant national, préparé par Craig, fut rédigé et publié en 1581 sur la base de la Confession de 1560, à l'occasion de l'arrivée de plusieurs jésuites et des dangers dont Lennox à l'intérieur et Philippe II au dehors menaçaient la foi de l'Église. Le roi Jacques le signa, à contre-cœur et sans conviction; la noblesse dut en faire autant, mais tous avec l'arrière-pensée de ne pas tenir leur parole. Ce Covenant fiit renouvelé en 1638, le 28 févr. de la manière la plus solennelle, à Édimbourg, comme protestation contre les criminelles entreprises de Charles I«r qui voulait rétablir en Écosse l'épiscopat et la liturgie catholique. Il fut en quelques jours couvert de milliers de signatures, et les covenantaires, abandonnés du roi, purent se glorifier d'avoir sauvé le pays; les non-covenantaires ne se doutaient pas qu'ils élevaient lentement l'échafaud sur lequel devait bientôt périr l'aveugle et perfide monarque. Lors de la restauration des Stuarts le Covenant, que le Parlement anglais avait garanti 1639, fut formellement supprimé 1663, mais les presbytériens ne se découragèrent pas et continuèrent de lutter jusqu'au moment où 1689 ils eurent conquis une liberté de croyance pleine et en -tière. On trouve encore auj. en Écosse des adhérents rigides du vieux Covenant.

 

CRAMER, Jean-André, plus connu comme poète que comme théologien; né 29 janv. 1723, nommé en 1754 prédicateur de la cour à Copenhague, et en 1765 prof, de théologie; renvoyé en 1771 par Struensée, surintendant à Lubeck, enfin recteur et prof, à Kiel. + 12 juin 1788. Ami intime de Klopstock. Il a publié 250 cantiques, dont plusieurs se chantent encore.

 

CRANMER, Thomas, archev. de Cantorbéry et l'un des réformateurs de l'Angleterre. Né 2 juill. 1489 à Aslacton, comté de Nottingham, il était en 1523 prof, de théol. et prédicateur de l'université à Oxford. Quoique prêtre, et malgré la loi, il s'était marié en 1519. Il prit parti pour Henri VIII, quand celui-ci demanda en 1530 que son mariage avec Catherine d'Aragon fût déclaré nul, et il se rendit à Rome pour solliciter du pape la dissolution de ce mariage. Il fut envoyé en 1531 en Allemagne, où il se remaria avec la nièce d'Osiander, mais secrètement.

L'année suivante il prononça, sur le refus du pape, le divorce de Henri VIII, 23 mai, et bénit le 1er juin son union avec Anne de Boleyn. C'est sur son conseil que le roi secoua l'autorité du pape, se déclara lui-même chef de l'Église d'Angleterre 3 nov. 1534 et procéda à l'œuvre de la Réformation. Le synode de 1536 fixa les Dix articles de la religion; en 1537 il fut procédé à une nouvelle traduction de la Bible. Il résista énergiquement en 1538 à la réaction catholique, et poursuivit avec vigueur la réforme sous Édouard VI, avec le concours de Bucer, Lasky, Ochin, J. Martyr, Jonas, etc. Les 42 articles (réduits plus tard à 39 furent sanctionnés en 1542 par le roi, ainsi que la liturgie revisée. Accusé de haute trahison sous Marie-la-Sanglante, et condamné après une procédure irrégulière, Cranmer se laissa entraîner par faiblesse à signer une rétractation des vérités qu'il avait enseignées, mais il se releva bientôt de cette chute, désavoua publiquement sa rétractation, et subit avec courage et avec joie le supplice du feu, 21 mai 1556. Sa défaillance momentanée s'explique par sa soumission à l'autorité royale, mais il ne put se décider à lui sacrifier ses convictions religieuses.

 

CRATON de Crafftheim; de son vrai nom, Jean Craton, médecin distingué de l'époque de la Réformation. Né à Breslau 22 nov. 1519, + 19 oct. 1585. Il fut auprès de Maximilien le défenseur des protestants contre les jésuites. Ami de Bèze et de Mélanchthon, il fut touj. pour le parti de la modération, et pour l'union.

 

CRAW, Paul, brûlé à Saint-André, Écosse, 1432, pour avoir cherché à répandre les doctrines de Huss.

 

CRÉDENCE, de l'ital. credenza, buffet; petite table, près de l'autel, où, dans les grandes cérémonies, on place les burettes et autres objets nécessaires à l'office.

 

CREDNER, Auguste, né à Waldershausen 10 janv. 1797, successivement prof, de théol. à Iéna et à Giessen, f 1857; auteur de plus, ouvrages d'exégèse et de critique sacrée, hist. du Canon, etc. Il défendit avec ardeur les principes de la liberté scientifique.

 

CRELL, 1<> Nicolas, né à Leipzig 1551, prof, de droit 1575; précepteur du prince royal Christian; nommé par lui chancelier 1585. Il réprima les disputes théologiques, favorisa les philippistes ou crypto-calvinistes, s'attira la haine de la noblesse en prenant parti pour la suppression de l'exorcisme dans la formule du baptême 1591, fut emprisonné, accusé de haute trahison, irrégulièrement jugé à Prague et exécuté 9 oct. 1601. — 2° Paul, prof, de théol. à Wittenberg, auteur d'une Harmonie des 4 évangiles 1566, et d'une nouvelle éd. de la Bible latine de Wittenberg 1574. — 3° Jean, unitaire, disciple de Socin, né 1590 près Nuremberg, pasteur à Cracovie, f 1633; auteur d'un livre sur l'unité de Dieu 1631, et d'un travail posthume sur la liberté relig. 1637. Son fils Christophe a travaillé dans le même sens, ainsi que son petit-fils — 4° Samuel, né 1660, élevé chez les arminiens à Amsterdam, f 1747; auteur, sous le pseudonyme d'Artémon, d'un travail sur le prologue de Jean. C'est aussi lui qui rédigea la Conf. de foi des unitaires 1716. Il a écrit: Nouvelles pensées sur le premier et le second Adam, et un livre sur: La foi des premiers chrétiens, 1697.

 

CRESCONIUS, év. d'Afrique vers 690, colla-tionna et mit en ordre les Canons de Denys, sous le titre de: Concordia canonum. On les connaît sous le nom de: Breviarum Cresconii.

 

CRESPIN lo Jean (ou Crùpin), fils d'un avocat d'Arras. fut reçu lui-même avocat à Paris, mais lié d'amitié avec Bèze, dont il partageait les convictions religieuses, il vint à Genève 1548, et y fonda la célèbre imprimerie qui porta son nom. Son fils Samuel, et ses deux gendres, Vignon et Chouet, suivirent la même profession; c'est Eustache Vignon qui lui succéda. f de la peste 1572. Une des filles de Samuel, Anne, épousa Nathan d'Aubigné. Crespin était un savant, un écrivain et un homme de goût. Il a écrit lui-même un: Livre des martyrs ou Martyrologe, 1554, souvent réimpr. et dont on prépare une nouv. édition; l'Estat de l'Égl. depuis les Apôtres, 1562; le Marchand converti, tragédie de controverse, etc. — 2° Théodore Crespin, sieur de la Chabosselaye, pasteur de Marennes; auteur d'une thèse sur les indulgences; délégué par les égl. de la Saintonge, pour obtenir justice contre le lieutenant-général de Saintes, il échoua dans sa mission, et en conçut tant de chagrin qu'il tomba malade et f à Chatellerault 1679.

