ARTICLE II.

Dogmes de la foi chrétienne. Jésus-Christ Dieu-homme. Jésus-Christ Homme-Dieu.

JÉSUS-CHRIST OBJET DE TOUTE LA RÉVÉLATION.

§ 1

JÉSUS-CHRIST DIEU.

Sect. 1. Accord des deux Testaments.

2. Prophéties.

3. La loi nouvelle ou l'Évangile.

4· Incarnation divine ; ses bienfaits.

5. Jésus-Christ égal en tout à Dieu son père.

Soit penchant naturel à la paresse, soit attachement exclusif aux choses de la vie, soit enfin manque général d’instruction, la plupart des hommes ne se prêtent pas facilement, de plein gré, à poursuivre de longues démonstrations. J’ai cru devoir en conséquence, pour épargner à mes lecteurs le Ira-vail d’une attention trop longtemps soutenue, ra-mener à quelques preuves la substance des raison-nements divers par lesquels nos Pères ont établi la certitude de la révélation chrétienne ; afin de nié-nager même aux plus superficiels le moyen de l’ac-quérir avec le plus de promptitude possible. C’est à eux que je présente ce traité écrit du style le plus simple, le plus dégagé de celle pompe de langage dont il est bon de se défier. Je !l'emploierai que les expressions les plus accessibles à l'intelligence des classes les moins savantes de la société. .l’apporterai donc à cette instruction toute la précision dont je suis capable ; et il ne tiendra pas à moi que les es-prits les plus paresseux ne puissent me saisir sans aucune peine, et retenir facilement dans leur me-moire ce que je vais dire.

Je commencerai par combattre les païens. Ils nous demandent quelle preuve nous avons de la divinité de Jésus-Christ. C’est là la question fondamentale : toutes les autres n’en sont que les conséquences. Ce n’est point dans le ciel ni dans les arguments théologiqucs que j’en irai chercher la démonstration. Car si j’allois répondre au païen : C’est Jésus-Christ qui a créé le ciel , la terre, les mers , donc il est Dieu; il ne m’eu croira pas. Que je lui dise : Il a ressuscité des morts, guéri des aveu-gles, mis en fuite les Dénions ; je ne gagnerai pas davantage sur celui qui ne le croit pas. Que je ré-ponde encore : Jésus-Christ nous promet un royaume et des biens ineffables pour la résurrection de nos corps ; à ce mot, le païen sourira de pitié. Quel sera donc le raisonnement capable de triompher de son incrédulité, particulièrement si c’est unespritborné? Pas d’autre que ce dont lui et moi convenons égale-ment, et dont personne au monde ne sauroit contes ter la vérité. Que l’on nie. tant que l’on vondra? que Jésus-Christ est Créateur du ciel et de la terre : assurément on ne niera pas un fait que l’on a sous les yeux. Quel est ce fait? Que Jésus-Christ est le fondateur du christianisme: qu’il existe partout des églises fondées au nom de Jésus-Christ. Il n’en faut pas davantage pour démontrer sa divinité. Car ce n’est pas un simple homme qui soit capable d’établir une doctrine comme la sienne par tout l'univers , et cela dans un espace de temps aussi court ; d’opérer sur tout le genre humain une révolution telle que celle  qu’il a faite; de l’arracher à tous les préjugés qui l’enchaînoient de toutes parts; de changer ses mœurs, et de soumettre à sa croyance , non pas seulement les Romains, mais les nations les plus barbares. Et comment l’a-t-il opérée, cette révolution? Est-ce en déployant la force militaire, en levant des impôts, en livrant des batailles ? Nullement ; mais en faisant prêcher son nom par douze Apôtres, choisis dans la lie du peuple, sans lettres, sans doctrine, sans ar-gent, sans crédit sans chaussure; tant ils étoienl pauvres, réduits par son ordre à ne posséder pas plus d’une seule tunique. Et, non-seulement ils l’ont prêchée, mais ils font persuadée à tant de peuples différents, cette philosophie qui ne se borne pas à des objets présents et temporaires, mais qui embrasse les siècles futurs; qui anéantissoit les lois et les coutumes consacrées par le respect national, enracinées parle temps, et s’est élevée sur tontes les ruines. Non contente de foire renoncer les hommes à leurs affections les plus chères, elle les a assujettis à ce qu’elle enseigne de plus dur. Non, ce n’est pas un homme qui ait pu exécuter une semblable ré-forme dans l’univers, quand l’univers tout entier étoit déclaré contre lui, et dans quelles circon-stances? Lorsqu’il étoit condamné à l’ignominieux supplice de la croix et qu’il subissait la mort־ Car c’est encore là un fait non moins incontestable, que les Juifs l’ont crucifié, qu’ils l’ont abreuvé d’ou-trages et rassasié de souffrances. Et pourtant, malgré tant de persécutions, cette foi chrétienne est pie-chée ; et la prédication de l'Evangile enfante tous les jours de nouveaux chrétiens; le Perse qui la combat, finit par céder à sa vérité. Tous les jours il en sort de nombreux essaims de confesseurs. Et ces hommes; qui repoussoient celte religion avec le déchaînement des bêtes féroces, aujourd’hui, grâces à la prédication de l’Evangile, devenus plus doux que les agneaux, s’entretiennent des dogmes de l’immortalité, de la résurrection, des célestes es-pérances, prêts à les sceller de leur sang. Cette doc-trine s’est établie, non pas seulement dans les villes, mais dans les déserts, dans les.campagnes, dans les provinces etles îles les plus reculées; elle s’est avan-cée en conquérante sur la terre et sur la mer; elle a pénétré jusque dans les palais des rois; et leurs fronts ceints du diadème n’ont pas rougi de se courber sous le joug du crucifié.

Dira-t-on que cent été là Follet de causes purement fortuites, du hasard? mais le hasard a-t-il pu faire que tant d’événements aient été prédits si longtemps à ]’avance? Et ce qui écarte ici toute ombre de soupçon : C’est le peuple meme qui Fa crucifie, qui nous a transmis ces témoignages ; et ce sont les propres livres conservés par lui si religieusement, qui nous fournissent les prophéties dont nous allons vous produire quelques-unes.

D’abord : prophétie de Jérémie, annonçant ( qu’il se fera homme étant Dieu : C’est lui qui. est ' · noire Dieu > et nul autre ne subsistera devant lui, si on le compare avec ce qu’il est. C’est lui qui a trouvé toutes les voies de la vraie science , et qui l’a donnée à Jacob son serviteur, et a Israël son bien-aimé. Après cela י il a été vu sur la terre, et il a conversé avec les hommes. Ce peu de mots comprend tout. Il est Dieu ; il se fait homme; il vient converser avec les hommes ; c’est lui qui avoit donné la loi ancienne, lui qui, avant de se faire voir dans une chair semblable à ]a nôtre, ré-gloit l’économie de toutes choses; créateur, législa-leur, providence universelle, protecteur et bien-faiteur.

Un autre prédit en ces termes , non-seulement qu’il doit se faire homme, mais naître d’une Vierge : Voici qu’une Vierge concevra, elle enfantera un fils qui sera appelé Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous ; et pour confirmer qu’il sera bien véritablement homme, et non pas en apparence , il mangera le beurre et le miel, parce que c’est là l’aliment ordinaire des enfants en bas âge.

Pour marquer sa descendance de la race de David, le même prophète , bien que s’enveloppant d’expressions métaphoriques, et toujours avec non moins de précision : Il sortira un rejeton delà racine de Jessé, et une fleur naîtra de sa racine י et l'Esprit du Seigneur se reposera sur lui; l'Esprit de sagesse et d’intelligenceי l'Esprit de conseil et de force, l'Esprit de science et de piété, et il sera rempli de l'Esprit de la. crainte du Seigneur. Jessé étoit le père de David.

Ce n’est pas seulement la tribu de David, mais sa royale maison que vous voyez clairement indiquée dans la prophétie. Que cette prophétie s’applique à Jésus-Christ et à son règne , et non pas à un rejeton matériel, nulle équivoque; car on ne dira pas que l'Esprit de Dieu vienne se reposer sur un morceau de bois : il ne peut donc s’agir ici que du temple au-guste de la personne de Jésus-Christ, et s’y reposer, non pas pour y descendre durant quelques moments, mais pour s’y établir et y demeurer, ce qu’exprime le mot se reposera, comme dans l’évangéliste : J’ai vu le Saint-Esprit descendre du ciel comme une colombe, et demeurer sur lui.

Sa venue devoit porter le trouble dans Jérusalem, et tons les feux de la rage dans le cœur d'Hérode.

Ce que raconte saint Mathieu, Isaïe l’avoit décrit dans cette image prophétique : Parce que, dit-il, fous les combats se font avec tumulte, et que les vêtements sont souillés de sang ; mais ici - bas, ce sera un embrasement; car un petit enfant nous est né , et un fils nous a été donné', il sera appelé l’ad-mirable, le conseiller, Dieu, le fort} le père du siècle futur, le prince de la paix. La paix qu'il établira n’aura point de fin. L’histoire justifie l’oracle, car à l'avènement de Jésus-Christ, l’univers tout entier se trouvoit en paix.

Au moment de s’élever dans le ciel, Jésus-Christ dit à scs Apôtres : Je vous donne ma paix, non pas celle que le monde donne, paix qui n’est ja-mais de longue durée, toujours menacée de révolution; mais la paix que donne Jésus-Christ, une paix solide, immortelle, immuable, au mi-lieu même des guerres, des agitations et des embuches, à travers lesquelles sa parole toute-puissante sait bien la maintenir.

Ses prophètes ne nous ont pas laissé ignorer le caractère de son avènement ; ils ne l’annoncent point comme un Dieu terrible, lançant la foudre, faisant jaillir l’éclair du haut du ciel, ébranlant la terre, remuant Je ciel, armé de prodiges ef-frayants; mais son entrée dans le monde se fera sans bruit, obscure et pacifique, à peine sensible; semblable, disent-ils, à la pluie qui descend sur une toison; aussi le voyons - nous naître sous un toit pauvre et abject, élevé dans la maison d’un simple artisan. Il vivra au milieu des hommes sans éclat, modèle de douceur et de patience ; maltraité, outragé, couverts de crachats et de soufflets, atta-ché enfin à un gibet infâme. 11 ne tirera aucune vengeance de ses persécuteurs, sans répondre ja-mais à tant d’insultes, d’ignominies, de brutalités, que par le calme le plus inaltérable. Les prophètes avoient prédit tout cela. Isaïe : Il ne brisera point le roseau a demi-rompu, il n’éteindra point la mèche qui fume encore , jusqu’à ce qu il établisse son juge-ment dans la vérité, et les îles attendront sa loi ; les peuples espéreront en lui. Le lieu meme de sa naissance avoit été prédit : Et toij Bethléem , terre de Juda, tu n’es pas la dernière d’entre les princi-pales villes de Juda ; car c’est de toi que sortira le chef qui conduira mon peuple d’Israël. Pouvoit-on marquer plus clairement l’union de l’humanité et de la divinité? Car, après avoir annoncé son éter-nelle génération dans ces termes : Sa génération est dès le commencement, dès l’éternité; le prophète annonce sa naissance dans le temps et le lieu de sa naissance , pour en prédire la future gloire. Et toi, Bethléem, tu n’es pas, etc. En effet, de toutes les parties de l’univers, on va voir cette bourgade, autrefois si méprisée; et toute son illustration lui vient de l’honneur d’avoir été le berceau de Jésus-Christ.

L'époque assignée à sa naissance, avoit été prédite par Jacob., tant de siècles ·auparavant : Le sceptre y avoit dit ce patriarche, ne sera point ôté de Juda, ni le prince de sa postérité, jusqu’à ce que celui qui doit être envoyé, soit venu; et c’est lui qui sera l’attente des nations. Les deux parties de la prophétie ont eu un égal accomplissement ; plus de sceptre dans les mains de la maison de Juda et de sa postérité, puisqu’elle est tributaire des Romains; à son avènement, il a attiré à lui toutes les nations.

Hérode cherche à le faire mourir; il espère l’envelopper dans le massacre des enfants qu’il immole par haine pour ce nouveau-né. Les prophètes avoient prédit ce massacre: Une voix s’est fait entendre dans Rama, voix de pleursי de gémissements et de sanglots : Rachel pleurant ses enfants , devenue inconsolable, parce quils ne sont plus. Son retour de l’Egypte n’avoit pas échappé aux prophètes qui en parlent ainsi : J’ai rappelé mon fils de l’Egypte. Ils avoient fait connoître les lieux où il devoit faire éclater ses prodiges, et prêcher sa doctrine. O terre de Zabulon et de Nephtali, s’é-toit écrié Isaïe, le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière, et le jour s’est levé pour ceux qui habitaient dans la région de l’ombre de la mort. Et il spécifie, ces prodiges : Alors les yeux des aveugles verront le jour, et les oreilles des sourds seront ouvertes ; le boiteux bon-dira comme le cerf, et la langue des muets sera déliée, ce qui ne s’e'toit jamais vu jusqu’aux temps de Jésus-Christ. Quelques-uns de ces miracles ont été caractérisés avec précision. Par exemple, un jour qu’il entroit dans le temple, on entendit des enfants encore à la mamelle, et qui ne savoient pas encore articuler des paroles, chanter ce cantique : Hozanna au plus haut des deux, béni soit celui qui vient au nom du Seigneur. Le prophète avoit particularisé cette merveilleuse circonstance : Vous avez formé dans la bouche des enfants et de ceux qui sont encore a la mamelle, une louange parfaite , pour confondre vos adversaires, et pour détruire l'ennemi et celui qui veut se venger, à savoir le peu-pie juif, contre lequel la nature, violant ses propres lois, prenoit parti, reconnoissant Jésus-Christ pour son auteur. De jeunes enfants, incapables de parler, précédaient les Apôtres dans le ministère de la prédication.

Parce que l’ingratitude et la dureté des Juifs l’obligeoient à envelopper ses discours de paraboles, les prophètes l'avoient prédit : J’ouvrirai ma bouche pour vous parler en paraboles, je vous parlerai en énigmes; ce qui s’est fait dès le commencement. La sagesse qui devoit éclater dans ses dis-cours, ils l'avoient signalée dans cette parole : La grace a été répandue sur vos lèvres. Ailleurs : Mon serviteur sera rempli d׳intelligence, il sera grand et montera au plus haut comble de gloire. Le caractère de sa mission , avec celui des miracles qui de-voient raccompagner , avoit etc marqué dans ces termes généraux : L’Esprit du Seigneur s’est reposé sur moiג parce que le Seigneur m’a rempli de son , onction; et il m’a envoyé annoncer sa parole à ceux qui sont doux, pour prêcher la grâce aux captifs, et la liberté a ceux qui sont dans les chaînes. L’a-version des Juifs pour Jésus-Christ, malgré tous les bienfaits dont il les a comblés , et sans qu’ils eussent le moindre reproche à lui faire, avoit été prédite par David : J’étois, dit-il, pacifique avec ceux qui haissoient la paix; lorsque je parlais à eux, ils m’attaquoient sans sujet. Il devoit faire son entrée dans Jérusalem, monté sur un âne. Zacharie : Filles de Sion, soyez comblées de joie, filles de Jérusalem, poussez des cris d’allégresse ; voici votre roi qui vient à vous, monté sur une ânesse et sur le poulain de l'ânesse. Quelques jours auparavant, nous le voyons dans l'Evangile, transporté d’un saint zèle pour la maison du Seigneur, s’armer de fouets dont il chasse les vendeurs du temple. Par où il témoignoit que loin d’etre en opposition avec Dieu, il agissait de concert avec lui, vengeant la gloire de sa maison, profanée par d’indécents trafics. Cette particularité n’avoit point échappé à David, qui en expose le motif par ces paroles : Le zèle de votre maison m’a dévoré. Un de ses disciples, assis à la table de son maître, devoit le trahir. David en avoit ainsi parlé : L'homme qui mangeoit de mon pain a fait éclater sa trahison contre moi. Ne croit-on pas lire dans l’Evangile : Celui qui porte avec moi la main dans le plat, c’est celui qui me trahira. Le perfide disciple vendra son maître à prix d’argent : Que 'voulez-vous me donner, demande-t-il à ses ennemis, et je vous le livrerai? Trente deniers , lui répondent-ils. Crime affreux, dont le traître ne fut pas long-temps à se répentir; crime dont il se punit lui-même, en se donnant la mort. L’infâme marché, ses suites tragiques, le châtiment du traî-tre, la substitution qui lui fut faite d’un nouvel apôtre, saint Mathias, toutes ces circonstances sont marquées dans les prophéties. Entendez le divin Psalmiste : O Dieu, qui êtes l’objet de mes louanges! ne demeurez pas dans le silence, car la bouche du méchant et celle de l'imposteur se sont ouvertes contre moi : ils m’ont parlé avec une langue trompeuse.

Voilà le crime de Judas, caractérisé, quoique d’une manière énigmatique. Son châtiment lui est prédit dans ces termes : Que ses enfants soient orphelins , et que sa femme demeure veuve ; que ses enfants soient errants et vagabonds, et que, chassés de leur habitation désolée, ils cherchent leur pain en mendiant. La prophétie n’est que l’histoire de cette tragique catastrophe. Qu’un autre lui soit substitué dans son apostolat marquait qu’un autre seroit appelé à sa place.

Le conseil tenu par les Juifs et les gentils, contre ]a vie de Jésus-Christ, leur réponse tumultueuse : Nous n'avons point d’autre roi que César; à Pilate qui leur demandait : Crucifierai-je notre roi? avaient indiquées parole psaume où nous lisons : Pourquoi les nations se sont-elles soulevées avec un grand bruit, et les peuples ont-ils formé de nains complots? Jusqu’à ces mots : Rejetions loin de nous leur joug. A ces clameurs, cl à leurs calomnieuses accusations que répondait Jésus-Christ? Il gardait le silence.

Isaïe l’avoit représenté comme un agneau qui se laisse enlever sa toison, conduire à la mort, sans ouvrir la bouche. Tout son crime était son inno-cence; et s’il a souffert, ce n’a été que pour expier les péchés du monde : Celui qui n’a commis aucun péché, disent les prophètes, et sur les lèvres de qui aucun artifice n’a pu être surpris, a été conduit à la mort pour les péchés demon peuple. Les bienfaits que nous avons recueillis de ses souffrances et de sa mort, qui sont l’abolition du péché, la guérison de nos âmes, par les moyens de salut que nous leur devons ; les prophètes les avoicnt annoncés : Nous nous étions tous égarés comme des brebis errantes, dit Isaïe; chacun s’éloit détourné pour suivre sa propre noix, le châtiment qui nous devoit procurer la paix est tombé sur lui, et nous avons été guéris par ses blessures. Mais le crime des Juifs devoit aussi attirer sur eux des vengeances terribles. Ecou-tez Isaïe : Je donnerai les impies pour le prix de sa sépulture, et les riches pour la récompense de sa mort. David, après avoir annoncé leur criminelle conspiration : Celui qui habite dans les deux se rira de leurs coupables desseins j alors il leur parlera dans sa colère , et les remplira de trouble dans sa fureur. Prédiction aujourd’hui si rigoureusement exécutée par la dispersion de ce peuple, dans toute la terre. Le genre de sa mort n’avoit pas non plus été omis dans les prophéties ; David : Ils ont percé mes mains et mes pieds ; ils ont compté mes os.

