ARTICLE II.
Dogmes. Foi naturelle. Dieu. Ses principaux atlri-buts. Son existence. Son unité, contre l'idolâtrie. Sa grandeur. Esprit présent partout. Son immensité et son incompréhensibililé. Sa prescience. Sa bonté. Sa justice. Accord de ces deux perfections dans Dieu. Sa toute-puissance rendue sensible par la création des choses visi-blés. De l’homme en particulier. Sagesse et Providence divines.
Jetez les yeux sur la foule de merveilles qui vous entourent : pourquoi tout cela?Si ce n’est pour nous apprendre non pas ce que c’est que Dieu, mais qu’il existe un Dieu. L’Apôtre l’écrivoit aux Hébreux : Pour s’approcher de Dieu, il faut croire qu’il existe, Point de créature qui n’atteste son créateur. C’est ce que l’auteur du ]ivre de la Sagesse avoit dit déjà : La grandeur et la beauté des créatures rend en quel-que sorte visible le Créateur, et fait juger combien à proportion il doit être parfait. La seule existence de l’homme, et la savante économie qu’il présente , les brillants privilèges qui lui ont été donnés , la suite des événements qui composent l’histoire du monde et de scs révolutions, les châtiments, les bienfaits, les moyens divers que vous voyez avoir clé déployés dans son gouvernement; les oracles par lesauels les prophètes annonçaient l’avenir, tant de faits surnaturels, qui passent sous nos yeux, avant que le Fils de Dieu fut venu donner à la terre le bienfait de la nouvelle révélation , la plus admirable de toutes, rendent son existence incontestable: et cependant l’on rencontre des hommes qui n’ont pas su lire encore dans cc livre si intelligible à tous les yeux (*).
(*) Expos, in Psalm. , loin, ix Bened., pag. 46t.
S'il faut, en toute circonstance, apporter les dis-positions d’une piété vive, affectueuse , c’est sur-tout quand il est question de Dieu. Que pouvons-nous dire, que pouvons-nous entendre qui soit en proportion avec cette grandeur qui surpasse de si loin et tous les efforts du langage, et toutes les conceptions de l'intelligence? L’Apôtre nous dit que la paix de Dieu surpasse tout sentiment; que l’esprit et le cœur de l’homme n’ont pu s’élever jamais jusqu’à comprendre l’excellence des biens qu’il réserve à ceux qui l’aiment ; à bien plus forte raison l'Essence même duDieu créateur de l'univers échappe-t-elle à notre intelligence. Une foi docile et filiale adore et s’anéantit : c’est là le devoir du chrétien. Quand les paroles nous manquent, que notre raison s’arrête au-devant des ténèbres dont s’environne cette majesté souveraine : c’est cela meme qui lui donne plus de droits ?1 nos respects. La gloire du chrétien est de reconnoitre un Dieu tel qu’il est impossible à l’esprit humain de le com-prendre (1).
Pour s’approcher de Dieu, il faut, dit l’Apotre, croire qu’il existe, et qu’il récompensera ceux qui le cherchent. Croire qu’il y a un Dieu; non chercher à connoître ce qu’il est. Mais si, pour croire à son existence, il ne tant «pie de la foi et point de rai-soiincments, la lumière delà raison suffit-elle pour connoître sa nature? Non. C’est la foi qui nous apprend qu’il v aura des récompenses après ]a mort, non le rai-sonncmcnt. Commcnt donc le raisonnement pourroit-il embrasser l’étendue des perfections qui composent la divine Essence? L’intclli־״ence humaine ne sau-roit aller jusques là. Il est de ces raisonneurs qui soutiennent que tous les êtres se meuvent par eux-mêmes, sans l’intervention d’une cause supérieure ; extravagance qui seule fait voir que, si l’on veut disputer sur les objets qui sont soumis à la foi, si l’on n’embrasse la chaîne tout entière des vérités de foi, non seulement le dogme des récompenses après la mort, mais jusqu’à celui de l’existence même de Dieu , sera bientôt anéanti (2).
Tout ce que vous pourriez dire ici de plus élevé, n’approcheroit pas de l’infinie grandeur de Dieu. Vous l’appellerez grand : combien cette expression est foible, appliquée à Dieu ! Quelque grandeur que votre esprit imagine, elle est bornée; pouvez-vous mesurer l’infini dans Dieu? Je sais bien qu’il est infini. Mais qu’est-ce que l’infini ? où réside l’infini? Ténèbres où je me perds. Je l’appellerai sage, bon par excellence; je parcourrai ses infinies perfec-lions; je n’aurai rien dit encore qui soit digne de cette divine Essence (*).
(*) In Psalm, viri, tom. ni, Opusc., Mord, pag. 105.
Nous grossirions trop ce volume , si nous voulions recueillir les rappro-chenients que ces beaux textes nous indiquent. Bossuet a dit : « Que ne peut-on dire de Dieu , mais que peut-on dire de Dieu dignement? Il est tout ce que nous pouvons penser de grand , et il n’est rien de ce que nous pouvons penser de plus grand; sa perfection est si éminente, que nos pensées n’y peuvent atteindre , et nous ne pouvons pas même dignement comprendre jusques à quel point il est incompréhensible. » Pas un philo-sophe vrai, pas un homme de génie qui n’ait tenu le même langage. C’est hors de la raison, hors de la nature elle-même qu’il faut chercher les êtres assez dépravés, pour contester une vérité dont le sentiment intime est au fond de toutes les âmes. Toutes les communions chrétiennes ont produit d’excellents ouvrages, où le dogme de l’existence de Dieu et l’harmonie de ses divines perfections est exposé de la manière la plus convaincante pour l’esprit et pour le cœur, où le crime de l’athéisme est mis au jour avec les dangereuses conséquences qu’il entraîne. Parmi les sermons, nous distin-guons ceux de Massillon, qui a pour objet les cloutes sur la religion, dans son Carême, tom. in, pag. 214 et suiv.; du P. Neuville, Grandeur et honte de Dieu, Carême, tom. r, pag. 474 et suiv.; Molinier , Semi, chois., tom. 1, pag. 171 et suiv., quelques pages du ministre Saurin, sur les profondeurs divines, tom. 1, p. 183, où il rétorque contre un alliée eé-!élire ses propres sophismes ; le sermon de Supcrville , sur les travers de. l’impiété, tom. 1, pag. 19. Mieux encore le premier sermon de Mouelion, intitulé , de la folie de l'athée, tom. r . pag. 1 et suiv.
Au mot Dieu , une foule d’idées se présentent à l’esprit, qn’il nous est impossible d’exprimer ; ou bien il nous échappe des paroles dont nous ne sau-rions comprendre le sens. Par exemple, nous sa-vous bien que Dieu est dans tous les lieux du monde. Comment?11 ne nous est pas possible de l’expliquer ; qu’il est une puissance immatérielle, de laquelle émanent tous les biens : quelle en est la nature? voilà ce qu’il nous est impossible de définir. Nous parlons sans nous entendre. Comment concevoir une immensité présente en tous lieux, une exis-tence sans commencement, une génération sans origine? autant de mystères impénétrables à notre intelligence. Nous en concevons la vérité; notre esprit s’en forme une idée confuse : faut-il l’expli-quer, la langue est muette. Un saint Paul lui-même reste impuissant; il ne fait plus que bégayer, obligé qu’il est d’emprunter de timides et ram-pantes comparaisons. Les mots de gloire, de puis-sauce, de majesté, viendront bien s’offrir à sa pen-sée , et se tracer sous sa plume ; mais la chose meme lui échappe. Le nom meme de Dieu n’est pas celui de son essence, parce qu’il n’est point dans le lan-gage humain de termes qui la puissent exprimer. Vous indiquez ses perfections, jamais sa na-turc (*).
(*) ddvers. Ληοιη. , tom. 1, pag. 4',S '/>'!. !ton». it, i1׳ E/jisl ad ilebr,,\. xrt Rend.. pag. 14, »־,
Qu’esl-ce que nous entendons par la gloire de Dieu? C’est son indépendance , c’est sa clémence et sa bonté; c’est sa Providence qui s’étend à tout. La gloire de Dieu : c’est qu’il réside au sein d’une lu-mière inaccessible; que sa nature est ineffable, quelle est immense, et quelle échappe à toute intelligence. Avec le prophète, nous chanterons sa puissance, sa force indomptable. Vous ferons écla-ter nos hymnes et nos louanges. Non pas, ô grand Dieu ! que vous ayez besoin de nos hommages ; c’est nous qui avons besoin de publier vos gran-deurs ; mais de les publier pour l’instruction de ceux avec qui nous vivons , pour réprimer l’inso-lente démence de ceux qui les contestent. Oui, tout est grand dans le Seigneur : grand est son pouvoir, grande est sa gloire, grande est sa majesté, telle-ment ineffable, que non seulement tout langage est incapable de l’exprimer, mais que toute intelligence est incapable de la concevoir. Pas une créature qui puisse bien la comprendre. Les Anges eux-mémes n’en sauraient embrasser toute l’étendue. Mais il est des esprits dépravés qui , ne pouvant La compren-dre, osent la nier. C’est pour les confondre ou les éclairer, que Dieu demande que l’on public hautement scs grandeurs. Le soleil est le plus éclatant de tous les astres; mais parce qu’il y a des aveugles qui ne jouissent pas de sa lumière, faut-il ne pas ce-lebre'r scs bienfaits (3)?
Extrait de l'Homélie sur le psaume xiii. ( Dixit insipiens in corde suo : non est Deux.)
Le fidèle serviteur qui entend dire du mal de son maître ne peut contenir son indignation, et !a fait éclater en proportion du sentiment qu’il lui porte; telle est la disposition du prophète à l’égard de l’homme à qui il entend proférer ces paroles : Il n'y a pas de Dieu. De son cœur, profondément blessé, s’est échappé à l’instant ce cri : L'insensé a dit.
Dans le psaume d’auparavant, le divin psalmiste venait de dire : Jusqu à quand ni oublierez-! >ous, Seigneur ? sera-ce pour toujours P jusqiia quand mon ennemi s'élèvera-t-il au-dessus de moiP Ce qui suit se lie immédiatement à ce qui précède. Le prophète n’a pu entendre sans indignation cl sans douleur-la créature insulter à son auteur , le vase de terre s’é-lever contre le potier qui l’a fait. Dans ]’athée qui outrage Dieu? il voit son propre ennemi , l’ennemi de tons les hommes, l’ennemi de ses prophètes ; son cœur en est vivement ulcère; nuit cl jour il senour-rit de cette pensée qui l’accable et le déchire. Dieu auroit-il oublié le monde, auroit-il abandonné la société tout entière, pour permettre qu’il y ait des hommes capables de porter la démence aussi loin ? Etre réduit à vivre avec de pareils monstres, quelle calamité.' et vous, mon Dieu, vous les laissez vivre (1).
(1) « L’impie vous défie avec impunité; il vous brave, il vous nie.O parole exécrable ! il vous brave , il respire encore , et il croit triompher de vous! O Dieu! , détournez loin de moi les effets de votre vengeance. ■· ( Vativc-nargues , Introd. à la connaissance de l'esprit humain, pag. 263. Paris, !:46.)
C’est ainsi que l’Apotre , se rencontrant à Athènes, se sentoil ému au-dedans de lui-mcme, en voyant que cette ville était livrée à l’idolâtrie.
L’insensé a dil dans son cœur : Il n’y a point de Dieu. Mais, s’il n’y a point de Dieu, comment donc existe ce qui vient après lui ? Il n’y a point de Dieu ? Eh ! comment existe ce qui n’existe que par lui ? 11 n’y a point de Dieu ! Comment donc le nom de Dieu se rencontre-t-il dans toutes les lamines? Elles seroient donc dans l’erreur toutes ces innombrables générations qui reconnaissent l’existence d’un Dieu; et l’insensé se croirait seul en possession delà vérité, lorsque seul il est dans le mensonge? Quoi ! dans les tribunaux humains, où la justice préside, il suffit de la déposition de cinq à six personnes pour donner au témoignage la force de la vérité, et pour anéantir toutes les oppositions; et l’impie voudrait tout seul prévaloir contre le témoijmaec du eenre humain tout entier? Folie criminelle, délire qui ne sauroit être surpassé que par celui dont il est le principe S’il y a de ]’extravagance à nier Dieu, c’est ]0 comble de l’impudence d’oser le dire. Les hommes ont pu se partager sur la nature de Dieu; jamais sur le prin-cipe fondamental de l’existence d’un Dieu.
Il n’y a pas de Dieu, a dit l’insensé dans son coeur. Il n’y a poinl'de fondement à l’édifice? comment donc v a-t-il un édifice? Concoit-on un vaisseau sans qu’il y ail un corps de bâtiment, un ouvrier qui l’ait fait? une maison, une ville sans architecte? une moisson, quand personne n’a ensemencé? uncon-cert, s’il n’y a point de musicien qui l’ordonne? Il n’y a point de Dion dont la providence règle l’uni-vers? Comment donc éclate dans toutes ses parties une Providence qui en soumet et en dirige les élé-monts divers ? Il n’y a point eu de statuaire? Voilà pourtant des hommes, statues organisées, jetées dans le monde. Personne qui s’entende à faire une voûte, à fabriquer un flambeau, à façonner l’or cl l’argent? Voilà pourtant sur nos teles la voûte du firmament; voilà, sur les lambris du ciel, un soleil dont ]0 disque d’or fait fc premier ornement de la salle du banquet; voilà, pour nous éclairer durant ]’obscurité des nuits, nu astre au front d’argent, des flambeaux étincelants de lumière, ceux-là dont le Prophète a dit : A celui-là qui seul a fait les grands corps de lumière y le soleil pour qu’ il préside au jour, et la lune pour qu’elle préside à la nuit. Eu un mot, il n’y auroit pas de créateur? comment donc existe-t-il des créatures dont l’admirable beauté at-teste l’existence du Dieu souverain qui les a faites ?
L’insensé a dit dans son cœur : Il n’y a point de Dieu. Tout ce qui se fait dans le monde , s’y trouve sous la dépendance d’une loi qui le soumet et le dé-termine; et le monde lui-même scroit le seul à qui il manquât un législateur ? Mais vous, si vous ne recon-noissez point de Dieu , que faites-vous dans l’empire de Dieu? Quoi ! vous êtes dans sa maison, et vous la prétendez sans maître ? Ou payez-lui votre loyer, faites-lui du moins quelques remercîments ; ou sortez du logis : vous l'infectez des vapeurs'dc vos blasphèmes.
Pourquoi ce nom à'insensé donné à l’impie? Le Prophète entend-il par là le dérangement d’esprit qui provient de la folie, de l’absence de la raison ct de ],intelligence commune à tous les hommes? Non(1); mais fausseté de jugement, travers d’esprit, manquc de celle sagesse qui fait la lumière de Fame et la règle des pensées, qui nous dirige dans la con-noissancc de cc qui est bon et honnête; celle dont Je livre des Proverbes a dit : Celui qui possède la sagesse s’aime lui-mème : et encore : Travaillez a acquérir la sagesse et la prudence. Voilà des oracles qui ne seroient pas sortis de la bouche d’un homme chez qui la première facullc de l’âme s’est dépravée ; en renonçant à scs lumières naturelles, il a perdu l'instrument de la sagesse : il n’est plus qu’un insensé·
(1) Eh pourquoi non ? « Qu’appelez-vous insensé dans le inonde? C’est un homme dont la constitution spirituelle , plus ou moins déréglée , dont les idées manquant de suite et de liaison ne peuvent être ramenées à l’ordre par le raisonnement. Or, etc.( Moiuhon, de la folie de l'alliée, Serin., pag. 7. ) L’argument est prouvé sans réplique.
Ce n’est point sa bouche qui a proféré ce langage : Il n’y a point de Dieu. C’est au fond de son cœur qu’il recèle son impiété (1). 11 se fait de son propre cœur un sanctuaire d'iniquité. Il se gardeioit bien . de l’exprimer au dehors; il auroit peur d’en être puni par le châtiment terrible auquel s’expose le blasphémateur, que la loi ancienne condamnait à être lapidé. S’il le disoit, il passeroit à bon droit pour un de ces malades dont l’aliénation d’esprit excite le mépris et la pitié, parce que l’on ne présume point d’intention à leurs discours, même les plus attentatoires à La majesté du prince ou de Dieu.
(1) « L’insensé a dit dans son cœur : Il n'y a point de Dieu. H l’a dit en son cœur , dit le saint prophète. Il a dit, non ce qu’il pense, mais cc qu’il désire; il n’a pas démenti sa connaissance ,niais il a confessé sou crime. Il voudrait qu’il n’y eût point de Dieu, parce qu’il voudrait qu’il n’y eût point de loi, ni de vérité. » ( Bossuet , Semi. , tom. vi, pag. 53. '1 « L’on trouvera sans doute fort mauvais (pic nous traitions les athées de fous et d< raisonnables , eux qui se piquent d’être les plus sages de leur siècle et de. leur espèce. Mais pourquoi ne pas le dire, puisque nous avons le pro-phète David pour garant? Richard Benlleÿ le démontre dans les .serinons que M. Jablonski a traduits en latin ; il montre très clairement la folie des athées, lesquels ayant été instruits cl élevés dans une religion qui leur en-soigne (pi’ils ont été crées de Dieu , et doués d’une âme spirituelle et im-mortelle, destinée à jouir des biens éternels, renoncent de gaîté de co ur à loutcsccs hautes espérances. » (Fischer, Traité de. l'athéisme, p. 157 , vol. in 8’. Amsterd., 1 760; Dubose, dans More. chois, des protestants, p. 6 ’!.)
Celui même qui est possédé du Démon n’est point censé blasphémateur.
L·'insensé a dit dans son cœur : Il n’y a point de , Dieu. Bien que Dieu soit partout, il n’est point dans le cœur de l’impie. Avec la même insolence que le Démon avoit osé dire autrefois : Je serai semblable au Très-Haut, il a dit qu’il n’y avoit pas de Dieu. Le Démon ne l’osa qu’une fois, et Dieu lui lit sentir à l’instant même le poids de sa vengeance. Chassé du ciel , il a été dégradé au-dessous des hommes, en punition de son orgueil. S’il ne le dit plus de sa propre bouche , il le répète par celle de ions ceux qui lui ressemblent. Il le disoit par la bouche de Pharaon, quand cc prince impie répondoit ■» Moïse : Je ne cannois point votre Dieu; et la mer fut son tombeau. Il le disoit par la bouche de Sennachérib l'Assyrien, quand il défioit Dieu de délivrer Ezéchias de ses mains; et ses propres en-unis lui préparoient des bourreaux. 11 le disoit par la bouche de Nabuchodonosor, quand il proléroit ces paroles : Qui est le Dieu qui vous puisse arracher d'entre mes mains? et, frappe aussitôt de la main de Dieu, il fut réduit à brouter comme le bœuf l’herbe des champs, pour apprendre que le bœuf sait reconnoitre ce meme maître qu’il avoit nié. Après que le traître Judas cul donne dans son cœur accès au Démon , il disoil, lui aussi, que Jésus n’étoit pas Dieu. Car s’il ]’eût regardé comme tel, auroit-il osé le trahir, cl porter les Juifs à le mettre à mort (*)?