 

CROATIE. Cette contrée, auj. comprise entre rillyrie, l'Esclavonie et la Bosnie, fut enlevée aux Avares vers 640 par la peuplade slave des Croates, qui la possédèrent sous le protectorat des emp. grecs. Soumis aux Francs sous Charlemagne, les Croates recouvrèrent leur indépendance vers 830 et se constituèrent en royaume. Ladislas 1er 8e les assujettit 1091, et les réunit à la couronne de Hongrie, à laquelle ils n'ont cessé dès lors d'appartenir, sauf une partie qui fut conquise par les Turcs. Le christianisme y fut introduit par Héraclius, mais il ne fut définitivement établi que lorsque les Croates se furent déclarés indépendants; ils se tournèrent alors vers Rome pour se soustraire à toute tentative du côté de Constantinople. Cependant ils acceptèrent des Bulgares 868 la liturgie slave de Méthodius, et pendant plus d'un siècle ils flottèrent entre le pape et l'empereur. En 1035 ils se décidèrent enfin ponr Rome, mais en conservant longtemps encore leur liturgie. Ils eurent jusqu'à 5 évêchés. Auj. il n'y a plus que celui d'Agram. Outre les catholiques, la Croatie aetaelle compte des grecs-unis, qui relèvent de l'év. de Kreuz, et des grecs-orthodoxes qui se rattachent à l'arche v. de Carlowitz. La Réforme y pénétra par le fidèle ministère du pasteur Xichael Butschitsch, mais le clergé réussit 1607-1640 à en fermer les temples et à en proscrire les ministres. C'est une œuvre de foi tout à recommencer.

 

CROISADES, expéditions militaires et religieuses qui ont rempli les 12®e et 13™® siècles. H yen a eu contre les Maures d'Espagne, contre les Prussiens, contre les albigeois et contre les hussites; mais le mot s'emploie plus spécialement en parlant des armées de l'Europe courant à la délivrance du saint sépulcre. Le nom vient de la croix d'étoffe rouge, que portaient sur l'épaule droite tous ceux qui se joignaient à l'expédition. Provoquées tantôt par les papes, tantôt par la France, l'Angleterre ou l'Allema-gne, les croisades se succédèrent à des intervalles irréguliers pendant 2 siècles, quelquefois distinctes, souvent se confondant les unes dans les autres, si bien qu'on ne saurait dire s'il y en a eu 5, 6, 7, 8 ou 9. Les historiens en comptent généralement 8 distinctes. Grégoire VII en avait eu la première idée, mais il ne put la réaliser. Voici la liste des principales: !<> Pierre l'Ermite, d'Amiens, après un pèlerinage à Jérusalem, outré de voir le saint sépulcre aux mains des musulmans, revient, persuade Urbain II, se fait recommander à tous les princes chrétiens, parcourt l'Occident, soulève les populations, s'adresse aux petits et aux grands, leur demande de délivrer les saints lieux, leur promet le ciel en récompense de leurs efforts, et obtient en 1095 la convocation d'un concile à Cler-roont, Auvergne, où Urbain II se rend en personne et harangue la foule en lui faisant le tableau le plus pathétique des maux que les chrétiens souffrent en Palestine. L'entraînement est général; la foule s'écrie: c Marchons ! Dieu le veut !» et ce cri devient le cri de ralliement de l'entreprise. Le départ est fixé au printemps 1096 et deux bandes partent en avant, conduites Pune par P. l'Ermite, l'autre par le chevalier Gauthier-Sans-Avoir. Sans ordre, ni discipline, ces vagabonds massacrent les juifs sur leur chemin, pillent partout et périssent presque tous avant d'être arrivés en Terre sainte. Mais les chevaliers et les princes, mieux organisés en trois formidables armées, partent sous les ordres de Robert Courte-Heuse, duc de Normandie, Raymond de Saint-Gilles et Godefroy de Bouillon, ce dernier proclamé général en chef. Eustache et Baudouin, frères de Godefroy,

Hugues de Vermandois, Robert II, Boëmond de Tarente et Tancrède son neveu comptent parmi les principaux chefs de l'expédition. Ils arrivent à grand'peine à Constantinople, sont reçus avec méfiance par Alexis Comnène à qui ils prêtent le serment d'hommage, traversent en hâte le Bosphore, défont les musulmans à Dorylée, prennent Nicée et Édesse, Antioche, enfin Jérusalem 1099, où ils fondent un royaume chrétien. Godefroy en est nommé roi, mais il ne veut connaître d'autre roi de Jérusalem que Jésus-Christ, et il se contente du titre de baron du saint sépulcre. La royauté n'en est pas moins maintenue et comptera pour rois, outre Godefroy, Baudouin et II, Foulques, Baudouin III. Amaury, Baudouin IV et V, et enfin Guy de Lusignan. La féodalité est organisée à la mode franque (Assises et bons usages du roy. de Jé-rus.); il y eut un baron de Sidon, un prince de Galilée, ou de Tibériade (Tancrède), un marquis de Jaffa, etc.

2® croisade. La chute d'Édesse et le massacre des chrétiens par le sultan Zenghi 1144 en furent l'occasion. Bernard de Clairvaux la prêcha sous Célestin II et Eug. III avec autant de succès que d'enthousiasme; Louis VII la commande en personne 1147; il a cent mille hommes sous ses ordres. Conrad III d'Allemagne Ta précédé. Mais ils n'éprouvent l'un et l'autre que des revers. Sur le point de prendre Damas, ils en sont empêchés par des rivalités intestines; ils lèvent le siège et reviennent en Europe avec les débris de leurs armées presque anéanties.

3«. Saladin-le-Grand ayant vaincu les chrétiens dans la célèbre bataille de Tibériade et repris Jérusalem sur Lusignan, 1187, Guillaume de Tyr, sous Clément III, fait un nouvel appel aux fidèles de l'Occident, et trois puissants monarques se liguent pour reconquérir les lieux saints: Frédéric Barberousse, Richard Cœur-de-Lion et Philippe-Auguste. Ils partent avec de nombreuses armées; mais le premier se noie près de Séleucie, et les deux autres se brouillent au siège de Saint-Jean d'Acre; Philippe abandonne la partie; Richard poursuit seul la campagne, se distingue par son héroïsme; remporte d'éclatantes mais inutiles victoires, et n'obtient pour prix de ses efforts qu'une trêve de 3 ans, la possession des plaines de la Judée et la liberté du pèlerinage de Jérusalem, 1193. Guy de Lusignan conserva l'île de Ghypre, sous le titre de royaume.

4®. Prêchée par Foulques, curé de Neuilly, sous Innocent III et Phil.-Auguste. Les comtes de Flandres et de Champagne en furent les principaux chefs, mais en réalité, ce fut le vieux doge aveugle Dandolo qui dirigea l'expédition. Il conduisit les croisés à Zara, Dalmatie, dont il s'empara pour le compte de Venise, et conduisit les armées par terre jusqu'à Constantinople; ils chassèrent Alexis l'Ange, se débarrassèrent du vieil empereur, nommèrent à sa place Baudouin de Flandre, descendant de Charlemagne, et fondèrent l'emp. latin de Constantinople, qui devait durer 57 ans. La croisade dura de 1201-1204 et ne dépassa pas le Bosphore; quelques bandes seules se rendirent en Palestine, mais ne purent rien y faire.

5«. Sous le pontificat d'Honoré III, 1217, croisade conduite par Jean de Brienne, roi titulaire de Jésus; par Guillaume de Hollande, plusieurs princes allemands et André H, roi de Hongrie. Ce dernier ayant dû revenir, à cause d'une révolte de ses magnats, Jean continua sa marche avec le reste de l'armée, descendit en Égypte, prit Damiette 1219, mais dut l'abandonner 1221 et signer un traité avec le sultan Kamel.

6«. Frédéric II, d'Allemagne, qui par sa femme Yolande avait des droits à la couronne de Jérus. et qui s'était engagé vis-à-vis d'Innocent III, 1215, à combattre les infidèles, avait violé son serment et n'avait pas pris part à cette croisade. Excommunié pour ce fait par Grégoire IX, il se décida enfin à partir, s'embarqua à Brindes 1227. et obtint à prix d'or, sans combat, un armistice de 10 ans, qui lui permit de se faire couronner roi de Jérusalem, 1229.