Et cette autre circonstance qui eut lieu après son crucifiement : Ils ont partagé entre eux mes habits et ils ont jeté le sort sur ma robe. Sa sépulture. Témoins ces paroles : Ils m’ont mis dans une fosse profonde , dans des lieux ténébreux et dans l'ombre de la mort. La pompe de ses funérailles, où les saintes femmes apportèrent des essences précieuses pour l’embaumer, la gloire de sa résur-rection , vous les voyez prédites par David dans ces paroles : Vous ne laisserez point mon âme dans le tombeau, et ne souffrirez pas que -votre Saint soit sujet a la corruption. Vous y voyez sa domina-tion sur tous les peuples du monde , annoncée dans toute la suite des prophéties. Sa descente aux enfers, et ses triomphes sur la mort, le trouble, l’agitation des Demons à l’aspect de leur vainqueur, avoient été prédits par David, d’abord :

Levez vos portes, ô princes ! Et vous, portes éter-nelles, levez-vous et vous ouvrez, afin de laisser entrer le Roi de gloire. Qui est ce Roi de gloire P Le Seigneur, qui est vraiment fort et puissant, le Seigneur, qui est puissant dans les combats; puis, par Isaïe : Je romprai les portes d’airain, et je briserai les gonds de fer, je vous donnerai les trésors cachés; c’est-à-dire les âmes des saints patriarches qui s’y trouvaient détenues captives, enfermées dans ces demeures sombres où les rayons du soleil de justice n’avoient pas encore pénétré. Son ascen-sion dans le ciel, après sa sortie du tombeau, par la seule force de sa puissance, et sans s’élever ni sur les ailes des Anges, ni sur un char de triomphe, David l’avoit célébrée dans ces termes : Dieu est monté au milieu des cris de joie, et le Seigneur au  bruit de la trompette. Et encore : Le Seigneur a dit à mon Seigneur : Asseyez-vous à ma droite, jusqu’à ce que je réduise vos ennemis à vous servir de marche-pied. La mission de ses Apôtres : Combien sontbeaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui viennent no us apporter la bonne nouvelle ! Leurs conquêtes :

Le Seigneur remplira de sa parole es héraults de sa gloire, afin qu’ils Vannoncent avec une grande force. La descente du Saint-Esprit sur ces mêmes Apôtres. Joël : Je répandrai mon Esprit sur toute chair, vos fils et vos filles prophétiseront; vos vieillards seront instruits par des songes ; et vos jeunes gens auront des visions. Et parce qu’il n’y a de salut que pour ceux qui croient en lui; le prophète ajoute : ce sera alors que quiconque invoquera le nom du Seigneur sera sauvé. Les succès de la prédi-cation e'vangélique ne sont pas moins désignés : Leur voix, dit David, s’est fait entendre dans toutes les parties delà terre; elle a retenti jusqu à ses extré-mités. Vous les délivrerez des contradictions du peuple j vous les établirez chefs des nations ; et en-core : Demandez-moi et je vous donnerai les nations pour héritage, et l'univers tout entier pour empire-, parce que l’autorité de la divine parole les élèvera par-dessus les obstacles, et les oppositions, par-dessus les sophistes et les passions humaines, par-dessus les Démons et les tyrans. Dans un autre endroit, Isaïe s’exprime ainsi : Voûte la terre sera pleine de la science du Seigneur, qui s’jr répandra comme l'eau du fleuve qui va se décharger dans la mer. Et pour marquer la promptitude avec laquelle les peuples finissent par s’y soumettre ; Jérémie : Chacun d’eux n aura plus besoin d’enseigner son prochain et son frère, en disant : Connaissez le Seigneur; parce que tous me connaîtront, depuis le plus petit jusqu’au plus grand. La fermeté de son Eglise : Dans les derniers temps, la montagne sur laquelle se bâtira la maison du Seigneur, sera fondée sur le haut des monts, et elle s’élèvera au-dessus des collines. Toutes les nations jr accourront en foule. Le moment où elle commencera à s’élever, ferme, inébranlable, immobile au milieu des révolutions humaines, sera marqué par le bienfait d’une paix universelle, quelle apportera dans le monde, par la chute d’empires et de monarchies diverses qui feront place à une monarchie unique. Plus alors de ces combats de paroles et de ces guerres d’opinion qui, auparavant, divisoient les écoles des philoso-plies. Sous la bannière de l’Evangile , toutes les vérités paraissent à la fois; et le monde est pacifié; ce que le Prophète avoit annoncé par ces paroles figurées : Alors ils forgeront de leurs épées des socs de charrue, et de leurs lances des faulx. Un peuple ne tirera plus l’épée contre un autre peuple, et ils ne s} exerceront plus au combat. Et de quoi se com-pose cette Eglise? Non-;seulement des hommes doux et pacifiques, mais des plus cruels, des plus sanguinaires : Le loup habitera, avec' l’agneau , le léopard*se couchera auprès du chevreau, c’est-à-dire que le Scythe, le Thrace, l’habitant de l’Afri-que, l’Indien, le Persan, le Sarmate, tous les peuples, en un mot, ne feront qu’un seul peuple :

Tous se soumettront à son joug, dans un même es-prit. Ce ne sera plus seulement à Jérusalem que Dieu recevra les vœux de ses adorateurs : l’univers, tout entier sera son temple; car depuis le lever du soleil jusqu au couchant, mon nom est grand parmi les nations, et Von me sacrifie en tout lieu , et Von offre à mon nom une oblation toute pure. Donc plus de privilege particulier pour le Juif. Un culte plus excellent a remplacé le culte ancien ; le sacrifice n’est plus horné*à un seul lieu. Il est devenu uni-versel ; ce n’est plus le sang des animaux que Dieu demande ; une victime plus pure lui est immolée par nos mains. Eli! comment, me dira-t-on, les Apôtres ont-ils pu opérer ce changement chez tous les peuples du monde, eux qui ne connoissoient d’autre langue que celle de leur pays? Comment parler au Scythe, à l’Indien, au Sarmate , au Thrace, leur idiome, pour se faire comprendre de ces peuples divers? Isaïe avoit prophétisé cette merveille : Le Seigneur parlera désonnais à. ce peuple d'une autre manière, et se fera entendre à lui dans des langages différents. Les Juifs dévoient être incrédules, les gentils embrasser la foi : Isaïe l’a proclamé : Ceux qui ne se mettent point en peine de me connaître, sont venus vers moi, et ceux qui ne me cherchaient point m’ont trouvé. J’ai dit à une nation qui n'invoquait point mon nom auparavant: me voici, me voici. Et au sujet d’Israël : J’ai étendu-mes mains pendant tout le jour vers un peuple in-crédule qui marche dans une voie qui n’est pas bonne y en suivant ses pensées....

Prédiction du futur avènement de Jésus-Christ, à la fin des siècles , faite par les prophètes David , Malachie, Baruch et par Jésus-Christ.

Avant lui, Moïse : Le Seigneur votre Dieu vous suscitera un prophète comme moi, de votre nation et d'entre vos frères ; c’est lui que vous écouterez. Que si quelqu’un ne veut pas entendre les paroles que ce prophète prononcera eu mon nom, il sera chassé à jamais du milieu du peuple: ce sera moi qui en ferai la vengeance. Cette menace et ce ehâtiment ne se sont vérifiés qu’à l’égard de Jésus-Christ. Car il y avoit eu, depuis Moïse, bien des prophètes que les Juifs avoient été peu empressés d’écouter, sans que la vengeance du Ciel les en ait punis. Mais parce qu’ils ont refusé d’écouter celui-ci, vous les voyez aujourd’hui chassés de leur pays, errants, fugitifs, dispersés par toute la terre, étrangers à leur capitale, à leurs lois, à fleurs coutumes, poursuivis par l’ignominie et par le châtiment. Je ne m’arrêterai pas à décrire les maux qu’ils eurent à souffrir sous Tite et Vespasien; leur épouvantable catastrophe fut sans mesure ; et l’oraele de Moïse n’a été que trop justifié.

Jusqu’à la mort de Jésus - Christ, ils avoient formé un état florissant. A sa mort, tout a changé pour eux.

La gloire dont la mort de Jésus-Christ devoit être suivie, la prédication de son Evangile après sa résurrection. Les memes évangélistes qui nous racontent comment il a été trahi par un de ses dis-ciples, garotté, insulté, chargé d’outrages et de soufflets, flagellé, attaché à la croix, n’obtenant qu’à peine l’honneur de la sépulture ; dépouillé de ses vêtements, même avant qu’il n’expirât, et ne prolongeant ses souffrances que pour s’entendre dire qu’il éloit un blasphémateur, un usurpateur du titre de roi ; préviennent, par le récit de sa ré-surrection glorieuse, les impressions que ces hu-miliantes circonstances pouvaient exciter dans les âmes foibles ; les saints prophètes qui les racontent de même, ne nous laissent pas ignorer davantage l’éclat de son triomphe. De la racine de Jesséj sortira un glorieux rejeton , avoit dit Isaïe ; il sera le conducteur des nations qui espéraient en lui; et son repos sera plein d’honneur ; voulant dire qu’il mourra, mais d’un genre de mort plus glorieux que tous les diadèmes: aujourd’hui, vous voyez "les monarques orner leur front du signe de la croix, symbole de cette mort. La croix éclate sur leur pourpre et sur leurs têtes; la croix domine dans les prières, dans les camps, à la table sacrée et dans tout l’univers ; elle brille d’une splendeur qui efface celle du soleil. Son repos sera plein d’honneur.

Ce n’est point là le cours ordinaire des choses humaines. Nous voyons dans ce monde,, ceux qui sont élevés an comble de la gloire, n’en conserver la jouissance que durant leur vie. ·Sont-ils morts? toute cette gloire s’évanouit avec eux. Tel est le dénoue-ment commun des richesses et de la puissance; les rois eux-memes n’en sont pas affranchis. Dans le meme tombeau viennent s’abattre et les lois qu’ils ont portées, et les statues érigées en leur honneur, et le souvenir de leurs actions; leur nom s’efface, et jusqu’à leur famille, tout tombe dans l’oubli. Ils ont eu beau mettre des armées sur pied, exciter les révoltes parmi les peuples et les cités, rappeler les bannis, tremper leurs mains dans le sang de leurs maîtres; toute éclatante que fût leur gloire, ils n’en conservent rien dans le tombeau. Il n’en est pas ainsi de Jésus-Christ. Avant son crucifiement, quelle apparente abjection ! Judas le trahit, Pierre le méconnaît, tous l'abandonnent, on se saisit de sa personne au milieu de ses disciples, qni lui promettaient un si généreux dévouement; la plupart de ceux qui croyaient en lui, s’en éloi-gnèrent. A peine a-t-il été misa mort, que pour manifester qu’il y avoit dans lui autre chose qu’un homme, bien loin que sa gloire succombe sous les coups de la mort, il se relève avec plus d’éclat. Le premier de ses Apôtres, qui avoit pâli à la voix d’une servante, et protesté qu’il ne connaissait pas cet homme, court l’annoncer par toute la terre, et des peuples tout entiers, de saints confesseurs se laissent égorger plutôt que de conserver leurs jours au prix du même mensonge que la peur d’une simple servante avoit arraché à la bouche du premier des Apôtres. Dans toutes les contrées de l’univers, qu’il y ait des hommes ou qu’il n’y en ait pas, partout nous prêchons Jésus-Christ crucifié. Et les rois et les princes, et les soldats, et les généraux, libres ou esclaves, savants ou ignorants, nations barbares ou nations policées, tous accourent à son nom, tous lui apportent leurs hommages. Bien loin d’en rou-gir, on s’en glorifie, on court au-devant. Son repos sera plein d’honneur. L’étroite enceinte qui fut son sépulcre, est devenue plus auguste et plus véné-rable que les palais, que la personne même des monarques. La gloire de son nom rejaillit jusque sur ses disciples. Ces mêmes hommes, pendant leur vie, objet du mépris et de la haine publique, qui ne trouvaient que sur les échafauds le terme de leurs longues et cruelles souffrances, c’est après leur mort que vous les voyez plus honorés que les rois eux-mêmes, à Rome même, la plus royale des cités, où les maîtres du monde s’empressent de venir avec toute leur cour se prosterner aux pieds du tombeau d’un pêcheur et d’un faiseur de tentes. Dans la ville où nous sommes, à Constantinople, les empereurs regardent comme une insigne faveur pour eux et pour les membres de leur famille, le privilège de reposer, sinon auprès des saints Apôtres, mais dans les vestibules des temples qui leur sont consacrés, et d’etre , après ]enr mort, les gar-diens de ]a dépouille de ces hommes de néant. Eh! qu’étoit-ce donc que cette croix par laquelle se termina sa׳ vie? Le signe de la malédiction, ]e genre de mort le plus infâme de tous, le seul à qui fut attaché le sceau de la malédiction. Dans les anciennes législations, les criminels, condamnés à ]a mort, mouroient, soit par le feu, soit sous les pierres dont ils étoient accablés, soit de toute autre manière ; on se contentoit de la mort pour leui' supplice; le crucifiement, outre la mort, entrainoit de plus l’ignominie et la malédiction. Maudit soit, dit l'Ecriture, celui qui est suspendu au bois. Cependant cet objet de malédiction et d’infamie, ce signe odieux du dernier supplice, le voilà proposé à tous les hommages comme à tous les vœux. La couronne des monarques est pour leurs tètes un ornement moins illustre que cette croix, plus précieuse que le monde entier. Et ce que naguères on n’envi-sageoit qu’avec horreur, on en fait aujourd’hui sa plus riche parure. Tous, depuis le sceptre jusque dans les dernières classes de la société, en impriment le signe sur leur front, ils en décorent la plus noble partie d’eux-mémes, et l’y gravent à tous les mo-ments du jour, comme une inscription sur une co-lonne. On la porte au banquet sacré, dans l’imposi-tion des mains qui fait le prêtre, dans la participa-tion au pain eucharistique qui nous incorpore la chair de Jésus-Christ. Elle se montre en triomphe dans les maisons, dans les places publiques, dans les solitudes, dans les chemins, au milieu des monta-gnes, sur Je sommet des collines et dans le fond des vallons, sur les eaux et dans la navigation, dans les îles les plus reculées. Elle se produit dans tous les actes de la vie, tant généraux que particuliers ; sur les murailles des édifices, mélée aux pierres les plus précieuses, appliquée sur les corps des animaux malades et des hommes possédés du Démon, dans les assemblées des riches fastueux et dans les paisi-blés retraites des Solitaires. Après cela, que les Gen-tils me répondent comment un signe d’opprobre et ־ de malédiction estdevenu quelque chose de sihono-rable, autrement que par la vertu toute puissante du Crucifié? Parmi les instruments de supplice dont la justice humaine déploie sous nos yeux le formi-dable appareil, vous comptez les chevalets, les fouets, les ongles de fer, les diverses tortures ima-ginées pour imprimer la souffrance : je demande qui les voudrait avoir dàns sa maison ? y porter seu-lementla main? Qui est-ce qui voudrait se rencon-trer dans le voisinage du bourreau, quand il exécute son terrible office? Quel effroi en leur présence ! La peur qu’ils inspirent va jusqu’à attacher à leur sim-pie aspect de sinistres pressentiments. La croix, au contraire : bien loin de la repousser de scs regards, on la fixe, on la contemple, on la recherche, on s’en dispute la moindre parcelle , ou l'enchasse dans les plus riches métaux, ou s’en fait une parure, on se met à couvert sous cette égide. Un si merveilleux chan-gement, de qui peut-il cire l’ouvrage, sinon de celui qui dispose de tout à son gré, de celui qui a purifié le monde , et transporté le ciel sur la terre? Le prophète l’a voit prévu, quand il a dit : Son repos sera plein d’honneur. Et en effet (je ne crains pas de revenir sur les mêmes idées ) , la croix, un instrument de mort, est devenue, grâce à sa toutc-puis-sauce, une source féconde de bénédictions, le rem-part qui assure notre salut, le coup de mort du Démon et le frein qui en soumet la fureur ; elle est la sauve-garde de la vertu. Par clic Jésus-Christ a triomphé delà mort, il a brisé les portes d’airain qui défendoient l’infernal abîme, abattu la citadelle du Démon et renversé son empire, sauvé le monde tout entier de la condamnation qui pesoit sur lui, guéri la plaie dont un Dieu vengeur avoit frappé notre nature. Ce monde tout entier, jusque là impuissant pour le bien, sol aride, sein fermé» à tout enfantement tic vertu, par la vertu de sa croix, il en a fait une terre féconde, une mère qu’environne sa nombreuse fa-mille, un paradis abondant en fruits de vie. C’est ce que la prophétie avoit annoncé par ces paroles : Ré-jouis-toi y ô stérile qui n’enfantes point ! réjouis-toi , éclate en chants d’allégresse, parce que celle qui fut stérile a compté plus d’enfants que celle qui se glorifioit de son époux. Tel étoit lé bienfait de la loi nouvelle qu’il avoit promise par la bouche d’un autre prophète : J’établirai un testament nouveau , non pas de la manière que je l'ai fait a l’égard de leurs Pères, au jour où je les pris par la main pour les conduire hors de l’Egypte. Mais parce quils n’ont point demeuré fidèles à mon alliance, et moi je les ai traités comme un maître sévère , dit le Seigneur. Mais ,voici l’alliance que je ferai avec eux : j’imprimerai ma loi dans leurs entrailles ג et je l’écrirai dans leur cœur. Ce n’est point assez d’annoncer un aussi prodigieux changement. Pour montrer corn-bien l’exécution en sera facile, le prophète ajoute : Chacun d’eux n’enseignera plus son prochain et son frère , en disant : Connaissez le Seigneur; parce que tous me connaîtront, depuis le plus petit d’entre eux jusqu’au plus grand. Suit la promesse de la remis-sion des péchés offerte à tous ceux qui viendroit à lui, comme devant être l’un des caractères de la loi nouvelle : Car je leur pardonnerai leurs iniquités et je ne me souviendrai plus de leurs péchés. Pouvez-vous rien voir de plus clair? La vocation des gentils, l’ex-cellence de la loi nouvelle par-dessus l’ancienne, la facilité de s’approcher de Dieu, la grâce qui nous est conférée dans le baptême ne s’y trouvent-ils pas énoncés dans les termes les plus précis?

Texte des prophéties de Daniel, de Malaçhie.

Rien n’échappe à la scrupuleuse exactitude du prophète. Les prédictions ont devancé les temps, cl les événements ont justifié les prédictions.

Conçoit-On après cela l’entêtement de l'incrédulité? L’on dira que c’est nous qui imaginons ces prophéties. Mais (encore une fois), elles sont consignées dans des livres conservés et transmis par nos ennemis, par la postérité même des hommes qui ont crucifié celui qui en est l’objet. Pourquoi donc refusent-ils d’y croire? Ils ont bien vu ses miracles sans y Croire. Est-ce la faute de celui qui faisoitles miracles auxquels on ne croyait pas? N’est-ce pas uniquement celle de l’a-veugle qui ne voit pas en plein midi? Cet univers qui prêche si éloquemment son auteur par la jus-tesse de ses proportions, n’y a-t-il pas des hommes qui n’y voient que l’ouvrage du hasard ou d’une aveugle fatalité ? Il ne faut à un esprit raisonnable que bien peu de démonstration pour l’engager à croire et à pratiquer : toutes les démonstrations du monde échoueront contre, celui qui ne l’est pas. Ainsi les Juifs, malgré tant de miracles prodigués au milieu d’eux, sont restés incrédules; tandis que les Ninivites se sont convertis à la simple parole de Jonas. Judas, l’un des Apôtres de Jésus-Christ trahit son maître; un des voleurs mourant à ses côtés, le recommit, etdevient le prédicateur de son royaume. Les Juifs résistent opiniâtrement, les gentils se soumettent.

Au reste, l’endurcissement des Juifs n’avoit pas échappé aux prophètes. Isaïe : Qui a cru à ce qui nous a été prêché, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été révélé ? Et encore : J’ai été trouvé par ceux qui ne me cherchaient pas, et j ai été connu de ceux qui ne m’interrogeaient pas. Des femmes de Chanaan et de Samarie ont cru à son avènement; et les prêtres, des chefs de synagogue , se sont déclarés contre lui, l’ont persécuté, lui et tous ceux qui croyaient en lui. Toutes nos histoires, tant anciennes que mo-dernes, sont pleines de semblables contradictions. Si pourtant la nation entière n’a pas cru en lui, il est vrai aussi de dire, qu’alors comme aujourd’hui, un très grand nombre d’entre les Juifs s’est rendu à la vérité. Que tous n’aient pas cru, il n’y a rien à cela de nouveau ni d’extraordinaire. C’est l’effet de leur aveuglement ou de leurs préventions.

A la suite des prophéties qui montraient Jésus-Christ si long-temps avant son avènement, produi-sons celles que lui-meme a faites durant qu’il habi-toit avec les hommes. Vous allez y reconnoitre la vertu de sa divine toute-puissance. Tout entier oc-cupé de notre salut, embrassant dans scs affections et ceux avec qui il vivait, et ceux qui devaient exister quand il ne serait plus, c’est à cet unique but que concourent et les miracles opérés sous les yeux de ses contemporains, et les prédictions dont les siè-clés postérieurs dévoient voir l'accomplissement. Ses miracles garantissaient à l’avance la vérité de scs prophéties’. De ces prophéties, les nues regardaient les temps de la vie présente, les autres ceux qui suc-céderont à la consommation des siècles, où il n’y aura plus d’autre vie que celle de l’éternité ; et par l’éclat de la lumière qu’elles se prêtent mutuellement confirment l’infaillibilité de sa parole.