(*) Tom. v Bened., pag. 557—5(50. Morel,Opusc., 1. ni, p. S35 et se״.
Gentius, Ilervet, et Fronton Du Duc ont publié eette homélie, comme étant de saint Jean Chrysostôme. Savill et nos savants Bénédictins Font renvoyée parmi les apocryphes, à cause des nombreuses interpolations qui s'y trouvent mêlés.
Dieu est de toute éternité. Voici , dit le Sei-gneur à Moïse, ce que vous répondrez à ceux qui vous demanderont quel est celui de qui vous tenez votre mission : Celui qui est m’a envoyé. Ce mot qui est marque que Dieu existe de tout temps ; qu’il n’a pas eu de commencement: qu’il est vé-ritablemcnt cl proprement existant de toute éternité (**)·
(**) Horn, xv in Joann., loin, vm Bened., pag. S ;. (Voyez le magnifique commentaire de ce mot, dans l’ouvrage de Fénelon, de l'existence de Dieu,.. pag. 3fi2 , édit. d’Aimé Martin. Paris . 1S1 ז . )
Dieu règne dans tous les siècles ; son empire s’étend à tous les âges. Il règne non pas seulement dans 1c temps du siècle présent, mais sur tous les temps à venir. Dans lui point de limites ; lien qui le borne; il est immense, il est infini. Son Essence, c’est l’éternité.
Dieu est Esprit; et ce n’est que par l’esprit qu’on ]>eut ]’atteindre. Dieu est lumière , Dieu est vérité, Dieu est justice ; il est éternel, immense ,־ infini , exempt de toute matière, libre de toutes limites, dégagé de toute imperfection son être, éternellement immuable , ni ne s’écoule , ni ne se change , ni ne se mesure (*).
(*)/« Plaint. cxi..v loin v Bened., pag. \~2.
Il ne faut apprendre à personne que Dieu est un Esprit qui ne peut tomber sous nos sens. Etre simple, incorporel, invisible, bien que présent partout, - sans mélange, sans forme. Nul n’a jamais vu Dieu , a dit le sublime évangéliste qui puisa sur le sein du Rédempteur les feux de l’ardente charité qu’il a répandus dans ses écrits. Dans quel sens les prophètes nous disent-ils avoir vu le Seigneur? Isaïe l’a vu assis sur un trône élevé. Un autre a entendu - sa voix exprimer ces paroles : Frappez sur le propi-tiatoire. Comment les concilier avec le texte de saint Jean? Celui-ci veut dire que jamais personne n’a eu une connaissance exacte de Dieu; ct les prophètes: Qu’ils en ont vu quelque ombre, quelque trace. Ea preuve, c’cstqu’ils ne l’ont vu que sous des images différentes ; ainsi que le Seigneur hti-mcinc le témoigne par la bouche tie l’un d’eux : J’ai multiplié les visions, et j'ai pris des formes pour me manifester aux prophètes. C’est-à-dire : je me suis accommodé à leur foiblesse ; mais la substance propre de Dieu, non , personne ne l’a jamais pu voir. Sa nature im-mortelle, bienheureuse, ne se découvre qu’aux yeux de la foi (4).
C’est uniquement dans ce sens que doivent s’en-tendre toutes les expressions, ou plutôt les simili-Indes qui nous représentent la Divinité avec des formes ou des passions humaines. Ainsi , quand vous entendez prêter à Dieu des sentiments de co-1ère et d’indignation , gardez-vous tic les prendre à la lettre, et de les interpréter dans une acception matérielle et humaine. Ce n’est ]à , encore une lois, qu’un langage figuré, par lequel la majesté di-vine daigne s’abaisser à notre laneaee, et descendre à laportéedes intelligences les plus grossières(1). C’est ce qui a lieu dans le commerce journalier. Toutes les fois que nous nous rencontrons avec des hommes peu civilisés , nous empruntons leur langage pour nous faire entendre d’eux. Le Seigneur dans les saintes Ecritures en fait autant , il considère , en nous parlant, moins sa propre dignité que l’intérêt de ceux à qui il s’adresse. Qu’il soit inaccessible à la colère j lui-même le déclare par la bouche de son prophète : Est-ce moi qu’ils irritent P ne se blessent-ils pas plutôt eux-mêmes P Non 7 il n’y a dans Dieu ni qolère , ni haine, ni passions. Mais c’étoit là le seul langage qui convînt à un peuple charnel comme l'étaient les Juifs. Il fallait parler à ses sens. Si l’on n’avoit pas appris aux hommes à craindre Dieu en lui prêtant des passions qui n’appartiennent qu’aux hommes, on les aurait laissés croire qu’il n’y a point de Providence qui gouverne le monde. Ils auraient vécu dans l’ignorance de Dieu : et que devenait le monde? On a dû commencer par les images sensibles avant d’en venir à des idées plus spirituelles. Une fois bien convaincu du dogme de l’existence de Dieu, bien que mêlé à des préjugés qui dérogent à la grandeur de son Etre , on viendra bientôt à bout d’en dépouiller la créance de tout ce qui l’altcre , de l’épurer, d’en parler d’une manière plus relevée , de la réduire à la notion d’une intclli-gence souveraine où il n’y a rien de corporel ; tandis qu’avec l’opinion qu’il n’y a point de Providence qui prenne intérêt aux choses de la terre , et par con-sequent qu’il n’y a point de Dieu : peu importe que la Divinité soit on non étrangère aux affections hu-maines. Or, que Dieu soit purement Esprit, nos saintes Ecritures le déclarent expressément : Je osée. m. y. suis Dieu et non pas un homme, dit le Seigneur lui-même par la bouche du prophète Osée. Je suis le ibid. Saint qui ai été adoré au milieu de vous, et je n'en-trerai point dans vos villes; pour indiquer qu’il n’est point limité par l’espace, à plus forte raison assu-jetti à nos passions de ]a terre, telles que sont la colère, la haine, l’indignation. Si la sagesse hu-inaine en défend ceux qui s’y appliquent, combien plus cette nature immortelle dont rien n’altère ni ne corrompt l’immortelle pureté !Ces expressions ne veulent dire autre chose sinon la justice de Dieu qui punit sans colère, comme le médecin qui porte dans la plaie le fer ou le feu pour retrancher dans son malade ce qu’il y a de vicieux. Est-ce colère, empor-tement? n’est-ce pas plutôt compassion et bien-veillance (*)?
(1) Bossuet : « Il importe de démêler soigneusement de l’idée que nous nous formons de Dieu tontes les imaginations humaines. Car noire foible entendement ne pouvant porter une idée si haute et si pure, attribue tou jouis quelque chose du nôtre à ce premier Etre. » ( Serm., 10m. v, pag. 20S. )
(*) In Psalm, vi , torn, v Bened., pag. 3y, 40. De lapso Eulrt'pio, tuin. ni, pag. 3(J2
Sur le psaume cxxxiv. Louez le nom du Seigneur, louez-le vous tous qui êtes ses serviteurs, vous qui êtes dans la maison du Seigneur, dans les parvis de la maison de notre Dieu, louez le Seigneur parce qu’il est bon (Vers. 1. 2. 5.).
De Prophète engage à donner au Seigneur ]e sacrifice de louanges. Je louerai le nom du Seigneur par des cantiques y et je le glorifierai par des actions de gi aces. Ce sacrifice sera plus agréable a Dieu que si je lui sacrifiais des bœufs et des jeunes veaux, qui poussent déjà des cornes et des ongles. David rap-pelle constamment sous les yeux de sa nation les cérémonies du culte que le Seigneur lui-mcme avoit ordonne dès les commencements de son alliance , pour couper court à l’impiété de l’idolâtrie ; près-crivant que ]’on se rassemblât dans un meme lieu pour vaquer aux exercices de fa religion, afin d’em-pécher que son peuple ne s’égarât en portant ses hommages à des forcis , à des fontaines , à des mou-tagnes, et scs sacrifices à de fausses divinités; ce qu’il avoit expressément défendu, sous peine de mort? par celte loi consignée dans le livre du Lévitique : « Tout homme de la maison d’Israël qui aura ·» immolé un bœuf ou un agneau, soit dans le camp, יי soit hors du camp, qui'ne l’aura point amené à » l'entrée du tabernacle du témoignage pour l'offrir» en sacrifice au Seigneur devant le tabernacle où >׳ il réside, sera traité comme s’il étoit coupable » d’homicide : il sera exterminé du milieu de son » peuple comme s’il avoit répandu le sang. » 11 in-vile à chanter des hymnes an Seigneur, pour entre-tenir la piété et la rccomioissance envers le Seigneur par le souvenir des événements passés ; il retrace à la mémoire de son peuple les prodiges qui avoient éclaté dans l’Egypte, au désert, dans la terre pro-mise, sur le mont Sinaï. Louez le Seigneur, parce qu’il est plein de bonté. Chantez des cantiques a son nom, parce que rien n’est si doux. 11 unit l’attrait du plaisir aux avantages que l’on en recueille. Quoi de plus utile, en effet, que ce saint exercice qui purifie lame, élève les pensées vers la majesté suprême, forme à la connaissance de la vraie doctrine , ouvre une école de philosophie qui embrasse le present et ]’avenir ! Car le Seigneur a choisi Jacob pour être à lui, il a pris Israël pour lui. appartenir en propre.
Combien il intéresse leur rccomioissance particulière en leur rappelant, non pas des bienfaits d’un ordre général, mais ceux dont ils avoient été l’objet spé-cial ! tels que celui d’avoir été choisis parle Seigneur pour cire son peuple de prédilection. C’est à quoi s’attachent tous les prophètes. Le Seigneur a pris Israël pour lui appartenir en propre, comme un hé-rilage qui lui soit personnel , sans s’arrêter à la me-diocrité de ce peuple, mais on considération des vues qu’il a sur lui, et des hommages particuliers qu’il en attend. C’est là sa richesse, son bien. Je reconnais que le Seigneur est grand. Quoi donc, n’v a-t-il que vous qui le rcconnoissicz? Non sans doute: mais personne mieux que le peuple qu’il s’est choisi. Sa majesté ne se découvre à personne, non pas dans sa plénitude, la chose n’est pas possible, mais avec, plus d’étendue, qu’aux regards des justes et de ceux qui, par leurs méditations, s’élèvent jusqu’à elle. Et que notre Dieu est au-dessus de tous les dieux. Est-ce que David veut établir quelque comparaison entre le Dieu d’Israël et les dieux des nations étran-gères? ce serait lui faire outrage. S’il fait ici quelque rapprochement, c’est pour ménager fatten-tiondu peuple à qui il parle. Mais commeil va rendre l’opposition plus sensible par le tableau des œuvres du Créateur ! Le Seigneur, ajoute-t-il, a fait tout ce qu’il a voulu dans le ciel et sur la terre, dans la mer et dans tous les abîmes. Reconnaissez une puissance sans bornes. C’est là le principe et la source de la vie, une force vraiment invincible, une grandeur a laquelle nulle autre ne saurait être comparée. Avec quelle autorité elle s’exerce !Nul obstacle qui • arrête. Quelle merveilleuse promptitude à se faire obéir! Il a fait tout ce qu'il a voulu. Où? dans le ciel et sur la terre. Non pas sur la terre seulement , mais dans le ciel ; non pas dans le ciel uniquement, mais sur la terre , mais dans h! mer et ses plus profonds abîmes. Creusez au fond des abîmes, élevez-vous par-dessus tous les cicux : partout éclate sa puissance: tout ce qu’il veut, il l’exécute sans travail, sans obstacle. 11 l’exécute par le seul acte de sa vo-lonté. 11 ordonne : tout obéit.
Le Prophète parcourt divers phénomènes de la nature, dont l’aspect amène naturellement à la pensée cl à la louange de leur divin auteur; puis il vient à l’histoire.
Il a frappé à moi t les premiers nés de l’Egypte. N’éloil-ce que pour venger les Hébreux de l’oppression où l’Egypte les retenait? C’étoit aussi.pour l’instruction de tous les peuples du monde, ainsi qu’il ]’avoit déclaré par ces paroles : car le dessein pour lequel jevous ai établi a été de faire éclater en tous ma puissance, et de rendre mon nom célèbre par toute la terre. Il l’a bien prouvé par la prédica-lion de ses Apôtres. A leur voix , le miracle opéré dans l’Egypte, s’est renouvelé pour tout ]’univers : l'Evangile a frappé à mort l’idolâtrie qui y régnoit en tons lieux. Alors meme que le Seigneur ne paraît s’occuper que de son peuple choisi , il n’aban-donne pas le gouvernement de l’univers. Déjà il avoit manifesté sa puissance par des prodiges de miséricorde envers les anciens patriarches : il le lait ״ ici par des prodiges de vengeance. L’Egyptien osoit l’accuser de faiblesse; il apprit, par une déplorable expérience, combien le Seigneur est le Dieu tout-puissant (5).
Qui dit Dieu, dit un océan infini de toutes per-fections. Tous scs attributs divins sont sans bornes et sans limites ; son immensité passe tous les lieux; son éternité domine sur tous les temps; les siècles ne sont rien devant lui. Si vous demandez ce qu’il est, il .est impossible qu’on vous réponde; il est, personne n’en peut douter, et c’est aussi tout ce qu’on peut en dire ; il n’est rien de ce que vous voyez, parce qu’il est le Dieu et le créateur de tout cc que vous voyez; il est tout ce que vous vovez, parce qu’il enferme tout dans son Essence in-finie.
S’il est quelqu'un qui ose se croire capable de parler de Dieu d’une manière digne de lui, et as-surer qu’il le connaît aussi-bien que l’on se connaît soi-méme, celui-là manifeste par là meme qu’il ne le connaît point du tout (6).
« Il faut connaître, avant toutes choses , que Dieu est incompréhensible et impénétrable , parce qu’il est parfait, et comme Tout, nous, comme partie, ne pouvons par conséquent le comprendre ; et c’est par là que nous apprenons à séparer de toutes les idées communes la très simple notion de ce premier être (*) ».
(*) Hom. 11 in Epist. ad Hebr., ton!, xir Bened. , pag. 1 ; ; Hom. v in F.pist ad Coloss., tom. xi Bened., pag. 36 r. De incomprehensibil. adeers. Ληοηι, passim., tom. 1 Bened, p. 448—464. Traduit par Bossuet, È/ev. et Serin., tom. v , pag. 2 10.
Homélies contre les Anoméens (1).
(1) Ou Ennomiens , du nom d’Eunomius, chef d'une secte arienne , que nous avons déjà vue combattue par saint Basile et par saint Grégoire de Nyssc. Le mot Anoméen , qui signifie dissemblable , leur senoit de l’o pinion où ils ëtoicntque le Fils et le Saint-Esprit différoient en tout du l’ère. Ils nioient la divinité du Verbe par ce principe : Que Dieu clan· une sub stance simple et indivisible, il ne pouvoit y avoir diverses personnes en Dieu. Les Anoméens avoient de plus (a prétention d’expliquer l'Essence divine, cl de la connaître aussi parfaitement qu’elle se commit elle-même.
?votre saint patriarche a combattu ces sectaires dans plusieurs eircon stances, tantôt directement , tantôt par occasion , à part, ou en les nu·-laut à d’autres infidèles. Ce fut à Antioche , vers le milieu de l’an 386 , et successivement, qu’il prononça ces homélies, au nombre de douze. Les cinq premières sont intitulées .־ De la nature incompréhensible de Dieu.
·׳ La première fut prononcée un jour de dimanche , en l'absence de 1 e vèque Flavicn, ·> (13. Ceilicr, tom. ix , pag, 4״; Montfauc., tom. xnt Oper. S. Chrrsosl..yas,. 10<>. )
Prononcée dans l’absence de Flavieu. L’évêque avait seul le droit d’annoncer au peuple la parole sainte. On savait que Flavian étoit absent ; mais on espérait que Chrysostôme parleroit : son évêque l’y avoitautorisé. li jnend son e.xordcdans la circonstance.
Que voyons-nous? nous n’avons point notre pas leur à notre tête; et son absence n’empêche point la bonne tenue du troupeau. C’est que le pasteur doit pourvoir en effet à ce que, loin de lui comme sous ses yeux, il ne survienne nul désordre dans la bergerie. Quand le pasteur s’éloigne, ce que le trou-peau (je parle d’animaux sans raison) a de mieux ?1 faire, c’est de se tenir enfermé dans son parc, sous peine de se disperser et d’aller s’égarer au loin. Mais vous, mes frères, sans vous embarrasser si le pasteur y éloitou non, vous n’en êtes pas moins sortis de vos maisons pour vous rendre seuls ct sans guide dans cette enceinte accoutumée. Mais non, vous n’y êtes point sans votre pasteur ; non , il n’est pas loin de vous. S’il n’est point présent de corps, du moins il l’est par ses affections : si ce n’est point sa personne, toujours est-ce son esprit qui vous a rassemblés. Et si quelque chose peut ajouter à mon admiration pour scs vertus, c’est la pensée de cette ferveur qu’il a su nous inspirer. On n’apprécie jamais mieux les talents d’un général qu’en voyant scs troupes en bon ordre , lorsqu’il lui arrive de n’èlre pas à leur tête. C’ctoil là l’honorable témoignage que l’Apotre ren-doit aux Philippiens, quand il leur écrivait : Mes très chers frères, comme, vous avez toujours été obéissants, ne l'ayant pas été seulement lorsque j,étais présent parmi vous, mais Pétant encore plus maintenant que j,en suis éloigné. Pourquoi ces paroles ? C’est-à-dire que le pasteur étant là , l’ennemi du troupeau a beau vouloir le harceler, il n?cn coûte pas beaucoup pour l’écarter du troupeau; taudis que s’il n’est point là pour le défendre, le combat de-vient plus redoutable pour les brebis. Dans ce cas, que le troupeau fasse bonne contenance, l'honneur lui en revient à lui seul ; mais dans le premier cas, la gloire de la défense est toute au pasteur. Tels sont les sentiments dont le nôtre est animé. Quelque part qu’il soit, ceux à qui il peut exprimer ces pensées ne sont pas plus présents à son esprit que vous qui êtes loin de sa personne. Je sais quelle est l’ardeur de sa charité ; je puis répondre de la tendre, de l’in vin-cible sollicitude que son cœur vous porte. Personne mieux que lui ne connaît les caractères de cette di-vine charité, la source féconde de tous les biens, sans laquelle tout le reste n’est rien. C’est elle qui fait les disciples du Seigneur, la vraie marque de ceux qui le servent ; c’est à elle que se reconnaissent ses Apôtres. C’est, dit-il lui-même, a celte marque que tout le monde connaîtra que tous êtes mes disciples י si tous avez de Γamour les uns pour les autres. Les autres dons nous viennent d’une grâce surnaturelle.
