LA CRITIQUE TEXTUELLE

 

par Jean leDuc

 

 

 

Dans le but de fidélité au sujet et techniques de la Critique Textuelle, le texte du document suivant est rapiécé de différents textes retrouvés sur le web, remaniés, réajustés, et remonté dans un nouveau format. Malheureusement la source de ces textes fut perdue et il a fallu en faire une compilation. La collection des textes du rédacteurs étant énorme, après avoir fait le tri et la comparaison des textes disponibles, le choix s'est porté sur ceux qui représentaient plus fidèlement la masse des textes de la famille informatique sur le sujet donné. Nous n'avons donc pas opté pour la pratique courante de la Critique Textuelle moderne en choisissant un seul texte de base, mais la majorité des témoins. En ce sens réel, ce document a été monté sur la base du principe de l'Éclectisme décrit dans le texte et est un exemple concret et actuel de la Critique Textuelle moderne qu'il décrit. Celui qui lira comprendra.

 

PRÉFACE

Généralités

Méthodes de critique textuelle

1) L'édition de référence

2) Éclectisme

3) Stemmatique

A) Pourquoi la critique textuelle?

B) Les erreurs de copie

C) Les ‘corrections’ scribales

D) Les ‘règles’ de la critique textuelle

E) La Biblia Hebraica Stuttgartensia (sigle: BHS)

F) Les résultats

 

FAUT-IL AVOIR PEUR DE LA CRITIQUE TEXTUELLE? (1)

I. De quoi s’agit-il?

2- La complexité du sujet

3- Le monde de supposition

 

FAUT-IL AVOIR PEUR DE LA CRITIQUE TEXTUELLE ? (2)

1)- La tradition scientifique

2)- Le fondamentalisme rationaliste

3)- Les problèmes textuels

4)- L'immense majorité des manuscrits du Nouveau Testament

5)- La méthode éclectique dans l'impasse

6)- L'ancienneté des manuscrits

7)- Peut-on exclure la recherche scientifique?

8)- Terminons par une question

 


 

PRÉFACE

Il y a quelques années, le monde chrétien regardait avec horreur un artiste musicien ouvertement satanique, Marilyn Manson, déchirer les pages de la Bible dans un de ses concerts diaboliques et blasphématoire lardé d'insultes visant la Bible et d'ovations en l'honneur de Satan. Les chrétiens du monde entier étaient en état de choc devant une telle profanation de la Parole de Dieu, et avec raison. Plusieurs organisèrent des manifestations devant les salles de concerts et vociférèrent leur indignation. D'autres formèrent des groupes de pression pour demander à leur gouvernement d'empêcher de telles aberrations infernales de se produire contre la foi qu'ils chérissent, et qui offensent les sentiments religieux et patriotiques.

 

Photo de Marilyn Manson déchirant la Bible en pièces dans un de ses concerts diaboliques

 

 

Étrange n'est-ce pas qu'on entend aucune contestation, aucune démêlée, aucun désaccord, aucune objection devant ceux qui déchiquettent la Bible en pièces au nom de la science qui se nomme la Critique Textuel sous prétention de rétablir pour nous, pauvres ignorants, le Texte Original, s'élevant ainsi comme maîtres de notre foi? C'est le silence total devant ceux qui massacre la source de notre foi sous prétexte de nous donner une version de la Bible qui «favorise une meilleure compréhension du texte par un style plus fluide à la rigueur scientifique et à la précision du vocabulaire», et les chrétiens du monde entier «qui filtrent les moucherons, avalent le chameau» (Mat. 23:24) sans aucune difficulté. La préoccupation de ces spécialistes est de disséquer les manuscrits et de les rapiécer dans un nouveau format qui convient à leurs hypothèses dans le but de produire la plus grande illusion jamais vue auparavant, une approximation de la Parole de Dieu dans laquelle ils ont retranché un grand nombres de mots, de passages, et de paragraphes. Ce faisant, ils nous présentent un autre évangile, une autre église, un autre Dieu, un autre Jésus-Christ. En ce sens très réel, Marilyn Manson est l'image figurative par excellence pour représenter les spécialistes de la Critique Textuelle, partisans du Modernisme, disciples du Culte de l'Intelligence dont le fondateur fut Origène d'Alexandrie.