Les disciples qu’il avoit attachés à sa suite n’étoicnl encore qu’au nombre de douze ; c’étoit-là toute l'Eglise : ce nom même était encore ignoré, puisque la synagogue seule existait. L’univers tout entier était plongé dans les ténèbres de l’impiété. C’est là le moment où il dit : Je bâtirai mon Eglise sur cette pierre ; et les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre elle. Pesez bien cette parole : vous allez en voir jaillir la plus vive lumière. La merveille ne con-siste pas seulement à s’etre fait ·une Eglise par toute la terre, mais à l’avoir bâtie sur d’invincibles fondements; et cela malgré tous les obstacles qu’elle avoit à combattre. C’est là ce que signifiaient ces portes de l’enfer qui ne prévaudraient jamais contre elle. Obstacles tels en effet qu’ils devaient la ren-verser et l’anéantir (1). La prophétie a-t-elle eu son accomplissement? Les faits ont-ils été douteux? Quelle force supérieure à tous les obstacles ! et quelle facilité dans l’exécution ! Ne passez point légèrement sur ces paroles dites à un si petit nombre d’hommes : Je bâtirai mon Eglise; mais examinez attentivement vous-même comment il a pu se faire que dans un espace de temps aussi court, de si nom-breuscs églises se soient élevées par toute la terre, tant et de si puissantes nations aient embrassé la foi, et se soient laissées persuader de renoncer aux lois du pays, a des coutumes et à des préjugés fortement enracinés , à rompre les chaînes de la volupté, à se-couer leurs vicieuses habitudes comme on fait un peu de poussière, a renverser leurs temples et leurs autels, abolir leurs sacrifices et leurs fêtes profanes, pour qui elles n’ont plus que du mépris et de l’horreur ; à élever sur leurs débris des autels non-veaux dans toutes les parties de l’univers, à Rome et dans la Perse} chez les Scythes, les Maures elles Indiens, et encore par-delà, bien loin de notre con-tinent, jusque dans les Iles Britanniques, reculées à l’extrémité de l'Océan. Partout la prédiction a été justifiée : partout la semence delà divine parole je-téc dans les cœurs, les a purifiés ; partout elle a porté des fruits de vie. Pour des effets aussi extraordinaires, et en si peu de temps, il ne falloit pas moins que la toute-puissance de Dieu , quand il n’y eût point eu d’obstacles ni de résistances à soumet-tre; quand, au lieu d’ennemis à combattre, une telle . entreprise eût été soutenue par de puissants auxi-liaires. Encore ne sullisoit-il pas de renoncer à d’anciens préjugés invétérés par la coutume, cimentés par la volupté , transmis par les générations qui avoient précédé, accrédités par les philosophes et les orateurs , victoire qu’il n’étoit guère possible d’espérer ; il falloit consentir à recevoir une créance nouvelle, la plus contraire à tous les intérêts. Et voilà pourtant ce qui a été fait. Non-seulement Jésus-Christ a fait revenir les hommes delà volupté^ de l’amour des richesses, de la sensualité , de la colère, mais il leur a fait aimer les rigueurs de la péni-tciice, et le dépouillement de la pauvreté , la tem-pérance, le pardon des injures et la charité qui les porte à se faire du bien les uns aux autres. 11 leur a fait quitter la voie large et spacieuse où ils étoient égarés pour les faire entrer dans une voie inconnue, étroite, difficile et pleine d’aspérités. A combien d’hommes a-t-il persuadé sa doctrine? A dix, à vingt, à cent? Non, mais à des milliers, mais à presque tous ceux qui habitent sous le soleil. Par le moyen de qui? De onze hommes sans lettres, sans crédit, sans éloquence, sans nom, sans ri-chesses, sans patrie, complètement dépourvus de tout ce qu’il faut aux hommes pour assurer leurs succès. Car, qu’étoient- ce que les Apôtres? de simples pêcheurs, des faiseurs de tentes, étrangers parmi les nations, dont ils ignoroient la langue, et au milieu desquelles les Juifs d’origine n’avoientà porter que leur idiome natal, que pas une d’elles n’entendoit. Et voih'1 les instruments dont il s’est servi pour bâtir cette Eglise qui allait s’étendre d’une extrémité à l’autre de ]’univers. Ces Apôtres, à qui l’on donnait l’univers tout entier à réformer, savaient bien à quelles épreuves ils allaient être exposés; qu’ils n’auroient pas à combattre seule-ment chaque nation, chaque ville en particulier; mais qu’il n’y aurait pas une maison qui ne fût le théâtre de la guerre. En effet, à peine leur doctrine avoit-elle commencé à prendre racine ; qu’on la vit séparer le fils d’avec le père , les filles d’avec la mère, partager les frères, armer le serviteur contre le maître, l’époux contre l’épouse; car les progrès n’en furent que successifs ; et cependant, inimitiés, guerres continuelles, résistances opiniâtres de la part des peuples et des rois, des villes et des campa-gnes, de la part de toutes les conditions déclarées contre eux, ainsi que contre un ennemi commun, quelles poursuivaient jusqu’à la mort, jusque dans leurs disciples, à peine initiés dans leur croyance. La haine publique servait en cela les ordonnances des princes, les préjugés de la coutume et du pays. On ne leur pardonnait pas de détourner les peuples du culte des idoles 7 de n’avoir que du mépris pour des temples, jusque là l’objet de la vénération; de témoigner une aversion invincible pour les fêles et les sacrifices d’un culte profane, de détrôner en tous lieux de prétendues divinités, au nom de qui l'on trembloit auparavant, et d’établir à la place de mules les croyances antiques, celle d’un Dieu unique, né d’une vierge, traîne devant le tribunal d’un juge, charge d’opprobres, mourant sur une croix, et ?1 la suite de souffrances extremes et d’une mort infâme, mis dans le tombeau, mais pour ressus-citer. Quant à la passion qu’il avoit subie, nulle équi-voque. Témoins, et les fouets et les soufflets, et les ignominies de toute sorte, qui avoient accompagné son supplice et l’instrument de sa mort; mais pour sa résurrection, la croyance n’en étoit pas aussi facile, puisqu’elle n’avoit eu pour témoins que quel-ques disciples. Et pourtant, c’est là ce que l’on a cru sur la parole des Apôtres ; c’est là ce qui a fondé celte Eglise. Comment donc ],a-t-elle été? par quels moyens? Par la vertu de sa parole. Elle avoit lout prédit; elle a tout exécuté. Tous les obstacles ont cédé sans effort. Sans cette vertu (toute puissante, l’ouvrage n’eût pas même commencé. La meme parole qui avoit dit autrefois : Qu’il paroisse un firmament, et l’œuvre suivit le commandement: qu’il sorte du néant un monde terrestre, et à l’in-stant la terre naissoit; qu’un soleil brille au haut du ciel, et le soleil brilloit de tous ses feux, la même parole ordonnoit aux Eglises de se lever de terre , cl cc simple mol : Je batirai mon Eglise , créait son Eglise. Tel qu’une flamme dévorante, consumait les obstacles, purifioit le sol où croissoit la semence de la prédication. On avoit beau ne laisser aux nouveaux disciple^ que les prisons pour demeure ? les dépouiller de leurs biens, les faire mourir, les condamner au feii, les précipiter dans les eaux, multiplier et les insultes et les tortures ; leur nombre ne faisoit que s’accroître ; les persécutions, bien loin de ralentir la propagation, ne ser-vent qu’à l’accélérer. Le monde tout entier couroit au-devant de ces pêcheurs spirituels et se laissait prendre dans leurs filets, sans violence, avec joie, avec une sainte réconnoissance ; et le sang même qui couloit par torrents , était tout à la fois et la semence et le ciment de la doctrine chrétienne.

(1) Voyez dans ce volume l’article Eglise, pag. 98 ei suiv.

Pourtant, les disciples n’étoient pas soutenus par la présence de leurs maîtres; car ceux-ci, la plupart du temps, étaient dans les fers, on réduits à fuir, quand ils n’étoient pas sous la main des bourreaux, toujours exposés à mille maux, Bien loin de di-minuer , la ferveur des disciples augmentait en-core. L’apôtre saint Paul leur rendait ce témoignage : Grand nombre de nos frères dans le » Seigneur, encouragés par mes liens, annoncent » la parole de Dieu avec une hardiesse nouvelle, » et sans aucune crainte. — Mes frères, écrivoit-il à » ceux de Thessaloniquc, vous êtes devenus les imitateurs des Eglises de Dieu, qui ont embrassé la » foi de Jésus-Christ dans la Judée , ayant souffert » les mêmes persécutions de la part de vos concitoyens que les Eglises ont souffertes de la part des » Juifs, qui ont fait mourir meme le Seigneur Jésus » et leurs propres prophètes, qui nous ont perse-» eûtes, et nous empêchent de parler aux gentils, » afin qu’ils soient sauvés ». Dans sa lettre aux Hébreux : « Rappelez, leur dit-il, en votre mémoire, ces » premiers temps, où après avoir été illuminés par le » baptême, vous avez soutenu de grands combats et » diverses afflictions, dépouillés de vos biens, mais » sachant bien que vous en avez de plus excellents qui » subsistent toujours ». Quelle force, quelle divine toute-puissance ne falloit-il donc pas avoir pour opé-rer de si grandes choses.’ pour obtenir que des boni-mes éprouvés par de si violentes persécutions, non-seulement ne succombassent point, et qu’au contraire ils en soutinssent le poids avec patience , mais qu’ils s’en fissent un sujet de joie et un titre de gloire. C’est ce que l’apôtre saint Paul affirme en parlant des disciples; et saint Luc des maîtres, dans lelivre des Actes , où il dit qu’ils sortaient du conseil remplis de joie de ce qu’ils avaient été jugés dignes de souffrir cet outrage pour le nom de Jésus. Saint Paul, parlant de lui-même : « Je me réjouis, dit-il, » dans mes souffrances, et j’accomplis dans ma chair ·» ce qui reste à souffrir pour Jésus-Christ. » Vous étonneriez-vous de l’entendre se réjouir dans scs souffrances, lui qui, près de mourir, non-seulement en témoignait de la joie, mais qui invitoit à s’en réjouir avec lui : « Que si mon sang doit être répandu comme une libation sur la victime et le sacrifice » de votre foi, j’en ai delà joie cl je m’en félicite avec vous : et vous aussi ayez-en de la joie et féli-« citcz-vous־en avec moi. »

Ainsi l'Eglise étoit-elle édifiée.

Mais quelle étrange manière de bâtit! Les hom-mes qui veulent bâtir une simple muraille, en vien-droient-ils à bout, si fou y mcttoit obstacle en les traversant, en les chassant? Ici, voilà des ouvriers à qui vous mettez les fers aux pieds, de qui vous enchaînez les bras, que vous mettez en fuite, que vous proscrivez, à qui vous arrachez la vie, à eux et à leurs disciples; ce qui ne les empêche pas de bâtir dans tousles lieux du monde un édifice, non de pierre, mais tout spirituel ; mais d’une législation nouvelle d’une toute autre difficulté que la construction d’un édifice matériel. C’est-à-dire que des âmes asservies aux Dénions depuis tant de siècles, il falloit les . arracher à leurs vices, et les faire entrer dans les voies de la perfection. C’est ce qu’ont exécuté quel-ques hommes réduits à la plus extrême indigence; ils ont parcouru tout l’univers, pauvres, dénués de tout. Qui donc les soutenoit? La parole qui a dit : « Sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes » de l’enfer ne prévaudront point contre elle. » Elle a combattu avec eux contre les tyrans et les persécuteurs : contre tout le paganisme, que proté-geoient les empereurs, jusqu’à Constantin ; tous ]*ont persécutée avec plus ou moins de violence ; pas un d’entre eux ne l’a épargnée ; et si quelques-uns se sont montrés moins cruels, rattachement seul qu’ils témoignaient au paganisme, fournissait aux courtisans des prétextes plausibles pour opprimer ceux qui tenoient à une religion si différente de la leur. On étoit toujours sur de trouver grâce auprès d’eux en faisant la guerre à l’Eglise. Tant d’efforts ct de conjurations n’ont été qu’une vaine fumée , qu’une poussière qui s’est dissipée en présence de l'Eglise. Ils n’ont servi qu’à lui ménager un cœur plus bril-lant de magnanimes confesseurs et de trésors im-pensables; colonnes et remparts immortels du nou-vcl édifice, aussi utiles à la postérité par leur mort que par l’exemple de leur vie. Ainsi s’est vérifiée la prédiction : Et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Ses triomphes passés garantissent ses triomphes à venir. Non, soyez-en bien assurés, il n’est point de résistance contre elle. Si l'Eglise, à sa naissance, foible comme elle paraissait l'être, à peine élevée de terre, environnée d’ennemis, a vu échouer toutes les entreprises formées contre elle, à plus forte raison aujourd’hui, qu’elle est répandue et si solidement établie dans toutes les parties de l’univers, où il ne reste à l’idolâtrie qu’un bien petit nombre de sectateurs, sans temples, sans autels, sans sacrifices, sans initiations. Un dénouement aussi heureux, aussi vraiment surnaturel, témoignage invincible de la divinité du Christianisme, que prouve-t-il autre chose que la toute-puissance de celui qui l’avoit prédit et qui l’a exécuté? 11 est impossible de le contester, à moins d’etre atteint d’un délire complet.

Chacune des prédictions qu’a faites Jésus-Christ, a eu, comme celle-ci, son plein accomplissement. Véritable et tout puissant comme il est , il n’a rien prédit qui ne doive s’accomplir : Le ciel et la terre passeront plutôt quiaucune de ses paroles, car sa parole est tonte puissante. C’est elle qui a fait les cieux , la terre, le soleil ; elle qui a créé les cœurs des Anges, toutes les vertus célestes. Entendez son prophète : Il a parlé, et tout a. été fait; il a commandé , et toutes choses ont été faites.

Exposons une autre de scs prophéties, dont la clarté l’emporte sur la lumière qui jaillit du rayon du soleil. Le fait qu’elle avoit annoncé est sous nos yeux; l’univers entier en est témoin, et, comme dans la prédiction dont nous venons de parler, il cm-brasse toutes les générations à venir; car c’est là le caractère général des prophéties du Sauveur, de ne pas se borner à un espace de temps limité, et de n’intéresser qu’une seule génération; mais de s’étendre à tous les temps et à toutes les générations tant présentes que futures, jusqu'à la consommation des siècles. Du jour où l’oracle fut énoncé jusqu’à celui où nous sommes, son fidèle accomplissement a justifié l'annonce qui en avoit été faite; la succession des aimées en a confirmé la vérité, et lui a prêté un nouvel éclat. Vous l’avez vu pour son Eglise, à qui il a promis une durée immortelle ; malgré les tempêtes qui ne cesseront pas de l’agiter, elle subsiste et subsistera éternellement. L’eifica-cité de ]a· divine parole ne sera pas moins constatée par le nouvel oracle dont je vais vous entretenir. Quel est-il donc?

Au temps où Jésus-Christ vivait sur la terre , le temple de Jérusalem subsistoit dans toute sa splendeur. L’or y brilloit de toutes parts; la magnificence des ornements, la grandeur et la somptuo-sité des constructions s’y faisaient également admirer. Un jour que Jésus-Christ y étoit entré , ses disciples le faisaient remarquer à leur maître avec étonnement. Vous voyez, leur dit- il, tonies ces choses ; en vérité je vous le dis, de tout ce que vous voyez, il ne restera pas pierre sur pierre; prédisant par ces paroles le renversement des murailles, la ruine complète du temple, sa désolation telle que nous la voyons aujourd’hui. D’un si vaste édi-fice, de tant de magnificences, il ne reste plus rien. Par cette prophétie, où sa toute-puissance étoit si bien exprimée, il assurait la foi de ses disciples, et menaçait ses ennemis du châtiment terrible qu’ils dévoient encourir. Leur temple étoit ce qu’ils avoient de plus cher et de plus vénérable. Les Juifs s’y ren-doient de toutes les parlies de l’univers, fussent-ils à ses extrémités, pour y apporter et leurs hommages et leurs offrandes, y sacrifier leurs victimes. Les richesses de tout l’univers y abondaient avec les étrangers.. La renommée s’en étoit répandue par toute la terre. Une simple parole de Jésus-Christ a flétri cette gloire, renversé celle vaste architecture, anéanti comme un grain de sable cette immense construction : il n’en reste plus de ruines que ce qu’il en faut pour montrer que là fut autrefois le temple de Jérusalem. Ce peuple jadis assez puissant pour lutter contre des peûples et des rois , pour se faire respecter d’eux, meme sans combattre, pour les vaincre et en triompher avec éclat, n’a pas eu le pouvoir de relever de scs ruines un simple temple, quelques efforts qu’il ail faits pour le tenter à l’aide des empereurs qui l’y encouragcoient, et de la multi-tude de ses bras, et des trésors qu’il offroit au succès de l’entreprise. C’est que toute force est impuissante pour abattre ce que Jésus-Christ a édifié, comme pour relever ce qu’il a renversé. Il a édifié son Eglise; et rien n’en peut ébranler le fondement. Il a détruit le temple de Jérusalem, et personne ne pourra ja-mais le rétablir. Combien de siècles se sont écoulés depuis ce double événement ! Et durant celte Ion-gue suite d’années, ni les entreprises de la haine n’ont rien pu contre l'Eglise , ni les efforts d’un faux zèle n’ont rien pu en faveur du temple. Dieu a permisqu’on essayât de le rétablir, afin qu’il ne fût pas vrai de dire que s’il ne l’étoit pas, c’est que l’on ne s’en était pas occupé; car on l’a tenté, et l’on a échoué. De nos jours un empereur, qui surpassa tous les autres en impiété, donna aux Juifs la per-mission de rebâtir leur temple ; lui-méme il voulut coopérer à l’œuvre. Le travail avoit commencé; il devint impossible de le poursuivre ; des tourbillons de flamme échappés de dessous la terre , disperse-rent et les fondements et les ouvriers. On en voit encore aujourd’hui la preuve dans les memes fonde-ments restés à découvert, témoignage qui constate et le dessein que l’on avoit eu de faire mentir l’oracle, et la puissance de celui qui l’a maintenu. Ce temple avoit subi autrefois une destruction qui avoit duré soixante-dix ans , lors de la captivité de Babylone. De retour dans leur pays, les Juifs s’empressèrent de le rebâtir, et lui donnèrent un éclat supérieur à celui du premier temple. Leurs prophètes le leur avoient annoncé , long-temps avant l’événement. Voih'i aujourd’hui plus de quatre cents années écou-]ées depuis sa ruine; et l’on ne s’occupe plus de son rétablissement; on ena perdu jusqu’à l’espérance.Qui donc en empêchait? qui donc contrariait ce vœu, si ce n’est la secrète opposition d’une force toute-puissante? que manqnoit-il à la nation juive pour l’exécuter? Les fonds nécessaires? elle avoit un patriarche qui avoit levé de partout d’immenses tributs; destinés à cet usage. Le courage de l’entre-prendre? Elle le portait à l’excès; elle s’y préci-pitoit avec la fougue de l’audace accoutumée à braver tout? à compter pour rien les séditions et les combats. La population? Les Juifs pu’luloient dans la Palestine, dans la Phénicie, partout. D’où vient donc cette impuissance de bâtir un simple temple, alors que leur culte est partout ailleurs comme en-chaîné, qu’il n’y a plus pour eux ni cérémonies religieuses, ni sacrifices, ni offrandes, rien de ce qui leur est commandé par la loi? On sait que c’étoit dans le seul temple de Jérusalem qu’il leur étoit permis de sacrifier, de prier, de célébrer leurs fêtes, de vaquer aux différents exercices de la religion. On les avoit vus autrefois, durant leur séjour à Babylone , refuser de condescendre à la demande que leur fai-soit un peuple étranger de chanter les cantiques sacrés ; sous le joug de la servitude et de l’oppression, ils savaient bien résister à des maîtres impérieux, s’exposer au danger de perdre la vie plutôt que de faire retentir les cantiques du Seigneur au sein d’une terre infidèle i pourquoi? parce que Jérusalem étoit le seul lieu du inonde où Dieu vouloit que son peuple l'honorât par un culte public. Aujourd’hui la désolation irrémédiable où leur ville est plongée, leur interdit pour jamais le droit même d’espérer. Et, du moment où ils ont voulu rétablir le temple, un châtiment severe lotira appris qu’ils ne pouvoient plus exécuter légalement ce qu’il ne leur étoit pas permis d’entreprendre dans un autre lieu. Leurs prophètes leur avoient annoncé à l’avance ces événements divers : Malachie : Vos portes seront fermées j il ne sera plus allumé de feu sur mon autel; mon affection n’est plus pour vous, dit le Seigneur des armées , et je ne recevrai point d'oblations de votre main; car depuis le lever du soleil jusqu’au couchant, mon nom sera grand parmi les nations, de sorte que l’on sacrifiera en tous lieux et que l’on offrira à mon nom une oblation toute pure, parce que mon nom sera grand parmi les nations, dit le Seigneur des armées. Prédiction qui annonçait ma-nifestenient et la réprobation du peuple Juif, et l'établissement du christianisme par toute la terre. Amos : La vierge d’Israël est tombée , et elle ne se relèvera point; elle est renversée par terre , et il n’y a personne qui la relève. Daniel réunit dans une eiseq. seule prophétie toutes ces circonstances diverses, l’abolition des sacrifices et du sacerdoce, l’cxtinc-tion de la sacrificaturc et du tribunal.