La charité veut le concours des efforts de l’homme. Ce qui décolle la vertu, ce sont moins les laveurs reçues d’en haut que celle qui est le résultat de nos sacrifices personnels. Aussi n’est-ce point même par les miracles, mais parla charité que Jésus-Christ nous déclare reconnoitre scs disciples. Avec elle on pos-sède la plénitude de la vertu ; sans elle on n’en a pas l’ombre. D’où vient que l'Apôtre en fait un si magm-fique éloge ; et tout éloquent qu’est saint Paul , il est bien loin encore d’avoir épuisé sa matière.
En effet, que pourriez-vous faire entrer en coin-paraison avec elle ? Elle est à elle seule la loi tout entière et tous les prophètes. Là où la charité man-que, il n’y a ni foi ni science, ni connoissancc des mystères, ni martyre meme, rien en un mot qui soit capable d’y suppléer. Je livrerais mon corps pour être brûlé, nous dit saint Paul, si je n’ai pas la charitéג cela ne nie servira de rien. Dans un autre endroit, pour nous faire voir qu’elle est le premier des biens, le principe de tout ce qu’il y.a de bien :
Les prophéties y dit-il, s’anéantiront ; les langues cesseront, la science sera abolie ; maintenant la joi, l’espérance et la charité demeurent, et ce sont trois choses; mais entre elles la charité est lapins excellente.
L’apôtre saint Paul nous déclare qu’un temps viendra où les prophéties et les langues seront abolies} où la science cessera. A cc sujet, se présente une question qui ne saurait être indifférente. Quelle est la science dont saint Paul annonce ici le futur anéantissement? Devons-nous être un jour con-damnés a perdre toute science, et à tomber dans une ignorance qui nous dégraderait au-dessous des animaux? L’Apôtre ne parle point de la science pleine, universelle; mais de cette science ébauchée, imparlaitc , que nous avons ici-bas, et qui sera changée dans une science complète. Comme l’eu-!?nee sc perd, non par ]’anéantissement de la sub-stance qui avoit lait l’enfant, niais par ]a succession dos années qui l’ont conduit à l’âge viril , ainsi en sera-t-il de la science. Cc ne sera plus une science foible et commencée, mais une science accrue, amenée à son perfectionnement. C’est ce qu’il explique dans ces termes : Ce que nous avons maintenant de science et de prophétie est très impar-fait ; mais quand le temps du. perfectionnement sera venu, alors tout ce qui est imparfait sera aboli. Il n’y aura donc de détruit que l’imperfection. Vous me demanderez quelle distance il y a entre la science que nous avons maintenant, et celle que nous aurons un jour? Autant qu’entre celle de ],enfant qui vient de naître, comparée à celle de ]’homme fait. Quand je n’étais , dit-il , qu’un enfant, je parlais en enfant} je raisonnais en enfant; maintenant que je suis homme, j’ai dépouillé tout ce qui tenait a l’enfance. A cette comparaison , il ajoute celle du miroir et de l’énigme, pour ex-primer la faiblesse et l’obscurité de nos connais-sauces. Je puis avoir quelque science, mais bornée et confuse. Par exemple, je sais que Dieu est par-lout, et tout entier dans chaque partie de l'Univers. Comment cela ? Je l’ignore. Je sais également qu i! est éternel, sans commencement, ni lin; mais mon intelligence ne va pas jusqu’à concevoir qu’il puisse v avoir un être qui ne tire son origine ni de lui-même, ni d’un autre. Je sais que le Fils e$t engendré du Père de toute éternité , que le Saint-Esprit procède du Père ; mais de quelle manière, je l'ignore.
Où sont donc ces hommes qui se vantent de 'posséder toute la science? Aveugles qui se sont pré-cipités dans un abîme d’ignorance ! Prétendre avoir dans ce monde une science complète, c’est renoncer à la science qui nous est promise dans l’autre, et se condamner au malheur de ne jamais rien savoir(1). Moi, si je reconnoiscombien le cercle de ma science (Fi ci-bas est étroit; si je déclare que ce peu que je sais sera lui-même détruit, c’est avec ]a certitude qu’un jour viendra où j’entrerai dans la science la plus parfaite; cl j’avance vers-cet heu-reux terme. L’Anoniéen, avec sa chimère de science absolue dès celle vie , n’est pas moins forcé de convenir qu’elle sera un jour réduite à rien; il perd donc tout à la fois ct le présent et l’avenir : le pré-senl? puisque cette science subira le sort des choses humaines; l’avenir, puisqu’il n’en est pas pour l’homme qui, dès à présent, se croit tout avoir. C’est donc une erreur aussi funest e que criminelle, de ne point se renfermer dans les bornes qu’il a plu à Dieu de nous prescrire de toute éternité, ainsi notre premier père, trompe par l’espoir du mieux, a perdu le bien qu’il possédoit. Ainsi voyons-nous souvent (pie l’amour du gain, en voulant acquérir davan-tage, non-seulement n’avance pas, mais recule; cl voilà les Anoméens. Ils prétendent posséder la science universelle, et perdent le peu qu’ils savent. Connaître, ainsi qu’ils le disent, toute l'Essence divine, c’est une démence qui se réfute aisément par les prophéties. Lisez nos écrivains sacrés. Aon-seulement vous les entendrez convenir de leur igno-rance à cet égard ; mais ce qui ne fait qu’une partie de l'Essence divine, la sagesse de Dieu, ils ne savent comment en exprimer toute l’étendue. Et quand ]es prophètes confessent leur impuissance sur ce seul point; quelle est la folie de ceux qui s’imaginent soumettre aux calculs de leur raison l'Essence de Dieu tout entière! Ecoutez David : Votre science est merveilleusement élevée au-dessus de moi. Je 71ous louerai, d mon Dieu, parce que 'notre grandeur a éclaté d’une manière terrible. Pourquoi ces mots : d'une manière terrible P Est-ce que le sentiment de l’admiration fut toujours ac-compagné de celui de la crainte? Par exemple : l’aspect d’un bel édifice, d’un portique orné de colonnes, dune belle peinture, des riches pré-sents de la nature, excite bien en nous une admi-ration calme ; mais a la vue d’une mer qui s’étend au loin, et de >cs abîmes sans fond , nous admirons avec frayeur. Ainsi le Prophète , en contemplant ! immense océan de la divine sagesse sc sent ébloui , confondu ; il recule, il s’écrie. abîmé à la lois dans l’admiration et dans la crainte : Je vous louerai, parce que votre grandeur a éclaté d’une manière terrible. Votre science me surpasse infini-ment, et je ne pourrai jamais y atteindre. A l’hu-milité se joint la reconnoissance : Je vous louerai, je vous rends grâces de ce que vous êtes pour moi un maître incompréhensible. Il n’est pas question ici de l'Essence divine. Le Prophète n’indique pas meme ce qu’il sait être impénétrable. 11 s’arrête à la seule pensée de l'immensité de Dieu, que l’on ne conteste pas, bien qu’il soit impossible de la comprendre. D’où vient qu’il ajoute : Si je monte au ciel? vous 7־ êtes ; si je descends dans les enfers , vous y êtes encore. Comment Dieu est-il présent partout? Le Prophète ne saurait l'expliquer. Mais il lui suffit d’y penser pour en être troublé, interdit, muet. N’cst-cc donc pas Je comble de la folie , que des hommes, si loin d’avoir reçu les mêmes lumières qu'un David , poussent Ja curiosité jusqu’à vouloir pénétrer l'Essence divine ? Toutefois c’est le même prophète qui a dit .־ Seigneur, vous m’avez révélé les secrets et les mystères de votre sagesse. Et ici , à l’occasion de cette même sagesse, il s’écrie qu’elle est immense, incompréhensible. Le Seigneur est vraiment grand ; sa puissance est infinie , et sa sagesse n'a point de bornes : c’cst-à-dire qu’il est impossible de la comprendre. Et vous, ce que le Pro-phèle reconnaît être au-dessus de ses forces, vous voulez l’expliquer! Sa sagesse surpasse toute intclli-gcncc ; sa grandeur n’a point de limites : et vous, vous osez en donner à son Essence !
(1) Massillon, Petit-Carême, pag. ;; et Pensèct. pig. 6t.
Après David, Isaïe, dans scs sublimes médita-lions, se demande qui racontera la génération divine ? Il ne dit pas : Qui est-ce qui nous racontera . mais qui racontera P prenant à défi jusqu’aux siècles à venir. \ avons encore si Paul, ce vase d’élection , cet apôtre privilégié, en a su davantage. Mais c’est lui qui nous a dit : Nous avons une partie de science et de. prophétie. (Je n’est pas seulement dans cet endroit, mais ailleurs encore, qu’il parle de la sorte. Ce n’est pas de l'Essence divine qu’il parlc; mais delà sagesse.
C’est à l’occasion de là Providence, envisagée non dans scs rapports avec l’universalité des êtres qui embrasse les Anges, les Archanges el les A crins célestes, mais dans ce qui concerne simplement le genre hu-main ; et encore ne soulève-t-il qu'un coin du rideau soirs lequel est cachée faction de cette même Pro־■ videncc, puisqu’il ne parle ni du mouvement des astres, ni delà nature des âmes et des corps . ni du gouvernement de l’univers : mais, bornant ses recherches au seul secret fie la réprobation des Juifs et de la vocation des Gentils ; frappé d étonne-ment, n apercevant <ρι une profonde!!! infinie, il s’écrie à haute voix : O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu! combien ses ju-gements sont impénétrables ! Il ne dit pas inconi-préhcnsibles, mais impénétrables ; or, s’il est im-possible de les pénétrer, à plus forte raison l’cst-il de les comprendre. Et ses voies impossibles à dé-couvrir. Ses voies sont impossibles à découvrir , et il seroit possible de le comprendre lui-mcmc! Et non-seulement scs voies , mais les récompenses memes qu’il nous promet. L’œil, dit-il, n’a point vu, l’oreille n’a pas entendu, l’esprit de l’homme n’a jamais conçu ce que Dieu a préparé pou7' ceux qui l'aiment. Les dons qu’il nous fait sont au-dessus de tout langage humain. Rendons grâces à Dieu , dit le meme apôtre, pour ses dons ineffables. Sa paix sur-passe tout se71timent. Quoi les jugements de Dieu sont impénétrables, ses voies impossibles à décou-vrir, sa paix surpasse tout sentiment, ses dons toute conception humaine, sa grandeur, sa science sont incommensurables, chacune de ses perfections est un abîme sans fonds , et son essence meme, vous v pourriez atteindre? 0 excès de folie et d’extravagancc !
Poursuivez l’hérétique , ne lui laissez nul moyen d’évasion ; presscz־lc. Qu’il vous réponde ce qu’en-hend l’Apotre par ces paroles : Nous connoissons en partie. Il ne s’agit pas ici, vous dira-t-il, de l'Essence de Dieu, mais de la dispensation de sa grace. Blais si la même il n’y a que ténèbres, à plus forte raison sur la question de l'Essence divine. Au reste, les termes qui suivent font voir manifestement qu’il ne s’agit point en cet endroit de la dispensation des graces, maisde Dieu meme ; car apresavoir dit : Nous connaissons en partie, et en partie nous devinons; il ajoute, a présent, je ne cannois qu’en partie, mais alors je connaîtrai comme je suis connu. Connu de qui? Nul doute que ce ne soit de Dieu; mais lui, comment le connoit-il? Seulement en pa rtie ; c’est-à-dÎre qu’il sait qu’il y a un Dieu, qu’il entrevoit ses sublimes perfections, mais qu’il rcconnoît l’im-puissance où il est de les embrasser dans leur eten-due et leur perfection (1).
(1) Fénelon a dit : ״ O mon Dieu, que vous êtes grand ! peu de pensées allcignenl jusqu’à vous, ci quand on a commence a vous concevoir, on ne peut vous exprimer. Les termes manquent.... Voilà , ό mon Dieu ! ce que ma foible connaissance me fait dire, 011 plutôt bégayer.»( Exist, de Dieu, pag. 3;6—3:8 , édit. d’Aimé Martin. Paris, 1811. )
Mais, laissant l’Apôtre cl le Prophète, trans-portons-nous, si vous voulez, dans le ciel -, et voyons si là meme il est des êtres qui commissent l'Essence de Dieu. H y en auroit, que l’on ne seroit pas en droit d’en rien inférer en faveur des habi-t ints de la terre, vu la distance qui sépare la nature de l’Ange de celle de l’homme. Ecoutons les celestes Intelligences : de quoi s’entretiennent - elles en-semble? De l'Essence deDieu?Non. Elles s’occupent de je glorifier, de l’adorer, de chanter ses louanges en tremblant. Les uns : Gloire a Dieu au plus haut des deux. Les antres , ce sont les Séraphins, célèbrent le Dieu trois fois saint; et, courbant leurs têtes, détournant leurs yeux, ils n’osent fixer leurs regards sur cette majesté redoutable , lors même qu’elle tempère les rayons de sa gloire. Quel contraste! quelle différence des Anges aux hommes ! Ceux-là glorifient le Seigneur, ils l'honorent, ils le servent, ils le bénissent, ils l’adorent; et les hommes , sans respect , sans reconnoissance , scrutent insolemment sa nature ; ils ont la té-mérité de vouloir approfondir ce qu’il ne leur est pas donné de connaître ; iis aiment à s’enfoncer dans leurs laborieuses et stériles recherches, pour ne rien apprendre de ce qui leur sera toujours caché. Qui ne gémirait pas de voir une aussi dé-raisonnable-folie !
Je me propose, avec la grâce du Seigneur, de reprendre une autre fois la même matière. Il y a déjà long-temps que je souhaitais de la discuter. Ce qui m’a retenu , ça été la présence d’un assez grand nombre de personnes attaquées de la maladie que je combats. J’appréhcndois de contrarier, par une agression directe , l'empressement qu’elles mettent à m’entendre. Mais aujourd’hui, rassuré par les instances qu’elles ont été les premières à me faire, e n'ai plus craint d’entrer en lice, et d \ paraître revêtu d’armes Lien propres à confondre les vaincs pensées des homines, à abaisser l’orgueil de la raison qui s’élève contre la science divine. Armes, an reste, qui ne blessent pas l'adversaire, mais qui le relèvent dans sa chute, le guérissent et le sau-vent.
On n’aura donc à nous reprocher ni aigreur, ni emportement. Nous serons modérés et pacifiques dans la dispute : il n’est rien de plus fort ni de plus efficace que la douceur et la modération. Saint Paul nous les recommande : Un serviteur de Dieu ne doit. pas , dit-il , se livrer à la contestation ; niais il doit être douse a l’égard de tous. 11 ne dit pas à l’égard des frères seulement, mais de tous sans exception.
L’homélie se termine par une exhortation sur le snj>-port mutuel. Avantages delà paix. Pardon des injures par l'exemple de Jésus-Christ (7)
homélie II contre les AnoMéEns.
Le saint prêtre Zacharie étant dans le temple, un Auge lui apparut, dont l’aspect inattendu le saisit d’effroi -, l'Ange, pour le rassurer, lui dit : Zacharie , ne craignez pas ; votre prière a été exaucée י et voilà qu’Elisabeth,, votre femme, enfautera. Quel rapport y a-t-i] entre ces paroles ?·Le voici : Zacharie prie pour le peuple , il demande à Dieu le pardon des péchés d’Israël. L’Ange lui répond que sa prière est exaucée ; et la preuve qu’il lui en donne , c’est la naissance de Jean. Vous voyez à présent la liaison entre la prière du saint piètre , et la promesse qu’il sera père de celui qui devoit crier : Voici l'Agneau de Dieu , qui vient effacer les péchés du monde. ?!lais que fait Zacharie à la question qui nous oc-cupe ? Vous allez l’apprendre ; vous reconnaîtrez qufil n’y a point d’excuse ni de pardon pour ceux qui cherchent, avec un sentiment de défiance, à ap-profondir les movens dont Dieu se sert pour l’accomplissement de scs oracles ; et qu’ils doivent être reçus avec une foi humble. Zacharie considère son age , ses cheveux blancs , son impuissance ; il sc rappelle que sa femme est stérile ; et, manquant de foi, il demande avec inquiétude comment la chose peut sc faire : Je suis d’un age si avancé, ma femme stérile n’est pas plus jeune que moi : A quoi donc connoilrai-je la vérité de ce que vous ]ne dites ? II semble que cette défiance soit bien pardonnable, vu les motifs sur quoi elle se fonde. Dieu n’en juge pas ainsi ; et certes, avec raison. Lorsque Dieu parle , plus d’objection permise ; les circonstances particu-Jièrcs, les lois de la nature, tout doit céder ; car, assurément, l’ordre de Dieu prévaut sur toutes ces considérations. Que faites-vous ô homme ? Dieu vous lait annoncer scs oracles ; vous vous repliez sur votre âge. Que fait l’âge au maître des temps? Vous objectez votre faiblesse naturelle. Eh ! que fait la nature à celui qui l’a créée? Ignorez-vous donc la puis-sauce de sa parole ; que c’est elle qui a fait les cicux, crée les Anges, posélesfondementsdela terre, donné l’être à tout ce qui existe ; et vous , vous demandez comment il pourra produire un foibic enfant , ct donner à un si petit corps le principe de son existcncc! Ce doute injurieux irrite l’Ange du Seigneur; ct, sans épargner la dignité sacerdotale, je dis plus, mesurant la sévérité du châtiment à la dignité elle-même, qui lui imposait le devoir d’une foi plus obéissante, Λ ous allez, lui dit-il, devenir muet, et vous ne pourrez plus parler jusqu’au, jour que ceci arrivera : voire langue , qui a manifesté votre incré-dulité, en porterale châtiment. La clémence de Dieu marche à côté de sa justice, λ olre incrédulité scia punie, mais au jour où s’accomplira ma promesse, alors votre châtiment cessera.