7e et 8®. Elles appartiennent l'une et l'autre à saint Louis et à la France. La première 1248-1254 eut lieu sous Innocent IV, et fut spécialement dirigée contre l'Égypte, dont le sultan avait ruiné les établissements chrétiens de Gaza, d'Askélon et du sud de la Syrie. Louis prit Damiette et Mansura, 1250, mais la peste se mit dans son armée; il fut vaincu et fait prisonnier; il n'obtint sa liberté que moyennant 400,000 livres et à la condition d'abandonner ses conquêtes et de quitter l'Egypte. Il passa 4 ans en Palestine, occupé à fortifier quelques places, et rentra en France en 1254 après la mort de la reine Blanche, sa mère. Il s'embarqua une seconde fois en 1270 à Aigues-Mortes, sous Clément IV; son frère Charles d'Anjou et le prince Édouard d'Angleterre l'accompagnent ou le rejoignent à Tunis, mais la chaleur et la peste les paralysent; à peine arrivé devant cette ville, il voit son armée décimée par la maladie; son second fils, le comte de Nevers, succombe; lui-même au bout d'un mois est atteint, et meurt après avoir donné à Philippe III son 3ro« fils et héritier des conseils de patriotisme, de bienfaisance et de piété, 25 août 1270. Charles d'Anjou prit le commandement de l'armée, remporta quelquçs avantages, mais dut se contenter de faire payer à Mohammed les frais de la guerre, et revint en France.

Ce fut la fin des grandes croisades. Les colonies chrétiennes établies en Orient ne firent dès lors que péricliter, et bientôt la Palestine tout entière retomba sous le joug, malgré quelques tentatives isolées et infructueuses pour leur venir en aide et recommencer la lutte. On a porté sur les croisades les jugements les plus divers, mais quoi qu'on puisse penser et dire de ces entreprises qui sacrifiaient tant de trésors et tant de vies pour la simple conquête d'un tombeau vide, on est d'accord à reconnaître qu'elles étaient un progrès sur la barbarie païenne, puisqu'elles poursuivaient un but spirituel; qu'elles ont affermi le pouvoir temporel de l'Église, puisqu'elles unissaient les rois et les peuples sous la puissante direction des papes; enfin qu'elles ont servi la cause de la civilisation, en mettant en contact les hommes, les peuples, les rois, les climats et les institutions les plus diverses.

 

CROIX. Il y a dans l'église du Saint-Sépulcre, à Jérusalem, une chapelle dite de l'Invention (découverte) de la croix. La légende qui s'y rapporte date de Paulin. Une vision ayant révélé à l'impér. Hélène, que la croix devait se trouver dans les lieux profanés par Julien, des fouilles y furent faites et trois croix furent trouvées au fond d'un puits; l'une fut reconnue pour être la croix de Christ, parce que son attouchement procura la guérison d'une femme malade. La plus grande partie de la croix, auj. recouverte d'argent, fut conservée au saint sépulcre; le reste fut découpé en morceaux et distribué comme reliques. On possède de ces fragments la charge de dix hommes. La fête*de l'Invention de la croix, 3 mai, fut déjà célébrée par Hélène, mais elle ne s'introduisit en Occident qu'au 4me siècle et ne fut formellement établie qu'en 1376 par Grégoire XI. — L'élévation de la croix, 14 sept., fut établie sous Hé-raclius 628, à l'occasion de sa victoire sur les Perses, qui lui rendit la croix enlevée 614 lors de la conquête de Jérusalem. La croix fut rapportée en grande pompe au saint sépulcre. Honoré I introduisit cette fête en Occident. Selon d'autres elle serait même plus ancienne, et remonterait au signe merveilleux que Constantin vit dans le ciel. — L'usage du signe de la croix dans le culte public ou privé parait remonter très haut. Les grecs le font de droite à gauche, les latins de gauche à droite. Comme ce geste symbolique est destiné à rappeler le nom du Rédempteur, Luther avait cru pouvoir le conserver; mais la superstition s'en mêlant, l'Égl. luthérienne a fini presque partout par l'abandonner. Les réformés ne l'ont jamais admis. — On donne dans les monastères le nom de Chemin de la croix au préau couvert et généralement cintré ou voûté qui entoure le cimetière; ce préau destiné à la promenade et à l'exercice par les temps pluvieux ou froids, servait aussi aux processions, et comme la croix précédait, elle a donné son nom à cette partie de l'édifice, souvent d'une grande beauté architecturale. On désigne aussi de ce nom la procession faite aux 14 tableaux qui rappellent le chemin parcouru par le Sauveur, quand il fut conduit du Prétoire au Calvaire. — La Bulle de la croix (cruzada) publiée en 1457 par Calixte III, accordait des indulgences à tous ceux qui se battraient contre les Maures ou qui fourniraient à Henri de Castille des secours en argent. Le roi exploita cette bulle et ses indulgences et s'en fit un revenu considérable qui dura près de trois siècles, grâce au renouvellement périodique de la bulle, qu'on ne laissa pas périmer. Elle ne prit fin qu'en 1753.

 

CROMWELL, Olivier, protecteur d'Angleterre, né 25 avril 1599 à Huntingdon, d'une famille de gentilshommes campagnards; puritain; député en 1640 par l'univ. de Cambridge au Long Parlement, combattit avec énergie les tendances catholiques de la cour et du roi et démasqua sans ménagement les intrigues de Charles avec la cour de France. Quand la guerre éclata entre le roi et le parlement, il leva à ses frais un régiment de cavalerie, puis, nommé à un grade supérieur dans l'armée, il remporta les victoires de Marston-Moor et de Naseby, 1644 et 1645, qui ruinèrent le parti royaliste et amenèrent les malheurs du roi. Il exclut du parlement les membres douteux ou suspects, et après avoir ainsi façonné le parlement à son image, il s'en servit pour l'accomplissement de tous ses desseins. Politique habile autant que brillant général, il ne recula devant rien pour sauver son pays des dangers qui le menaçaient, et après avoir obtenu du parlement la condamnation de Charles 1649 et la proclamation de la république, il accepta en 1652 le titre de Protecteur, sous lequel, pendant 6 ans de règne, il exerça un pouvoir absolu. Son administration fut une des plus brillantes qui aient illustré l'Angleterre; on peut dire en un sens qu'il lui a donné son empreinte avec ses qualités et ses défauts. II enleva la Jamaïque aux Espagnols, il abaissa la marine hollandaise, il fit fleurir le commerce et respecter les lois; il nomma pour juges des hommes honnêtes et éclairés. Presque toutes les puissances reconnurent son autorité et recherchèrent son alliance. Il profita de sa position pour intervenir en faveur des vaudois et des huguenots persécutés et fit même sentir son influence dans les Pays-Bas, où il rendit possible plus tard l'avènement de Guillaume III. Épuisé par ses luttes contre le papisme et contre les exagérations politiques etrelig. de son propre parti, attristé par des conflits au sein de sa propre famille, brisé enfin par la mort d'une fille bien-ai-mée, il f 3 sept. 1658 et fut enterré à Westminster. Son fils Richard, désigné pour lui succéder, n'était pas à la hauteur de sa tâche; d'un caractère faible il abdiqua en 1659 devant l'arrivée des troupes de Charles II et vécut dans la retraite jusqu'à sa f 1712. Bien que l'œuvre de Crom-well sous la forme qu'il lui avait donnée, c.-à-d. comme république, ne lui ait pas longtemps survécu, on peut dire qu'elle subsiste encore auj. dans ce qu'elle a eu de réel et d'essentiel. C'est lui qui a fait l'Angleterre protestante et libre; il l'a faite aussi commerçante et maritime; et si le christianisme évangélique en Europe doit beaucoup à l'Angleterre, il ne saurait oublier qu'il le doit par cela même à Cromwell. Le caractère du Protecteur a été fort diversement jugé par ses amis ou par ses adversaires politiques et religieux. Il a compté des partisans enthousiastes et rencontré des détracteurs pleins de haine; il est bien évident que ni les catholiques, ni les vieux royalistes ne pouvaient lui être fovorables, et que d'un autre côté les puritains et l'ensemble du grand parti libéral ont dû fermer plus d'une fois les yeux sur les imperfections et sur les fautes de celui qui avait sauvé le pays de la ruine. Longtemps on n'a vu en lui qu'un vulgaire ambitieux drapé d'hypocrisie, mais depuis les Guizot et les Macaulay. depuis les Carlyle et les Ranke, ce jugement s'est singulièrement modifié; Merle d'Aubigné a peut-être exagéré en sens contraire en allant presque jusqu'à en faire un saint de l'Égl. presbytérienne. Sous l'influence des nécessités politiques et militaires Cromwell s'est laissé entraîner à des actes cruels que rien n'excuse, mais il se croyait sincèrement chargé de Dieu d'une grande mission, et les fourberies de la cour royale peuvent expliquer les mesures extrêmes auxquelles il crut devoir recourir. Les haines épis-copales et royalistes n'ont pu voir en lui qu'un fanatique, mais sa piété était réelle, sa foi était humble et \ivante.