Une autre fois que nous traiterons directement ce sujet contre les Juifs, je me propose d’en parler avec plus de développement (1). Aujourd’hui que mon dessein a été de combattre les préventions du paganisme, tenons-nous-en à ce simple argument : Je n’ai point parlé ni des morts ressuscités, ni des lépreux guéris ; le païen nous contesterait la vérité de ces miracles de Jésus-Christ; il nous en demande-roit les preuves et les témoignages. Où sont donc les témoins qui l’aient vu, qui l’aient entendu? les mêmes de qui nous tenons l’histoire de ses ignominies et de son crucifiement. Vous les croyez bien quand ils vous parlent de sa passion : pourquoi refuser de les croire dans leurs autres témoignages? S’ils avoient eu d’autre mobile que la vérité, ils n’auroient pas manqué de taire ce qui, dans l’opinion commune, pouvoit être regardé comme déshonorant pour leur maître. Bien loin de là, ils omettent plusieurs de ses miracles , et insistent particulièrement sur les cir-constances de sa passion, pour les raconter de lama-nière la plus uniforme, et en apparence la moins honorable pour sa mémoire. Je me suis borné ici à un genre de démonstration palpable à tous les yeux, de la plus frappante évidence : des témoignages ré-pandus dans toutl’univers, don( il est impossible de nier l’authenticité, mais qui sont également supé-rieurs à toutes les forces de la nature, et qui ne peu-vent avoir que Dieu pour principe. Vous me diriez : Ressusciter des morts est impossible.Direz-vous qu’il n’y ait pas une Eglise chrétienne répandue par tout le monde malgré la foule d’obstacles qui s'opposaient à son triomphe , et qui n’en a pas moins triomphe en dépit de tous les obstacles? 11 y auroit à le nier une absurdité égalent celle de dire que le soleil n’existe pas. Direz-vous que le temple de Jérusalem n’ait pas été détruit? L’univers tout entier l’attestera. Allez à la conséquence : Si Jésus-Christ n’ctoit pas Dieu et le Dieu tout-puissant; comment, d’un côté, sa religion se scroit-elle propagée au milieu des persécutions? Comment, d’autre part, le peuple qui l’a méconnu, crucifié, se verroil-il aujourd’hui dégradé, proscrit, errant, fugitif, sans avoir nulle espérance de changement, sans avoir pu réussir à relever son temple (*)?

(1) Le sain! patriarche l’a fait dans plusieurs autres discours, que nous ne manquerons pas de faire connaître.

(״) Quod Christas sit Deus. Advers. paganos., tom. 1 Bened., p. 553 -583 ;Morel, Opusc., tom. v, pag. ;25—;56.

Il est peu de discours, même de notre éloquent pa-triarclie , qui se trouvent aussi fréquemment cités dans les chaires modernes. Tous nos prédicateurs , tant fran-cois qu’étrangers , qui ont eu à défendre la vérité du christianisme , ou à célébrer les grandeurs du Dieu qui nous l’a donné , ont emprunté à cette source féconde la substance de leur argumentation : tous appuient du nom et des textes de saint Jean Chrysostôme les preuves in-vincibles qu’ils développent.

 

Discours contre les Juifs , au nombre de huit, prêches à Antiocheג où Jean Chrysostôme n’étoit encore que prêtre.

( Analyse et extraits. )

La plus grande partie des habitants d’Antioche étoit chrétienne. Mais parmi les chrétiens plusieurs étoient encore attachés aux pratiques des Juifs, dont ils fré-quentoient les synagogues et observaient les. jeûnes. Saint Jean Chrysostôme prend de cet abus occasion de combattre les Juifs , de qui le malheureux aveuglement repousse les nombreux bienfaits que la bonté du ciel leur avoit envoyés.

C’étoit pour eux que le soleil de justice avoit jeté' ses premiers rayons; ils ferment les yeux à sa lumière, et préfèrent leurs ténèbres; tandis que nous, nous jouissons du grand jour de la vérité.

Ils étoient les branches sorties d’une racine sainte; arrachés de la tige, ils ont fait place à des rameaux étrangers qui montrent des fruits abondants. Ils avoient eu, dès les commencements, des prophètes qui leur annonçaient le Messie ; et ce même Messie qui leur étoit annoncé, ils l’ont mis à mort : au lieu que nous à qui des prophètes n’avaient pas été donnés, nous avons accueilli ce Messie, et le re-connaissons pour notre Dieu. Combien donc ne sont-ils pas à plaindre, d’avoir laissé passera d’autres le riche heritage qui leur fut oiPcrt, et dont ils n’ont pas voulu ? Partout ils rejettent ce qui dcvoit les sauver. Du temps qu'ils avoient une loi protec-trice, ils ]’ont fonle'c sous les pieds; maintenant que cette loi ne leur sert plus de rien, ils s’obstinent à la conserver, egalement coupables et de la violer cl de la retenir. Têtes dures, hommes incirconcis de cœur et d’oreilles, qui ne savent que résister au Saint-Esprit, ils refusent de se courber sous le joug de Jésus-Christ dont ils méconnaissent la douceur. Non con-tents de n’en pas vouloir, ils l’ont brisé et mis en pièces. Les prophètes l'avoient bien prévu ; l’un d’eux : J’ai brisé votre joug dès le commencement, j’ai rompu vos liens. Quand Jésus-Christ s’est pré-senlé à eux pour être leur roi, ils l’ont rejeté en criant : Nous n’avons pas d’autre roi que César; ils se sont exclus de la participation à son royaume céleste, et livrés d’eux-memes à la domination étrangère.

IIs nous disent : Nous ne cessons pas d’adorer le Seigneur. Non, ils ne l’adorent pas; car, répondrons-nous avec le Fils de Dieu : Si vous me connaissiez , vous connaîtriez aussi mon Père; mais vous ne connaissez ni moi, ni mon Père. Le lieu où ils l'adorent n’est pas honoré de la présence de l'Esprit Saint ־, leurs synagogues ne sont que des temples de Démons. Peut-il être permis à des chrétiens de s’y rencontrer ?

Il raconte à celte occasion un fait récent passé sous ses yeux :

Un homme, qui se disoit chrétien, ayant eu quelque chose à démêler avec une femme fidèle et d’une vertu éprouvée, vouloit l’entraîner de force dans la synagogue des Juifs, pour lui faire prêter serment sur l’objet de leur contestation. Cette femme, qui avoit eu l’honneur de participer à nos sacrés mystères, ne crut pas pouvoir, sans crime, mettre le pied dans un tel lieu : elle réclama contre la violence qui lui étoit faite; elle en appela à l’é-vêque. Chrysostôme accourut. 11 demanda à cet homme s’il étoit chrétien ; et sur sa réponse affirma-tive, il lui parla avec tant de chaleur et d’autorité, qu’il le détourna de son criminel dessein. Il avoit appris de cet homme, que la raison qu’il avoit eue de vouloir engager celte femme à jurer dans la sy-nagogue, c’est qu’on lui avoit dit que les serments que l’on y faisoit éloient déclarés plus inviolables que ceux qui avoient été prêtés dans l'Eglise ch ré-tienne. Notre saint prêtre frémit de voir des fidèles devenir ainsi le jouet du Démon, et s’élève avec force, tant contre ce misérable préjugé, que contre l’indifférence de ceux qui ne s’opposent pas à ce désordre.

Des malades sont bien à plaindre de l’être ; mais ceux qui, pouvant les rendre à la santé, négligent de le faire, sont bien coupables. Si vous voyiez un innocent traîné au supplice, et qu’il dépendît de vous de l'arracher à la mort, vous croiriez-vous sans reproche de l’y laisser aller? Pouvez-vous, voir froi-dement votre frère sous la puissance, non du lie-teur, mais du Démon qui l’entraîne dans l’abîme? Quant à moi, qu’on me produise de ces prévarica-tours : je perdrai plutôt la vie, que de leur per-mettre d’entrer dans l'Eglise, tant qu’ils ne se corrigeront pas. Eux-mêmes s’excommunient de la céleste Jérusalem. Fils de la femme libre, vous re-noncez à votre titre de noblesse pour entrer dans la famille de l’esclave : soyez esclave avec elle. Qui se rencontre dans le camp ennemi, est réputé n’être qu’un transfuge digne de la peine capitale. Enrôlé dans la milice de Jésus-Christ, vous ne pou-vez paraître sous les drapeaux de son ennemi, sous peine de l’être vous-même. L’Apôtre enveloppe dans la même censure et celui qui commet le mal, et celui qui le laisse commettre.

On objecte que les synagogues sont dépositaires de la loi cl des prophéties. Sont-ce les livres de la loi qui sanctifient les lieux où ils sont déposés? C’est là même ce qui les rend plus condamnables. Dites-moi : Un homme d’une gravité reconnue, un respectable magistrat, traîné par violence dans un antre de voleurs où on le chargerait d’outrages et de coups, empêcheroit־il, par sa présence, ce lieu d’etre une caverne de voleurs? Au contraire, l’acte même de violence, exercé sur sa personne, ne ferait que rendre plus odieux encore l’infâme repaire où on l’auroit entraîné. La comparaison est exacte. Ce peuple possède la loi et les prophéties ; mais pour n’y point ajouter foi. Il a comme nous les livres saints; mais pour rejeter leur témoignage. Ils traînent dans leurs antres Moïse et les prophètes; mais pour les insulter et les outrager. Car enfin , quel plus sanglant outrage peut-on faire à des té-moins qui déposent, que de récuser leurs asser-tions, que de les accuser de ne pas même connaître celui en faveur de qui ils déposent, que de pré-tendre en faire ses complices? Du temps des persécutions, les bourreaux^ maîtres de la personne des saints confesseurs, déchargeoicnt et appesan-lissoient sur eux leurs bras sanguinaires, et les instruments de leurs supplices : dira-t-on que les mains des bourreaux étoient purifiées par l'attouchement de ces saints corps? Ainsi des Juifs : ils ne possèdent les oracles de la prophétie que pour les lacérer. Nous les jugerions bien moins coupables, s’ils ne les avoient point connus.

En vous voyant vous mêler avec eux dans leurs synagogues^ participer à leurs superstitieuses cé-rémonies ; vous leur fournissez un prétexte, en ap-parence légitime , de croire qu’ils ont eu raison d’agir comme ils ont fait.

Ce n’est pas que les livres eux-mêmes soient souilles pour cire dans les mains de nos ennemis. Non, ils ne le sont pas plus qu’ils ne le furent dans les mains des infidèles, en particulier du roi Ptolémée Philadelphe qui les fit traduire de l’hébreu en grec et déposer dans le temple de Sérapis, où ils se voient encore aujourd’hui, sans que leur pré-sence dans ce temple lui donne aucun caractère de sainteté. Temple de faux dieux, ou synagogue; qu’il y ait des idoles, qu’il n’y en ait pas, c’est toujours un sanctuaire consacré au Démon, toujours un repaire d’impiété, puisque les ennemis, de Jésus-Christ s’y rassemblent, que sa croix y est mé-connue, que l’on y déshonore le Père en refusant de reconnoitre son fils. De deux choses l’une : c’est eux ou nous qui sommes dans l’erreur. Si nous avons la vérité pour nous, il ne nous est pas permis de communiquer avec eux, sans participer à leurs crimes, qui les ont rendus abominables aux yeux de tout l’univers. Je hais vos fêtes, et je les abhorrej a dit le Seigneur. Toutes, sans nulle exception. Et il l’a bien prouvé en les abandonnant d’abord à l’oppression des étrangers, ensuite à une destruction entière. Il n’a pas épargné leur temple, lorsqu’il étoit protégé par la présence de l’arche et des chérubins; à plus forte raison aujourd’hui qu’ils ne les ont plus, et que la colèi'e céleste pèse sur eux de tout son poids. Vous ne soutiendriez pas la vue de l’homme qui auroit égorgé votre fils : leurs mains dégoûtent encore du sang de Jésus-Christ ; et vous pouvez vous rencontrer avec les meurtriers de Jésus-Christ dans le même lieu de prières!

Je pourrais ajouter beaucoup à ce discours. C’en est assez de ce peu de mots pour laisser dans votre mémoire une profonde impression. Je termine en disant avec Moïse : Je prends à témoins le ciel et la terre que j’ai fait tout ce qui est en mon pouvoir pour mettre fin à ces scandales. Au jour du dernier jugement, ce même discours vous sera pré-senté au tribunal de Jésus-Christ, pour donner de la confiance à ceux qui en auront profité, et pour être la condamnation de ceux qui l’auront rendu inutile.

 

IIe discours contre les Juifs.

Je vous dis, moi, Paul, que si vous vous faites circoncire, Jésus-Christ ne vous servira de rien. Ce n’est point seulement l’Apôtre saint Paul qui le déclare, c’est Jésus-Christ lui-même, par la bouche de son Apôtre. Vous m’arrêtez pour me dire : la circoncision est-elle donc un si grand mal, qu’elle anéantisse l’économie tout entière de la révélation chrétienne? Oui, mes frères, un grand mal; non, si vous voulez, par elle-même, mais pour la mau-vaise interprétation qu’on lui donne. Il va eu un autre temps où la loi étoit utile et nécessaire ; ce temps n’est plus; et la loi a cessé. Vous y asservir, c’est anéantir le bienfait delà loi nouvelle qui nous en a affranchis. De quoi vous sert Jésus-Christ, si vous refusez de vous soumettre à lui ? Qu’un homme ; condamne à une peine capitale pour un crime honteux, reçût, au fond de son cachot, des lettres de grace qui le mettroient en liberté , s’il alloil n’en pas vouloir , et q’u’il aimât mieux subir son jugement, il deviendroit plus criminel encore de ne profiter pas du bienfait qui lui seroit offert. Voilà ce que font les Juifs. Prétendre se sauver par les œuvres de la loi, c’est renoncer à la grâce.

Je vous dis} moi, Paul. Pourquoi se nomme-t-il lui-même? Pour rappeler avec quel zèle il avoit d’abord servi le judaïsme. Si c’étoit un gentil qui vous tînt ce Jansase, un homme étranger à la reli-gion des Juifs, on pourrait croire que, s’il en corn-bâties institutions, c’est faute deles connaître. Mais non celui qui parle. C’est moi, Paul; moi Hébreu de nation, qui ai subi, le huitième jour après ma naissance, celte loi de la circoncision ; moi, de secte pharisienne, qui m’étois déclaré contre la religion nouvelle, avec une ardeur portée jusqu’à perséca-ter hautement ceux qui ne pensaient pas comme moi. Si donc, aujourd’hui, j’agis autrement, ce n’est point ignorance ou prévention ; mais parce que j’ai été éclaire par une lumière bien supérieure.

La loi ancienne fut utile, sans doute ; !nais comme la première institution donnée à l’enfance; mais comme un simple degré qui conduisait à la loi nouvelle (1); servitude honteuse, humiliante, dont on devoir, porter l’empreinte comme étant le sceau du péché, jusqu’au moment où la grâce devoil l'effacer. Donc, imparfaite de sa nature, ne condui-sant rien par elle-même à la justice véritable, ne donnant pas la vie à l’âme, laissant l’homme dans sa foiblesse, irritant ses mauvais désirs, donnant lieu aux prévarications par la ^multitude de ses obser-vances? engendrant des esclaves par la crainte ser-vile qu’elle inspiroit, faisant des hommes terrestres par les biens qu’elle proposait, et pour tout cela , selon l'observation de saint Paul, ayant dû être rejetée (2). S’opiniâtrera la garder après qu’èlle a été abolie, est-ce témoigner son amour à Jésus-Christ? Paul déclare l’anathème à quiconque ne l’aime pas. Est-ce l’aimer que de communiquer avec ceux qui l’ont crucifié?

(1) Voy. plus haut, pag. 51—53.

(2) Molinier , v!e Disc, sur la vérité de la rellg. chrét., Serm. chois. , tom. xm, pag. 1S1 ; Montargon , Dictionn. apostol., tom. va, pag. 139 ; Pascal, Pensées, pag. 208.

 

IIIe discours contre les Juifs.

( Analyse. )

Eloge de la concorde. Crime et dangers du schisme.

Décret des Pères du concile de Nicée sur la célébration de la Pâque. Eloge de ce concile. Autorité de la tra-dilion. Témérité des chrétiens qui fréquentaient les sy-nagogues.

Croyez-vous que la sagesse de ces vénérables évêques, envoyés de toutes les Eglises du monde, le cédât à celle d’un peuple misérable, dépouillé de ses anciennes institutions et du droit de célébrer aucune fête? Dieu, lui-même, avoit déterminé, par une loi expresse du Deutéronome, le seul lieu où il lui fût permis d’immoler la Pâque, a savoir Jérusalem. Or, puisqu’il n’y a plus pour eux de Jérusalem, Dieu a donc jeté l’interdit sur toutes leurs cérémonies. Car sans doute ? il prévoyait l’avenir.

Du jeûne de Carême et de la Pâque des chrétiens. Circoncision spirituelle.

 

IVe discours contre les Juifs.

( Analyse. )

Mêmes raisonnements que dans celui qui précède.

Avant d’engager la question sur le fonds de la controverse qui nous divise d’avec les Juifs, je m’adresse à ceux "qui se réunissent à eux pour la célébration de leurs fêtes :Qui êtes-vous, demanderai-je à chacun d’eux ? Chrétien, me répondez-vous : pourquoi donc cette affectation à vous con-former aux usages des Juifs? Si vous êtes Juif, pourquoi êtes-vous, pour notre Eglise, un sujet d’affliction? Le Persan et le Barbare, étrangers à nos coutumes, ne les observent pas. Les lois de la guerre condamnent, sans l’entendre, le transfuge que l’on surprend dans un camp étranger. N’est־ce rien que ce qui nous sépare du Juif? Dira-t-on qu’il ne s’agisse que de dogmes indifférents? Quel étrange, quel monstrueux alliage ! D’un côté, ceux qui ont crucifié Jésus-Christ ; de l’autre, ceux qui l’adorent, mêlés et confondus ensemble! Ecoutez le Prophète : » ce qui s’y passe : et voyez s’il y est fait quelque » chose de semblable. Y a-t-il quelque nation qui ait » changé ses dieux qui, certainement, ne sont point

«Passez, dit Jérémie, aux îles de Cethim, et voyez » ce qui s’y fait ; envoyez en Cédar, considérez bien » des dieux; et cependant, mon peuple a change sa » gloire en de vaines idoles. » Quoi ! vous 11c voyez, point les adorateurs des Dénions, transfuges de leurs idoles, pour passer à la vérité; et vous, ado-ratcur du vrai Dieu, vous abandonnez son autel pour un culte étranger! Vous, vous tenez moins à la vérité qu’eux â leurs erreurs. Allez àcessynago-gués, et dites-moi ce que vous y verrez : Sont-ce les Juifs qui ont changé leur jeûne pour prendre le nôtre, renoncé à leur Pâque pour venir avec nous s’asseoir à la communion de nos sacrés mys-tères, célébrer avec nous les fêtes de nos saints martyrs, non; c’est nous seuls qui courons nous associer à leurs impures superstitions.

Permettez que je vous adresse les mêmes paroles qu’autrefois Eli eaux Samaritains : Peuples, jusqu’à quand chancellerez - vous entre deux partis ? Si le Dieu d’Israël est le vrai Dieu, il faut l’adorer; si Baal est Dieu, il faut l'adorer (1 ). Si vous croyez que le judaïsme soit la vraie religion.... Mais pourquoi causeriez-vous à l'Eglise cette vive affliction ? Si le christianisme est la vérité, comme la chose est en effet incontestable, restez-y, et n’allez pas ailleurs. Vous participez avec nous à la table sainte ; c’est de Jésus-Christ que vous attendez tous vos biens : A quoi bon chercher des fêtes au milieu de ses ennemis?

(1) « Figurez-vous, chrétiens, qu’aujourd’hui, au milieu de celle assem-Liée , paraît tout à coup un Ange de Dieu , qui fait retentir à nos oreilles ce que disoit autrefois Élie aux Samaritains : Peuples, jusqu’à quand chan-cellerez vous entre deux partis : Quousque claudicatls in duas partes ? Si le Dieu d’Israël est le vrai Dieu , il faut l’adorer ; si Eaal est Dieu, il faut l’adorer. Chers frères, les prédicateurs sont les Anges du Dieu des armées. Je vous dis donc aujourd’hui à tous, et Dieu veuille que je me le dise à moi-même comme il faut : Jusqu’à quand serez-vous chancelants ? Si Jésus est votre roi, rendez lui vos obéissances; si Satan est votre roi, rangez vous du côté de Satan. 11 faut prendre parti aujourd’hui. Ah ! mes frères , vous frémissez à cetle horrible proposition. A Jésus, à Jésus, dites vous, il n’y a pas ici lieu de délibérer. Et moi, nonobstant ce que vous me dites, je réitère la même demande : Quousque ,etc.” (Bossuet, Serm., tom. ni, pag. 59, fio. )

Contre les jeûnes et la célébration de la pâque observés par les Juifs d’à présent.

Ve discours contre les Juifs.