Quelle leçon pour les Anoméens Dieu ne pci -met pas que l’on sonde ses mystères avec curiosité. Zacharie est châtie pour avoir refusé de croire à la naissance d’un homme mortel : et vous qui cherchez vainement à pénétrer le secret de celle divine gêné-ration , où il n’y a rien d’humain, rien que d’inci-fable, tremblez à la menace du supplice inévitable qui vous attend. Zacharien’allirme rien de sa propre autorité ; ii ne fait que demander comment une chose peut s’exécuter : vous , vous prétendez cou-noître avec assurance ce que jamais personne ne verra , n’entendra et ne pourra comprendre. Quelle excuse pouvez-vous donc alléguer, ou plutôt quelle punition ne méritez-vous pas ?... A les en croire, ils connoîtroient Dieu, comme Dieu se connoît lui-meme ! ils osent s’en vanter. Faut-il combattre par le raisonnement une semblable impiété , et donner à la vérité l’air de problème en la discutant? Ne suffit-il pas à son triomphe d’exposer la doctrine qui la combat ? λ il-on jamais audace plus effrénée ? Vit-on plus monstrueuse impiété ? Conçois donc, malheureux, qui tu es, et jusqu’où lu portes la folle prétention ! Tu n’es qu’un homme ; et tu te crois la science de Dieu pour le connoîlre comme il se connoît lui-mème ! Lis dans ton propre nom le titre de ta démence et de ton néant. Homme, tu n’es que cendre cl poussière ; composé misérable de chair et de sang , herbe et fleur des champs, ombre, lamée, vanité, moins encore que tout cela. Ne m’accusez pas de ravaler à plaisir la nature de l’homme , et de charger les couleurs pour la dégra-der ; ce n’est pas moi qui parle , ce sont nos saints prophètes , éclairés par la lumière d’une saine phi-losophie. Ecoutez l’un d’eux : Je ne suis , dit Abraham , que cendre et poussière. Il avoit l'honneur de converser familièrement avec Dieu; et, bien loin de s’enorgueillir, il ne s’en croyoit que plus obligé à 1 humilité. Vous prétendez, vous, valoir mieux que les Anges eux-mémes ! vous vous opiniâtrez à son-der la nature de Dieu ! Savez-vous bien qu’il n’a point eu de commencement, qu’il n’est sujet à au-cime vicissitude, qu’il est un pur Esprit, incor-ruplible , présent partout; que sa grandeur n’a rien (fui l’égale,' et que toute créature rampe à ses pieds ? Il regarde la terre, elle tremble ; ce poids énorme , cette vaste terre , il suffit d’un regard de son maître pour la remuer et l’ébranler. Il touche les montagnes, et elles s’en vont en fumée ; il secoue le monde jusque dans ses fondements , et ses colonnes chancellent ; il commande à la mer et la met à sec ; il dit a l'abîme , tu seras changé en désert ; la mer l'apperçoit et s’enfuit ; le Jourdain remonte en arrière, es montagnes tressaillent et bondissent comme des agneaux. A son aspect, toute la nature s’agite, elle s’épouvante et frémit, proie à retomber dans son néant. Il n’y a que les hommes qui disputent, qui bravent, qui dédaignent, je ne dis pas le maître souverain , mais leur propre salut.
Nous les avons combattus dans notre précédent discours par l’exemple des Anges et des Chérubins; opposons-lcur aujourd’hui des témoins qui sont sous leurs yeux. Voyez-vous cc beau ciel si étendu , si magnifique, décoré d’étoiles sans nombre, le mémo, depuis cinq mille ans et plus qu’il a commencé, qu’il fut au momeiit de sa création , sans que le long cours des siècles ail rien altéré de sa première jeu-nesse; c’est Dieu ל ce Dieu dont votre fière raison veut interroger et réduire l'Essence à scs calculs étroits; c’est lui qui l’a déployé sur nos têtes en se jouant , lui qui Γγ tient suspendu comme une toile ' et comme un pavillon ; lui qui de rien a créé la terre et a. établi sa demeure au-delà, de ses révolutions. Ce magnifique ouvrage du ciel, ce globe du monde si vaste , peuplé de tant de nations diverses , et ces peuples innombrables qui l’habitent, ils ne sont, aux yeux du prophète Isaïe, qu’un néant, qu’une goutte d’eau , auprès de l’immense océan des gran-deurs divines.
Pour créer , et tout ce que nous voyons , et tout ce que nous ne voyons pas, il n’en a coûté à Dieu que de vouloir; et vous, foible atome, vous qui n’oc-ctipez qu’une si petite place dans cette goutte d’eau, vous osez vous mesurer avec Dieu :
O vous à qui s'adresse ce langage, répondez : vous ne rentrez pas en vous-même pour déposer votre er-reur ! vous ne vous sentez pas accablé sous le poids de la honte et du remords ; vous ne demandez pas à la terre do s’entr’ouvrir sons vos pas , pour châtier et engloutir dans ses abîmes cette arrogance sacri-loge, qui ose soumettre à vos conceptions bornées celui-là qu’il vous est permis seulement de glorifier et d adorer vous interrogez sa nature comme cello du pins vil de tous les êtres! Etonnez-vous, après cela que l’Apotre, éclairé d’une sagesse supérieure, réfléchissant sur l’excellence incomparable de Dieu, ct sur la bassesse de notre nature, se livre aux mou-vements de l’indignation qui l’enflamme contre une aussi téméraire curiosité, pour s’écrier : O homme, qui es-tu, pour contester avec Dieu P Qui donc es-tu? Commence par apprendre à mieux te connoître toi-même : tu ne trouveras nulle part d’ex-pression capable de rendre le peu que tu es.
Peut-être vous m’alléguerez la noblesse de votre origine, ct l’honorable privilège de la liberté dont vous jouissez. Oui, sans doute, vous êtes libre; mais est-ce pour vous mettre en révolte contre votre bien-faileur, plutôt que pour lui rester soumis? pour que vous le déshonoriez, plutôtque pour servir à sa gloire par l’hommage de votre dépendance? n’est-ce pas lui faire outrage que de chercher «à pénétrer son Essence ? Si on le glorifie, en déférant à scs pa-rôles sans les examiner , on manque au respect qui lui est du, en soumettant ?1 un interrogatoire, non pas seulement ce qu’il a dit, mais ce qu’il est. Dans quels termes l’Apotre a-t-il parlé d’Abraham ? comment nous vantc-t-il sa foi ct sa parfaite obéissance....? Voilà comment on honore le Seigneur, par une confiance ferme, inébranlable dans sa parole; et comment, par une conséquence con-traire , on outrage sa personne en disputant avec lui. Eh! (fui êtes-vous , encore une J bis , pour contester avec Dieu ? Aussi, voulant nous faire sen-tir , au moins par quelqu’approximation la dis-tance qu’il y a entre Dieu et l’homme , ΓApôtre emprunte cette figure: Le vase de terre dit-il à celui qui Va fait : Pourquoi ni avez-vous fait ainsi P Le potier u’a-t-il pas le pouvoir de faire de la même niasse d’argile un vase destiné a des usages honorables , et un autre destiné à des usages vils et honteux P Quoi , suis-je dans les mains de Dieu comme le vase dans celle du potier ? Oui , reprend saint Paul ; et il y a bien plus loin encore de l’homme à Dieu, que du vase au potier. Que si vous n’en croyez pas à cette comparaison , allez interroger les tombeaux de vos ancêtres, que vous répondront-ils? qu’ils ne contiennent qu’un peu de terre. Et à qui saint Paul adressoit-il ces paroles? à des hommes qui s’imaginoient pénétrer l'Essence de Dieu ? Non. Celte folie est nouvelle; mais simplement à des hommes curieux de connoître l’économie de ses desseins à l’égard de tels et tels: pourquoi celui-ci est-il })uni, cct autre récompensé, l’un assiégé par les chagrins, par les infirmités; l’autre ménagé plus ou moins. La preuve en est dans les paroles qui précèdent celles-ci : O homme } qui es-tu pour contester avec Dieu P Cette simple curiosité, saint Paul ne la permet pas, il la condamne ; à plus forte raison l'insolence qui voudroit dérober scs secrets à
celle divine nature qui pourvoit à tout et soumet tout à sa suprême domination ! Si je suis votre père, nous dit le Seigneur lui-même , par la bouche de son Prophète, cùest Γhonneur quetous me ren-dez ! et si vous me reconnaissez pour votre Seigneur, où est la crainte que vous me portez? Quand on craint, on ne dispute pas ; on respecte , on sert, on adore, on glorifie, on loue, on bénit : les Anges craignent et bénissent. Au lieu d’interroger Dieu , suivez plutôt le conseil de saint Paul : Nous ne connaissons rien qu’en partie ; contentez-vous delà por-lion de science (pic Dieu vous donne, sans aspirer dans ce monde à une connoissance plus relevée. Mes frères , ajoute-t-il, je ne crois pas avoir encore rien compris. Que dites-vous, ô saint Apôtre ? vous portez dans vous Jésus-Christ qui parle par votre bouche : et vous dites que vous ne croyez encore rien savoir. Eh ! c’est précisément Jésus-Christ, qui lui dicte ce langage. Je sais coque la foi m’enseigne sur les mystères de sa résurrection , de ses souffrances : mais parce qu’ils sont au-dessus des forces de la nature cl de la raison, ce n’est point la nature et la raison qui peuvent me les apprendre, mais la foi toute seule. Or , si la raison est impuissante pour nous faire concevoir le mystère de la résurrection, à plus forte raison celui de la divine génération. Elle échoue contre les objets qui sont le plus à la portée de nos sens ; et elle pretendroil expliquer les mystères qui en sont les plus éloi-gués ?
Quelle conduite tenir à l’égard de ceux que l’orgueil de leur esprit entraîne dans les coupables curiosités? les re-garder comme des gens qui ont perdu la raisoh. Toutefois ne leur parlez qu’avec douceur et humanité , de peur d’ir-ri ter le mal au lieu de le guérir; imitez à leur égard les mé-decins qui ne combattent les tumeurs du corps que par Pag. 46a. des applications douces. Mais , pour peu que l’on soit foi-ble , mal assuré dans sa foi , évitez tout commerce avec eux. Le médecin visite impunément ses malades; les autres courent risque de contracter des miasmes dangereux qui leur donnent la mort sans aucun profit pour les malades (8).
homélie iII contre les ANoméeNs.
Quand le jardinier diligent voit un arbre rebelle à la culture ne point rendre de fruits, et endommager le voisinage par l’ombre qu’il répand ou par l’extension de ses racinesil s’empresse de l’abattre. Il n’attend pas que le vent, par ses secousses impé-tueuses, vienne le renverser, et lui en épargner la peine. Nous l’avons au milieu de nous cet arbre stérile dont nous avons à faire justice. Je parle de l’hérésie des Anomécns. Prions le Seigneur qu’il nous donne la grace de sou Esprit, plus puissante que le souille de l'Aquilon , pour triompher de cette erreur malheureuse, cl nous faciliter notre travail. Eb ! quels fruits pourroil-on attendre d’une terre abandonnée, d’où il ne sort que de mauvaises herbes, que des ronces el des épines? Tels les Anoméens, dépourvus de la sève féconde que donnent nos saintes Ecritures, n’ont su produire qu’une doctrine malfaisante. Ce n’est point là l’arbre que saint Paul a planté, qu’Apollon a arrosé, que le Seigneur a fait croître. Ce qui la fait naître, c’est mie curiosité profane et témérairement ^raisonneuse ; c’est l’orgueil et l’arrogance qui en ont fourni les sues, l’amour d’une vaine gloire qui l’a étendu. Daigne l'Esprit Saint mettre dans notre bouche sa flamme pénétrante, qui le poursuive jusque dans ses racines pour le consumer! Adressons nos prières à ce divin Esprit qu’ils mécon-naissent, et que nous vénérons. C’est pour sa gloire que nous avons entrepris ce travail, ou plutôt c’est pour notre salut à nous-mêmes. Car Dieu est éga-lenient au-dessus de nos censures et de nos louanges. Ai les outrages du blasphémateur ne sauroient l’ai-teindre, ni les hommages de ceux qui le servent ajouter rien à sa grandeur. Seulement ceux qui le louent comme il le mérite, ou plutôt comme ils le peuvent, en recevront récompense, et ceux qui l'outragent s’attirent une ruine inévitable. Imprudents ! ils jettent en l’air une pierre qui retombe sur leur tête. Appelons - le donc l'Etre ineffable, au-dessus de toutes les compréhensions, invisible, inaccessible à tous les efforts de ]a pensée, à toute ]’éloquence du langage ; dont l’éclat le dérobe aux regards des Principautés et des Puissances, comme de tousles chœurs célestes, en un mot de tout ce qui - a été créé , et qui n’est connu que du Fils et du Saint-Esprit.
Je ne doute pas qu’ils ·ne m’accusent à mon tour de témérité de soutenir que les Anges eux-mêmes ne peuvent comprendre ]’Essence divine. Mais où est la témérité d’avancer qu’une nature aussi re-levée que celle du souverain Créateur surpasse l’in-tclligence des êtres qu’il a créés, ou de prétendre qu’une simple créature, qu’un ver de terre, que l’homme, cendre cl poussière, si loin de la perfection des Esprits célestes, puisse .néanmoins avoir des connaissances supérieures aux leurs? Si c’est moi qui en suis en effet coupable , je consens à en subir le reproche ; mais si j’ai raison d’affirmer que les Anges eux*mêmes ne pénètrent pas toute l’im-mensité de l'Essence divine, quand nos adversaires se vantent d’en avoir une perception claire et dis-tincte : quels abîmes assez profonds pour y ense-velir tant d’audace?
Entrons en matière, en commençant par nous armer de la prière. Souvent c’est dans la prière que l'on puise les arguments en faveur de la vérité qu’on veut établir implorons donc le secours du Roi des rois , Seigneur des seigneurs: qui seul possède Γimmortalité, et qui réside au sein d’une lumière inaccessible, que nul des hommes n’a vu, et ne peut voir, a qui appartient l’honneur et l’empire dans l'éternité. Amen.
Ce que vous venez d’entendre, ce n’est pas à moi qu’il appartient, mais à saint Paul. Et d’abord remarquez la piété et le zèle de l’Apotre. Toutes les fois qu’il a à parler de Dieu : avant d’aller plus loin, il joint à ce nom auguste le tribut de louanges qui lui sont ducs ; et certes avec raison. Car si le nom de l’homme juste ne doit, selon la pensée de Salomon , se retracer à la mémoire que pour y ré-veiller le souvenir des éloges qu’il mérite, combien plus ce nom sacré ne doit-il être prononcé qu’au milieu des bénédictions! Saint Paul n’y manque pas.
Revenons aux paroles que nous avons citées. Arrêtons-nous à celles-ci : Qui réside au seul d’une lumière inaccessible. Que veut-il dire par là? Demandcz-le ?1 l’hérétique. Prenez garde à la rigou-reuse exactitude de scs paroles : il ne dit pas que Dieu soit personnellement une lumière inacccs-sible ; mais qùil habite au sein (Γune lumière inac-cessible ; pour nous faire entendre combien il est impossible de l’approcher, puisque le séjour où il réside est lui-même inaccessible. Il ne se con-tente pas de l’appeler impénétrable; il va plus loin : il !appelle inaccessible. Quand, apres beaucoup de recherches et d’études, vous ne pouvez, parvenir à la connoissance de telle chose, vous dites qu’elle est incompréhensible, λ ous l’avez essayé du moins; mais quand, dès le prin-cipc meme, vous êtes repoussé invinciblement, vous prononcez qu’elle est inaccessible, parce que les dehors mêmes en sont défendus par une barrière impossible à franchir. On n’atteint pas le fond de la mer, mais on navigue sur ses ondes ; elle n’est donc pas inaccessible : la lumière que Dieu habite , on ne sauroit en approcher.
Oui, dites-vous, les hommes, mais non pas les Antres. Etes - vous donc un Ange? Vous compteriez-vous parmi les substances spirituelles? (^ue les Anges eux - mêmes n’en puissent approcher, c’est ce que nous apprend Isaïe : J'ai vu, dit cc prophète, ou plutôt l’Esprit Saint lui-même, qui par-loit par sa bouche, fai vil le Seigneur assis sur un trône élevé ; autour de lui se tenaient les Se-raphias portant six ailes; deux, dont ils voilaient leur face , deux, dont ils voilaient leurs pieds. Pourquoi ces ailes dont ils sont couverts, si cc n’est qu’ils ne peuvent résister à l’éclat de la lumière jaillissante de son trône? Et toutefois cc n’est là encore qu’une ombre de sa clarté immortelle. Dieu ne se montre pas dans sa vive Essence ; des yeux mortels non soutiendront pas les rayons. Aussi le prophète qui I a vu , ne l’a-t-il aperçu qu’assis sur son trône. Il a fallu epic Dieu daignât s’abaisser pour se laisser découvrir aux regards d’Isaïe ; et pourtant les Anges ipii l'environnent sont obliges de A’oiler leur face en sa présence. Esprits purs et subtils, d’une nature bien supérieure à notre nature, ils percent dans l’abîme de la divine incompréhensibilité bien plus avant que l’homme. C’est bien moins l’aveugle que celui qui voit, qui sent combien la lumière du so-leil est un phénomène inexplicable. Si donc le Prophète dit qu’il a vu le Seigneur, n’allez pas en conclure qu’il en ait découvert la divine Essence. Ses regards n’ont pu aller aussi loin que ceux du Chérubin; et quand celui-ci voile son front, com-ment l’homme pourrai t-il ici-bas se glorifier de le voir tel qu’il est ?
Et comment en seroit-il autrement à l’égard du souverain Etre, quand il n’est pas possible à l’homme de soutenir l’aspect meme d’un Ange, sans en être saisi d’une terreur qui lui ôte l’usage de ses sens.
Vous en avez la preuve dans l’histoire d’un ami de Dieu , du sage , du juste Daniel , d’une sainteté éprouvée. L’on ne dira donc pas que l’impression de frayeur qu’il ressentit dut être attribuée à des remords de conscience , mais qu’elle étoit le produit naturel de la fragilité humaine. Ce prophète, s’étant préparé par un long jeûne , fut honoré d’une vision. Comment raconte-t-il cet événement ' dyant levé les veux, je vis lould’un coup un homme velu de lin dont les reins étoient ceints d’une ceinture d’or très pur; son corps étoit comme la pierre de chrysolithe ; son visage brillait comme les éclairs ג et ses yeuxpa-rois soient une lampe ardente ; ses bras et tout le reste du corps jusqu’aux pieds étaient comme d’un airain étincelant, et le son de sa voix étoit comme le bruit d'une multitude d’hommes. Moi} Daniel, je vis seul (,cite vision, et ceux qui étoient avec moi 11e la virent point; mais au bruit de sa voix ils furent saisis d’horreur et d’épouvante} et ils s’enfuirent pour se cacher. Quant à moi, la vigueur de mon corps m’abandonna; mon visage / ut tout changé jusqu’à n’être pas reconnaissable ; et il ne me demeura au-cime force. La simple vue d’un Ange l’a pénétré d’une frayeur telle qu’en un moment sa brillante santé, qui éclatoit sur son visage, disparoît sous une pâleur mortelle. Eperdu, tremblant, il tombe pros-terné en terre, il faut que l’Ange relève ses forces abattues; et les paroles meme qu’il lui adresse le glacent d’une nom elle épouvante. Il succombe sous le poids de cette gloire subalterne qui l’accable, et son âme, prête à l’abandonner, semble chercher à s’échapper de son corps , ainsi que d’une prison où elle est à la gêne. Quelle leçon pour ces hommes qui veulent porter un reil curieux sur la majesté divine! Daniel, devant qui les lions oublioicnt leur férocité, Daniel , élevé par sa vertu et sa puissance au-dessus des forces humaines, ne peut soutenir l’aspect d’un Ange qui sc montre à lui sous l'apparence d’un homme semblable à lui ; et des boni-mes si fort au-dessous du mérite de ce grand pro-phctc, auroicnt la prétention de connoîlre à fond l'Essence de Dieu lui-même?
De la meme manière que Dieu s’étoil manifesté à Isaïe, il sc manifeste à Ezéchiel sur les bords d’un fleuve, hors des villes, dans une solitude paisible, oi'i l’esprit se recueille sans distraction, et puisse jouir du bienfait tie la vision céleste qui se coin-mimique. Alors même que Dieu s’abaisse pour se rapprocher de nous, un des rayons de sa gloire, bien qu’aifoibli, sudit pour opprimer toute intclli-gcncc créée.