 

CROMWELL, Thomas, né vers la fin du 15m« siècle, d'abord secrétaire du chancelier WQlsey et employé par lui pour la suppression de quelques couvents; puis dès 1529 conseiller du roi, concourut avec Cranmer à l'établissement de la réforme, mais se tourna de nouveau vers le catholicisme quand la réaction éclata, et participa à la confection des lois sanglantes de 1539. Tombé en disgrâce, il fut décapité le 10 juin 1540.

 

CROSSE, virga pastoralis, canne ou bâton de métal recourbée à son extrémité supérieure, symbole de l'autorité épiscopale. Elle est faite quelquefois de matériaux précieux et richement ornée: on connaît le mot de Savonarole: Crosses d'or, évêques de bois. D'après la tradition la crosse remonte au moins au 7 me siècle; elle est nommée au conc. de Tolède 633 parmi les insignes de l'épiscopat. Certains abbés, et même des abbesses, ont aussi le droit de porter la crosse, comme signe de leur autorité, mais entourée d'une espèce de suaire pour marquer leur dépendance de la juridiction épiscopale. Un évêque, dans un diocèse étranger, n'a pas le droit de porter la crosse sans la permission de l'ordinaire. Dans l'Égl. grecque la crosse des archev. se termine par une croix, celle des patriarches par une double croix.

 

CRUCIFIX (celui qui est fixé à la croix). La croix avec la représentation du divin crucifié n'a pas été connue dans l'Église avant le 7 m® siècle; on ne connaissait guère que la croix simple, quelquefois avec l'image d'un agneau à ses pieds, et le conc. de Trull 692 se prononça même contre cette manière symbolique de figurer le Christ. Les plus anciens crucifix connus n'avaient que le buste; le corps entier vint ensuite et l'usage en devint bientôt général. Le moyen âge y ajouta, dans les tableaux, le groupe au pied de la croix. L'Égl. luthérienne accepte le crucifix sur l'autel; l'Égl. réformée l'a touj. repoussé.

 

CRUCIGER, famille distinguée de théologiens du 16®e siècle. 1° Gaspard, né à Leipzig l«r janv. 1504, étudia à Wittenberg la botanique, les mathématiques et la théol., fut nommé recteur de l'école de Magdebourg 1524 à 1528, et revint à Wittenberg comme prof, et prédicateur du château. Il travailla avec Luther à la traduction de la Bible, prit part au colloque de Mar-bourg, à l'acte de concorde de Wittenberg, à la conférence de Smalcalde, et à l'assemblée de Worms 1540. Il était recteur de l'univ. pendant la guerre de Smalcalde. f 16 nov. 1548. — 2° Son fils Gaspard II, né 19 mars 1525, prof, de théol. à Wittenberg, refusa de signer les articles du synode de Thorgau contre la doctrine de Mélanchton, fut arrêté comme philippiste 1574, privé de sa chaire et exilé. Recueilli par le landgrave Guillaume, il fut nommé prédicateur à Cassel 1597. — 3° Georges son fils, né 24 sept. 1575, fut précepteur du jeune landgrave Maurice, qui le nomma prof, de théol. à Mar-bourg 1605. Il assista au svnode de Dordrecht. t 1637.

 

CRUSIUS (Krauss) 1<> Martin, né à Grabern prèsGrafeuberg, étudia la philologie et la théol. à Ulm, Strasbourg et Tubingue, fut recteur de Memmingen 1554, puis prof, de grec et de latin à Tubingue. Appuyé par Andreâ il entama 1575 une correspondance avec le patr. Jérémie II de Constantinople pour gagner à la Réforme les sympathies des grecs, et traduisit en grec plusieurs ouvrages évangéliques, le Compendium de Heerbrand, des sermons de Luther, etc. On a encore de lui plusieurs ouvrages de philologie.

f 1607. — 2* Chrétien-Auguste, né 10 janv. 1715 à Leuna près Mersebourg; disciple de Ru-diger; en 1744 prof, de philos, à Leipzig, en 1750 prof, de théol. Son système philos, est opposé à celui de Wolf, et indépendant de toute orthodoxie préconçue. Il a écrit une Esquisse des vérités essentielles à la raison 1745, une Logique 1747, une Étude sur les prophètes 1764, et un Traité de philos, morale, 1767, qui a joui d'une grande autorité, quoiqu'il donne pour base à la morale la volonté arbitraire de Dieu.

 

CRYPTES, chapelles souterraines, taillées dans le roc ou maçonnées, placées dans le chœur d'anciennes égl., et destinées à rappeler soit les catacombes, soit les grottes dans lesquelles avaient été enterrés les martyrs, et où les fidèles se réunissaient la nuit pour communier. Tantôt une église a été élevée plus tard sur l'endroit même où reposait le saint, et la grotte a été conservée comme chapelle; tantôt au contraire régi, ayant été consacrée à un ou à plusieurs saints, on a déposé subséquemment leurs corps et autres reliques dans une chapelle réservée d'avance pour cet objet. On y dit la messe plus ou moins régulièrement. On cite comme particulièrement remarquables la crypte de Saint-Sébastien à Rome, celle de la Nativité à Bethléhem, celles de Bamberg, de Paderborn, de Gand, de Trêves, de Spire, de Bâle, etc. L'architecture gothique les a en général fait disparaître.

 

CRYPTIQUES, v. Cénotiques.

 

CRYPTOCALVINISME, tendance au calvinisme, que les luthériens stricts reprochaient à tort à Mélanchthon, à cause de ses dispositions conciliantes. On l'appelait aussi Philippisme, du nom de Philippe Mélanchthon. Après la mort de ce pieux et savant réformateur, trois partis se dessinèrent dans l'Égl. et se firent une guerre qui dura près de 40 ans: les flaciens, qui maintenaient surtout, et avec leurs conséquences les plus énormes, les doctrines luthériennes du péché originel et de la cène; ils avaient pour eux l'univ. de Iéna et le duc Jean-Frédéric de Saxe; les wurtembergeois, inspirés par Brenz et protégés par le duc Christophe, qui insistaient sur le fait de l'ubiquité pour défendre la doctrine de la présence réelle de Christ dans l'eucharistie; et les mélanchthoniens, ou phtiippiêtes, qui cherchaient par une interprétation plus large et plus intelligente, à maintenir l'union des églises, et faisaient même aux réformés de la Suisse des avances et des concessions, qui les firent accuser d'être des calvinistes déguisés. Les différences de texte qui se trouvent entre les éditions de la Conf. d'Augsbourg de 1530et de 1540 avaient passé presque inaperçues; le jésuite Canisius les mit en relief au synode de 1557 pour essayer de diviser les protestants, et il y réassit en partie. La discorde éclata de nouveau. Les princes, dans un intérêt politique facile à comprendre, mais qui n'excluait ni le bon sens ni le sentiment chrétien, cherchèrent à maintenir la paix et multiplièrent les conférences pour arriver à une entente commune; mais si les théol. parvinrent quelquefois, Francfort 4558, Naumbourg 1561, à trouver une formule satisfaisante dans le sens de la paix, les populations strictement luthériennes résistèrent à ces efforts et obligèrent leurs princes à céder. Après de longues discussions, pleines de petites passions et d'incidents, un synode fut convoqué àTorgau 1574, et une nouvelle conf. de foi fut élaborée et votée, sous l'influence de Mirus, qui condamnait lecryptocàlvinisme. Cruciger et quelques-uns de ses amis, n'ayant consenti à la signer qu'avec des réserves, fnrent destitués et bannis, et le philippisme cessa d'avoir une existence officielle.