D’où vient, aujourd’hui, cette affluence plus considérable que de coutume ? Sans doute vous vous êtes rendus enfouie près de nous, dans l’espoir que nous acquitterions l’engagement pris dans nos der-niers entretiens, et que vous alliez reconnoitre ici cette parole de salut que nos Ecritures comparent à l’or raffiné éprouvé parle feu. Béni soit le Seigneur de vous avoir inspiré cette sainte ardeur. Des hommes esclaves de leurs appétits charnels, s’inquiètent matin et soir où ils trouveront une table somptueuse qui offre à leur brutale sensualité une grande abondance de mets cl de vins roche relies, el où rcten-tissent les celais d'une joie profane. Vous, au con-traire, à peine le jour a commence, votre première pensée est de vous informer avec une sorte d’in-quiétude où il y aura des instructions édifiantes, de pieux discours, où l’on vous entretienne des grandeurs du fils de Dieu. Plus vous nous témoignez d’empressement à nous entendre, et plus aussi nous en mettons à remplir notre promesse.

La lutte que nous avions engagée contre les Juifs, a obtenu tout le succès que nous pouvions désirer. Le champ de bataille nous est resté, notre cause a triomphé. Le but que nous nous étions proposé fut de prouver que les observances actuelles des Juifs ne sont que des prévarications, des attentats contre la loi, une guerre faite par l’homme à Dieu meme : et avec la grâce du Seigneur, nous avons porté la démonstration jusqu’à l’évidence. Nous avons établi que dans le cas meme (ce qui n’arrivera jamais) où les Juifs seroient ramenés dans leur ville et remis en possession de leur gouvernement et de leur tem-pie, ce ne seroit pas encore une raison pour jusli-fier leur manière d’agir. Les trois enfants de Baby-Jonc, Daniel et tous les autres Juifs qui gémissaient dans la captivité, s’attendoient bien à recouvrer leur ville apres soixante cl dix ans, à revoir le sol de leur patrie, et à vivre selon leurs anciennes lois; ils en avoient la promesse, et une promesse des plus authentiques. Néanmoins ils ne s’cn prévalurent point, tout le temps que dura leur absence , pour se per-mettre de pratiquer leurs anciennes observances, comme le font aujourd’hui les Juifs. Vous pourriez donc fermer la bouche à ceux-ci, par cette simple question : Pourquoi pratiquez-vous les jeûnes qui anciennement précédaient vos fêtes, quand vous n’avez plus de ville où vous puissiez les célébrer ? S’ils répondent : C’est parce que nous espérons qu'elle nous sera rendue ; répliquez-leur : Tenez-vous donc tranquilles, jusqu’à ce que vous l’ayez obtenue, puisque les saints dont nous vous parlions tout à l’heure se sont abstenus de faire ce que vous faites aujourd’hui. Il est donc évident que vous vous met-tez en contravention avec la loi divine ; en suppo-saut que vous dussiez recouvrer votre ville, ainsi que vous le dites, vous violez l’alliance faite avec le Seigneur, et vous outragez l’état même dont vous êtes déchus.

Ce que j’ai dit précédemment suffisoit pour confondre l’opiniâtreté des Juifs, et les convaincre qu’ils sont les infracteurs delà loi. Mais puisque nous n’a-vous pas cherché seulement à leur fermer la bouche, mais à confirmer les fidèles dans les dogmes de la foi dont ils sont persuadés , nous allons prou-ver par surcroît que leur temple ne sera plus rétabli, et que jamais ils ne reprendront leur ancien état. Par là vous serez plus assurés des dogmes que vous avez reçus des Apôtres, et les Juifs, convaincus de ne pas mettre de bornes à leur impiété.

Nous produirons pour témoins de ce que nous avançons, non un Ange, non un Archange, mais le souverain meme du monde, Jésus-Christ Notre Seigneur. Un jour qu’il étoit entré dans le temple de Jérusalem , à la vue de ce magnifique monument, il s’écria que Jérusalem seroit foulée sous les pieds des Gentils, jusqu’à ce que le temps des peuples fût accompli, c’est-à-dire jusqu’à la consommation des siècles. Après quoi parlant du temple en particulier, il déclara en termes exprès à ses disciples qu’il n’y resteroitpas pierre sur pierre qui ne fût démolie. La prophétie ne pouvait être plus claire, ni la ruine plus générale. Mais ce témoignage, les Juifs le récusent, et il s’inscrivent en faux contre notre asser-tion. C’est là, nous dit-on, une menace d’ennemi. Comment admettre le témoignage d’un homme que nous avons crucifié. Et c’est là même, ô Juifs, ce qui fait le prodige : qu’un homme, en effet crucifié par vos mains, ait été plus fort que votre ville, puisqu’il fa ruinée, que tout un peuple, puisqu’il l’a dé-truit, dispersé par toute la terre. Il n’en faut pas davantage pour démontrer que s’il est mort, il s’est ressuscité lui-même, qu’il règne maintenant dans les cieux. Vous n’aviez pas voulu le reconnoitre à ses bienfaits : il se fait reconnoitre aujourd’hui pour le Dieu fort et inexpugnable à votre châtiment et à ses vengeances. Mais vous ne pouvez vous résoudre à croire en lui^ à le regarder comme Dieu, comme Je maître du monde; et vous ne voyez en lui qu’un simple homme. Eh bien ! ne supposons point qu’il est Dieu; oublions-le même pour quelque temps ; il ne s’agit point de ce qu’il est, mais de ce qu’il a fait (1). Jugeons-en comme nous ferions de tout autre homme. Et comment raisonne-t-on dans le corn-merce ordinaire de la société? que vous rencontriez des hommes reconnus généralement pour être exacts, véridiques dans leurs paroles, n’altérant jamais la vérité : fut-on leur ennemi, pour peu que l’on ait du bon sens, on croit à leurs assertions. Au con-traire, ceux que l’on a surpris à mentir, lors même qu’ils disent vrai, on ne les croit pas.

(1) Traduit par Bourdaloue , sur la relig. chrétienne, Carême, tom. 1, pag. 264·

D’après cette règle de conduite, examinons sé-rieusement la personne de Jésus-Christ dans sa vie et dans ses mœurs journalières; car la prédiction concernant la ruine de Jérusalem n’est pas la seule prophétie qu’il ait faite. Nous en avons de lui beau-coup d’autres sur des événements qui ne dévoient avoir lieu que bien long-temps après. S’il en est une seule où il se montre en défaut, je passe condamna-tion sur tout le reste (2). Par le même principe, j’ai droit à une concession égale de votre part en fa-veur de celle qui vous touche particulièrement. Si donc celle-ci s’est vérifiée de point en point, et qu’un espace de plusieurs siècles écoulés en constate la rigoureuse exactitude , plus d’objection. L’évidence qui en résulte ne le cède pas à la clarté des rayons du soleil.

(2) «« Pour combattre la preuve des prophéties, il faudrait uous dire : Voilà telle ou telle chose mauquée dans l'accomplissement de telle ou telle prophétie ; voilà un événement qui ne ressemble en rien à la prédiction. ·· ( Molinier, Serm. chois., loin, xm, pag. 129. ) Tout ce discours est une savante démonstration de la vérité des prophéties.

Voici donc une autre de ses prophéties. Une femme , dit l’Evangile, approcha de Jésus, tenant un vase d’albâtre, plein d’une huile de grand prix qu’elle lui répandit sur la tête. Les disciples en murmurèrent entre eux, et se disoient l’un à l’au-tre : Pourquoi n'a-t-on pas ,vendu ce parfum trente deniers, et donné l'argent aux pauvres P Jésus-Christ réprimanda ses disciples, et leur dit : Pourquoi tourmentez-vous cette femme P Ce qu’elle vient de faire est une bonne œuvre, je vous assure que partout où sera prêché cet Evangile, c’est-à-dire dans tout le monde, on racontera a la louange de cette femme ce qu’elle a fait à mon égard. Jésus-Christ a-t-il dit vrai, oui ou non ? Sa prédiction s’est-elle accomplie? a-t-elle manqué? interrogez les Juifs : ils auront beau s’armer d’impudence, il leur est impossible de la démentir. On parle dans toutes les églises de la femme de notre Evangile. Pas une ville où il n’y ait des magistrats , des hommes , des femmes , plus ou moins distingués par le rang qu’elles y occupent; quelque part que vous alliez, partout il est parlé de cette action ; on en nomme l’auteur ; on en écoute le récit en silence et sans aucune réclamation. Il n’y a pas un coin du monde qui l’ignore. Que de princes ont signalé par de magnifiques bienfaits leur libéralité envers certaines villes, ont fait la guerre avec éclat, remporté de brillantes victoires, fondé ou relevé des villes, sauvé des nations entières , amassé de riches trésors ! On n’en parle pas (1). Combien de femmes du plus haut rang semblaient avoir attaché à leurs noms une gloire immortelle , par les témoignages qu’elles avoient donnés à leurs sujets d’une éclatante gé-nérosité, dont la postérité n’a jamais entendu parler ! Et le nom d’une femme obscure, qui n’a fait que répandre un peu de parfum , est dans la bouche de tout le monde. Qu’y avoit-il donc de si magnifique à ce présent ; quelle célébrité promettre à celle qui le laisoit? C’étoit une femme de néant. Quels té-moins? quel théâtre ? Quelques disciples, la maison d’un simple particulier. N’importe. Son action n’en est pas moins célèbre dans toute la terre. Le temps n’en a pas encore obscurci l’éclat, et ne le pourra jamais ; elle efface toute la gloire des monarques et des souveraines. Qui donc lui a imprimé son immortalité? qui? sinon le Dieu meme à qui elle rendait cet hommage , et qui a pris soin d’en ré-pandre la renommée dans toutes les contrées (de la terre. Mais prédire les choses avec tant d’exactitude, est-ce le fait d’une intelligence humaine? le sim-pie bon sens répond que la chose n’est pas possible. Prédire avant l’événement une chose où l’on sera soi-même acteur, est déjà surprenant, extraordi-naire ; à bien plus forte raison, une chose où l’on n’a point une part personnelle, et la prédire de manière à convaincre tous les hommes et à les frap-per par son évidence.

(1) Massillon .־« Que sont devenus ces Césars , qui faisaient mouvoir l’univers à leur gré ; ces protecteurs d’un culte profane et insensé, ces op-presseurs barbares des saints et de l'Église; à peine en reste-t-il quelque souvenir sur la terre. Leur nom même ne s’est conservé jusqu’à nous qu’à la faveur du nom des martyrs qu’ils ont immolés. La gloire et la puissance de ccs tyrans s’est évanouie avec le bruit que leur ambition , leur cruauté , leurs entreprises insensées avoient fait sur la terre ; semblables au tonnerre qui se forme sur nos tètes, il n’est resté de l’éclat et du bruit passager qu’ils ont fait dans le monde , que l’infection et la puanteur. » ( Paraph!·. <111 ps. ix, pag. 71. ) Voy. plus haut, pag. 130.

Jésus-Christ a dit à Pierre : Pierre , sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. Répondez-nous, o Juifs ! qu’avez-vous à opposer à l’éclat de ces pa-rôles ? Quelle objection avez-vous à faire là contre ? En quoi la prédiction manque-t-elle de justesse ? Si vous le savez, apprenez-nous le. Vous auriez beau vous replier dans tous les sens, les faits parlent :

Que de tempêtes excitées contre l'Eglise, que de guerres, que de conjurations, quels effroyables supplices, impossibles à décrire, plus impossibles encore, ce semble, à supporter (1)! Quel déchaîne-nient d’ennemis , non pas seulement étrangers, mais domestiques ! Citoyens , amis , serviteurs , parents, tous armés contre elle; c’éloit une guerre civile qui partageoit les familles, et plus encore cpie tout l’acharnement des guerres civiles. Toutefois, bien loin d’arrêter les progrès de cette Eglise, si violemment combattue, les persécutions mêmes n’ont fait que les accélérer. Et remarquez bien que c’étoit au moment de sa naissance que l'Eglise se voyoit en butte à ces furieux assauts. Que les tem-pètes fussent venues l’assaillir après qu’elle avoit jeté de profondes racines, que la prédication évangéli-que s’étoit répandue par toute la terre ; il y auroit peut-être de quoi moins s’étonner de la résistance. Mais dans un temps où la semence de la foi chré-tienne commençoit à peine à lever, où les germes en étoient encore foibles et délicats, non-seulement n’être point affoibli par tant d^orages, mais en re-cevoir un nouvel accroissement, c’est bien là, sans contredit, la plus étonnante de toutes les mer-veilles. Dieu l’a voulu ainsi, pour que l’on n’eùt pas à dire que ce qui a affermi l'Eglise, c’étoit ]apaix que les maîtres du monde lui ont donnée; non, puisque le temps où elle a été le plus violemment attaquée, c’est celui où elle étoit dans sa plus grande faiblesse, celui où elle ne faisait que de naître. Ainsi, l’ordonnoil-il pour qu’il fût bien assuré qu’elle ne tient rien des hommes, mais que la seule toute-puissance de Dieu a tout fait. Pour preuve de ce que nous avançons, rappelez-vous combien de philosophes, tels que Zénon, Platon, Socrate, Diagoras, Pythagore, une foule d’autres, avoient essayé d’in-traduire chez les Grecs de nouveaux dogmes, une morale nouvelle; mais bien loin d’avoir triomphé des obstacles, ils ne sont pas même connus de nom par la multitude. Pour Jésus-Christ, non-seulement il a conçu, mais il a exécuté, établi sur la terre un plan de religion que, jusque là, l’on n’avoit pas même soupçonné (1). J’entends vanter les miracles d’Apollonius de Thyane ; mais ce qui prouve qu’il n’y avoit rien de vrai dans toutes ses œuvres, quelles n’étoient que mensonge, imposture, illusion, c’est qu’on lésa oubliées, c’est quelles n’ont eu aucune suite (2).

(1) Voyez phis liant, pag- 115. Saint Jean Chrysostôme répète souvent, dans pins d’un endroit, les mêmes expressions.

(1) Tous les apologistes et prédicateurs anciens et modernes. Les enne-mis mêmes du christianisme, ont parlé là-dessus comme ses défenseurs.

(a) Voy. Molinicr, Serm. chois., loin, xrn, pag. 60—69. Huet et Du-pin ont prouvé, avec la dernière évidence, que son histoire, écrite par Phi-lostralc, u’étoil qu’un tissu de mensonges et d’absurdités.

Comparer Jésus-Christ à ces philosophes! Un tel rapprochement, dira quelqu’un, n’cst-il pas injurieux à la divinité du Fils de Dieu? Aussi ne le fais-je que pour condescendre à la prévention des Juifs, qui ne voient qu’un homme dans Jésus-Christ. En quoi j’imite la conduite de l’Apôtre saint Paul. Quand il se vit à Athènes, en présence de l'Aréopage, il n’en״ gagea point la controverse d’après les prophètes et les évangélistes; il prit son texte dans l’inscription de l’autel qu’il y avoit rencontré. Croyoit-il, pour cela, cet autel plus digne de foi que l’Evangile, et le témoignage d’une inscription de plus de valeur que les oracles de la prophétie? nullement ; mais parce qu’il avoit affaire à des païens qui ne croyoient à aucun de nos livres, il les attaque par leur propre croyance. Voilà pourquoi vous l’entendez dire dans une de ses épîtres : J’ai vécu avec les Juifs comme Juif , avec ceux qui n’a voie ut point de loi, comme si je n’en eusse point eu moi-même, quoique je fusse soumis à la loi de Dieu et de Jésus-Christ, sonfds. Nos divines Ecritures ne dédaignent pas de descendre au même langage ; nous lisons dans le cantique de Moïse : Seigneur, est-il parmi les dieux quelqu’un qui vous ressemble? Quoi donc! y a-t-il quelque comparaison entre les fausses di-vinités et le vrai Dieu? Non, sans doute, répon-doit le Prophète ; mais parce que ce peuple à qui je parle s’est fait une grande idée de ces prétendus dieux qui ne soul que des Demons, par égard pour sa faiblesse , je veux bien lui parler son propre langage.

Mais n’allons pas chercher nos objets de comparaison ailleurs que dans l’histoire même de ce peuple que nous combattons. A diverses époques, on y a vu des aventuriers qui y prêeboient des dogmes nouveaux et qui se sont fait des disciples. Dénoncés aux magistrats, ils ont disparu sans laisser aucune trace. Parce simple raisonnement, Gama-Jiel ferma la bouche à ceux de sa nation, qu’il voyoit être des plus emportés contre les Apôtres et ne respirer que leur sang : « 0 Israélites, prenez garde, » dit-il dans le conseil, à ce que vous allez faire, » touchant les hommes qu’on vous dénonce. Il y a » quelque temps qu’il s’éleva un certain Theudas, » qui prétendoit être quelque chose de grand ; il » s’étoit attaché environ quatre cents hommes qui » périrent tous avec lui, et furent dispersés. Judas » de Galilée se leva ensuite; il s’étoit attiré beaucoup » de monde; mais il périt ainsi queTheudas avec » tous ses disciples. Voici donc ce que je vous dis » dans la circonstance présente : Prenez garde à ce ” que vous allez faire. Si l’œuvre que vous attaquez» vient des hommes, elle se détruira ; si elle vient » de Dieu, vous ne pourrez la détruire; et vous seriez » en danger de combattre contre Dieu même ». Si donc il en est de ce Jésus que l’on nous annonce comme des deux autres, si tout n’est pas constamment l'œuvre de la divine toute-puissance, ne vous pressez pas : attendez le dénouement qui vous apprendra tout seul s’il est, comme vous dites, un imposteur, un violateur de la loi, ou si c’est le Dieu dont la puissance ineffable soutient le monde quelle a créé, et qui gouverne toutes les choses d’ici-bas. C’est ce que Fon fit alors; elles faits ont prouvé que c’étoit l’œuvre d’un pouvoir divin , auquel rien ne sauroit résister. Les manœuvres artificieuses du Démon ont tourné contre lui. C’étoit lui qui, pressentant la prochaine arrivée du Messie, dans le dessein d’obscurcir l’éclat de sa mission, avoit suscité les imposteurs dont nous venons de parler, afin qu’on le confondît avec eux. C’est ce qu’il essaya encore au jour de sa mort; il imagina de faire crucifier à ses côtés deux voleurs de profession, afin d’obscurcir la vérité par les nuages du mensonge. Mais bien loin de réussir dans l’une et l’autre entreprise, il n’a fait que manifester avec plus d’éclat la puis-sauce de Jésus-Christ. Car, pourquoi, demanderai-je, de trois hommes, crucifiés dans un même lieu, au même moment, sur la sentence des mêmes juges, un seul est-il adoré, tandis que les deux autres sont oubliés? Comment se fait-il que de tant d’iinpos-teurs qui ont eu la prétention de réformer le monde, celui-ci tout seul ait obtenu les hommages de toute la terre? Les comparaisons rendent la vérité plus sensible. Comparez tant que vous voudrez, et dites-moi donc, ô Juifs, quel imposteur réussit jamais à fonder ce grand nombre d’églises, répandues dans tout l'univers ; à se faire décerner, d’une extrémité à l’autre du monde, ùn culte divin; à plier sous le joug de sa loi, les esprits les plus rebelles, en dépit de tous les obstacles? Non, cela n’est pas pos-siblc. Prononcez donc hautement que Jésus-Christ ne fut pas un imposteur; que, bien loin de là, c’est le Sauveur, le bienfaiteur des hommes, le principe de notre vie et de notre salut (1).

Je vais ajouter une autre prédiction : Je ne suis pas venu, dit Jésus-Christ, apporter la paix, sur la terre, mais le glaive ; annonçant, par là, non ce qu’il désiroit, mais ce qui devoit arriver : Car je suis venu séparer le fils d’avec le père, la fille d’avec la mère. Dites-moi, comment auroil-il pu faire une semblable prédiction, s’il n’étoit qu’un homme, s’il ne l’étoit que comme vous et moi ? Mais quel est le sens de celle-ci? Parce qu’il n’est pas rare de voir, dans une même maison, un chré-tien et un infidèle, un père qui veuille entraîner son fils dans l’idolâtrie ; il prédit, au sujet de celte circonstance, que la prédication évangélique aura une force telle, quelle rendra les fils supérieurs aux séductions et à la violence; qu’elle fera triom-plier la foi au sein des familles , où elle seroit com-battue, que, non-seulement on ne cédera pas, mais que l’on s’exposera à tout, on bravera les tortures les plus cruelles, plutôt que d’y renoncer. D’où venait, encore une fois, à Jésus-Christ, cette prescience, s’il n’étoit qu’un homme? Comment inspirer un sembla-ble courage? D’où lui pouvoit venir la pensée que les enfants dussent avoir pour lui plus de déférence que pour leurs propres pères; que les pères auraient pour lui plusd’amour que pour leurs propres enfants ; que des épouses le chériraient plus que leurs époux? Et cela, non pas dans quelques familles, mais dans toute l’étendue de l’univers , dans toutes les villes et dans tous les pays , sur la terre et sur mer, dans les 1 ienx les plus habités, comme dans ceux qni nele sont pas. On ne dira pas que ces prédictions, faites par J-C. , n’aient abouti à aucun résultat, et que tant d’é-preuves soient restées sans récompenses. Combien d’hommes, dès la naissance de l'Eglise, et plus en-core maitenant, haïs pour leur foi, chassés de la mai-son paternelle qui leur est fermée à jamais, ont été abondamment consolés par cela seul qu’ils souf-froient pour J-Ct. ainsi qu’il l’avoit prédit.’ Or quel homme, je vous le demande, eut pu imprimer ces sentiments dans le cœur d’un autre homme ?