Texte de la prophétie d’Ézéchiel. La description se 1er-mine par ces paroles remarquables : Telle fut cette image de la gloire du Seigneur ך qui me fut représentée; l'ayant vue fe tombai le vidage à terre (Ezech. 1. 4· »· ! ·)
Exhortation sur la prière :
Si la religion nous fait un devoir de prier pour les malades, pour les captifs condamnés aux mines, pour ceux qui gémissent dans l’esclavage, pour les energumènes, combien plus encore ne devons-nous pas le faire pour ceux que nous combattons ici !
Leur impiété les rend plus à plaindre que ceux memes que le Démon obsède; l’aliénation de ces derniers se pardonne parce qu’elle n’est pas volon-taire ; celle-ci est sans excuse.
Reproches adressés aux habitants d’Antioche , de ce que, après avoir entendu la prédication , ils quittaient l’église, au mépris des saints mystères qui alloienl v être célébrés. Nécessité d’assister aux offices publics (*).
(*;Tom. i Bened., pag. 461 — 471· Morel, tom. 1, pag. 316 et scq.
Vous avez vu les plus saints prophètes, à l’aspect de l’ombre seule delà majesté divine, rester muets, hors d’eux-mêmes, et prêts de mourir; colombes timides , qu’une épouvante soudaine jette dans une fuite précipitée; vous avez entendu l’Apotre nous parler d’une lumière inaccessible où Dieu se tient ! enfermé comme dans un sanctuaire impénétrable.
Ce n’est plus ici ni saint Paul ni les prophètes ; c’est un autre vase de justice et de sainteté, le fils dn tonnerre, le bien-aimé disciple de Jésus-Christ , qui reposa sur le sein du Maître, ct puisa à cette source divine les dogmes sacrés contenus dans son Evangile. Plus éclatante que le son de la trompette , sa voix confond à jamais ces recherches inquiètes et les réduit au silence : Personne, nous.dit-il, n’a jamais vu Dieu. Mais les prophètes affirmoient avoir un Seigneur ; Isaïe : Je Γaivu sur un trône élevé. Dan vu Daniel : j’ai vu l'ancien des jours assis sur son trône.
Michée, d’autres encore s’énoncent dans les mêmes termes. Quelle est donc la pensée de saint Jean ? La voici : Que personne n’a en jamais la connaissance pleine de l'Essence de Dieu. La preuve, c’cst qu’il ne se montrait à ces saints personnages qu’en figure , et lui-même le dit expressément par la bouche de l’un d’entre eux : J’ai multiplié les visions en prenant des formes diverses pour me manifester aux prophètes, afin de ménager leur faiblesse; Ainsi avoil-il dit à Moïse. Personne ne verra ma face, et ne vivra après l’avoir vue. Mais Dieu étant simple, dégagé de toute forme, il est donc clair que ceux à qui il a bien voulu se communiquer, n’ont pu aper-ccvoir que l’ombre de lui-même. La plénitude de son Essence n’a pu jamais être connue que de son Fils unique , seul assis à la droite de Dieu son père, seul engendre dans son sein de tonte éternité.
Tout ce qui concerne la divine Essence esl pleine-ment connu du Fils et du Saint-Esprit, et ne l’est d’aucun autre. Si Moïse avoit eu cette connaissance, comme il en avoit témoigné le désir, l’Apôtre saint Jean ne dirait pas que le Fils de Dieu est seul en pas-session de l’avoir. Qu’ils aient cette parfaite science , S. Jean révangélistcl’attestc du Fils, et l’apôtre saint Paul du Saint-Esprit. Ecoutez le fils du tonnerre , ce disciple si cher à son Maître, et que l’on dislin-guoit entre tous les autres par cet avantage, preuve de son éminente vertu; qui approchait de lui avec tant de liberté, qu’au jour de la Cène il se reposa sur sa poitrine sacrée : Personne , dit-il, n’a jamais eu Dieu; c’est-à-dire, ne l’a jamais connu parfaitement. Le Fils unique, qui est dans le sein de son Père, est celui qui nous a raconté ce qui en est. Jésus-Christ lui-méme l’a déclaré en semblables termes , Joann vr. 4G. lorsqu’il disoit au peuple juif: Personne n’a connu le Père ג si ce n’est celui qui est né de Dieu; car c’est celui-là qui a vu le Père.
Explication de ces paroles : Le Fils unique, qui est dans le sein de Dieu. Eternité du Verbe. Sa parfaite con-substantial!lé avec Dieu son Père. Exhortation à la prière. Sentiments profonds d’humilité qui doivent l’ac-compagner. Exhortation à la patience, par l’exemple de Job (*)·
(*)Tom. i Bened., pag. 471 — 479.· Alorel, Opusc.. t. 1, p. 327 cl s״*v.
Dans un autre de ses ouvrages , saint Chrysostôme s’exprime ainsi sur la même matière·
L’apôtre saint Paul, cc vase d’élection , parlant de l’incarnation du Verbe, et voulant nous faire connaître comment il étoit entré dans la conn ois-sauce de tous les secrets ineffables qu’il avait appris , s’exprime ainsi : La sagesse dont nous parlons est un mystère caché, et Dieu en a regie l ordre avant que les siècles commençassent pour nous conduire à la gloire. Il n’y a point eu de prince de ce siècle qui l’ait connue ; car s’ils en eussent eu connaissance } ils n’eussent jamais crucifié le Dieu de gloire. Mais Γ Ecriture nous enseigne que l’œil d’aucun homme n'a jamais tu, ni ses oreilles entendu, ni son es-prit imaginé ce que Dieu a destiné a ceux qui l’aiment.
Ditcs-nons dune, divin Pau] , comment l’avons-nous connu? qui nous a révélé et découvert des choses que personne n’a jamais vues ni entendues , cl qui ne sont entrees dans l’esprit de qui que ce soit? Apprcncz-nous qui est celui qui nous a apporte ici-bas la connoissance d’un si grand mystère. Dieu, dit-il, nous l'a révélé par son Esprit. Et de peur que l’on ne s’imaginât que le Saint-Esprit connoît seule-ment les choses que Dieu a daigné nous reveler par son moyen , et que pour le reste sa science n’en a point la parfaite et entière plénitude, il ajoute aussitôt après : Carie Saint-Esprit sait et pénètre toutes choses, même ce qu’il y a de plus profond dans les secrets de la Divinité, puisque, comme les pensées de l’homme ne sont connues que de l’esprit meme de l’homme qui les conçoit et qui est en lui, ainsi personne ne connoît parfaitement les mystères de Dieu, si ce n’est l’Es-prit de Dieu même. Quand donc il dit que personne ne connoît parfaitement les mystères de Dieu, si ce n est ΓEsprit de Dieu même, il exclut de cette science parfaite non-seulement tous les hommes de la terre, mais jusqu’aux plus hautes créatures du ciel (*)
(*) Ad cos qui scandatis. sunt. Morel, Opusc. , loin, v, pag. ;(52. Achexons pat- ce mot de notre grand évèqne de Meaux : « Cette profonde » pensée de ta liante incoinpiéhensibilité de Dieu , est une des causes pria-» cipales qui nous portent à l’adorer. Ce que nous conuoissonsde ses perfec-» tions, fait que notre cœur s’y attache comme à son souverain bien ; mais >> parce que c’est une abîme impénétrable, que nous ne pouvons sonder, « nous nous perdons à ses yeux , nous supprimons devant lui toutes nos ׳·pensées, nous nous contenions d’admirer de loin une si haute ma-» jesté, et nous nous laissons , pour ainsi dire ,engloutir par la grandeur ·· de sa gloire ; et c’est là adorer en vérité. « ( Serin., tom. v , pag. 21 /μ )
homélie v contre Les Anoméens.
L’auteur reproduit ]es mêmes arguments , répond à quelques objections des Anoméens, leur oppose les textes les plus décisifs, tirés particulièrement des Epîtres de saint Paul.
Voici les passages les plus considérables de cette homélie.
Plusieurs passages de l'Ecriture nous montrent que le nom de Dieu n’est pas plus auguste que celui de Seigneur, ni celui de Seigneur moins adorable que celui de Dieu. Le Père éternel est presque partout nommé Seigneur. Le Seigneur ton Dieu est le seul Seigneur. Dans un autre endroit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et ne serviras que lui seul.
Ailleurs encore : Notre Seigneur est grand, sa force est puissante, et sa sagesse est sans bornes. Qu ils sachent, s’écrie David , que son nom est le Seigneur. Les mêmes Ecritures appellent indifféremment du même nom le Père et le Fils, d’où nous devons conclure que le Fils est Dieu et Seigneur comme le Père.
Ne pouvoit-on pas objecter que cette doctrine impliquoit contradiction , ct que, reconnoitre une même Essence divine dans le Porc cl Ici'Us, c’éloit admettre la pluralité des dieux, ct s’exposer au re-proche fait aux païens de multiplier la Divinité? Pour prévenir l’objection, saint Paul insiste fortement sur l’unité de Dieu. « Encore, dit-il, qu’il y en ait, soit dans le ciel, soit sur la terre qui sont appelés dieux , et qu’en ce sens il y ait plusieurs dieux et plusieurs seigneurs, il n’y a néanmoins pour nous qu’un seul Dieu qui est le Père, de qui toutes choses procèdent ; et il n’y a qu’un Seigneur, qui est Jésus-Christ, par qui toutes choses ont été faites. » Il se sert du mot seul; de peur que les Gentils ne crussent qu il introduisoit la multiplicité des dieux. Mais quoiqu’il appelle le Père éternel le seul Dieu, il n’ôte pas au Fils la divinité, comme quand il appelle le Fils le seul Seigneur, il n’ôte pas au Père la domination. Il ménage la foiblessc des Gentils, et leur retranche toute occasion de scandale. Pour cette meme raison, les prophètes n’ont parlé que confusément aux Juifs du Fils de Dieu. A peine ils avaient renoncé ?1 la pluralité des Dieux ; et ils pouvaient retomber dans leur premier égarement s'ils eussent entendu pro-nonccr ces mots Dieu le Père et Dieu le Fils. Aussi ne voyez-vous autre chose danslcs prophètes, sinon : il y a un Dieu, ct il n’y a que lui qui soit Dieu, tic n’est pas à dire que le fils ne soit pas Dieu ; mais avant que d’établir le Fils et sa divinité, il fallait détruire ]a multitude des fabuleuses divinités.
Qu’est-il besoin d’alléguer les textes de l’Ecriturc pour réfuter un système ( celui des Anoméens) dont l’absurdité eut révolté les païens eux-mêmes? Citez-en un seul qui ait porté l’orgueil à un pa-reil excès de démence. Comment oser affirmer que l’on connoisse toute l'Essence divine, quand les philosophes qui traitent de la nature des esprits n’osent rien prononcer affirmativement, et se bornent à de simples ébauches, loin de vouloir les définir.
Quelle sera donc l’objection la plus spécieuse que nous fassent ces sages modernes? Vous ignorez, nous disent-ils, vous ne savez pas ce que vous adorez. Luc aussi pitoyable difficulté semblerait ne pas mériter de réponse, après tant de témoignages des Livres saints qui, en nous faisant connoître Dieu, nous apprennent que nous ne pouvons connoître toute l’immensité de sa nature (1). Mais, étrangers à toute espèce d’animosité, et animés du seul désir de leur conversion, entrons en discussion pour leur prouver où est l’ignorance. Non, ce n’est pas nous qu’il en faut accuser. De deux hommes, dont l'un soutiendrait que l’œil ne peut parcourir la vaste ('tendue du ciel, et l’autre prétendrait pouvoir le renfermer tout entier dans le creux de sa main, lequel, à votre avis, serait le moins ignorant? Le premier, sans doute. Ayons la meme idée de la majesté divine. Parler autrement, serait joindre l’ignorance à la démence. 11 nous suffit de savoir ([ne Dieu est, sans nous embarrasser de savoir quel il (,si, conformément à cette maxime de l'Apôtre , (pic, pour s’approcher de Dieu., il faut croire qu’il existe......
(1) Celte futile objection a été souvent renouvelée daus les écrits de la philosophie moderne ; elle J’avoit été d’une manière encore plus astucieuse par l’alliée célèbre Vanini, dans son livre intitule : slnipliitheatruiri Pro-vide,ilia׳. Saurin, entre autres, l’a victorieusement réfutée dans sou Serm. sur les profondeurs divines, loin. 1 , pag. 183.
Les Anoméens l'ondoient une de leurs objections sur le nom d'Esprit, que les docteurs chrétiens , d’après les Livres saints, donnaient à Dieu, dans ce sens, disoient-ils, qu’il étoit un Esprit resserre dans un espace déter-miné , comme l’âme humaine est unie au corps ; et parce qu’ils prétendaient coniioître le secret de cette union par la connaissance des opérations de l’âme sur le corps , ils inféraient de celte comparaison que l'Essence divine leur étoit également connue.
Notre saint docteur bat en ruines cet argument, par celle réponse :
Nous ignorons jusqu’à la nature de notre âme.
Nous ]’appelons de meme esprit; mais qu’on leur demande ce qu’elle est, feu, air, souille ou veut? ils sauront bien vous répondre qu’elle n’est rien de tout cela, parce que ce sont là des substances corporelles, et que Fame n’est pas un corps. Ils re-connaissent donc qu’ils ne la connaissent pas, et ils ont raison : ce que nous savons, c’est qu’elle anime notre corps. Comment? nous l’ignorons. En nous enfermant dans cette impénétrable obscurité, Dieu a voulu réprimer ]’essor d’une curiosité téméraire.
Quant au nom d’Esprit que ]’Ecriture donne à Dieu (1), pour peu que l’on connaisse le langage des Livres saints , on ne peut se méprendre sur le sens de ce mot. Dieu est esprit, nous dit son Evan-géliste? Est-ce là toute son Essence? C’est comme lorsque nous l’appelons feu dévorant, fontaine d’eau vive; ces expressions ne doivent pas s’entendre dans un sens littéral? mais au figuré, sous peine de don-ner dans les memes absurdités que ceux qui nous font ces puériles objections.
(1) ״ Dieu est un esprit. Un esprit ne sauroit être dans un lien, du moins selon la manière dont notre imagination se le représente. Dieu est un esprit. Quel rapport trouveriez vous entre la sagesse, la puissance, la miséricorde , el tous les autres attributs qui entrent dans la notion de la divinité et la nature du corps ? Subtilisez la matière, revètez-la de toutes les formes différentes dont elle est susceptible, élevez-la au plus haut degré où elle soit capable d’atteiudre , il n’en restera jamais que des figures et des mouvements, et jamais, par toutes ces combinaisons, vous ne pro-«luirez un seul sentiment, ni une seule pensée semblable à celle du plus vil et du plus borné de tons les hommes. Que si la matière, ne peut pas être le sujet d’une seule opération de l’àme d’un artisan, comment le seroit-elle de ces attributs qui font !'Essence de Dieu même. ·> ( Saurin, Serrn., 10:11. ri, pag. 60. )
Du moins, ne cessons pas île prier Dieu pour eux.
Nécessité, avantages et conditions du la prière. L'humilité en est la base. Exemple du pharisien et du pu-blicain de l’Evangile (9).
Les autres homélies , publiées sous le même titre , traitent de sujets divers.
Sur les paroles du Psalmistc : Vous qui êtes dans les cieux, louez le Seigneur, louez-le au plus haut du firmament. Anges du Seigneur, louez-le tous. Soleil et lune, étoiles brillantes, louez le Seigneur, etc.
Tel est le langage ordinaire de la religion, lorsqu’elle veut témoigner à Dieu son amour et sa rcconnoissance : elle emprunte des voix étrangères, qu’elle associe à scs sentiments, et les invite à s’unira elle pour payer ce commun tribut à l’auteur de toutes choses. Ainsi voyons-nous les trois jeunes Hébreux de la fournaise faire à tous ]es êtres créés un appel pour célébrer ensemble le bienfait qui lésa sauvés, et chanter des hymnes en l’honneur du Dieu qui les a si visiblement protégés. C’est là ce que fait ici le saint prophète David. Il s’adresse à toute la naturc, tant à celle qui est en rapport avec nos sens, qu’à celle qui n’est accessible qu’à notre seule intelligence. De même Isaïe : deux. s’e'cric-t-il, louez le Seigneur ; terre ; soyez dans l’allégresse , parce (pie le Seigneur a eu compassion de son peuple. \vant lui, notre divin Psalmisle metloit en mou-vcment et la maison d’Israël et la maison de Jacob , jusqu’aux montagnes et aux collines , qu’il fait bon-dir comme des agneaux pour chanter la sortie d’Egypte cl la délivrance de son peuple du milieu d’un peuple barbare. Convaincus comme ils l'étoient de ]’impuissance où nous sommes de célébrer di-׳moment les grandeurs de l'Eternel, ils cherchent de tous côtés de quoi suppléer à leur indigence.
Mais peut-être que de la distinction que nos livres saints établissent entre les créatures sensibles e! celles qui ne le sont pas, on voudra conclure, comme le font les Manichéens, qu’elles ne sont pas tontes sorties de la même main toute-puissante, et que chacune des deux au voit son créateur parti-culier. C’est pour cela qu’ils unissent les êtres hors de la portée de nos sens, Esprits purs, sublimes, dégagés de toute matière, et les êtres visibles et corporels, pour en faire un seul et même concert, où toutes les voix célèbrent unanimement leur commun aulcur. I ci est ici le dessein du prophète. Il commence par les premiers, qu’il invoque dans ces lermes : « Vcrtusducicl, \ngcsdu Seigneur,chœurs » divers des Esprits bienheureux, loucz-lc tous ! »On ne saurait mieux manifester son amour, qu’en expri-niant le désir de le voir loué par toutee que l’on aime, !lien de plus délicieux pour celui qui aime Dieu, que d’élever ses méditations vers les objets qu’il a cm-promts de l’éclat de sa gloire. Commençant déjà par ce qu’il y a de plus relevé, il poursuit la chaîne des êtres de la création : « Soleil et lune , étoiles » brillantes, louez le Seigneur. Quclescicux des » cieux, que les eaux qui sont au-dessus des cienx » louent le nom du Seigneur ; parce qui] a parlé , » et tout a été fait; il a commandé, et tout a été créé; il les a établis pour durer dans tous les » siècles; il en a donné l’ordre, qui sera immuable.» Remarquez que le Prophète, après n’avoir dit qu’un mot des êtres qui habitent le ciel, s’arrête avec complaisance sur ceux qui sont sous nos yeux, jusqu’à entrer dans un détail circonstancié. Pour quelle raison ? Parce que ceux-ci sont manifestes à tous les yeux. Ainsi, dans la description qu’il nous a faite de la création , Moïse omet tout ce qui con-cerne les célestes intelligences, et borne son récit à l’histoire de la naissance du soleil, de la lune, des plantes, des animaux qui peuplent la terre, et des eaux, pour finir par celle de l’homme. Mais pourquoi faire intervenir ces substances diverses dans la louange qu’il sollicite pour le Créateur? Des substances inanimées ont-elles une voix ? sont-elles douées d’intelligence pour concevoir ou pourexpri-nier un sentiment ? C’est qu’il y a deux sortes de langages : celui qui s’énonce par le discours, et celui qui se prononce par les conséquences que la vue des objets produit, indépendamment de celui <p1i résulte de l’exemple que donnent les actions. Or, ce n’est pas seulement par la parole, c’est par le silence même que nous pouvons glorifier Dieu. C’est dans ce sens que Jésus-Christ disoit à scs apôtres · Que votre lumière luise devant les hommes, afin que, voyant vos bonnes œuvres, ils en rendent gloire à votre Père qui est dans les deux. Il y a un langage éloquent, exprimé par les créatures muettes, comme quand David dit : Les deux racontent la gloire de Dieu, et le firmament publie [,ouvrage de ses mains. Langage qui se manifeste dans les créatures par leur beauté, leur position , leur grandeur, leur nature, les usages à quoi elles servent, les services quelles rendent, le temps de leur durée, les bienfaits qui en éma-neut. Lors donc que vous avez entendu ces mots : « Anges, vertus, armées du ciel, soleil, » astres brillants , vous aussi , eaux qui êtes au-dessus descieux; » comprenez que ce sont là autant de créatures toutes resplendissantes de la sagesse du Créateur qui les a produites; autant de témoins de son souverain pouvoir ; vraiment bonnes . ainsi que Moïse s’empresse de le déclarer des le début de son histoire, comme servant à glorifier le Seigneur , et portant les hommes à reconnoitre en elles le su-blimc auteur dont elles sont l’ouvragc.