 

CRYPTOCATHOLICISME, ou catholicisme caché. On l'a reproché à Calixte et à l'école de Helmstâdt, parce qu'ils demandaient que les protestants reconnussent ce qu'il y avait d'éléments chrétiens dans le catholicisme (Cryptopa-pismus novœ theol. Helmstœdt, 1640). Le reproche était injuste. On l'adresse avec plus de raison au parti ritualiste de l'Égl. anglicane et aux ultra-luthériens, qui veulent revenir à la doctrine cathol. sur les sacrements, l'église et la hiérarchie.

 

CUDWORTH, Ralph (ou Rodolphe), né à Aller, Sommerset 1617, f 1688, docteur en théologie, successivement pasteur de campagne, puis prof, d'hébreu 1645 et recteur du collège de Christ à Cambridge 1654, s'occupa surtout d'antiquités, de philos, et de littérature. Il combattit toute sa vie le déisme. Ses deux principaux ouvrages, Le vrai système intellectuel de l'Univers, et l'Immutabilité des idées morales, ont été trad. par Mosheim. 11 admettait sous le nom de Natures plastiques des forces aveugles, êtres distincts de l'âme et du corps, chargées de Dieu d'organiser la manière inerte. Il se rapprochait de Platon quant aux idées, ou types primitifs, et prétendait que ce philos, avait dû connaître les livres de Moïse. — Sa fille, lady Mursham, était amie de Locke, qui passa chez die ses dernières années.

 

CULDÉENS, nom des premiers chrétiens qui s'étaient enfuis en Écosse pour se dérober aux persécutions des emp. romains. Quelques auteurs font dériver leur nom de Cultores Dei, d'autres du gaëlique ou du celte, GiU De (serviteurs de Dieu), d'autres du mot Cuil, retraite. Le parti catholique romain, conduit par le moine Augustin, 597, fit de si rapides progrès que les culdéens se réfugièrent en grand nombre dans l'Ile de lona sur la côte occidentale dp l'Écosse; cet asile même leur fut bientôt enlevé par l'établissement d'un monastère romain, fis se dispersèrent alors dans l'est de l'Écosse et s'y maintinrent jusqu'à l'apparition des lollards. Leur dernier établissement fut supprimé en 1297. Quant au dogme, ils n'espéraient le salut que de la miséricorde de Dieu par la foi en Christ, rejetaient la confession auriculaire, la présence réelle, le culte des anges et des saints; ils désavouaient l'obligation du célibat des prêtres et affirmaient l'égalité de tous les ministres de l'Évangile.

 

CULTE, du latin colere, se dit de l'ensemble des actes religieux par lesquels l'hohime manifeste sa foi, son adoration et son amour envers le Créateur. Toutes les religions ont un culte; le judaïsme y joint la notion de crainte et d'humiliation; le christianisme va plus loin, il y ajoute la reconnaissance et l'action de grâces. Le culte, qui est l'expression extérieure des sentiments les plus intimes, varie naturellement suivant le caractère, le point de vue, le tempérament des peuples, des religions et des individus. On ne peut attendre de tous un même sentiment, ni surtout la même expression pour des sentiments qui varient à l'infini. La seule règle générale que donne l'Écriture, c'est que le culte soit célébré en esprit et en vérité. Il est évident que sans la sincérité il n'y a pas de culte. Quant à sa spiritualité, elle est également nécessaire, mais elle ne saurait être absolue; dès que quelques personnes se réunissent, un certain ordre doit présider à leur réunion; de là des règles, des formes, des habitudes, qui se ressentiront d'une foule de circonstances extérieures, climat, richesses, éducation, doctrine, etc. De là aussi las services liturgiques q. v. qui, par leur constante et uniforme répétition, semblent être le contraire de la spiritualité, mais n'en rendent pas moins de grands services à l'Égl. en maintenant à la fois les traditions de la foi chrétienne et l'unité de la vie religieuse. Il est très difficile de dire exactement où commence l'abus dans tout ce qui n'est pas la simple prière ou la simple méditation de la Parole de Dieu. Le sermon lui-même appartient à l'enseignement, et n'est que dans des conditions très rares un acte de culte, dans le vrai sens du mot. Si les quakers et quelques autres sectes ont réduit à leur plus simple expression leurs assemblées religieuses, au point d'en proscrire le chant et les sacrements, ils l'ont fait par le besoin de réagir contre des excès contraires, mais il n'est pas sûr qu'ils aient obtenu de bons résultats, et dans tous les cas ils ne peuvent prétendre avoir suivi l'exemple apostolique. Dans l'Égl. primitive, indépendamment de toute organisation, on voit que les fidèles célébraient le culte public, le seul dont il soit ici question, par le chant de psaumes et de cantiques, par la lecture et l'exhortation, par la prière et par la fraction du pain. C'est là le modèle, mais il y aurait de l'exagération à condamner ceux qui plus tard ont cherché à relever le culte par des ornements et par plus de symboles. Seulement, entrées dans cette voie, plusieurs égl. ont poussé si loin l'amour des innovations et les surcharges symboliques, en cérémonies, vêtements, représentation de tous genres, que le culte a fini par être dénaturé et que la vérité a été étouffée par les additions qui devaient la mettre en relief. Une réaction est devenué nécessaire, et peut-être a-t-elle à son tour dépassé les justes bornes. Après les splendeurs d'une mise en scène empruntée au paganisme est venue la réaction puritaine, et si parfois on peut avoir l'impression que les égl. réformées sont bien nues, que leur culte est sec, leurs cérémonies un peu froides, on reconnaîtra tout au moins qu'elles donnent du repos à l'âme, qu'elles invitent au recueillement et qu elles n'ont rien qui puisse distraire la pensée des saints et grands objets dans lesquels elle doit s'absorber. Toutefois ici encore il n'est pas facile de tracer la ligne de démarcation qui sépare le bien du mal et l'usage de l'excès; la simplicité peut dégénérer en vulgarité, et le goût en mondaine affectation. La simple croix, qui est le symbole le plus naturel du christianisme, peut n'être pins qu'une forme, et la Bible elle-même, qui rappelle la révélation de Dieu à l'homme peut tomber à l'état de lettre morte. Il importe donc de rappeler que le seul culte digne de ce nom est celui de l'âme qui se recueille devant Dieu pour l'adorer et le bénir.

 

CUMAINS, ou Couinant, ou Kuns, peuplade asiatique des bords de la mer Caspienne, qui vers 888 s'établit entre le Volga et l'Oural, et qui envahit la Hongrie au li™* siècle. Ladislas-le-Saint les battit en plusieurs rencontres, 4077-1093, et permit à ceux qui se convertirent de s'établir dans la Jazygie actuelle, non loin de Pesth. Une seconde invasion eut lieu en 1239 sous Bela IV, quand les Mongoles -refoulèrent les Cumains; l'archev. de Grau travailla à leur conversion; le pape Nicolas III confia la mission aux minorités, sous la direction de son légat, l'év. Philippe de Fermo 1278. Celui-ci réussit à décider Ladislas IV (f 1290; qui avait jusqu'alors favorisé les Cumains, à prendre des mesures énergiques contre les mœurs grossières et les usages païens qu'ils avaient encore conservés, mais l'entreprise échoua en partie et Nicolas I vr fut sur le point d'ouvrir une croisade contre les païens rebelles. Au 14rae siècle les minorités renouvelèrent leurs efforts, mais ce n'est que lorsque les Cumains se furent fondus dans les Magyares, qu'ils renoncèrent entièrement au paganisme en perdant leur nationalité.