(1) « O vous qui lui refusez sa gloire et sa divinité, et qui ie regardez pourtant comme l’envoyé de Dieu pour inslruireles hommes , achevez le blasphème, et confondez-le donc avec ces imposteurs, qui sont venus sé-duirele monde. »( Massillon, Divinité de Jésus-Christ, Avcnt, p. 362.)

La même parole qui a prédit la célébrité de Madeleine, raffermissement de son Eglise, de la guerre qu’elle aurait à soutenir ; a prédit egalement la destruction de Jérusalem et le renversement de son temple pour ne se relever jamais de ses ruines. Si tout le reste s’est vérifié; pourquoi, ô Juifs, refusez-vous de croire à la dernière prédiction? surtout depuis que le laps de temps est venu apporter une sanction nouvelle à la vérité de son oracle. Une se serait écoulé qu’un petit nombre d’années depuis l’événement, toujours en seroit-ce assez pour vous fermer la bou che, puisque le fait s’est exécuté ainsi qu’il l’avoit prédit. Mais que répondre après deux et trois cents années, et plus encore, d’une subversion totale, quand il n’y a plus la moindre trace d’édifice, pas l’ombre d’espoir en faveur du rétablissement ? C’en est assez pour convaincre qu’il n’y aura jamais de temple pour les Juifs.

Mais comme nous avons en faveur de la vérité des preuves en abondance, omettons celles que l’E-vangile nous présente, pour faire parler les prophé-lies sur lesquelles ils fondent leurs espérances. Elles suffisent pour leur apprendre qu’ils n’ont plus à espérer ni temple ni cité. Après tout, ce n’est pas à nous à démontrer qu’ils ont perdu le droit d’y prétendre, puisque nous avons, nous, le témoi-gnage de plusieurs siècles écoulés ; ce serait à eux seuls à établir leur confiance pour l’avenir, par les memes raisonnements dont je me sers pour les corn-battre. Moi, je conclus la vérité de la prophétie par le fait. Qu’ils nous prouvent donc par les faits qu’ils ont raison d’espérer leur futur rétablissement. C’est ainsi qu’on procède dans les tribunaux. Quand une des parties produit, en laveur de sa cause, un écrit, c’est à l’autre à fournir des témoignages et des écrits qui infirment ou contrarient celui qu’on leur op-pose.. C’est donc aux Juifs à nous alléguer d’autres prophéties qui leur promettent le rétablissement de leur ville. Si la captivité sous laquelle ils gémis-sent aujourd’hui doit finir, les prophéties ont dû nécessairement le déclarer : principe certain pour quiconque a tant soit peu parcouru l’histoire et les livres prophétiques de cette nation.

C’étoit chez les Juifs un usage'immémorial que tous les événements heureux ou malheureux leur fus-sent notifiés à l’avance par des hommes à qui Dieu, lui-même, en donnait la révélation. Providence spé-ciale à l’égard d’un peuple dont le Seigneur ména-gcoitla dureté et l’ingratitude.... Or les Juifs eurent à subir trois captivités, dont chacune leur avoit été prédite dans toutes ses circonstances. La première fut celle de l’Egypte. Dieu l’avoit fait connaître à Abraham dans ces termes : Aachez que votre postérité passera dans une terre étrangère, qu’elle y sera ré-duite en servitude, et accablée de maux pendant quatre cents ans. Mais j’exercerai mes jugements, dit le Seigneur, sur le peuple auquel ils seront assujettis, et à la quatrième génération ils reviendront dans cette contrée, chargés de richesses. Le temps et le caractère de leur servitude; sa durée et son terme sont indiqués avec une rigoureuse préci-sion, sur laquelle on peut consulter les récits de Moïse.

La seconde est celle de Babylone : Jérémie n’avoit pas été moins exact. Voici scs paroles : Après que soixante-dix années seront révolues, je vous visiterai, dit le Seigneur, et je vérifierai les paroles favorables que je vous ai données , en nous faisant revenir dans ce pays. Je ramènerai vos captifs, je vous rassemblerai de tous les peuples et de tous les lieux où je vous aurai dispersés, dit le Seigneur, je vous ferai revenir dans le lieu d’où je vous ait fait partir. Vous voyez ici encore comme Dieu a exprimé la ville, le nombre des années, de quel lieu et pour quel lieu il devait les rassembler. Ce n’est qu’a-près ce terme de soixante et dix ans accomplies que Daniel prie le Seigneur; c’est lui-même qui le témoigne : Moi, Daniel, je travaillais aux affaires du roi; je songeais, avec surprise, à la vision que f avais eue, sans trouver personne qui pût me l'expliquer. Je compris par la lecture des livres saints, le nombre des années que devait durer la désolation de Jérusalem, dont le Seigneur avoit parlé au prophète Jérémie, et qui étoit de soixante-dix ans. J’arrêtai mes yeux et mon visage sur le Seigneur mon Dieu ,pour le prier et le conjurer dans le jeune, le sac et la cendre....

Vous voyez que cette captivité avoit été également, prédite. Le Prophète n’a point osé adresser à Dieu sa prière avant le temps marqué ; il auroit craint de s’approcher vainement du Seigneur, et qu’il ne lui fût fait à lui-même la même réponse qu’à Jérémie : N’intercédez pas pour ce peuple, ne me priez pas pour eux., parce que je ne vous écouterai pas. Mais lorsqu’il a vu que le terme fixé par la prédiction n’étoit pas loin, et que le retour des Juifs étoit prochain, c’est alors qu’il prie le Seigneur, qu’il sollicite vivement sa miséricorde par ses gé-missements et par ses larmes ; alors qu'il agit auprès du Seigneur de la même manière que nous agis-sons à l’égard des hommes. Que des maîtres irrités contre leurs domestiques .coupables de délits nom-breux les fassent mettre en prison, nous n’allons pas demander grâce pour eux dans les premiers moments ; nous laissons passer quelques jours pour nous assurer que la réflexion les a ramenés à une conduite plus mesurée ; et nous attendons l’occasion favorable pour aborder leurs maîtres. C’est ce qu’a fait Daniel. Après que la nation juive eut subi le châtiment quelle avoit trop mérité, il s’approche du Seigneur, afin d’intercéder pour elle. Laissons-le parler lui-même: J'ai, dit-il, confessé mes fautes, et j’ai dit au Seigneur : O Seigneur! Dieu, grand et terrible, qui gardez votre alliance et votre miséricorde envers ceux qui vais aiment, et qui observent vos commandements. Quoi, ô saint prophète ! tout eu intercédant pour des hommes coupables, qui ont transgressé la loi du Seigneur, vous venez lui parler de ceux qni l’observent! Mais y a-t-il quelque grâce à espérer pour ceux qui la violent? Pour ceux-là, non. Ce n'est pas d’eux que je parle; mais des hommes dont ils furent issus. Mais par égard pour Abraham, Isaac et Jacob, qui en furent les ancêtres, je demande à Dieu de fléchir sa colère ; car pour les autres , je le répète en leur nom : Nous avons péché, nous avons commis l'iniquité, nous avons commis des actions perverses et impies, nous nous sommes détournés de la voie de vos pré-ceptes et de vos commandements : nous avons fermé l’oreille aux prophètes vos serviteurs ; car la seule défense qui puisse rester au coupable, c’est de re-connaître son péché. Il poursuit : Nous nous avez livrés, Seigneur, entre les mains de nos ennemis... Nous avons été assaillis de maux, tels qu’on n’en a vu jamais sous le ciel. Après quoi il a recours à la miséricorde du Seigneur, à sa bonté accoutumée pour les hommes : Seigneur, notre Dieu, qui avez tiré votre peuple de la terre d’Egypte, et qui vous êtes fait alors un nom qui dure encore aujourd’hui, nous reconnaissons maintenant que nous avons péché, que nous avons commis l’iniquité. Comme alors vous n’avez pas sauve les Juifs pour leurs propres mérites; niais parce que vous avez vu leur affliction et leur détresse, que vous avez entendu leurs cris; de même, à présent, délivrez-nous de nos maux, à cause de votre honte et de votre amour pour les hommes, puisque nous n’avons pas d’autre titre pour être sauvés. Il déplore ensuite le malheur de sa patrie; et, pour rendre le tableau plus touchant, il présente la ville meme comme une femme cap-tive : Mon Dieu, faites reluire votre face sur votre sanctuaire , abaissez votre oreille jusqu’il vos ser-viteurs ; écoutez-nous, ouvrez les yeux , considérez la ruine de votre ville, d’une ville dans laquelle votre nom a été invoqué. Lorsqu’après avoir promené ses regards de tous côtés, il n’a trouvé aucun homme qui puisse apaiser le courroux deDieu, il a recours aux édifices mêmes; il présente la ville de Jérusalem , il met sousles yeux sa désolation, et conclut sa prière, comme 011 le voit par la suite, en s’efforçant de ren-dre Dieu propice. Voilà pour les deux premières captivités, prédites, ainsi que vous l’avez vu , dans toutes leurs circonstances.

Il nous reste à parler de la troisième, pour nous occuper ensuite de celle où ils sont aujourd’hui, et vous bien persuader que le terme de celle-ci ne leur a été promis par aucun des prophètes.

La troisième captivité est celle qui a eu lieu sous Antiochus Epiphane. Après la mort d’Alexandre, vainqueur des Perses, son vaste empire ayant été par-tagé entre quatre de ses généraux, Antiochus, descendant de l’un de ses successeurs, s’empara de la Judée, en brûla le temple, pilla le Saint des saints, abolit les sacrifices, assujettit la nation entière, ruina son culte et ses cérémonies. Toutes ces circonstances avaient été prédites par Daniel avec une exactitude qui va jusqu’à compter les jours. Le prophète a marqué avec précision dans quel temps celle cala-mité arriverait, de quelle manière, par qui, quel en seroit le terme,et quelle devoit être la révolution. Tout cela est expliqué dans la célèbre vision rap-portée aux chap. VIII, XI et XII de sa prophétie, et dans l’historien Josephe (1).

(1) Saint Chrysostôme rapporte textuellement ces passages. Ceux qui désireraient de plus amples éclaircissements les trouveront dans nos théo-logiens modernes. Un seul peut tenir lieu de tous les autres. Qu’on lise la première partie du livre intitulé : L'incrédulité convaincue par les pro-phéties, par M. l’évêque du Puy ( 1 vol. in4°־. Paris, 1749 ), chap, in— vu. Dans ce chap, vu , à la page !43 et suiv., le savant prélat donne une explication toul-à-fait neuve , cl des plus intéressantes , sur la prophétie de Daniel.

Il nous reste à parler de la quatrième, également prédite par Daniel, ainsi que le reconnoîl le meme historien juif. Ce Prophète, dit-il, s’est expliqué sur la domination des Romains : qu’ils s’empareraient de Jérusalem, qu’ils la détruiroient et en renverseraient le temple ; mais il s’est bien gardé d’a-jouter à la suite de sa prédiction quelle seroit rétablie ; il ne marque point la durée de son désastre, parce qu’il n’a voit rien lu dans la prophétie qui en indiquât le terme : « Daniel, dit-il, a consigné dans » un livre tous les faits à venir que Dieu lui avoit » révélés ; on ne peut le lire et réfléchir sur ces événements sans être pénétré d’admiration pour » ce prophète que Dieu honora d’une telle préscience ».

Suit encore le commentaire savant et instructif des paroles de Daniel.

Que reste-t-il donc à dire aux Juifs, lorsqu’il leur est démontré que les prophètes avoient marqué un terme à leurs captivités précédentes, tandis que loin d’en assigner aucun à leur captivité actuelle, ils ont annoncé, au contraire, que la désolation dure-roit jusqu'à la consommation des siècles (1) ?

(1) « Dieu à révélé ce secret important à Daniel , et il lui déclare , comme vous voyez , que la ruine des Juifs sera la suite de la mort du Christ et de leur méconnaissance. Marquez, s’il vous plaît, cet endroit ; la suite des événements vous en fera bientôt un beau commentaire. » ( Bossuet, Disc, sur l’Hist. unir., pag. 23g. ) « Qu’ils répondent ee qu’ils voudront aux prophéties : la désolation qu’elles prédisoient leur est arrivée dans le temps marqué, !,’événement est plus fort que toutes leurs subtilt-tés. ־> ( Ibid. , pag. 354· )

Si les Juifs n’avoienl eu jamais la pensée de ré la-hlir leur temple, ils pourvoient dire que s’ils eus-sent voulu l'entreprendre, ils en scroient venus à bout. Mais nous avons tous la preuve que s’ils ne l’ont pas fait, co n’cst point faute, par eux, d’en avoir conçu le dessein, sans pouvoir jamais l’exécu-ter, et cela jusqu’à trois fois; trois fois ils sont revenus à la charge, et toujours repousse's, ils sont contraints de coder à l'Eglise le champ de bataille et l’honneur de la victoire.

Les empereurs Vespasien et Tite avoient porté la dévastation dans la Judée. Peu après, sous le règne d’Adrien, ce peuple remuant et séditieux s’étoit révolté, dans le dessein de rétablir son ancien gouvernement ; aveugle , qui ne prévoyoit pas qu’il se déclaroit contre Dieu lui-même, dont les ora-clés avoient prononcé sa ruine pour tous les siècles, et que là où Dieu combat, toute résistance est vaine! Us ne firent donc que provoquer contre leur propre ville de nouveaux décrets de mort. L’empereur, après les avoir défaits, fit disparoître tout ce qui restait en-core de Jérusalem ; ct? pour leur ôter jusqu’à l’envie de rien entreprendre à l’avenir, il fit placer sa statue sur le solde la cité. Et parce qu’une statue n’étoit point un monumentassez durable desa vengeance, il enleva à Jérusalem jusqu’à son nom, qu’il chan-gea dans le sien propre, du nom de son vainqueur, l’appelant Elia, quelle conserve de nos jours. S’é-tant révoltés de nouveau, sous Constantin, ce prince voulut imprimer sur leur corps même le signe de leur rébellion, en leur faisant couper les oreilles, comme à des esclaves fugitifs, et les promenant partout, ainsi mutilés, afin que l'ignominie de leur châtiment servît désormais de leçon. Ces faits étoient déjà anciens, quoiqu’ils fussent connus des plus âgés d’entre nous. En voici un qui l’est même des plus jeunes. Ce finest point sous les règnes d’Adrien ou de Constantin qu’il s’est passé, mais de nos jours, soifs un prince dont nous avons été tous les contemporains; il ne remonte pas à vingtans. Julien, qui a laissé bien loin derrière lui les princes les plus fa-meux par leur impiété, étoit jaloux de mettre les Juifs dans son parti, et vouloit les amener à s’asso-cier au culte des idoles. Il essaya d’abord de les gagner par 1’espérance d’etre rétablis dans le culte du Dieu de leurs pères. —Qui vous empêche , leur disoit-il, d’honorer Dieu comme le faisoient vos an-cêtres?—A quoi ceux-ci étoient obligés de répondre ce que nous leur opposons aujourd’hui, qu’il ne leur étoit pas permis de sacrifier hors de Jérusalem, sous peine de contrevenir à la loi ; que pour rétablir leurs sacrifices, il falloit donc leur rendre et la ville etletemple; que l’empereur réintégrât le Saint des saints, et avec lui l’arche et les sacrifices, tels qu’ils avoient lieu autrefois. Us ne rougissoient pas de faire de semblables demandes à un prince livré à toutes les impiétés du paganisme , d’inviter des mains sa-crilèges à rebâtir le sanctuaire. Insensés qui ten-toient l’impossible, cl ne songeoient pas que si la ruine de leur temple eut été l’œuvre d’une main humaine, une main humaine cul bien pu le relever, mais que Dieu meme l’ayant consommée, il n’étoit pas au pouvoir des hommes d’aller à l’encontre de scs décrets! Ce que le Dieu trois fois saint a ordonné, dit le prophète, quel mortel pourrie changer P Quel homme pourra arrêter l'action de son bras tout-puissant? Il est donc egalement impossible à l’homme et de renverser ce qui fut établi par lui pour demeurer toujours, et de relever ce qu’il a a détruit pour jamais. Eh bien ! pourtant je sup-pose encore, ô Juifs, que Julien vous eût rendu le temple, qu’il eût relevé l’autel, comme vous en aviez conçu la folle espérance; cela suflisoit-il? Non. Avoit-il à sa disposition le feu du ciel pour le faire descendre au jour de la nouvelle inauguration? Et si la flamme ne venait pas consumer l’holocauste; qu’étoit-ce que le Sacrifice, autrement qu’un sacrifice profane et sacrilège? Le seul crime des enfants d’Aaron, crime qui leur coûta la vie, fut d’avoir mêlé à l’encensoir un feu étranger. Au mépris de toutes ces considérations, les Juifs n’en sollicitaient pas moins le prince de s’unir à eux pour le rétablissement du temple. Celui-ci masquant see desseins ultérieurs sous l’air de la protection, fournit aux dépenses , fit venir de tous côtés des ouvriers, en-voya sur les lieux des personnes considérables, chargées de présider à l’ouvrage, ne ménagea ni dépenses, ni moyens d’exécution: loui fut sacrifié au désir de faire mentir l’oracle de Jésus-Christ, qui frappoit le temple d’une ruine éternelle. Mais celui qui surprend les sages dans leurs propres artifices, ne tarda pas à lui faire connaître, par les laits mêmes, combien les décrets de Dieu prévalent sur tout ; cembien est invincible la puissance de ses paroles. A peine on avoit commencé cette criminelle entre-prise , en déblayant la terre qui recouvrait les fon-dements, et déjà l’on s’apprêtait à rebâtir; que tout à coup un feu souterrain s’élançant par tourbillons, dévore un grand nombre d’ouvriers, soulève et dis-perse au loin les pierres déjà mises en place; oblige, non-seulement les entrepreneurs, mais les Juifs en grand nombre, témoins du phénomène, de renoncer à leur coupable espérance. L’empereur, informé du prodige, n’osa pas, malgré toute l’ardeur avec laquelle il avoit embrassé son projet, s’y entêter davantage, et se vit contraint de céder avec toute la nation juive. Transportez-vous à Jérusalem : vous y verrez ces fondements à découvert, et si vous de-mandez pourquoi, personne ne démentira ce qui vient, de vous être rapporté. Nous sommes tous té-moins de ce fait, car il s’est passé de nos jours, il n’y a pas un grand’nombre d’années ; et voyez tout l’éclat de cette victoire. Ce prodige ne s’est pas opéré sous des empereurs chrétiens; on aurait pu soupçonner que c’éloienl des chrétiens qui avoient trouvé moyen d’empêcher l’exécution de cette entreprisc ; mais lorsque nous étions nous-mêmes sous l’oppression, tous exposés an danger de perdre la vie, et que nous ne jouissions pas d’une ombre de liberté; que le paganisme seul étoit en crédit ; que tout ce qu’il y avoit de fidèles, étoit réduit ou à se tenir cache dans ses foyers, ou à s’ensevelir dans les retraites les plus profondes sans oser se montrer an grand jour (1).

(1) Témoignages de saint Grégoire de Nazianzc et antres sur cet événe-ment, dans le vr de celte lliblioth. chois. , pag. 199; la f7ie de Julien, par l’abbé de La Bletlerie; l’ouvrage de M. l’évêque dn Puy , intitulé : L’incrédulité convaincue par les prophéties , pag. 142.

Et vous doutez encore, Juifs incrédules, lorsque vous êtes confondus par la prédiction de Jésus-Christ, par celle de vos prophètes et par le témoignage des faits eux-mêmes. Mais faut-il s’en étonner? De tout temps, votre nation s’est montrée opiniâtre et dure, accoutumée à combattre l’évidence.