L’éloge qui ressortit de leur voix, c’est la beauté que vous y voyez éclater, et qui produit dans votre bouche l’accent de l’admiration et de la reconnais-sauce; c’est ce magnifique spectacle qui, des objets visibles et palpables à vos sens, vous élève aux perfec-lions invisibles de Dieu, sa puissance éternelle et sa divinité. Pour en conclure qu’ils ont un Créateur, et qu’ils ne sont point l’œuvre du hasard, il suffit d’avoir des yeux pour les voir. S’il étoit au monde quelqu’un qui en doutât, je me contenterais de lui répondre par ces paroles du Prophète, lesquelles démontrent péremptoirement cette suite île vé-rités : qu’il y a un Dieu Créateur ; qu’il a tout lait de rien, qu’il l’a fait sans travail, qu’il soutient et conserve tout ce qu’il a fait. Vous le trouvez dans· cette parole : Il a dit, comme le témoigne l’Apotre par ces paroles : Celui qui ranime les morts, et qui appelle ce qui n’est point comme ce qui est, pour in-diquer la docilité avec laquelle tout obéit à son commandement. Que le meme pouvoir soutienne ce que lui sen] a pu créer, c’est encore ce que nous ap-prend la suite de notre texte : qu’il les a établies pour durer dans tous les siècles, qu’il en a donné l’ordre qui sera immuable. L’opération de parler, de commander, ne vous coûte que de le vouloir; avec la meme facilité, Dieu commande, et le néant obéit,־ il veut, et tout demeure. Que dis-je? il en coûte bien moins à Dieu d’agir, qu’à l’homme de parler. Rien au monde qui puisse exprimer eette promptitude d’exécution avec laquelle s’opère tout ce qu’il commande. Ce qui lui mérite toute notre admiration, ce n’est pas seulement le soin avec lequel il gouverne ct conserve tout, enchaînant la nature à des lois fixes et invariables ; c’est bien plus encore cette permanence qui les maintient à travers les siècles dans l’ordre ]c plus régulier. Ainsi , depuis que les choses ont commencé d’être, nul dépérissement, nulle confusion. La mer ne fran-ebit point son rivage pour inonder la terre, le soleil ne se détache point de son orbite pour em-braser le monde, le firmament n’a pas cessé de déployer les mêmes aspects, ni le jour de succéder à la nuit, ni les saisons de partager l’année. Tout se maintient avec la plus rigoureuse exactitude dans l’ordre qui lui fut assigné.
Refutation du manichéisme. Apologie de la Provi-dence. Rien de mauvais ni d’inutile dans la création. Devoir de la reconnaissance envers le sublime auteur de tant de merveilles (*).
(*) Tom. v Bi-nctl., pag. .׳tSy—4y;.
fontes les fois donc que vous levez les yeux . et tpie vous considérez la beauté , la grandeur du ciel , les services qu’il vous prodigue, remontez jusqu’au Créateur; c’est le conseil que le Sage nous donne : La grandeur et la beauté de la créature peuvent, dit-il , faire connoitre et rendre en quelque sorte visible le Créateur. Que la considération de ces simples éléments palpables à vos regards vous fasse coin-prendre combien est immense, combien est au-dessus de tontes nos conceptions la puissance qui a fait tant d’autres substances que vous ne voyez pas : les lésions innombrables des Anges, des Archanges, des Vertus du ciel, des Thrônes, des Dominations , des Chérubins cl des Séraphins. Que si le divin psal-miste, prophète sublime, favorisé de si hautes ré-vélations, à qui plusieurs des secrets de la sagesse divineavoient été découverts, ne peut que s’écrier :
Oh ! combien vos œuvres sont magnifiques י ô mon Dieu, vous avez tout fait avec sagesse, que pour-rions-nous dire, nous, cendre et poussière, que pouvons-nous faire autre chose que nous prosterner et nous anéantir en présence de l’ineffable libéralité du Dieu créateur? (*)
(*)!loin. iv in cap. 1 Genes., ton:. n Bened., pag. 27 , 23.
Tout ce que je puis dire de vous , ô mon Dieu! c’est que vous êtes !,admirable, d’autant plus admirable qu’il m’est impossible d’embrasser toute l’étendue de votre nature. Foyer de lumière que j’admire, par cela même que je ne puis le comprendre ; océan immense dont j’ignore la vaste capacité, et dont la grandeur me confond d’autant plus qu’il m’est im-possible de la mesurer. Vouloir définir son immen-sité? ce seroit la méconnoître. Nous ne la connais-.sons que parce que nous ne pouvons la déterminer ; et l’aveu de notre ignorance est le plus bel hommagc que nous puissions lui rendre (*)
(*) In Psalm, cxxxvin , Morel, Opusc., torn, in, pag. 456—4%.
Dieu est partout, excepté dans le cœur de l’im-pie (**).
(**) Homel, in Genes. x1x;in Psalm, v, tom. v, pag. 33.
Où fuirai-je, ô mon Dieu ! pour être loin de vous? Vous remplissez tous les lieux du monde. Présent par tout , vous êtes à La fois sur chacun des points de ce vaste univers. Où irai-je, demande votre Prophète, pour me cacher à votre Esprit, et où fuirai-je pour me dérober a votre vue? L’Esprit, la vue de Dieu, c’est Dieu lui-même. Et quand le divin Psalmiste a parcouru dans sa pensée et ce qu’il y a de plus élevé et ce qu’il y a de plus bas , tous les espaces les plus reculés comme tous ]es abîmes les })lus profonds , il s’écrie : Vous êtes présent par-tout. 1! ne dit pas : Quelque pan que j’aille, vous y viendrez après moi; non : vous m’y aviez devancé, vous y étiez ; c’étoit votre main qui m’y avoit con-duit, votre main qui m’y soutenoit (***) (1).
(***) Expos, in ps. cxxxvm , tom. v Bened. , pag. 412.
(1) Les conséquences de la présence de Dieu sont développés dans tons lesdiscours à ce sujet. ( Voyez lloudry , Bihholh., tom. vu, pag. 470 cl suiv. ) « L’Esprilinfini est présent en tout lieu : 1° par une science sans bornes; 2e par une Influence générale; 3° par une direction universelle. Et dans quel sens concevons-nous que l'Esprit infini est présent partout? Les bornes de nos eonnoissances sont si étroites, notre sphère est si res-serrée, nous avons si peu d’idçe des Esprits, meme de nos esprits propres, à plus forte raison de celui qui donne l’être à tous les autres, qu’il n’y a au-eun génie dans le inonde qui, après les plus grands efforts de meditation, puisse vous dire : Voilà jusqu’où s’étendent les attributs de Dieu; voilà une idée complète de son immensité et de sa toute présence. » ( Saurin, sur l’immensité de Dieu , Serm., tom. ri, pag. 67. )
Dieu n’est dans aucun lieu détermine, il est par-tout. La raison humaine ne sauroit embrasser cctie immensité. Dieu n’a point pris naissance, il ne s’est pas fait lui-même, il n’a reçu l’être de personne ; il n’a pas eu de commencement (*).
(*) Horn, v in Epist. ad Colos., tom. xi Bened., pag. 361. « Il est ; ne lui cherchons point d’autres noms; il est: il a en lui-même son origine ; il est, et il n’a pas été fait, et il ne peut non plus perdre de ce qu’il est, que perdre l’être lui-même, etc. « (Molinier, Mystères, t. vni, p. 362,363.)
De l’unité de Dieu. Crime et extravagance de l’idolâtrie.
Oui adore plusieurs dieux n’en adoreaucun (1). La femme qui se donne à plusieurs maris n’en a pas du tout. C’est ce que Jésus-Christ répondoit à la Santa-vilaine : Vous avez eu cinq maris, et celui que vous avez maintenant n’est point votre mari. Reconnoitre plusieurs divinités , c’est méconnoître le seul Dieu véritable. Saint Paul le déclaroit aux Ephésiens :
(1) « S’il y avoit plus d’un seul Dieu , il y en auroil une infinité. S’il y en ;.voit une infinité, il n’y en auroit point.» (Bossuet, Élév. sur les mystères, torn, x , Collect, in-4" , pa״. -. )
Souvenez-vous} leur écrivait-il, qu’étant Gentils par votre origine, vous étiez alors étrangers à l’égard des alliances, sans aucune espérance des biens pro-mis, et sans Dieu en cè monde. N’avoient-ils pas leurs simulacres, leurs temples, leur Diane, leur troupeau de divinités? Comment dire qu’ils fussent sans Dieu ? C’est pour cela même que l’Apotre parle ainsi. Parce qu’ils en avoient une foule, ils n’en avoient pas du tout (10).
Parce que la grandeur de Dieu est telle qu’elle échappe à notre intelligence , n’allons pas chercher, dans l’impuissance où nous sommes d'en comprendre le mystère, un prétexte à l’incrédulité. Ce fut là l’erreur qui égara les Gentils. S’abandonnantà leurs vaines imaginations , et sortant des bornes où notre ignorance nous enchaîne, ils excédèrent ]a mesure des sentiments légitimes dus à la Divinité, et don-nèrent dans tous les excès de la superstition. L’ad-miration qu’ils donnaient à l'ouvrage leur fil perdre de vue l’ouvrier (1). S’il étoit moins admirable, nous répondent-ils ,י nous ne le reconnaîtrions pas pour Dieu. Le plus beau privilège que Dieu ait fait à l’homme, leur raison, qui les mettait au premier rang des créatures, s’est oubliée au point de faire des dieux des plus vils animaux ; par là elle s’est dégradée, dit le Prophète, jusqu’à tomber au-dessous des bêtes(11).
(1) « A force d’admirer la beauté et l’éclat des ouvrages de Dieu, il le» prirent pour Dieu même ; les astres qui ne paraissaient que pourannou-eer sa gloire aux hommes, devinrent eux-mêmes leurs divinités. Ils of-frirent des vœux et des hommages au soleil, à la lune et à toute la milice dn ciel, qui nepouvoit ni les entendre, ni les recevoir. Telle fut la nais-sauce d’un culte impie et superstitieux , qui infecta tout l'univers. ״ ( Nias-sillon . Paraphr. du Ps. xvm , pag. 2ρζ ;Bossuet, Oise. siirPlJist. unis·-pag. 1 76 ־. l'Jee., torn. X, pag. 125.
Nous sommes bien loin, nous, d’une semblable erreur. Nous nous gardons bien d’accorder à d’au-très qu’à Dieu les honneurs divins. Pourtant n’avons-nous pas les memes veux pour contempler le monde et scs magnificences? N’en recevons-nous pas les memes impressions , nous qui foulons sous nos pieds la meme terre, et jouissons, comme les païens, des memes bienfaits qu’elle prodigue;'! tons? Pourquoi donc n’en tirons-nous pas les mêmes couse-quences ? Sans entrer dans toutes les raisons dc.cctle différence ,·. nous dirons : que Dieu avoit prévu cet égarement , et que? voulant empêcher les hommes d’y tomber, sa sagesse a mêlé à dessein à ce grand et magnifique ouvrage de nombreux témoignages de sa foiblessc et de sa corruption. C’est ce qu’ex-prime le Prophète, forsque s’adressant à Dieu : Sei-gnetir, dit-il, vous avez dès.le commencement fondé la terre, et les deux sont l’ouvrage de vos mains ; ils périront j mais vous subsistez dans toute l’éternité, ils vieilliront tous comme un vêtement·, vous les changerez comme un habit dont on se couvre, et Ht seront en effet changés. Ce soleil de qui David célèbre avec pompe la marche triomphale, il a ses défaillances et ses éclipses , présages do sa future dissolution. C'est lui, nous dit-on , qui féconde les plantes dont l’homme se nourrit. Mais il n’est pas le seul. Mais avec ses rayons ne faut-il pas aussi le concours de la terre, de la rosée, des pluies et des vents, des sai-sons favorables? sans quoi la chaleur de cet astre seroit en pure perle. 11 n’en est pas ainsi de Dieu : il ne lui faut point pour faire ce qu’il veut un se-cours étranger. Absolu, indépendant, il commanda, et la terre produisit tous les germes. Les éléments ne font qu’obéir à sa voix. A sa parole, la manne tombe du ciel pour nourrir les Juifs dans le désert. Ce soleil qui, pour produire, a besoin de rencontrer des éléments étrangers, ne lui faut-il pas à lui-même des auxiliaires, un ciel où il fournisse sa carrière, un air pur et serein à travers lequel ses rayons dar-dent jusqu’à nous’, des pluies et des nuages pour amortir l’excès de sa chaleur ? Mais s’il étoit Dieu , ne seroit-il pas indépendant ? Direz-vous du soleil ce que nos prophètes nous ont appris à dire de Dieu : qu’il h’a besoin de rien, qu’il se suffit à lui-même; <p1e de lui viennent tous les biens qui se répandent sur tous les hommes ; qu’il ne trouve nul obstacle a l’exécution de scs volontés ?
En parcourant les déments divers, nous remar-querions partout ]a mémo dépendance ; tous ont besoin les uns des autres ; tous présentent les mêmes signes de foiblessc et de corruption. Ce que nous avons dit du soleil, nous le pouvons appliquer au monde tout entier. Tonies les choses qui ont été créées, nous dit l'Apôtre. appartiennent a la vanité , à la corruption. Tel est l’ordre établi par le Créateur.
Destinées au service de l’homme corruptible , elles ne pouvoient être elles-mêmes exemptes de la corruption ; toutefois avec cette différence que les au-très créatures mourront tout entières, et que l’homme ne mourra que pour renaître à la gloire des enfants de Dieu (12).
C’est le Démon qui fut le père de l’idolâtrie. Elle commença le jour où il persuada à nos premiers pa-rents qu’ils allaient devenir comme des dieux. Insensé qui n’a trouvé que trop de disciples! Lui-même il avoit voulu s’égaler à Dieu quand il avait dit : J'élèverai mon trône par-dessus les nuées, et je serai semblable au Très-Haute Chassé du paradis ce prince de l’orgueil n’a plus osé dire qu’il n’y avait· plus de Dieu; mais il souille sa révolte dans le cœur de ses disciples, et leur fait tenir son langage impie, entraînant dans sa corruption et dans son châtiment ceux qu’il associe à son apostasie (13).
Sur les Actes des Apôtres. ( Ch. xxvii, vers. 16 et suiv. )
( Analyse et extraits. )
Pendant que Paul attendait les frères à Athènes, il se sentait ému au-dedans de lui-même , en 'voyant que cette ville étoit livrée a l’idolâtrie. Il avait bien raison de l’être; car nulle ville ne contenait un aussi grand nombre d’idoles. Il parlait donc dans la syna-gogue avec les Juifs, et avec tous ceux qui crai-gnoient Dieu, et tous les jours sur la place avec ceux qui s’y rencontraient, répondant à ceux de sa nation qui lui reprochoient d’avoir quitté Je culte de ses pères. Nous ne voyons point que les philosophes dont Athènes étoit peuplée aient témoigné du mé-pris pour sa personne : c’est que lui-meme n’avoit dans son langage point de morgue qui les repoussât ; bien qu’ils ne comprissent rien à sa doctrine. Eh ! coin ment auroil-il pu la persuader à des hommes dont les uns ne connoissoicnt Dieu que sous nue image corporelle, et les autres faisoient consister le bon-heur dans les plaisirs des sens? Il y eut aussi quel-ques philosophes épicuriens et stoïciens qui conversé-rent avec lui.... Ils le prirent et le menèrent à ?Aréopage en lui disant : Pouvons-nous savoir de vous quelle est cette nouvelle doctrine que vous publiez?
Saint Paul a Athènes. li est conduira l'Aréopage. C’étoit le lieu où se rasscmbloicnt les habitants de celle villeג soit pour y rendre les jugements, soit pour y traiter diverses questions. L’Apôtre donc étant au milieu de l'Aréopage : Seigneurs Aihéniens, leur dit-il , il nie semble que vous êtes religieux jus-qu’a l’excès. Pour s’en faire écouler, il ne leur adresse point de paroles désobligeantes; c’est 1m éloge plutôt qu’un reproche. Comme je regardois en passant les statues de vos dieux[ 11 ne dit pas : des Démons que vous adorez sous le nom de Dieu ], ],ai trouvé un autel où étoit écrit : Au Dieu inconnu. Pourquoi celte inscription, Au Dieu inconnu (1 )? La gcntilité adoroit une infinité de dieux, ou plutôt de démons sous le nom de divinités; car, a dit le Prohète, les dieux des nations ne sont que des démons. Elle avoit les dieux du pays, les dieux étrangers. Quel opprobre fait à la Divinité ! Quelle dérision sa-crilége ! Si c’est un Dieu, peut-il être étranger? Car qui dit Dieu, dit le Seigneur de l’univers. Ils en avoient qui leur venaient les uns de traditions du pays, les autres de contrées diverses, de la Scythie, delà Thrace, de l’Egypte. Si vous étiez eu-rieux d’érudition profane, il ne me seroit pas difficile d’en produire l’histoire sous vos yeux. Ce n’étoit pas assez pour eux d’admettre indifféremment tontes sortes de divinités à qui ils décernaient leurs h0mmages; de peur d’en oublier quelqu’un , ils avoient dressé un autel en l’honneur d’un Dieu qu’ils ne connoissoient pas; et c’est précisément celui-là que saint Paul annonce; celui qu’il vient prêcher, c’est Jésus-Christ, c’est le Dieu de l’univers. Ils n’auront pas à lui objecter , comme ils faisoient auparavant , qu’il prêchoit une divinité nouvelle : Dieu qui a fait le monde et tout ce qui est dans le monde י étant le Seigneur du ciel et de la terre. Par ce seul mot, il a renversé la doctrine d’Épicure avec son système du monde existant par lui-même avec ses atomes , et l’école des Stoïciens, avec leur âme universelle répandue dans le corps de l’univers. Le ciel et la terre, tout ce qui existe est l'œuvre de Dieu. Ce que les derniers d’entre le peuple savent aujourd’hui, ces beaux génies d’Athènes , ces sages de ]a Grèce 1 ignoraient. Saint Paul leur apprenti que tout fut crée, qu’il y a donc un Dieu créateur, et que le meme Dieu qui créa le monde en est le Seigneur souverain. A ,habite point dans des temples bâtis par les mains des hommes ; c’est le cœur qu’il veut pour sanctuaire. Dieu est un esprit; le culte qu’il de-mande est un culte spirituel. Quoi donc? n’habitoit-il pas le te mplc de Jérusalem ? par sa majesté , oui ; non par une présence corporelle. Ilnest point ho-noiepar des ouvrages de la main des hommes, comme s il avoit besoin de quelque créature. L’Essence divine est absolument indépendante. Lui qui donne à tous la vie, la respiration et toutes choses. Non-seulement il est indépendant de sa nature, mais de lui dépend tout ce qui respire. Comparez avec cette théologie tout ce que Platon , Epicure ct les autres ont dit de la Divinité : combien tous ces philosophes sont petits auprès de saint Paul ! Il donne a tous la vie et la respiration. L’âme humaine n’est donc pas une portion de la nature divine comme l’ont rêvé quel-ques philosophes. Dieu n’est pas un tout qui se par-tage. L’ànie est faite et tellement faite qu’elle n’est rien de la nature divine; elle n’est, comme tout le reste , qu’une simple création produite par celui qui a tout fait. C’est lia qui a fait naître d'un seul toute la race des hommes pour habiter toute la terre.