 

CUMMEAN, ou Cornean rédacteur inconnu d'un livre des pénitences intitulé Judicia Cu-meani. On croit qu'il vécut en Italie et que le livre fut écrit vers 668.

 

CUMUL des bénéfices. La réunion de plusieurs charges, fonctions et revenus en une seule main, a toujours été défendu par les lois ecclésiastiques, mais il a touj. été pratiqué sous divers prétextes et il a touj. donné lieu aux plaintes et aux réclamations les plus vives.

 

CUNIBERT lo Év. de Cologne 623. jouit d'une grande influence à la cour des Mérovingiens et fut mêlé à quelques négociations importantes. Plus tard il se retira dans son diocèse. Honoré le 12 nov. L'égl. qui porte son nom k Cologne, date du 13™® siècle. — 2o Cu-nibert, roi des Lombards, surnommé le Pieux; détrôné par Alachis 690, il fut rappelé par ses sujets, f 700.

 

CUNIGONDE, femme de Henri II dit le Saint, qui fonda le royaume de Hongrie, 1002-1024. Fille du comte Siegfried de Luxembourg, elle n'épousa Henri qu'après avoir de son consentement fait vœu de chasteté. Celui-ci l'ayant plus tard accusée d'avoir violé son serment avec des prêtres, elle en appela au jugement de Dieu et marcha sur des fers rougis au feu. Après la mort de son mari, elle entra au couvent de Kauffungen 1025. f 3 mars 1040. Béatifiée par Innocent III, 1200.

 

CURE lo Bâtiment affecté au logement de l'ecclésiastique chargé d'une paroisse. — 2oCure d'âme; ensemble des soins spirituels que le gardien d'une paroisse doit k ceux qui lui sont confiés; il est chargé de réveiller chez l'individu le sentiment religieux, de l'eutretenir et de le développer. Ce que le catéchisme et la prédication sont pour la collectivité, la cure d'âme l'est pour chacun en particulier. Le paganisme n'a jamais connu, avec tous ses systèmes de dieux et de prêtres, rien qui ressemble à l'enseignement ou au relèvement moral du peuple, et le judaïsme lui-même, avec ses prêtres et ses prophètes, ne s'est guère occupé, sauf de rares exceptions, que du peuple pris en masse, et non de l'exhortation ou de la direction individuelle. Le christianisme seulj parce qu'il sait ce que vaut une âme, a compris le devoir de s'adresser k chacune prise à part, et de lui apporter au nom de Dieu, suivant ses besoins, des paroles de vie, de réveil, d encouragement, d'avertissement ou de consolation. Il y a là un devoir qui incombe non k une fonction spéciale, mais à tous les membres de l'Église les uns vis-à-vis des autres, Hébr. 10, 24. Rom. 14, 19. 15, 2. Gai. 6, 1. et dont l'importance est relevée Jaq. 5,19. 20. C'est cependant aussi d'une manière plus particulière le devoir de ceux qui sont appelés à paître le troupeau de Christ. Des associations peuvent se former dans l'Église, comme unions, missions intérieures ou sous d'autres titres, pour suppléer à ce que l'activité individuelle ne saurait faire à elle seule. La cure d'âme vise tous les âges, toutes les conditions et tous les états spirituels indistinctement; elle a en outre à s'occuper de cas spéciaux, tels que les pauvres, les malades, les esprits troublés ou timorés, les condamnés, les prisonniers. C'est toute une étude, une branche de ce que la théologie comprend sous le nom de Prudence pastorale. La cure d'âme est nécessairement compromise, comme superflue, à mesure que l'Église accentue davantage son caractère autoritaire ou la nature magique de ses sacrements; quand des actes extérieurs peuvent remplacer la vie intérieure, il n'est plus besoin de se préoccuper autant de l'âme, et l'Église catholique a fini par réduire dans beaucoup de cas toute la cure d'âme aux étroites limites du con-fessional. De leur côté les jésuites ont dénaturé la cure d'âme par la manière dont ils ont rabaissé la morale, la subordonnant aux intérêts de leur ordre et faisant bon marché du reste. Leurs manuels, leurs directions spirituelles, leurs cas de conscience sont connus.L'Égl. luthérienne a touj. reconnu la nécessité de la cure d'âme, mais elle l'a parfois trop réduite au devoir de la confession privée et à la profession d'une rigoureuse orthodoxie, insistant outre mesure sur le droit du pasteur de remettre les péchés. L'égl. réformée a été plus sobre, plus scriptu-raire et plus sévère, et la cure d'âme, compliquée de l'idée de discipline, a été considérée, non comme l'affaire du pasteur seul, mais comme celle du collège des anciens. Ajoutons que pendant longtemps c'est surtout au point de vue de la participation à la sainte Cène que s'est exercée la cure d'âme; le 19m« siècle est le premier qui se soit rendu compte bien clairement de la nécessité de cette discipline relig. pour le développement normal de la vie chrétienne et pour l'affermissement de la foi dans l'Église, v. Herder, Harms, Vinet, KUndig, Spra-gue, Hoffmann, Palmer, Burck, Nitzsch, etc.

 

CURÉ. C'était dans l'origine le possesseur d'un bien qui entraînait comme obligation une d'âmes, beneficium curatum; sa maison était la cure. Plus tard on désigna sous ce nom l'ecclésiastique chargé des fonctions spirituelles, là où les biens avaient passé à des couvents ou à d'autres fondations. Le revenu continua d'en être affecté 4 au prêtre ou au desservant, mais celui-ci releva directement de l'évêque; au lieu de dépendre de ceux qui pourvoyaient à sa subsistance.

 

CURIE romaine, administration de la cour de Rome, ce qu'ailleurs on nomme gouvernement, ou ministère. Il y a quelques années la ville de Rome et les États de l'Égl. étaient administrés par les autorités ecclésiastiques; auj. la curie entière s'est retirée au Vatican, et c'est de là que, protégée par la Loi des garanties, elle continue d'exercer son pouvoir dans sa sphère et de gouverner l'Église. Ses principaux départements sont les finances, l'intérieur, les affaires étrangères, la justice et la propagande. Parmi ses dignitaires on compte un archidiacre, un camerlingue, un cardinal-vicaire, un pénitentiaire, etc. Les affaires sont régies par un certain nombre de conseils, ou congrégations: 1° La rote, q. v. 2° la Signatura justitiœ, qui prononce sur les appels, les cas de nullité, les conflits de compétence; 3° la Commission des grâces, sous la présidence immédiate du pape; 4<> la Dataria, chargée primitivement de l'expédition des bulles, et qui tranche auj. les questions de dispenses et l'affectation des bénéfices réservés; 5° le Pénitentiaire, qui statue sur les instances en absolution, et le Collège des cardinaux, qui se divise à son tour en trois sections: a le secrétariat d'État, qui traite les affaires ecclésiastiques avec les puissances étrangères, b le secrétariat des brefs, et c la chambre apostolique (caméra romana), spécialement chargée de l'administration financière. La compétence de ces différentes chambres n'étant pas bien déterminée, et plusieurs empiétant l'une sur l'autre, l'expédition des affaires est fort lente, parce qu'elles sont quelquefois obligées de se renvoyer le travail l'une à l'autre, et que les mémoires risquent de s'arrêter dans les cartons. En outre chaque chambre agissant d'une manière indépendante, et les instances devant être ouvertes personnellement, il y a toute une série de fonctionnaires spéciaux, procurateurs, agents-expéditeurs, qui s'interposent entre les chambres et le public, de façon à ralentir encore la marche des affaires et à en augmenter considérablement les frais.