Voulez-vous que je vous mette en présence d’autres prophètes, annonçant, avec la dernière précision , la fin de votre empire et l’établissement du nôtre, la prédication évangélique par tout le monde, l’institution d’un nouveau sacrifice en rem-placement du vôtre? Ecoutez Malachic, qui est venu après tous les autres. Je ne produirai plus le té-inoignage, ni d’Isaïe, ni de Jérémie, ni d’aucun des autres qui avoient précédé la captivité. Vous pourriez dire que les maux dont ils menaçaient Jerusalem , ne s’étendaient pas au-delà du temps de la captivité. Celui que j’amène sur la scène,, fut postérieur à votre retour dans cette ville. Après done que les Juifs, rendus à la liberté, eurent recouvré leur ville, rebâti leur temple, repris tout l’ordre de leurs sacrifices, Malachie éleva la voix pour*leur annoncer une nouvelle désolation, dont nous sommes aujourd’hui témoins, et la fu-turc abolition de leurs sacrifices. Parlant au nom du Seigneur : Je ne recevrai plus vos victimes, dit le Seigneur Dieu des armées; car depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher, mou nom est grand parmi les nations; on brûle de l’encens devant moi en tout lieu, et l’on m’offre un sacrifice pur; mais tous l’avez profané. Quand est-ce, ô Juifs, que cette prophétie a été accomplie? Quand est-ce que l’encens a commencé partout à brûler en l’honneur du Seigneur? Quel est ce sacrifice pur dont.il est ici parlé; et quand a-t-il été institué? Il vous est impossible d’alléguer d’autre temps que celui où nous sommes ; celui qui a suivi l’avènement de Jésus-Christ. Supposer que le prophète ait eu en vue le sacrifice lévitique et non le sacrifice chié-tien, c’est vous mettre en contradiction formelle avec la loi. Car Moïse ayant défendu expressément que l’on sacrifiât ailleurs que dans le seul temple choisi, consacré par Dieu même, la prophétie qui vient nous dire que désormais dans tous les lieux du monde, indifféremment, on célébrera en son honneur un sacrifice pur, ruent à la loi, et contredit Moïse. Mais pas l’ombre de dissidence entre le prophète et le législateur. Moïse parloit d’un autre sacrifice, et Malachie en prophétise un nouveau. La diffé-rence en est clairement marquée. Dans les paroles du prophète, vous voyez que le nouveau culte ne sera point limité à une seule ville, comme aupara-vaut à Jérusalem ; mais qu’il s’étendra dans toutes les nations du lever du soleil a son couchant_, pour marquer que la prédication de l’Evangile auroit lieu dans tous les pays qu’éclaire» le soleil. Vous y voyez de plus, que le sacrifice a un caractère par-ticulier : C'est, dit-il, un sacrifice pur, l’ancien étant déclaré impur; non point, il est vrai, par lui-même et dans son essence; mais par la dispo-sition de ceux par qui il étoit offert. D’où vient que Dieu le leur reprochoit par ces paroles d’Isaïe : Votre encens m’est en abomination. Et certes, que l’on compare l’un et l’autre sacrifice : il y a entre les deux une différence telle que le nôtre seul a droit d’être qualifié pur. Ce que dit saint Paul de la différence entre la loi et la grâce, peut aussi-bien s’appliquer à notre sacrifice; puisqu’il s’offre, non par la chair et la fumée de victimes sans vertu, in-suffisantes pour le rachat du péché, mais par la grâce vivifiante de l'Esprit Saint.

Un autre prophète s’étoit exprimé dans le même sens : Le Seigneur, dit-il, paraîtra dans toutes les nations; il anéantira tous les dieux de la gentilité, et tous les peuples lui adresseront leurs adorations^ chacun dans son pays. Ainsi parle Sophonie. Mais ce n’est pas là ce que promettait la loi de Moïse; au contraire, elle voulait qu’il n’y eût de sa-crifice que dans un seul lieu. Lors donc que vous entendez les prophètes déclarer dans leurs prédictions, que le culte du Seigneur ne seroit pas restreint à un seul peuple ni à une seule cité , mais que chacun seroit appelé à honorer Dieu dans son propre pays; à quel autre temps leurs oracles peu-vent-ils convenir qu’au temps présent? Aussi, re-marquez bien, à ce sujet, l’accord intime entre le langage du Prophète et celui des Apôtres de l'Evangile. Le Prophète avoit dit : Seigneur paroitra dans toutes les nations ; il anéantira tous les dieux'.de la terre; et il sera adoré par chaque homme, dans chaque pays; l’Apôtre : La grâce du Dieu Sauveur a paru parmi les hommes, .pour nous apprendre que, renonçant a l’impiété et aux passions mondaines, nous devons vivre avec tempérance, avec justice et avec piété. Et Jésus-Christ lui-même, parlant à la Samaritaine : Le temps va venir que nous n adorerons plus le Père, ni sur cette montagne, ni dans Jérusalem. Dieu est Esprit, et il faut que ceux qui l'adorent, l’adorent en esprit et en vérité. Par où Jésus-Christ avertissoit qu’il n’y auroit plus de lieu détermine pour le sacrifice, et que le genre humain tout entier étoit appelé à un culte bien plus sublime, comme étant tout spirituel (1).

(1) « D’où saint Chrysostome conclut contre les Juifs , que Dieu ayant renfermé tout l’exercice public de leur religion en Jérusalem , et que leur ayant ôté le temple et la ville, c’est une démonstration sensible qu’il a voulu leur ôter la religion, et qu’elle ne sera jamais rétablie comme ils l’es-pèrent. Outre que , comme le culte et le sacrifice de l’ancienne loi n’éloient que les ombres du culte et du sacrifice de la nouvelle , et ses mystères , la figure de ceux que nous honorons dans le christianisme , il fallait que la loi ancienné cessât, sitôt que la nouvelle, qui étoit universelle, a été suffisamment promulguée. » ( Houdry , Biblioth. des prédicat., tom. n, pag. 638. )

Que pourroient opposer encore les Juifs à tant de preuves auxquelles il me seroit facile d’ajouter en-core beaucoup d’autres. Mais je n’irai pas plus loin, de peur de fatiguer trop votre attention. Au reste, ce que j’ai dit s’adresse moins à vous, ici présents, qu’à ces chrétiens *foibles, que nous devons travailler de concert à rappeler de l’erreun et à ra-mener à la vérité. Car il vous seroit inutile de nous avoir entendus, si vous ne montrez des œtivrcs qui ne s’accordent avec les paroles.

 

VIe discours contre les Juifs.

Comment les Juifs expliqueroient-îls la réprobation dont ils sont aujourd’hui frappés, si la captivité à laquelle nous les voyons maintenant réduits, devoit finir? Les prophètes n’auroient pas manqué de la prédire : toutes celles qui avoient précédé ]’avoient été. Nous vous avons lait voir ail-leurs que les prophètes avoient annoncé, avec la plus rigoureuse exactitude , l’époque , la durée , le terme de chacune d’elles. Celle-ci, bien loin de lui assigner un terme, Daniel, qui a prédit la désolation actuelle, a déclaré expressément qu’elle dureroit jusqu’à la consommation des siècles. Depuis si long-temps qu’elle a commencé, pas la plus légère apparence de changement qui leur promette un plus heureux avenir; bien qu’ils aient tenté à plusieurs reprises, de relever leur temple , sous Adrien, sous Constantin et plus récemment sous Julien. Trois fois ils l’ont entrepris trois fois leurs efforts ont échoué; les deux premières, par la ré-sistance des forces militaires , opposées à leur en-treprise; la dernière, par les éruptions de feux souterrains qui, s’élançant avec impétuosité, rui-noient tous leurs travaux. Pourquoi donc aujourd’hui cette différence? Après un séjour de quatre cents années en Egypte, .vous avez recouvré, ô JuiIs, votre patrie; captifs à Babylone, vous clés rentrés clans Jérusalem. Opprimés sous Antiochus, vous avez vu finir tous vos maux ; vous avez retrouvé votre temple, vos sacrifices, votre ancien état; d’où vient qu’au] ourd’hui il n’y a pour vous rien de semblable? D’où vient que, loin d’espérer aucune amélioration, votre situation ne fait qu’empirer de jour en jour, et vous enlève jusqu’à l’espérance. Peut-être ils diront que c’est en punition de leurs péchés. Un tel aveu, sans doute, est précieux dans la bouche de ces mêmes hommes qui, toutes les fois que leurs prophètes leur reprochaient, avec tant de force, les iniquités et les meurtres dont ils se souillaient, ne savaient que leur résister, et nier avec impu-dence. Mais encore, leur répondrai-je , c’est, dites-vous, en punition de vos péchés! Lesquels? Aujourd’hui, que faites-vous de si nouveau, de si extraordinaire? Est-ce donc aujourd’hui seulement que vous vivez dans le péché ? Etoit-ce auparavant votre habitude de vivre selon les lois de la justice et de l'équité? Rappelez-vous votre histoire : elle n’est qu’un long tissu d’infidélités? Que faisiez-vous du temps d’Ezéchiel, quand il accusoit vos prostitutions à des divinités étrangères? Du temps de Moïse, quand vous l’accabliez des plus mauvais traitements, quand vous attentiez à sa vie, quand vous ne cessiez de blasphémer le Seigneur? Et pourtant, le Seigneur ne vous a point rejetés alors; il n’cn a pas moins signale sa prédilection toute particulière en votre faveur, par les prodiges les plus inouïs. Maintenant que vous ne trempez plus vos mains dans le sang des prophètes; que vous ne blasphémez plus le Seigneur, que vous n’ctcs plus livrés à l’idolâtrie, que vous n’immolez plus vos enfants; une vengeance implacable pèse sur votre nation. Dieu étoit-il autre alors qu’il n’est à présent? N’est-ce pas le meme Dieu qui vous protégeoit alors d’une manière si éclatante, et qui vous punit au-jourd’hui avec tant'de sévérité (1)? Si magnifique dans ses bienfaits, quand vous étiez plus criminels, pourquoi, maintenant que vous l’offensez moins, vous a-t-il rejetés; livrés à un éternel opprobre? Pourquoi? Vous n’osez me le dire : Je vais le dire moi, ou plutôt ce n’est pas moi, c’est la vérité meme qui va le déclarer : C’est parce que vous avez mis à mort le Christ ; que vous avez porté sur l’oint du Seigneur une main sacrilège ; que vous avez versé un sang précieux. C’est pour ce seul crime que vous avez perdu tout moyen de rentrer en grâce, toute espérance dans l’avenir. Vos anciens attentats n’eurent pour victimes que des serviteurs. Vos iniquités étoient grandes. La mort du Fils de Dieu en a comblé la mesure. Dieu vous supporta, quand vous immoliez vos enfants; aujourd’hui, il venge le sang de son divin Fils. Pour donner couleur à votre parricide, vous avez l’insolence d’accuser Jésus-Christ d’infraction à la loi. Si Jésus fut coupable, comme vous osez le dire , sa mort ne fut qu’un acte de justice, que le Seigneur n’auroit pas manqué de récompenser, comme il fit pour Phinées, dont le zèle, en l’armant contre un coupable, arrêta la colère divine contre toute la nation. Vous, au cou-traire, elle ne cesse de vous poursuivre; c’est donc qu’en immolant le Juste, vous vous êtes rendus plus coupables que vos pères, plus coupables que vous ne le fûtes jamais.

(1) «Est-ce maintenant ,demande saint Jean Chrysoslôme , un autre Dieu qui les tient opprimés sous le poids de sou courroux ? Et si ce Dieu sengeur leur paraissait juste alors dans les châtiments passagers dont il punissait leurs crimes , oseront-ils l’accuser d’injustiee et de eruauté , dans la longueur du supplice qu’ils endurent depuis la mort de Jésus Christ? ״ J l.a Rue, sur la vente de la religion, Serm. . tom. ni, pag. 10. '

Combien de fois Dieu ne vous avoit-il pas dit, par la bouche de ses prophètes jus méritiez de souffrir tous les maux; mais je vous épargne pour cpie mon nom ne soit pas profané parmi les infidèles; et encore : Maison d'Israël, ce n’est pas à cause de vous que je vous ménage ; mais à cause de mon nom. C’est-à-dire : Vous méritiez les châtiments les plus sévères; mais je vous défends, je vous pro-tège, pour qu’on ne dise pas que c’est par foiblesse, par impuissance de les sauver que Dieu a livré les Juifs à leurs ennemis. En supposant donc que Jésus-Christ eut été ce que vous dites, quand vous auriez commis une infinite de crimes et des crimes Beaucoup plus horribles que les précédents, Dieu vous les auroit pardonnes, pour que son nom ne lut pas profané, pour que le nom de son ennemi ne fût pas exalté, et qu’on ne pût pas dire que sa mort avoit causé vos désastres. Oui, s’il est reconnu que Dieu fermait les yeux sur vos péchés à cause de sa gloire, il l'auroit fait bien plus aujourd’hui ; il auroit accepté la mort d’un imposteur, comme un sacrifice capable d’expier toutes vos fautes. Mais puisqu’il vous rejette absolument, n’est-il pas de la dernière évidence que par ce courroux et cet aban-don total, il démontre aux plus opiniâtres que celui que vous avez mis à mort n’étoit point un infracteur de la loi, mais le Messie, mais le vrai Législateur, l’auteur de tous biens?Voilà pourquoi, vous, qui l’avez traité outrageusement, vous êtes avilis et dégradés, tandis que nous, qui l’adorons, nous, qui, auparavant, étions plus oubliés et plus décriés que vous tous, nous sommes à présent, par la grâce du Seigneur, plus respectés que vous tous et plus favorisés.

Mais encore, me diront les Juifs, qui est-ce qui prouve que nous soyons rejetés de Dieu? Je vous le demande à vous-mêmes ; qu’est-il besoin de raison-nements, quand les faits parlent; quand ils se font entendre avec plus d’éclat que le son de la troni-pette, par la ruine de votre ville, par la destruction de son temple, par tous les maux que vous avez éprouvés? — Ce sont les hommes qui nous les ont faits et non pas le Seigneur. —Les hommes, dites-vous? — Mais les hommes auroient-ils pu y réussir ג si le Seigneur ne l'avoit permis? Lorsqu’autrefois un barbare étranger vint fondre sur votre pays avec toutes les forces de la Perse; qu’il vous tenait assiégés dans votre ville, comme ren-fermés dans un filet, vous n’eûtes besoin alors ni de combattre, ni de vous défendre. Dieu vous pro-logeait. L’ennemi laissa dans votre pays près de deux cents mille morts, et s’enfuit, trop heureux de sauver sa personne. Le Seigneur n’a-t-il pas ter-miné de la sorte, pour vous, une infinité d’autres guerres? Si donc, aujourd’hui, il ne vous avoit pas entièrement abandonnés, les hommes qui ont triomphé de vous, qui ont détruit votre ville, ruiné votre temple, n’en seraient pas venus à bout; le sol de cet édifice ne seroit pas resté désert jus-qu’à ce jour; et tant d’efforts que vous avez tentés pour son rétablissement ne l’auvoient pas été en vain. Que ce désastre eût été l’ouvrage des hommes, votre dégradation auroit dû s'arrêter là, et ne pas avoir d’autres suites. Mais non. Ce ne sont pas seulement vos murailles qui ont été renversées; et je veux bien supposer que ce soit là l’ouvrage des hommes; sont־cc les hommes qui· ont fait taire les prophètes, qui vous ont ravi la grâce de l'Esprit Saint; qui vous ont dépouillés d’antres privilèges augustes; par exemple, des oracles qui sortaient du propitiatoire, de la vertu particulière de l’onc-tion, des signes que donnaient les ornements du souverain pontife? Prodiges qui n’en subsistaient pas moins du temps de vos Pères, malgré les crimes dont ils se souillaient. Non-seulement le Seigneur a permis la ruine totale de la ville et du temple qui lui fut consacré , il a fait encore disparaître ces prodiges qui ne pouvaient venir que du ciel, la flamme qui cbnsmnoit la victime, la voix qui se faisoit entendre du propitiatoire, l’éclat dont brilloit la poitrine du grand-prêtre et tous les autres de même nature. Rien de tout cela n’existe à pré-sent; car, que l’on ne nous parle pas de leurs pa-triarches, de ces vils marchands travestis en pon-tifes, dont la vie est scandaleusement irrégulière. Quelle sorte de prêtre, là où il n’y a plus ni cette onction sainte, ni aucune de ces vénérables insti-luttons qui signalaient l’ancien sacerdoce ? Qu’y a-t-il, dans ces prêtres de théâtre, qui rappelle l’antique consécration d’Aaron et de ses fils?

Le saint patriarche combat de nouveau la superstition qui portoil quelques chrétiens de son temps à suivre les coutumes des Juifs.

Quoi ! vous recherchez de tels hommes ! Vous courez à leurs synagogues, et ne craignez pas que la foudre du ciel ne tombe sur vos têtes! Ignorez-vous donc que quiconque est trouvé dans un antre de brigands, quoiqu’il ne soit pas brigand lui-même, subit la même peine? Et pourquoi parler de bri-gands? Vous savez tous , sans doute, que dans notre ville, lorsque des scélérats et des imposteurs rcn-versèrent les statues des princes, vous savez et vous vous rappelez que non-seulement les pria-cipaux auteurs de l'attentat, mais ceux mêmes qui avoient paru l’autoriser par leur présence, furent pris; amenés devant les tribunaux,' jetés en prison et condamnés au dernier supplice. Et vous, vous courez avec empressement à des assemblées où le Père céleste est outragé, où son Fils est blasphémé, où l'Esprit Saint et vivifiant est rejeté ! El vous n’appréhendez pas, et vous ne tremblez pas, lors-que vous vous transportez dans ces lieux impurs cl profanes! Quel aveuglement d’aller vous jeter ainsi dans le précipice !

Ne venez pas me dire que l'on y possède la loi et les livres des prophètes; comme si cela suffisait pour rendre un lieu saint. On a beany prononcer les textes de la loi; mais, je vous le demande, lorsque le Démon prononçoit les paroles de l'Ecriture , ces paroles sanctifioicnt-elles sa bouche ? En conservoit-il moins sa nature de Démon? Lors-que des esprits impurs disoient à haute voix : Ces hommes sont les serviteurs du Très-Haut ; ils vous annoncent la voie du salut; étoil־ce une raison pour les compter parmi les Apôtres ? Et lorsque les paroles ne sanctifient pas la bouche qui les prononce, des livres sanctifieraient le lieu où ils reposent? Les hommes n’en sont que bien plus criminels, d’avoir la loi et de méconnoître celui que la loi annonçait avec tant de solennité!

Mes frères, vous dirai-je avec saint Paul, soyez enfants par la simplicité du cœur et non par le défaut d’intelligence. Affranchissez d’une vaine superstition, ceux qui sont frappés par certains objets, et apprenez-leur ce qu’ils doivent redouter et craindre. Qu’ils ne redoutent pas l’arche des Juifs ; mais qu’ils craignent de violer le temple de Dieu par un penchant secret pour le judaïsme, et par des observances condamnables. Craignez que dans le dernier jour, celui qui doit vous juger ne vous dise : Retirez-vous, je ne vous connais pas. Vous avez communiqué avec ceux qui m’ont crucifié; vous vous êtes empressé de rétablir des fêles que j’avois abolies; vous avez couru aux synagogues des Juifs qui m’a voient outragé. J’avois renversé leur temple, j’avois fait un amas de ruines de cet édifice auguste qui renfermoit des choses si re-doulables ; cl vous, vous avez respecté des cavernes de voleurs, des maisons aussi viles que des tavernes.

Eh ! si, lorsque l’arche et les chérubins subsistaient encore, lorsque le temple étoit encore sanctifié par la grâce de l'Esprit Saint, Jésus-Christ disoit : Vous en avez fait une caverne de voleurs, vous en avez fait une maison de trafic, sans doute à cause des crimes et des meurtres dont se souillèrent les Juifs; maintenant que la grâce de l'Esprit Saint les a abandonnés, qu’ils ne jouissent plus de leurs privilèges , et que les sacrifices agréables à Dieu étant abolis , ils ne lui rendent plus qu’un culte sacrilège ; quel nom convenable donner à leurs . synagogues? Vous voulez voir un temple, ne cou-rez pas à la synagogue; mais devenez vous-même un temple. Dieu n’a détruit qu’ûn temple à Jérusalem, et il en a érigé une infinité d’autres beaucoup plus augustes ; car vous êtes , dit saint Paul , les temples du Dieu vivant. Décorez cette maison , chassez de votre esprit toute pensée mauvaise , pour devenir un membre de Jésus-Christ et le sanctuaire de l'Esprit Saint.

 

viie et viiie discours contre les Juifs.

( Analyse. )

Saint Chrysostôme y prouve, comme dans les précé-dents, que tous les rits de la loi ancienne sont abolis ; que la loi qui prescrivoit d’aller prier trois fois l’année dans le temple, à Jérusalem, est devenue impraticable par la destruction de cet édifice ; qu’il en est de meme des sacrifices , des holocaustes ordonnés par la loi, et que n’y ayant ()lus de victimes ni de prêtres , ils ne peut y avoir de religion. Il fait voir que la loi étant abolie, non à cause des péchés des Juifs , mais par son imperfection , c’éloit une folie aux Juifs d’espérer le rétablissement de Jérusalem , de leur religion et de leur état (1).

 

Section i. — Accord des deux Testaments.

Jésus-Christ n’cst pas seulement le corps et la tête de l'Eglise ; il est l'Eglise tout entière (2). Sous l’ancienne alliance , il se rendoit présent dans les figures ; sous la nouvelle, il s’est fait voir réellement présent dans sa chair (3).