(1)Ce qui est marqué efttre les deux crochets est tiré de l'homélie s;n te commencement du Livre (tes actes, qu’on lisoït à la léte de la Pentecôte. ׳ loin, ni Bened., pa66 .״. )
Le paganisme ignorait cette sublime philosophie. stjant déterminé les temps précis et les bornes de leur demeure dans le monde, afin qu’ils cherchassent Dieu y et qu’ils tâchassent de le trouver. Le monde ne lut donc pas éternel, puisqu’il a commencé au moment que le Créateur avoit marqué pour sa nais-sauce. L’Apôtre leur fait assez entendre combien ils s’étoient rendus coupables d’avoir négligé de chercher Dieu , qui se montrait à leurs yeux avec tant d’éclat, dans les œuvres de sa toute-puissance toujours présentes à tous les regards. Voilà pourquoi il ajoute : Quoi qu’il ne soit pas loin de chacun de nous. Il n’étoit donc pas si difficile de le trouver, étant si près de nous par l’immensité de son être, qui embrasse tout. Que c’est en lui que nous avons la vie, le mouvement et l’etre. De même qu’il est impossible d’ignorer l’air qui circule autour de nous, et notre substance, ainsi étoit-il impossible d’ignorer le Créateur universel. Saint Paul ne s’est pas borné ?1 dire :C’est par lui, par sa puissance que nous avons la vie , le mouvement et l’être ; non : mais c’est en lui, attestant par là non-seulement que tout sort immédiatement de sa main, mais que sa Providence conserve, qu’elle anime et soutient tousles êtres qu’il a créés. Vérité sensible que le paganisme lui-même avoit reconnue , puisque, ajoute Γ Apôtre, un de dos poètes (Ara tus) λ dit : Nous sommes la race de Dieu meme. Mais il le disoit, lui et tous les Grecs, d’un Jupiter, homme exécrable transformé en di-vinilé , rendant par là, sans le savoir, hommage au vrai Dieu qu’ils adoraient sans le connaître. Saint Paul, qui le connoît, s’appuie de leur propre témoi-gnagc pour leur apprendre quel il est. Puis donc que nous sommes la race de Dieu } nous ne devons pas croire que la Divinité soit semblable a de l’or, à de l’argent ou à des pierres dont l'art et l’industrie des hommes a fait des figures. Quand il eût etc vrai que quelques esprits moins grossiers parmi les païens eussent eu de la Divinité une idée plus noble, tou-jours étoit-cc là la religion de la multitude, et c’est la ce que réfute 1 Apôtre. L’homme lui-même , sous le rapport de lame et de l'intelligence, vaut mieux que cette matière inanimée : à plus Ibrtc raison Dieu. Comment 1 art et !industrie humaine pourroient-ils représenter la Divinité par des figures , quand l'imagination elle-même n’en saurait venir à bout ?Tant la nature divine est au-dessus des irn-pressions des sens cl des perceptions de l’esprit !]fais Dieu ayant laisse passer et comme dissimulé ces temps d ignorance, fait maintenant annoncer à tous les hommes et en tous lieux qu’ils fassent péni-tence. S’il les dissimule , est-ce pour les laisser im-punis : Aon, sans doute; mais ce n’est pas cela dont il s agit. Que ceux a qui il parle fassent pénitence ; qu’ils abjurent une ignorance plus on moins volon-taire, cen est assez pour échapper à la condamna-tion. Parce qu’il a. arreté un jour où il doit juger le monde selon sa justice, par celui qu’il a destiné a en être le Juge. La pluralité des dieux du paganisme est foudroyée ; l’unité du seul Dieu véritable est vengée par le jugement qui doit s’exercer à l’égard de tout l’univers ; et par qui? par celui qui est des-tiné à eu être le Juge. La preuve ? Il l'a donnée a tous les hommes en le ressuscitant d’entre les morts. Le seul fait de la résurrection est un argument qui démontre toutes les antres vérités (*).
(*)Tom. ix Bened., pag. 286—292.
Livré à tous les travers d’esprit de ses philosophes et aux imaginations déréglées de ses poètes, le pa-ganisme ne connoissoit d’autre culte que celui de scs idoles de bois et de pierre. Dogme, morale, tout étoit également corrompu. Nulle notion légitime du vrai, de l’honnête et de l’utile; et les mœurs n’étoient pas moins criminelles que la doctrine. Que pouvoit-on attendre autre chose de peuples qui voyaient leurs dieux se plaire à tout ce qu’il y avoit de plus infâme, des dieux dont le culte ne consistait qu’en des pa-roles obscènes et des actions encore plus obscènes et plus impudiques ; des dieux qu’il falloit honorer par des sacrifices impurs, par de honteuses dissolutions, par des meurtres et des assassinats (**).
(**)Horn, vm in Joann., tom. vm Bened. , pag. 53 ; Bossuet, Dise., pag. 3;o ; Moliuier, Mystères , tom. vit! , pag. 369 ; Massillon , Semi, leur le jour de A'oèl, Mvent , pag. 305 , 306.
Dieu nous a donné le soleil pour être le flambeau qui nous éclaire. Qui est-ce qui adore un flambeau?
Que la lumière du soleil disparoisse à nos regards, on y supplée par un flambeau. Tombez-vous aux pieds de ce flambeau comme à ceux du soleil ? Ce que j’adore, dites-vous, c’est le feu, qui en est le principe. O folie, ridicule autant qu’elle est extravagante ! Ce feu que vous adorez , vous l’éteignez -, vous détruisez votre Dieu , vous l’anéantissez. Ce feu dont vous vous faites une divinité, pourquoi ne le laissez-vous pas prendre à votre maison ? Pour-quoi ne lui donnez-vous pas votre corps plutôt que de l’huile pour aliment; ne le mêlez-vous pas à vos greniers, à vos trésors, à ces riches étoffes d’or et de soie qui servent à vous couvrir? Vous vous en gardez bien; car, du moment où quelque parcelle de votre Dieu vient à y pénétrer, que d’efforts pour l’en chasser, pour l’empêcher de se répandre , pour l’étouffer! Quelles clameurs, quelles désolations! l’aspect d’une bête féroce ne vous semble pas d’un plus sinistre augure» Moi aussi j’ai mon Dieu, mais un Dieu dont je ne crains pas qu’il vienne me visiter de trop près, un Dieu de qui la présence est pour moi une félicité telle que j’aspire à le posséder, non pas seulement dans ma maison, mais jusque dans mon cœur.
Le feu est bon sans doute pour usage, oui, non comme culte. Il m’est donné pour mon service et mes besoins, non pour que j’en sois le tributaire ct l’esclave. Il est fait pour moi, je n’ai pas été fait pour lui. Il est l’ouvrage de Dieu; il n’est point Dieu lui-même.
Mais le soleil ! j’en fais mon Dieu , dites-vous , à eause de l’éclatante lumière qu’il répand. Quoi ! un Dieu dont un simple nuage triomphe, un Dieu qui a ses éclipses , et dont la lumière est interceptée par d’autres corps qui ne le valent pas ! Mais un Dieu doit pouvoir se suffire à lui-même. J1 11’a besoin de rien ; à celui-ci il faut un air subtil que ses rayons pénètrent; car malheur à lui s’il vient à rencontrer un brouillard épais. Il faut que sa chaleur soit tem-perce par les vapeurs qui s’élèvent du sein des eaux, sous peine de se voir réduire tout en cendres.
Voilà, vous écriez-vous, la preuve de sa divinité? Ce pouvoir, capable de tout embraser, c’est là ce que j’adore.
L’étrange divinité que celle qui, pour faire du mal, n’a besoin que d’elle-mcnie, et qui, pour faire du bien, appelle des auxiliaires! Ce qui fait l’es-sence de la Divinité , c’est de faire du bien. Quelle soit malfaisante de sa nature, je ne la reconnais plus. Dieu , en créant le soleil pour l’homme , lui a donné ce double caractère de magnificence pour attester son divin auteur, de faiblesse pour empê-cher qu’on n’y vît rien de plus qu’une simple créa-lure. —Mais c’est lui qui fait naître les plantes et féconde les semences. —Autant en direz-vous de la terre, de la pluie, du lumier, de tous les instruments propres à l’agriculture, au jardinage, qui n’y contribuent pas moins que Je soleil. Faites-en donc autant de dieux. Avec de telles croyances, faut-il s’étonner que les Gentils aient donné dans tous les monstrueux excès que saint Paul leur reproche. Ils en devenoient l’immédiate conséquence. Le dé-lire de l’esprit amenoil nécessairement la corruption du cœur. On ne pouvoit mieux adorer des dieux infâmes qu’en les imitant(14).
Dieu avoit donné à l’homme, dès le commence-mont, la connoissancc de son être. Comment? Parce que} flit saint Paul, il avoit manifesté a son intelligence tout ce que Von peut coïinoître de la divine Essence ; et le paganisme l’a méconnu. Ce n’est encore là qu’une pensée,־ où en est la preuve? Nous vous la demandons, ô saint Apôtre ! Est-ce que Dieu en personne s’éloit fait entendre à lui du haut de son trône? Non. Mais en exposant sous ses yeux, comme il l’a fait, le spectacle de la création, il a fait ressortir du magnifique tableau de ses mer-veilles une voix non moins puissante qui appeloil le savant et l’ignorant, le Scythe et le Barbare, à la reconnoissance du Dieu créateur (1). Car ce quily a d’invisible en Dieu , est devenu visible depuis la création du monde , par la connaissance que ses créatures nous en donnent. Que pourront-ils donc alléguer au jour du dernier jugement? Qu’ils n’a-voient pas connu Dieu? Quoi ! leur sera-t-il ré-pondu , vous n’avez pas entendu le langage éloquent que le ciel faisait retentir ? Vous n’avez pas en-tendu la sublime harmonie cpii résultait de l’ac-cord de tous les êtres, de l’ordre régulier des saisons, de toutes les parties de l'univers enchaî-nées l’une à l’autre par des lois qu’elles ne savent pas franchir, de toute cette belle nature proclamant son auteur, dont Γ éternelle puissance et la divinité éclatent dans ses ouvrages? N’aviez-vous pas des yeux pourvoirles magnificences du firmament, le miracle journalier de la succession invariable du jour et de la nuit? le calme de la mer et ses tempêtes, la bravante agitation de ses eaux, étoit-ce là un spectacle muet? ou plutôt la nature tout entière !l'employait- elle pas des milliers de voix pour pu-blier le Dieu qui l’a faite ? en sorte que vous êtes inexcusables de ]’avoir ignoré? Qu’ils s’en prennent à leur ingratitude , non à leur ignorance; parce que, ajoute l’Apotre, ayant connu Dieu י ils ne l'ont point glorifié comme Dieu, et ne lui ont point rendu grâces. Voilà le premier crime; un autre, c’est leur idolâtrie. Appliquons-leur ce que .Jérémie disoit aux Juifs : Ce peuple a commis deux grands péchés: il m'a délaissé, moi qui suis la fontaine d’eau vive; et il s’est creusé des citernes entrouvertes. Us se sont abandonnés aux vainc* pensées de leur esprit, et, ce qui en est devenu la déplorable conséquence , ils se sont évanouis dans leurs trompeurs raisonnements, et leur cœur insensé a été couvert de ténèbres. Lorsque, durant une nuit obscure, on s’est égaré dans un sentier étranger, non-seulement on s’éloigne du but, mais on /expose à mille dangers. C’est ]à l’image de ces hommes qui, peut-être entrés d’abord dans le chemin qui mène au ciel, écartant de leurs yeux le !lambeau qui pouvait seul les guider , ct s’enve-loppant dans leurs ténébreuses pensées, ont donné tête baissée dans les écueils. Ils se croyaient être des sages j et ils n’ont montré que folie; ils ont prêté un corps au Dieu qui est tout Esprit , et changé la gloire du Dieu incorruptible en la figure d’images corruptibles d’hommes et d’animaux. Cri-minels dans leur égarement de n’avoir pas découvert le Dieu véritable , qui se montrait à eux sous les traits les plus palpables; d’avoir eu l’orgueil de s’appeler sages; d’avoir transporté le culte qui n’est du qu’à Dieu à des Démons ct ?1 des natures inani-niées. Dieu, pour les eu punir, les a livrés aux désirs de leurs cœurs, à tous les vices de l’impureté , en sorte qu’en s’y plongeant, ils ont déshonoré eux-mêmes leurs propres corps. L’impiété entraîne la violation et l’oubli de tonies les lois. Dieu leur avait donne le monde tant entier pour précepteur, il leur avoit donné un esprit capable d’en entendre les le-cons; ils ont abusé de ces bienfaits , pour s’en faire des instruments de mort. 11 a châtié leur orgueil en les abandonnant aux plus ridicules imagina-tions, leur impiété en les livrant aux plus monstrueux dérèglements. Ainsi un roi, justement irrité contre son fils, qu’il verrait, oubliant la noblesse de sa royale extraction, s’adonner au commerce d’hommes décriés par la violence ou Je scandale de leur conduite, le livrerait à ses coupables peu-chants et aux téméraires expériences de son propre délire, bien assuré qu’il ne peut avoir d’ennemi plus redoutable que lui-méme (*).
(1)Lel’. de Neuville, sur la grandeur de Dieu, Carême., lom. n, pag. /(SS : Alolinicr, Scrm. chais. , tom. vu!, pag. 336; Samin , Serin. , tom. 11, pag. g5.
(*) Honiil in in Epist. ad Rom., loin. 1.x Bened., |>ag. 449 SC(I· Morel, Aw. Testam. , loin, n , pag. 32. Massillon , Paraphrase du ps. xvnt, pag. 2<)6.
Ce qui rend le crime de l’idolâtrie inexcusable, dans la doctrine de saint Paul, c’est qu’avec la pos-sibilité de connoître le Créateur par scs créatures, les hommes ont transféré à leurs idoles de bois ou de pierre l’honneur qui n’est dû qu’à Dieu setd. Us ont agi comme feroit un domestique infidèle qui cm-ploierait à de criminelles débauches les trésors que son maître lui aurait confiés pour les faire servir à sa gloire. Us ont retenu la vérité captive, et déshonoré la connoissance qu’ils avoient de la divinité. Egarés dans leurs vains raisonnements, ils ont marche à tâtons dans une nuit sombre, pour avoir fui La lumière qui se découvrait à eux de toutes parts. Cc fut là l’erreur des sages de la Grèce , et la source des divisions qui partageaient leurs écoles. Aristote combattait Platon. Survenaient les stoïciens, qui se soulevaient à leur tour contre Aristote, et ne s'entendaient pas mieux entre eux. Leur sagesse si vantée n’a été qu’une folie réelle. Transférer à des créatures quelles qu’elles soient l’honneur qui n’est du qu’à Dieu, c’éloit déjà une criminelle démence ; mais dégrader la Divinité au point delà confondre avec des reptiles, avec des substances inanimées, c’éloit le comble de l’extravagance et un impar-donnablc aveuglement. Toute la sagesse des phi-losophes n’a pas su les défendre eux-mémos de ce coupable, de ce monstrueux délire; et on les a vus, non-seulement adopter cc culte insensé, mais le commander aux peuples (15).
Saint Paul, en traçant le tableau de l’idolâtrie, passe des dérèglements grossiers qu’elle consacrait à d’autres plus spirituels, qui provenaient non d’igno-rance, mais d’une corruption réfléchie : Parce (pic, dit-il, les païens nont pas voulu connoître Dieu; il ne dit pas qu’ils Paient ignore, mais qu’ils n'ont pas voulu le connoitre. Ce n’étoit donc pas par defaut de lumière qu’ils péchoient. mais par système; par dépravation de cœur, plus encore que par le des-ordre des sens. Et c’est là en effet la source la plus ordinaire des crimes qui se commettent. Le char est bientôt emporte, cl court risque de se briser, quand le conducteur ne sait plus en tenir les rênes (*).
(*) !loin, v in E/dst. ad Human., loin, ix Bened.. pag. .׳,G.ו·
Dans Isaïe , l’Ange rebelle veut être l’égal de Isa. xiv. 13. Dieu. U a dit : J’établirai mon trône par-dessus les nues, et je serai semblable au Très-Haut. 11 n’ose ]>as proférer cc nom de Dieu, qu’il a déjà renoncé ; il lui substitue d’autres noms. Langage de Dé-mon (**).
(**) In Psalm, χιπ , tom. v Bened. , paç. 2<)ר.
Comment s’est dissipée la nuit épaisse qui tenoit l’univers tout entier dans les ténèbres? Voulez-vous le savoir? Jusqu’à l’avènement de Jésus - Christ, les hommes ignoroient que le bois et la pierre ne pussent être autre chose que du bois et de la pierre , qu’une matière insensible. Leur stupide ignorance en avoit fait des Dieux. Aujourd’hui, l’on sait ce que c’est que le bois et la pierre ; on sait ce que c’est que Dieu. Il n’y avoit que la foi chrétienne qui pût apprendre aux hommes à connoîtrc celte Essence immorlelle et bienheureuse. Cette révolution a é!c l’ouvrage de ces Apôtres si lâches durant la vie de leur maître, el , contre le cours ordinaire des choses, si pleins de courage apres sa mort (16).