 

CURION, Coelius Secundus. Né 1er mai 1503 à Saint-Chirique près de Turin, il fit de brillantes études, se familiarisa avec les écrits des réformateurs, fut gagné à l'Évangile et finalement arrêté et emprisonné dans un couvent. Ayant réussi à s'enfuir il passa plus, années à Milan, Pavie, Ferrare et Lucques, où il connut Ver-migli, enseignant et propageant les idées de la réforme, en dépit de tous les dangers. Cependant traqué de toutes parts il se vit contraint de quitter le pays; il vint en Suisse avec sa famille, trouva une place à Lausanne 1542, et fut nommé prof, d'éloquence à Bâle 1547. Sans être théologien il prit une part active aux discussions théol. de son temps, et s'aliéna Calvin et ses amis par une trop grande hardiesse de pensées. Maximilien II et le pape Paul IV lui lirent des offres brillantes, qu'il repoussa. Son principal ouvrage est une satire contre les abus de Borne, Pasquillus ecstaticus, souvent réimpr. et traduit en plusieurs langues. On a aussi de lui une Brève Institution de la relig. chrét. 1349, desConsidér. sur l'heureux royaume de Dieu, et divers opuscules, f 24 nov. 1569.

 

CURTIUS, Valentin, né 6 janv. 1493 à Lebus, Brandebourg; moine franciscain très zélé à Rostock, fut gagné à la Réforme par l'étude qu'il en fit, devint pasteur de l'égl. du Saint-Esprit à Rostock même, 1523, se maria, passa à Ltlbeck, où il fut nommé surintendant, et f 27 nov. 1573. Luthérien prononcé et partisan de Flacius, il prit part aux conférences de Brunswick et de Lunebourg, et pour assurer l'orthodoxie de son diocèse, il rédigea la Formula consensus 1560, que tous les pasteurs étaient obligés de signer et qui fut en vigueur jusqu'en 1685.

 

CUSANUS, ou Nicolas le Cusain, né à Cues sur les bords de la Moselle 1401. était fils d'un pêcheur nommé Jean Crebs. Il étudia d'abord le droit et les mathématiques, puis la théol., fut doyen de Coblence 1430, puis archidiacre à Liège. En cette qualité il assista au Conc. de Bàle, où il défendit d'abord les idées libérales, la supériorité des conciles sur les papes et l'indépendance des princes à l'égard de la cour romaine; il publia même deux mémoires sur ces questions. Mais plus tard il changea et prit le parti des papes. Eugène IV, Nicolas V et Pie II le chargèrent de plusieurs missions. Il assista comme légat à la diète de Francfort, fut nommé cardinal en 1448, et év. de Brixen, Tyrol, en 1450. Ses négociations avec les Fr. de Bohême échouèrent. Il travailla à la réforme des couvents de son diocèse, mais souleva par là le mécontentement des moines. L'archiduc Sigismond III le fit mettre en prison; relâché au bout de 2 ans, il se retira à Todi, Ombrie, où il f de la peste 1461. Ses œuvres foraient 3 vol. fo Bàle 1565. Il penchait vers le mysticisme et emprunta plusieurs idées à Pythagore; Jordan Bruno lui a pris sa théorie de Dieu considéré comme le maximum et le minimum absolus.

 

CURRER BELL, pseudonyme de Charlotte Brontê, fille d'un pasteur du Yorkshire, née 21 avril 1816; auteur de Jane Eyre, de Shirley, et de Villette. Elle épousa en 1854 le pasteur Nicholls, mais f déjà 30 mars 1855. Élevée à l'école de la souffrance, elle mûrit de bonne heure, mais comprit aussi les consolations de l'Évangile. Vie, par Mme Gaskell; trad. par M»e Ambr. Tardieu.

 

CUTHBERT 1* patron du nord de l'Angleterre. Né vers 635 près Melrose. Distingué par sa piété et son zèle missionnaire, il fut envoyé à Lindisfarne pour y réformer le couvent dans le sens romain; puis il y fut appelé comme év. 684, f 687. On assure que son corps fut retrouvé 400 ans plus tard parfaitement intact; il fut canonisé et son tombeau devint un lieu de pèlerinage. En 876 son cadavre fut caché pour n'être pas profané par les Normands, quand ils détruisirent Lindisfarne; on l'exhuma de nouveau 999 pour l'enterrer à Danholm (Durham), et l'on construisit une magnifique cathédrale sur cet emplacement. Le cercueil fut de nouveau ouvert le 17 mai 1827. — 2° Savant et pieux archev. de Cantorbéry; il combattit éner-giquement les superstitions qui menaçaient d'envahir l'Égl., et demanda à ses disciples, quand il serait mort 758, de l'ensevelir en secret pour dérober son corps à l'adoration que lui réservaient les moines augustins. Il avait présidé le conc. de Cloveshoos, dont les canons respirent une sagesse tout évangélique. On lui doit entre autres une Vie de Bède.

 

CUVIER, Charles, né 1800, f 17 avril 1881 (Pâques), à Montbéliard; étudia à Strasbourg, fut quelques années secrétaire de l'illustre Cu-vier, puis prof, d'histoire et doyen de la faculté des lettres à Strasbourg; il fut même chargé des fonctions de recteur, mais sans le titre, sa qualité de protestant inspirant des scrupules au gouvernement de Napoléon. Auteur d'un Cours d'études histor. et de plus, ouvrages d'édification. L'annexion de l'Alsace l'amena eu Suisse, el finalement à Montbéliard, son lieu d'origine.

 

CYPRIEN. Thascius Câcilius, païen, né vers 200 à Carthage d'une famille considérable, étudia l'éloquence et le droit, et fut d'abord prof, de rhétorique. Converti en 245, baptisé l'année suivante, il fut en 248 élu év. de Carthage par le peuple, contre Maxime que portaient par jalousie 5 ou 6 anciens, qui ne cessèrent dès lors de lui faire opposition. Il maintint ses droits contre Novatus qui avait consacré Félicissimus, et contre Fortunatus que les mécontents avaient choisi pour évéque. La persécution de Décius ayant éclaté, Cyprien s'éloigna pour quelque temps, ce que ses ennemis ne manquèrent pas d'exploiter contre lui; mais à son retour il sut leur fermer la bouche. D prit le parti de la sévérité contre les tombés (lapsi), quoique son cœur d'évêque fût ému. Il se montra également sévère contre le luxe et dans l'exercice de la discipline, ce qui lui suscita de nouveaux ennemis; mais sa douceur et sa fermeté ramenèrent enfin la paix. Il soutint dans un conc. à Carthage 261, que le baptême administré par les hérétiques n'était pas valable, ce qui l'engagea dans une discussion assez vive avec le pape Étienne de Rome. On décida aussi que les lapsi repentants pourraient recevoir la communion sur leur lit de mort. Sous Valérien qui fit enlever les évêques et fermer les temples, Cyprien fut exilé àCurubis; il devait être conduit à Utique, mais il se cacha, ne voulant pas succomber ailleurs qu'au milieu de son troupeau. Par ordre du proconsul Galerius il fut arrêté dans sa maison, et ayant refusé de rien rétracter, il eut la tête tranchée, 14 sept. 258, sur la place publique de Carthage, en présence d'une foule immense et vivement impressionnée. Cyprien s'était formé sur son prédécesseur Tertullien. On peut lui reprocher de manquer de simplicité et d'avoir été trop hiérarchique. Ses principaux ouvrages, traités et lettres, ont été réimpr. plusieurs fois et ont eu de nombreux traducteurs. Les meilleures éditions sont celles de Baluze, Paris 1725, et de Goldhorn, I^ipzig 1838. Il faut noter surtout ses Traités de la grâce de Dieu, de l'Unité de l'Église, des Tombés, De l'oraison dominicale, De la patience, Du zèle, Des vêtements, Ép. àDonat, à Demetrianus, etc. v. Cyprien par RufTet.