Il n’a existé une loi ancienne que pa r Jésus-Christ, et pour Jésus-Christ. Touta été fait par lui, ditl’A-pôtre. Seul, il est l'instituteur de l’une et de l’autre alliance (4). L’Evangile n’est que l’extension et le complément de la loi (5) ; et la synagogue ne fut que la figure de l'Eglise. Jérusalem, Sion, la Judée tout entière furent les images de l'Eglise chrétienne (******).

(******) In cap. 11 Isaice , tom. vi Bened., p. 20 ; Hom. xui in Epist. nd Hebr. , tom. xn, pag. 132.

Nulle opposition entre l’ancienne et la nouvelle loi ; si ce n’est que la première commence, l’autre achève : Jésus-Christ est le lien qui les unit l’une et l’autre (*)(1)·

Jésus-Christ est seul, l’objet et la fin de la loi ; il étoit l’espérance des patriarches, le modèle des justes de tous les temps ; l’unique source du salut(**).

(**) Hom. in Joann. , tom. vxn Bened., p. 323; in ÿlatth., tom. vu , p. 222 ; Hom. vin in Epist. ad Rom., t. ix, p. 621.

Notre saint patriarche a dit ailleurs : « Le grand objet des prophéties est Jésus-Christ, son histoire s’y trouve racontée à l’avance , tant pour le temps où il devoit pa-roître dans le monde, que pour les événements qui l’ont suivi (***).

(***) Ala page 361 dece treizième volume. Voyez aussi pins bas, article Jésus-Christ législateur.

La foi fut bien antérieure à la loi. Abraham avoit la foi avant la circoncision , puisque la circouci-sion ne lui fut donnée qu’en conséquence de sa foi. (****)·

(****) Voyez celte Bibliothèque, torn, xi, pag. 118.

Les prophéties ne sont que l'histoire des événements futurs, exprimes sous le voile des figures. Pas un seul qui ne soit prédit à l’avance tant dans l’ancien que dans le nouveau Testament. L’ancien n’a fait que devancer le nouveau , et celui-ci qu’ex-pliquer l’ancien. Je le répète : L’ancienne et la nouvelle alliance sont sœurs, ou, si vous voulez, ce sont deux servantes qui accompagnent le maître ; la nouvelle n’innove rien; l’ancienne.ne perd rien, elle est simplement développée et perfectionnée par la nouvelle (*. )

(*)Hom. inillud : Exiit edictum, tom. 11 Bened. ( Supplément), p. 801 ; Hom. 11 in Matth., pag. 23 ;Hom. xlvii, p. 490 ; Hom. lxxii , p. 701 ; Hom. xiv in Joann., tom. vin , pag. 82; Hom. xn in Epist. ad Hebr., tom. xn , pag. 120. D’où nous concluons avec certitude , en fa-veut, non-seulement de l’antériorité de la religion chrétienne sur la loi mosaïque, mais de son antiquité , remontant en effet aux âges les plus voisins de l’enfance du monde , et par là se confondant avec l’éternité elle-même : Egressus ejits a diebus œternitatis.

Comme il n’y a qu’un seul Dieu, de même il n’y a qu’une seule révélation, une même loi. La nouvelle loi ou révélation, ou Testament (ces mots sont synonymes ) , n’a fait que confirmer ce que l’ancien avoit annoncé; elle a développé ce que l’autre avoit ébauché; dissipé les obscurités répandues sur la pre-micre; elle n’est que l'accomplissement et la perfection de celle qui avoit précédé : celle-ci étoitlctype et l’ombre ; la nouvelle est la vérité, la chose même. Tout entière, elle se retrouve dans l’ancienne; partout le même Dieu législateur ; partout Jésus-Christ, centre et ternie de la loi. Moïse et les prophètes parlent de Jésus-Christ à chaque page de l’ancien Testament : Jésus-Christ, à chaque page de son Evangile, renvoie à Moïse et aux prophètes.

Saint Paul a démontré, par les témoignages les plus sensibles, l’analogie entre l’ancienne loi et la nouvelle, et réfute invinciblement ceux qui, après lui, ont nié qu’elles eussent le même Dieu pour auteur (*).

(*) Horn, in dictum ; ΛοΙο vos ignorare, tom. 111 Bened., pag. 223 —23g.

Le royaume du ciel est semblable à un trésor caché, nous dit le Sauveur. Que veut dire ce mot : Un trésor caché? Recueillez toute votre attention. Un trésor que l’on vient à découvrir, n’a point commencé à être ce qu’il est au moment où. il s’est montré aux regards. Il y avoit longtemps qu’il étoit à la place où on l’a découvert. Ce n’est une découverte nouvelle que pour l'homme qui l’a trouvé ; de même la doctrine du salut avoit déjà une longue antiquité ; elle remontoit jusqu’au commencement. Au commencement étoit le Verbe. Il n’y a en elle de nouveau que sa publication faite depuis la divine incarnation. Oui, bien véritablement un trésor, et inappréciable pour ceux à qui il s’est manifesté. Nous l'avons trouvé, s’écria l'apôtre saint André, l'annonçant à Pierre , nous Pavons trouvé, celui-là dont Moïse et les prophètes ont écrit dans la loi. Mais trésor sacré que Moïse et les prophètes tenoient renfermé dans leurs livres sacrés; visible pour eux, mais invisible pour les autres , et enveloppé sous des paroles obscures : pourquoi? parce que s’il n’y eût pas eu d’obscurités; ce n’étoit plus le langage de la prophétie, mais celui de la manifestation , et que l’énoncé clair de la doctrine eût prévenu le bienfait de sa publication. Que font donc Moïse et les prophètes ? ils expliquent la ]01 nouvelle, mais en la cachant. Isaïe le déclare dans ces termes : Ce livre sera pour vous comme un livre fermé avec des sceaux qu’on donnera à un homme qui sait lire, en lui disant : lisez ce livre ; et il répondra, je ne le puis parce qu’il est cacheté.

C’est-à-dire : les Juifs et les gentils n’entendoient pas les prophéties concernant le Christ : les premiers, parce que la loi et les prophéties qui l’annonçoient, étoient pour eux un livre fermé ; les gentils, parce qu’ils lui étoient tout-à-fait étrangers. Jésus-Christ est venu rompre les sceaux, éclairer les yeux des disciples , en leur découvrant le sens des Ecritures, ouvrir aux gentils la porte du salut (6).

Jésus-Christ est venu et il a accompli tout ce que Dieu, son père , avoit dit par la loi et par les pro-phètes; d’où vient que son Apôtre ait de lui qu'il est la plénitude de la loi. L’Esprit Saint est descendu sur les Apôtres, et tous les oracles de l’Evangile ont été accomplis. Tout ce qui étoit déposé dans la loi, Jésus-Christ l’a fait voir dans sa personne; tout ce que proposait la doctrine de Jésus-Christ, l'Esprit Saint l’a justifié. Jésus-Christ rend témoignage à la loi, l'Esprit Saint rend témoignage à Jésus Christ(7), Jésus-Christ, au jour de sa transfiguration, 3־, appelle près de lui, ‘sur la montagne, Moïse et Elie; pourquoi? Entre autres raisons, il vouloit manifester le parfait accord existant entre la loi nouvelle et l’ancienne. Moïse avoit donné la loi au peuple, et l’on accusoit Jésus-Christ de la violer, attaquant par là la majesté de Dieu lui-meme, dont Moïse n’avoit été que l’organe. Pour répondre à l’accusation , Jésus-Christ veut avoir pour té-moin de sa transfiguration, Moïse lui-même, qui, dans la pensée des Juifs, n’auroit pas souffert que sa loi fût violée impunément, et le prophète Elie, dont le zèle pour la gloire du Seigneur, s’étoit fait assez connoître. Si Jésus-Christ eût été en opposition avec Dieu , s’il s’étoil dit faussement Fils de Dieu, égal à Dieu, son Père; Moïse et Elie seroient-ils venus lui rendre hommage et recon-noître sa divinité (8)?

Nous avons, quant à la. différence des temps , deux révélations, une première et une seconde loi, l’ancien et le nouveau Testament. Moïse a donné la première, Jésus-Christ a établi la seconde. Pour .mieux dire , c’est lui qui les a établies toutes deux ; car Moïse ne fut que l’organe de Jésus-Christ. Les prophètes, venus après le Législateur hébreu n’ont été, de meme, que les interprètes de Jésus-Christ, législateur unique, tant de l’ancien que du nouveau Testament. Ce ne sont pas seule-ment nos évangélistes et nos Apôtres, qui nous l’ont appris. Nous ne les citerons pas aux Juifs , qui refusent de croire à leur témoignage. Du moins, croient-ils à leurs prophètes. Or, écoutez Jérémie : Je ferai, dit le Seigneur, une nouvelle alliance. Voilà donc une ajliance nouvelle promise dès le temps de l’ancienne; et cela, tant de siècles auparavant. Il ajoute : Non selon l'alliance que je fis avec leurs pères. Il avoit fait alliance avec Noé , au sortir de l’arche, s’engageant à ne plus châtier la terre par l’effroyable inondation qui venoit d’avoir lieu : « J’établirai mon alliance avec vous , et » avec votre race après vous. » Il avoit fait alliance avec Abraham, par le sceau de la circoncision.

Puis étoit venue l’alliance ou l’ancien Testament que vous savez , dont Moïse fut ]’intermédiaire. Maintenant^ par la bouche de Jérémie, il annonce la nouvelle alliance qui doit s’établir : Non, selon l'alliance faite avec leurs pères, au jour que je les pris par la main pour les faire sortir de l’Egypte. Par où il devient évident qu’une nouvelle révélation devoit succéder aux anciennes (*).

(*) Hom. vr de-Pœnilent., tom. 11 Bened., p. 322, 324.

C’est l’Evangile du règne de Jésus-Christ que les prophètes anciens avoient annoncé. C’est lui encore qui nous est expliqué parles ministres de la nouvelle alliance, et reçu par tous ceux qui aiment à entendre et à pratiquer la divine parole. Cîr la prédication de l’Evangile n’a point commencé à l’avènement de Jésus-Christ, dans une chair mortelle : elle avoit des long-temps jeté de profondes racines dans les livres des prophètes , jusqu’au temps où la voix des Apôtres lui a donné un nouvel éclat. Aussi l’apôtre saint Paul ? voulant nous faire connaître que l’E-vangile n’avoit pas pris naissance à l’incarnation de Jésus-Christ, mais qu’il avoit été proclamé par la bouche des prophètes, s’exprime-t-il en ces termes : Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé à l’apos-tolat , séparé pour annoncer l'Evangile de Dieu, qu’il avoit promis auparavant par les prophètes dans les Ecritures sacréesג touchant son fils qui lui est né selon la chair, de la race de David. Saint Paul n’ignoroit donc pas que l’ancien et le nouveau Testament n’en faisoient qu’un, ne formant qu’un seul et même livre. S’il parle spécialement d’un nouveau Testament, ce n’est que pour le distinguer d’un autre qui avoit précédé. Le second , il l’appelle plus excellent, pour marquer sa supériorité sur l’autre, éternel par comparaison avec celui-ci , qui n’ayoit été donné que pour un temps. Second , pour làire voir la liaison intime qui les unit l’un à l’autre. On n’appelle point second ce qui est isolé." Tous deux étant l’expression des oracles du meme Dieu , les termes de premier et de second !l'expriment que deux moitiés, lesquelles composent un seul tout. C’est dans ce sens que l’Apôtre, prédicateur de la royauté indivisible du Père, du Fils et du Saint-Esprit, nous parle indifféremment de l'Ε-vangile de Dieu le Père et de Dieu le Fils (*).

(*) Serm. de uno legislat., Morel, Opusc., pag. 1—3.

Où sont aujourd’hui ceux qui accusent l’ancien Testament et déchirent le corps de l'Ecriture qu’ils partagent entre deux Dieux, dont l’un auroit faille nouveau et l’autre l’ancien (1)? Saint Paul leur ferme la bouche, et confond leur impiété, parla déclara-tion expresse que tous deux ont été dictés par le meme esprit. A leur dénomination seule, vous re-connaissez leur identité.

(1) Les Manichéens.

L’Apôtre reconnaît bien une distinction entre l’ancien et le nouveau, dans ce sens que le nouveau a imprimé à l’autre le sceau de l’antiquité ; mais s’ils n’étoient pas l’œuvre du même auteur, il n’auroit pas établi cette différence entre un nouveau et un ancien Testament. Mais ici la différence n’est point dans la nature meme des choses ; elle n’existe que dans le temps et dans le changement de circonstances, qui n’en apporte point dans les choses elles-mêmes. Jésus-Christ avoit en vue cette conformité, quand il disait : C’est pourquoi tout docteur qui est instruit en ce qui regarde le royaume du ciel, est semblable'a un père de famille qui tire de son trésor des choses nouvelles et anciennes. Un même maître peut avoir des possessions différentes; et comme on peut tirer d’un même trésor des choses anciennes et des choses nouvelles, ainsi n’y a-t-il nulle con-tradiction à ce que le même Dieu ait fait l’ancien et le nouveau Testament. C’est même la preuve de son opulence d’avoir un trésor abondamment pourvu de richesses antiques, autant que de ri-chesses nouvelles(1).Que les deux Testaments diffè-rent entre eux; ils ne sont point, pour ceia, opposes l’un à l’autre , l’ancien ne l’est que par rapport au nouveau, qui est venu après. Dans la supposition même où ics lois de l’ancien seraient dans quel-qu’opposition avec celles du nouveau, il n’en fau-droit pas conclure quelles vinssent d’une autre main. Onpourroit le croire, si elles avoient été pro-posées dans le même temps, aux mêmes hommes, dans les mêmes circonstances. Mais lorsqu’il y a diversité de temps, de peuple et de situation, quel besoin a-t-on de. recourir à deux législateurs différents, parce que la législation ne seroit pas la même? Ne voit-on pas tous les jours des méde-cins ordonner des choses contraires en apparence, mais qui se rapportent par l'intention? C’est l’intérêt du malade qui détermine le changement dans le régime, tantôt sévère, tantôt plus doux, auquel on le soumet ; en fit-on jamais un crime au méde-cin? Qu’il y ait, non pas contradiction , mais une simple diversité dans ·les lois qu’ils ordonnent, c’est ce que nous allons démontrer. Vous avez en-tenduי dit Jésus-Christ, ce qui a été dit aux an-ciens : Vous ne tuerez point. C’est là un article fondamental de l’ancienne loi : que dit.la nouvelle? Mais moi , je ,vous dis que quiconque se mettra en colère, sans sujet, contre son frère, méritera d’être condamné par le jugement. Je vous demande s’il y a une ombre de contradiction .dans l’énoncé de ces deux préceptes? Il n’y en auroit qu’autant que l’une ordonneroit ce que l’autre défend; niais ici que l’une proscrit le meurtre, et l’autre jusqu’à la colère qui y conduit, n’est-ce pas là fortifier le commandement, bien loin de l’infirmer? L’une défend le mal dans son fruit, l’autre le coupe dans sa racine; l’une arrête Je ruisseau dans son cours, ],autre en tarit la source. L’une avoit préparc' les esprits à recevoir une loi plus parfaite; ]’autre est survenue avec le perfectionnement qui nianquoit à ]a première (1). Ce ne sont pas deux effets contraires que d’attaquer le mal dans ses conséquences ou dans son principe. La première loi ne permet pas de tremper ses mains dans le sang , la seconde défend d’en souiller meme sa pensée. Une corn-paraison familière rendra la différence encore plus sensible : L’ancienne loi fut la nourriture du premier âge, qui prépare à des aliments plus sub-stantiels ; mais auxquels l’on n’a recours , qu’autant que la première ne suffit ·plus. Dans le système de nos adversaires, Dieu auroit fait tout le con-traire ; et encore, n^est-ce pas la seule inconsé-quencc qu’ils lui prêtent. Selon eux, Dieu n’au-roit commencé à s’occuper du genre humain qu’a-près cinq mille ans et plus. Car si ce n’est pas lui qui ait inspiré les prophètes et les patriarches de l’ancien Testament, comme ceux du. nouveau; la Providence se seroit donc éveillée bien tard, après un sommeil de tant de siècles. Ce que l’on ne permettroit pas au dernier des hommes. Dieu l’auroit fait, en laissant périr tant de générations, et n’é-tendant ses soins que sur quelques privilégiés? Il est impossible d’échapper à ces blasphèmes, dans l’opinion que Dieu n’auroit pas fait les deux Testaments ; ils n?ont pas lieu dans celle que nous établissons. Elle est un éclatant hommage rendu à la sage économie de la Providence, qui a remplacé la loi par la grâce, et dont la conduite embrasse tous les temps. Mais pour en rendre la démonstra-tion plus palpable, produisons les témoignages des prophètes et des Apôtres, qui s’accordent à proclamer en faveur des deux Testaments, un seul et meme Législateur. Faisons parler d’abord ce Jérémie, sanctifié dès le sein de sa mère. Que dit ce prophète, au nom du souverain Législateur? Je vous donnerai un Testament nouveau, qui ne sera pas le même que celui que j’avais donné a vos pères. C’est donc du même Dieu que viennent les deux Testaments.... Ecoutons saint Paul dans son épitre aux Galates : ,Dites-moi, je vous prie, vous, qui voulez être sous la loi, ne faites vous pas d’attention à ce que dit la loi ? Car il est écrit qu’Abraham eut deux, fils, P un de la servante et P autre de la femme libre. L’Apôtre ajoute que c’est là une allégorie. Pourquoi? C’est que tous les événements de l’ancienne loi étoient autant de figures qui annonçoient ceux delà nouvelle. Ces deux femmes présageoient les deux alliances. Or, la figure ne détruit pas la réalité; elle en prouve l’accord. S’il y avoit opposition entre l’auteur de l’ancienne et celui do la nouvelle , saint Paul n’auroit pas été chercher cet exemple pour marquer l’excellence de la nouvelle sur l’ancienne ; en l’employant, il ne pouvoit se permettre d’abuser de la figure. Si l’on m’objectoit qu’il a parlé ainsi pour s’accommoder à la foi-blesse des Juifs, il devait, par la même raison, quand il avoit affaire à des Grecs, leur citer des figures où ils pussent reconnoitre leur propre his-toire. Il ne fa l’ait nulle part ; et certes, avec raison ; car il n’y avoit rien de commun entre leurs fables et la vérité, au lieu qu’ici c’est Dieu qui prononce les oracles , Dieu qui établit les lois ; c’est donc au même Dieu que se rapportent les deux Testaments. L’histoire nous en fournit une nouvelle preuve. Les deux femmes dont il est parlé dans la vie d’Abraham, le reconnaissaient également pour époux. De même en tête des deux alliances, un même législateur. Car s’il y en avoit deux, quel seroit l’objet de l’histoire et le sens de l’allégorie? Dira-t-on que* l'une étoit esclave et l’autre libre ? Mais qu’importe? Toujours étoient-elles l’une et l’autre les épouses du même patriarche. C’en est assez, pour conclure par analogie que les deux Testaments sont l’ouvrage du même auteur (9).

(1) « Deux choses blessent d’abord le sens humaiu dans l’économie de la religion ancienne : l’une , qu’étant établie de Dieu, elle ait été chan-gëe, etc. n ( Vov. la suite, Molinier, Serm. chois., tom. xm, pag. 336. ) Vov. aussi un bon sermon de Saurin, sur l’uniformité de Dieu dans sa conduite , tom. vu, pag. 320.

(1) ■■Jésus Christ a fail comme tous ceux qui , pour détruire une forêt, coupent toutes les racines des arbres, il est allé jusqu’au fond du cœur , et il a coupé la racine de tous les arbres. En vain on s'opposerait à un torrent lorsqu’il est répandu au milieu des campagnes ; il faut aller à la source, et la dessécher. Le Sauveur, pour arrêter le torrent des passions des hommes, a attaqué la cupidité, qui est la source de tous les maux , et en la bannis-saut du cœur, il a établi la charité, qui est incompatible avec elle. » ( Essais de Serin. , dans Houdrv, Biblioth. des prêdic., tom. 11, p. 648.)

1

Advers. Judœos., lom. 1 Bened. . pag. 587—688 ; Morel, Opusc., tom. 1, pag485—385 .׳.

2

(“) Horn, hi in Epist. ad Ephes., torn, xi Bened., pag. 19, Ecclesitv plénitude.

3

Hom. lvih in Genes., torn, iv, pag 565.

4

De verbis apost. Ilabentes, tom. lit Bened. ,pag. 272.

5

Horn, xvi «« Hlatth., tom. vu Bened., pag. 206—209.

6

De Sigillls , Mor., Opusc., tom. vr, pag. 168—171. Voyez Pascal, Pensées,88.

15.                                   25

7

De Spiritu Sanclo , lom. 111 Bened., pag. 809.

8

(“) Hom. xx.1t in Matth. , ton!, vu Bened., pag. 566.

9

ZJe verbis apostol, : Habc.itcs eumdem Spiritum, Morel, Opusc., tom. v, pag. 309—3!4·