Qui dit grandeur par rapport à Dieu, ne parle pas de grandeur relative, mais d’une grandeur absolue, d’une grandeur dont nulle autre approche, parce que toute grandeur humaine n’est telle que par parties. Une grandeur qui ne l’est que par coin-paraison avec une autre, ne l’est point par sa propre nature. Celle de Dieu n’admet point de compa-raison (17).
Il ne peut y avoir ni altération ni changement à la Divinité; car Dieu ne peut pas n’étre point Dieu. S’il pouvoit recevoir un changement, et un change-ment en quelque chose de moindre, comment seroil-il Dieu? Toute mutabilité, tout changement est infiniment éloigné de cette nature immortelle. C’est pourquoi le Prophète disoit : Ils vieilliront tous comme un vêtement; ,vous les changerez comme un habit dont on se couvre , et ils seront en effet changés ; mais pour vous vous êtes toujours le même, et vos années ne passeront pas. Car celte divine sub-stance est au-dessus de tout changement, cl il n’y a rien de meilleur ni de plus excellent que Dieu, rien à quoi il puisse successivement atteindre et parvenir, Que dis-je, de meilleur‘. Rien ne lui est égal, rien n’en approche tant soit peu (*).
(*) Hom. xi in Joann., lom. vm Bened., pag. 64.
Tout est à nu ct à découvert aux yeux du Seigneur : non-seulement nos cœurs, mais nos pen-sees; il connoît tout, il tient compte de tout. Il ju-géra jusqu’au secret de nos cœurs (**).
(**) Ad Theodor., loin. < Bened., p. 3; ; !loin, in Matth., I. vir, p. 153.
Seigneur, s’est écrie le Prophète, vous avez sondé mon coeur, et tous m’avez connu. Quoi donc! auparavant ne le connoissoil-il pas? Autrement, que significroicnt ces paroles, qu’il connoît toutes choses avant qu’elles ne s’exécutent ? Ce qu’il faut entendre ici, c’est que le Seigneur a porté la sonde bien avant dans mon cœur ; qu’il en a pénétré toutes les profondeurs. Comme quand S. Paul dit que Dieu Roni.vm. 27. scrute les cœurs, non pour apprendre ce qu’il ne con-noîtpas; mais pour témoigner qu’il en a une con-noissance parfaite. Non , sa science n’a pas besoin d’épreuves ; elle embrasse tout, meme avant que la chose ne soit (1). Qui connoît jusqu’aux pensées de nos cœurs, n’a pas attendu qu’elles se produisent par les œuvres. Il y avoit bien long-temps déjà qu’elles s’éloicut manifestoes à ses retards. Vous découvrez de loin toutes mes pensées. S’il tes connoît avec cette clarté, pourquoi demander qu’elles paraissent au dehors? Ce n’est pas pour lui; ce n’est que pour leur donner des témoins. Ainsi en agit-il à l’égard de Job, dont il connaissait bien la justice et la pro-bite religieuse. II voulait, en l’éprouvant, faire éclater ses vertus, pour l’y fortifier encore lui-mémo, et fortifier les autres par son exemple.
(1) «Nier la prescience de Dieu , c’est’vouloir dégrader Bien delà qualité de Dieu. Car, qu’est-ce , je vous prie, qu’un Dieu qui a fail des êtres, cl qui n’a pas pu prévoir ce qui résulleroit de leur existence; un Dion qui apprend tous les jours quelque chose de nouveau, ct qui ignore aujourd’hui ce qui arrivera demain?.... Mais que voudraient donc dire lairt de déclarations expresses, qui sont faites sur ce sujet?... Surtout comment accorder avec ce principe , tant de prophéties expresses d’événements qui, ayant une liaison intime avec la volonté humaine , n’auroient pu être prédits certainement, si Dieu n’avoit une connaissance certaine de ces dé-terminations ? La prescience de Dieu , dit Terlullien , a autant de témoins qu'elle a fait de prophètes et de prophéties. Si Dieu n’a pas pu connoître toutes ces choses, comment a-t-il pu les prédire?» ( Saurin, desprufun-(leurs divines, Serm., tom. 1 , pag. 198 — 200.
Il exerce la meme conduite envers les pécheurs.
Ainsi Dieu savoit bien que les Ninivites ne dévoient. pas périr, et que leur pénitence leur mériterait grâce. Non content de le connoître lui-même, il veut que les faits memes en publient la connais-sauce, afin de mettre dans le plus grand jour l’in-térêt qu’il donne aux choses humaines. 11 annonce les événements avant qu’ils n’arrivent, pour qu’il u’y ait pas lien de douter de sa prescience, et il les laisse arriver, les abandonnant à leur cours naturel, pour ne gêner en rien l’exercice de la libéré (1). C’est ce que l’Apôtre nous déclare, dans son Epître aux Romains, où , parlant de Jacob et d'Esaü, il dit ; «Avant qu’ils fussent nés ou qu’ils ״ eussent rien fait de bien on de mal, afin que le » décret de Dieu , fondé sur son choix, demeurât » ferme, non à cause de leurs œuvres, maisà cause » de celui qui appelle qui il veut, il lui fut dit : » L’aîné sera assujetti au plus jeune. » Il n’est pas obligé, lui, d’attendre la suite des événements; il les a prévus bien longtemps à l’avance; il sait quelles seront les œuvres bonnes ou mauvaises de tel ou tel; sa prescience est sans bornes comme sa puissance (*).
(1) Accord de la prescience divine avec la liberté de l'homme. ,Voyez, le sermon deBourdaloue, sur la prédestination (Carême, lom. 1, pag. 319. et suiv.), l’un des discours de cet habile orateur, où la vigueur de sa dia-tactique se montre avec ta plus d’éclat ( Froment ières , dans sou Carême , et La Colombière , même sujet, tom. ni , pag. 3;4 ). Le P. de La Rue a , sur la même matière, un sermon également remarquable par la sagesse du plan. ״ Il y a dans l’économie de la prédestination , quelque chose d’inutile et de dangereux à savoir, et quelque chose d’utile et de nécessaire à savoir. Sagesse de Dieu, de nous avoir caché ce qu’il y a d’inutile et de dangereux , et de nous avoir appris ce qu’il y a d’utile et de nécessaire; témérité de l’homme de rechercher l’inutile que Dieu lui cache, et de négliger ta ncees-saire que Dieu lui apprend. » ( Serai., t. rv , p. 138. ) S. Augustin observe que tas prédicateurs ne doivent pas craindre de prêcher aux peuples sur ce sujet , aujourd’hui trop négligé ; mais avec la précaution de choisir leurs guides. C’est leur indiquer les écrits de saint Augustin et de saint Chry-soslôme , oit la doctrine de l’Apôtre est exposée avec tant de lumière. C’est ee qu’a fait Bourdaloue qui cite plusieurs fois le patriarche de Constantinople.
(*) Erpo . !■t psalm. 1AXXVU1, tom. v BeneJ., pa״4 .״<j.
On s’étonne de voir les Juifs exclus de l’héritagc, apres tant de promesses qui leur avoient été laites , cl les Gentils appelés à recueillir leur succession; roniinc si le !ils d’un puissant monarque étoit chassé du tronc, auquel il aurait droit, pour être réduit à la condition d’esclave , tandis qu’à sa place 011 y ap-pcllcroil quelque misérable arraché du fond d’un cachot que ses crimes lui avoient mérité. Que le légitime héritier se fut rendu indigne de la cou-ronne, dira-t-on que cc criminel prisonnier 1 cul méritée davantage? Ne semble-t-il pas que tous deux doivent être également punis ou récompensés? Or voilà cc qui est arrivé aux Juifs et aux Gentils, et avec des circonstances encore })lus remarquables, tous s’étant rendus aux memes litres indignes de la miséricorde de Dieu. Saint Paul se propose celte importante question, et il commence par en allé-gucr des exemples pris dans l'histoire des anciens patriarches (1). Il cite les cillants de Piebecca, nés d’un meme père , au meme moment, mais avec des destinées si différentes. Dieu n’attend pas leur nais-sauce pour prononcer sur tous deux : L’aîné, a-t-il ! dit, sera assujetti au plus jeune; car, ajoute le Seigneur, j’ai aimé Jacob, et j’ai haï Esaü. C’est qu’il n’a pas besoin, comme les hommes , que l’événcment ait co lien pour le connoître ; c’est que bien long-temps avant que tel homme soit dans le monde, 1 deu sait ce qu’il sera, juste ou prévaricateur. Pour-quoi sa conduite si sévère à l’éeard de Pharaon? Pourquoi la multitude de plaies dont ce roi d’E-gypte est frappé? Est-ce parce qu’il étoit endurci? Mais étoit-11 le seul ? Pourquoi , en sauvant les uns, ne sauva-t-il pas aussi les autres? C’est qu’il con-noît à l’avance quelles seront les œuvres de chacun ; ce que pas un homme ne peut savoir, Dieu le voit avec la clarté de l’évidence ; les yeux les plus péné-trants s’arrêtent à la surface, Dieu seul lit au fond des cœurs ; seul, il discerne ceux qui mériteront la couronne, et ceux pour qui se préparent les feux éternels. Il ne prononce pas, lui, sur les apparences ; au contraire, tel homme qui semble irréprochable aux yeux de ses semblables, voilà celui que Dieu con-damne; tel autre qui est condamné par les hommes, celui-là trouve grâce aux yeux de Dieu. De deux enfants qui ne sont pas nés encore, il démêle qui des deux sera pris, qui des deux sera laissé. Au temps de saint Matthieu, combien de Juifs paroissoient valoir mieux que ce publicain(1)! C’est pourtant ce publicain que Dieu choisit de préférence à tous les antres. Il a vu dans ce publicain, il a vu dans cette pécheresse publique, dans ce larron ? ce que toute la sagacité des hommes n’y a pu apercevoir, l'héroïsme de leur foi ; et il reprouve les prêtres et les pharisiens pour leur corruption , que l’œil des hommes n’y soupçonnoit pas.
(1) Le P. de La IUic suit celle melhode , dans son Serin, sur la pre■ destination, pag. !'»׳>: ITomeiilièrcs do mémo, Carême, tom. 11, pag. 221.
(1) ( ilé a\ec d'heureux déxcloppeuxnu dan·· le sermon de J.a Rue, pag. 150.
C’est par le même effet de cette élection secrète el invisible de Dieu , qu’au temps des martyrs on a vu tomber certains Iionimes que l’on avoit crus devoir être les plus fermes , el triompher d’autres de qui on ne l’espéroit pas. Laissons à Dieu scs sc-crois, ne lui demandons point compte doses des-seins, ne l’interrogeons point pourquoi il couronne l’un, pourquoi il rejette l’autre. Saint Paid vous répondra , ou plutôt Dieu lui-même : J’ai aimé Jacob , et j'ai haï Esaü. Ce pourquoi , l’événement nous l’apprend à nous : mais Dieu le savait avant l’événement. Qui êtes-vous 7 d hommes , pour contester' avec Dieu. Parole décisive cl qui tranche loute question ; c’est là le frein qui arrête tous les motive-ments d’une indiscrète curiosité (1). Ainsi l’Apotre emploie-t-il d’abord le langage de l’autorité avant d’emprunter celui du raisonnement ; il abat la liau-ttur orgueilleuse de l’esprit, et l’oblige à se courber i0us le poids de cette majesté souveraine. 0 homme! qui donc êtes-vous? Etes-vous entré dans les conseils du Seigneur? A ous demande-t-il avis sur les résolu-lions qu’il doit prendre ? Quand on vous compare avec Dieu, qui êtes-vous? Ou peut-on dire même que vous soyez quelque chose? Par là , saint Paul s’atta-clic à nous inspirer une crainte salutaire, plutôt qu’à satisfaire à une vaine curiosité, λ oilà le langage qui convient au maître, au docteur des nations, et le modèle qu’il trace aux conducteurs des peuples(1). Dédaignons ces questions oiseuses et stériles, que la seule curiosité enfante ; arrachons des cœurs les opines et les ronces pour nous appliquer à y jeter la bonne semence. Contentons-nous d’adorer Dieu, et d’être soumis aveuglément à sa volonté. L’argile, sous la main du potier, ne lui demande pas : Pour-quoi m’avez vous fait de la sorte? Le potier ne peut-il pas de la meme masse tirer deux vases, l’un destiné à des usages honorables, l’autre à des usages vils? Ne demandez pas davantage au Seigneur pourquoi il honore les uns et rejette les autres. Il rejette Plia-raon, il en a fait un vase de colère, parce que la dureté de cc cœur impie a résisté opiniâtrénient à lous les efforts de la miséricorde divine pour le sau-ver. Il faut donc un grand exemple de justice pour effrayer le monde par son châtiment, et manifester sa puissance divine par la punition des coupables ; ainsi , du sévère jugement exercé contre les Juifs : lhen les en avoit prévenus des long-temps parla bouche de scs prophètes Osée et Isaïe. Ecoutez l’Apôtre : Isaïe, dit-il, s’étoit écrié : ce prophète ne 25. 2-craint pas de les étonner. Pourquoi donc craindrions nous de répéter ses paroles, il s’écrie : Quand le nombre des enfants d'Israël serait égal à celui du sable de la mer, il n’y aura de sauvé qu’un petit nom-bre. Le Prophète avoit-il oublié la promesse faite à Abraham ? Non , assurément ; ce qui ne !’empoche pas de déclarer qu’il n’y aura qu’un bien petit nom-bre (l’exceptés de la réprobation dont Israël est me-nacé ; quand , au contraire, les Gentils, appelés à la justice et au salut, l’ont embrassé avec empresse-ment. Les premiers cherchaient et n’ont point ob-tenu, les seconds obtiennent sans avoir cherché (*).
(1) « Ce qu’il y a d’incertain 0( de cache, c’est la manière dont Dieu a piédestiné les hommes ; pourquoi il traite les nus plus favorablement que les autres? pourquoi il choisit ceux-ci préférablement à ceux-là ? pourquoi il ne donne pas toujours tous les secours qu’il pourrait donner ; car ce sont là les questions profondes , sur lesquelles l’Écrilurc ne s’est point expli-qaee. suffisamment à nous, et que Dieu veut que nous regardions comme des secrets, qui lui sont réserves. De. là xient que l'Eglise elle-même n’a point porté jusque-là ses décisions, et qu’elle a mieux aimé nous laisser dans l’obscurité et dans le doute, que de pénétrer dans les conseils de Dieu. » ( Bourdaloue, .w Zn predestination ,Carême, torn. 1, pag. 333 ; Aîontargon , Dictionn. apostol. , torn, v , pag. g3.)
(1) Telle esl aussi la grande conséquence, à laquelle s'attachent Ions יס1ו maîtres delà vie spirituelle. ( Voy. l'mirdaloue, supr. , pag. /, 1 ל ;Fro-mentières, pag. 23.׳,; La Colomb. , pag. 36!. ; Ce qui nuit inliineiiien: cette matière à celle du petit nombre des élus , comme Γ.1 faille P. dr Montargoii, dans sou Dielionn. apostol., tom. v, à l’àrlicle Prédestina ion et IlêprolatioH.
(*) Horn. xu! in Epist. ad Roman., loin, ix Eeneil., pu619—612 .״
Qui est Dieu connue vous P s’écrie le Prophète.
S’il est un autre qui, comme le Seigneur, lise au fond des cœurs, celui-là est Dieu comme lui. Or nous voyons dans Jésus-Christ celte souveraine science : par exemple , apres qu’on lui eut présenté un para-lytique étendu sur un lit , et qu’il lui eut dit : Vos péchés vous sont remis, quelques-uns des scribes s’étant dit en eux-mêmes , sur cette parole : Cet homme blasphème ; avant qu’ils eussent ouvert la bouche pour exprimer leur surprise , Jésus-Christ coanoissoit leurs pensées les plus secrètes , et par là il manifestait hautement sa Divinité ; car il n’appar-tient qu’à Dieu de découvrir les secrètes pensées du cœur : Un ,y a que -vous seul qui connaissiez le fond du coeur des enfants des hommes , dit le sage Salomon (*).
(*) lu l’aralyt. cteuüss. , loin. 1:1 Bened. , pag. 4 ׳!.
Hom. ii in Epist. ad Ilebr. , loin, xn Bened., pag. 13.
Hom. xxii in Epist. ad Hein■. ,tom. xn Bened., pag. 205.
Pensées recueillies des homélies xvi sur l’Épitre aux Romains, t. 1x , Bened., pag. 717; Advenus Anom., loin. 1, pag. 2<o; sur le Ps. xr.r, loin, v, pag. 1g3 ; Hom. vit sur l’Ép. aux Ëphés., tom. xi, pag. 46 ; sur le Ps. cxLtv, tom. v, pag. 47 1 et 472·
In Psalm. cxt.n1, tom. v Bened. , pag, 451 ; Horn, rv, Ailvers. Anom., loin. 1, pag. 4;4 ; !loin, xrv in Joann. , lom. vin, pag. 240 ; Hom. rv in princip. .Actor., loin, m, pag. g3.
Expos, in Psalm, cxxxiv , torn. v Bened, pag. 583—395. Morel Opusc., tom. m, pag. 424 et suiv.
(“) Horn, vi in Joann., tom. vin Bened., pag. 16.
Tom. 1 Bened., pag. 444—432. Morel, O/ntsc., loin. pag. 294 ft seq.
Tom. 1 Bened., pag. 454—;62. Morel, Opusc. , tom. r, pag. 34״ — 316.
Tom. 1 Bcnoil., pag. :'»80—'»<)1.5101,, Opusc., tom. 1, pag. j > <־l son.
In Psatm. xin , tom. v Bened., pag. 562.
Homel, vu in cap. 1 Genes., tom. ir Opusc., Mor., pag 61.
1 1.
!loin, x , ad pop. Antioch., loin, n Bened. , pag. 647 5 Morel , O/7WJC., loin. 1, pa;9 .׳.Ί.
In Psalm, xiu , torn, ni Opusc., Morel, pag. 838, 83g; tom. v Bened., pag. 562.
■« L’Esprit qui avait trompé le premier homme, goùtoit alors tout le fruit dosa séduction, et voyait l’effet entier de cette parole : I ousserez ties Dieux. Des le moment qu’il la proféra , il songeoit à confondre en 1 homme l’idée de Dieu avec celle de la créature. » ( Bossuet, Disc, sur l’IIist. unit·., P3g-1;9- )
Mon», xii tu Epist. ad Ephes. , loin, xi Bened., pag. go—g3.
Pvccueilli des divers ouvrages du saint docleur, entre autres des 110־ méliesan peuple d’Antioche sur les statues, du commentaire sur Isaïe , tom. vi Bened. , pag. 17—29; sur les Psaumes , loin, v , pag. 3p.S ; des homélies nouvellement découvertes, tom. xn Bened., pag. 377.
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Car in Pen!ec...4cta legantur, loin, ut Bened., pag. çp. Tous les discours sur la fêle de Noël elle mystère de l'incarnation de N. S. J.C. Voyez surtout Massillon et Bossue!.
(״*) Uom. ut in Eoist. adTit., loin, xi Bened. , pig. 7 70.2.).