 

CYRAN (Saint-) 1<> Célèbre abbaye située à Brenne, Loiret, connue surtout pour avoir donné son nom à l'abbé Duvergier. — 2° Jean Du-vergier de Hauranne, né à Bayonne 1581, suivit les cours de l'univ. de Louvain où il se lia intimement avec Jansénius, dont il devint l'ami et le disciple. Ils s'entendirent pour combattre la scolastique parisienne et pour propager la doctrine de saint Augustin. Nommé abbé de Saint-Cyran vers 1620, il obtint à Paris de grands succès comme directeur des consciences, et compta beaucoup de disciples et d'amis, qu'il gagna à ses vues jansénistes, entre autres parmi les solitaires de Port-Royal 1636, Arnauld son contemporain, Lemaistre de Sacy, Bignon. Il combattit les jésuites dans plus, écrits, tels que: Somme des fautes et faussetés contenues dans la Somme théol. du p. Garasse; dans Petrus Au-relxus, pseudonyme, il attaque le p. Sirmond, défend la hiérarchie et fait le procès des ordres religieux. Ses Considérations sur la mort chrétienne appartiennent à l'édification pure. Dénoncé à Richelieu, il fut mis en prison à Vin-cennes et y passa 4 ans 1638-1643. f Peu aPrès sa libération, le H oct. 1643. Il avait refusé plusieurs évêchés.

 

CYRIACUS ou Cyriaque lo doit avoir été pape et avoir abandonné son siège pour suivre sainte Ursule jusqu'à Cologne, où il souffrit le martyre avec elle. Toutefois dans le catalogue des papes il n'y a pas de place pour lui, et la tradition sous ce rapport paraît être légendaire. Ses os sont à Neuhauseu, près "Worms. — 2® Patr. de Constantinople 595. U avait, comme ses prédécesseurs, accepté du synode le titre de patriarche cuœménique, ou universel, mais sur la demande du pape Grégoire, l'emp. Phocas défendit de donner ce litre à un autre év. qu'à celui de Rome seul. Cyriaque dut donc y renoncer et il en f de chagrin 606.

 

CYRILLE lo de Jérusalem, père de l'Église d'Orient, né vers 315, fut consacré prêtre en 345, et nommé patriarche en 350. Il se distingua par sa modération dans les controverses ariennes qui étaient alors à leur apogée; on l'a accusé, mais à tort, de semi-arianisme. Il eut de longs démêlés avec Acacius, év. de Césarée, qui prétendait à la suprématie sur l'év. de Jérusalem. Cyrille, grâce aux intrigues de son rival, fut déposé en 357 par un emp. arien, et réintégré à son poste par le conc. de Séleucie. Chassé de nouveau par Constance, il passa quelque temps à Tarse, puis fut replacé sur son siège. Exilé encore une fois, il fut rappelé par Julien l'apostat; enfin, banni une dernière fois par Valens, il fut définitivement rétabli dans ses fonctions par Théodose-le-Grand 367. Il mourut à un âge avancé, en 386. Ses ouvrages sont remarquables par la clarté et l'élégance; on y reconnaît la plume d'un homme qui a beaucoup observé, beaucoup expérimenté et qui connaît bien les Écritures, mais il manque de profondeur. Il nous reste de lui 23 Catéchèses dont l'authenticité n'est guère douteuse, sauf peut-être les 5 dernières; les 18 premières exposent par ordre la doctrine chrétienne; c'est un monument précieux pour étudier l'instruction ca-téchétique de cette époque; à l'exception de Clément d'Alexandrie, aucun père n'avait encore fait ce travail systématique et synthétique sur la dogmatique chrétienne. H. B.

2° Cyrille d'Alexandrie, patr. depuis 412, avait été d'abord moine dans les solitudes de la Nitrie. ou Natron. Ardent contre les juifs et les païens, et d'un caractère inflexible, il chassa d'Alexandrie les novatiens et les juifs, malgré le préfet d'Égypte, et suscita ainsi des troubles violents au milieu desquels périt entre autres la célèbre Hypatie. Il écrivit contre Julien une Défense du christianisme. Il prit parti contre Nestorius et voulut qu'on appelât Marie la mère de Dieu; son zèle dans ce sens alla même si loin qu'on put l'accuser de mariolatrie. Il con -fondait les deux natures de Christ, et dans une lettre aux moines d'Égypte, Paschalia Gram-mata, il cherche à prouver que l'union naturelle et essentielle peut seule entraîner l'union des attributs. Après une réconciliation momentanée, il fit prononcer par un conc. d'Alexandrie 430, douze anathèmes contre Nestorius et ses partisans. Dans un nouveau concile, à Éphèse 431, il obtint contre Nest. une nouvelle sentence, mais il s'était prononcé avec tant de passion et il avait procédé avec tant d'arbitraire que l'emp. le destitua; il fut cependant réinté-

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gré plus tard et se convertit à la doctrine des deux natures, f 444. Ses œuvres forment 7 vol. fol. édition d'Aubert 1638. Son traité Le Trésor est particulièrement apprécié.

3® Cyrille et Méthodius son frère, apôtres des Slaves, nés à Thessalonique d'une famille sénatoriale, dans le premier quart du 9"* siècle; leur père, le patricien leur fit donner une éducation distinguée; outre le grec, ils apprirent le latin et l'esclavon. Cyrille, qui s'appelait d'abocd Constantin, et qui fut surnommé le philosophe, entra de bonne heure dans un couvent sur les bonds de la mer Noire. Méthodius qui avait servi dans l'armée et qui y avait gagné des grades, se retira à son tour dans un couvent du mont Olympe. Vers 837, étant retourné à Constantinople, Cyrille reçut un appel du prince des Chazares de la Crimée pour aller évangéliser ce peuple, et il accepta avec empressement. En 860, accompagné de Méthodius, il commença une nouvelle mission en Bulgarie, et se rendit de là, à la demande du roi Rastislav, en Bohême et en Moravie. De nombreuses conversions furent le fruit de leurs efforts. Cyrille donna aux Slaves un alphabet et traduisit pour eux une partie au moins des S. Écritures; il fonda à Bude une espèce de séminaire ou d'académie pour former des prédicateurs. Quoique grecs, ils furent amenés parles circonstances à rattacher leur Église à l'év. de Rome, non sans avoir expressément stipulé et réservé auprès d'Adrien II, qu'ils continueraient de célébrer leur culte en langue vulgaire, 868. Leurs négociations personnelles avec le pape avaient été longues, mais elles avaient heureusement abouti; il allait être procédé à l'ordination épiscopale des deux missionnaires, quand Cyrille tomba malade à Rome et f 24 févr. 869. Méthodius poursuivit seul son œuvre. Nommé ar-chev. de Pannonie, il continua d'être un zélé missionnaire, appartenant en fait aux deux communions, grecque et latine, dont la rupture n'était pas encore complète et s'occupant de prêcher l'Évang. plus que des conflits politiques ou des rivalités ecclésiastiques qui s'agitaieut autour de lui. Mais les archev. et les prêtres allemands lui en voulaient de ce qu'il avait empiété sur ce qu'ils considéraient comme leurs diocèses, et sous prétexte qu'il était resté grec et qu'il continuait le service en langue slave, ils le dénoncèrent au pape. Il dut se rendre à Rome pour se justifier; Jean VIII fut tellement édifié et charmé de ses explications qu'il le renvoya comblé d'honneurs et inuni de pleins pouvoirs, 881. Méthodius se remit courageusement à l'œuvre. mais l'histoire se tait sur son activité ultérieure. On croit qu'il f vers 883. Après sa mort le parti allemand reprit le dessus et chassa les prêtres slaves, qui s'enfuirent auprès des Bulgares.

4<> Cyrille Lucar, v. Lucar.

 

CZERSKI, Jean, né 12 mai 1813, dans la Prusse occidentale, prêtre en 1842, se rattacha au mouvement de Ronge, mais sans se jeter dans les extrêmes. Il maintint la foi au symbole apostolique. A écrit quelques brochures pour justifier sa position nouvelle, entre autres une Lettre aux Égl. chrétiennes apostoliques.