 

Le Modernisme est un courant artistique développé en Catalogne entre la fin du XIXe siècle et commencement du XX siècle, parallèlement à d'autres courants qui se sont développés dans la plupart des pays d'Europe et aussi en Amérique, plus ou moins contemporainement: l'Art Nouveau français et belge, la Sezession autrichienne, le Jugendstil allemand, l'Ecole de Glasgow, l'École de Chicago, le Modernismo en Espagne et dans l'Amérique hispanophone, etc. Ces courants ont tous une série de caractéristiques communes qui permettent de les associer, mais , en même temps, ils présentent des traits particuliers et différentiels. Il embrasse la plupart de formes d'expression artistique: peinture, dessin graphique, sculpture, littérature, joaillerie, et cohabite avec des réminiscences des historismes et éclectismes. Au niveau de la littérature, comme dans ses différentes branches, il a le désir de trouver une forme nouvelle qui corresponde à l'époque, aux nouveaux matériaux et aux nouvelles techniques, ainsi qu'aux nouveaux besoins sociaux, dépassant  les vieux modèles du passé, historicistes et éclectiques. Cela ne se fait pas contre le passé mais à partir du passé. Le Dictionnaire Larousse nous dit que le Modernisme est «un mouvement littéraire», «un ensemble de doctrines et de tendances qui ont pour objet commun de renouveler l'exégèse, la doctrine sociale et le gouvernement de l'Église pour les mettre en accord avec les données de la critique historique moderne, et avec la nécessité de l'époque où l'on vit.»

 

«Chaque époque reconstruit le Jésus qui lui convient», disait en 1906 Albert Schweitzer, qui fut exégète avant de devenir médecin. De fait, les recherches sur le «Jésus de l’histoire» ne cessent de s’ouvrir à de nouvelles questions: actuellement, elles portent principalement sur sa judaïté et sur son rejet par Israël. La quête pour le Jésus historique est la préoccupation de l'organisation anglaise «The Jesus Seminar», organisation dangereuse qui vise à détruire tout ce qui est surnaturelle dans la Bible.

 

De quelles sources et outils critiques disposent aujourd’hui les chercheurs travaillant sur le Nouveau Testament ? Quels sont les enjeux et les promesses de leurs travaux ? Puisque la grande majorité des chrétiens ignorent cette science ou la méconnaissent, nous proposons ici, dans ce document, de faire le point sur les méthodes et les résultats Critique Textuelle afin que le peuple de Dieu soit mieux informé des menaces réelles qui en découlent.

 


 

Généralités

 

Les étapes et objectifs de la critique textuelle sont:

  1. La découverte et la documentation de vieux manuscrits, de vieilles écritures,

  2. La comparaison des variantes.

  3. Si possible, la constatation du texte le plus probable de la version originale.

La comparaison des variantes peut venir d'un critère externe du genre:

  1. Datation du support d'écriture (un papyrus est généralement plus ancien qu'un parchemin ou la composition de l'encre).

  2. Datation du type d'écriture (un texte composé en minuscules manuscrites est généralement plus récent qu'un texte rédigé en majuscules).

On décide toutefois principalement après des critères internes :

[]

 

Méthodes de critique textuelle

Trois approches sont fondamentales dans la critique textuelle: l'édition de référence, l'éclectisme, et la stemmatique.

[]

 

1) L'édition de référence

Avec l'édition de référence, le critique choisit pour texte de base un manuscrit censé digne de confiance. Souvent, le texte de base choisi est supposé être le manuscrit le plus ancien du texte, mais avant l'imprimerie, le texte de base était souvent un manuscrit actuel.

 

En utilisant la méthode de l'édition de référence, le texte à examiner est confronté au texte de base, le critique procède à des corrections (appelées emondatio) dans les endroits où le texte lui semble erroné. Ceci peut être fait en recherchant les endroits dans le texte comporte des leçons incompréhensibles ou en examinant la leçon d'autres textes témoins pour trouver une leçon supérieure. Les conflits sont habituellement résolus en faveur du texte de référence.

 

La méthode est fragile: elle favorise l'intégration des fautes du copiste, comme l'intégration de gloses (annotations) dans les copies suivantes du texte quand l'édition de référence est le plus récent manuscrit. Dans quelques cas, ces parties de texte modifiées du point de vue du contenu, exprès (comme quelques passages des Évangiles adaptés aux passages parallèles d'autres Évangiles) ou involontairement.

 

La première édition imprimée du Nouveau Testament grec a été produite par cette méthode. Didier Érasme, le critique, a choisi un manuscrit dans la collection du monastère dominicain local à Bâle et a corrigé des erreurs évidentes en consultant d'autres manuscrits locaux.

[]

 

2) Éclectisme

L'éclectisme consiste, en pratique, à examiner un grand nombre de manuscrits et de choisir la variante qui semble supérieure, habituellement pour les raisons internes. En théorie, dans cette approche, aucun manuscrit n'est favorisé, mais, dans la pratique, le critique éclectique tend à choisir un couple des favoris, choix basé sur la des critères externes, pour résoudre les cas douteux, et le choix se porte généralement sur le Codex Vaticanus et le Codex Sinaïticus.

 

L'éclectisme, qui n'est autre que l'exercice du libre choix dans un contexte donné, est la méthode dominante d'édition critique du texte grec du Nouveau Testament, (Nestlé-Aland, 27e édition) qui ne peut être trouvé entièrement en aucun manuscrit mais est une combinaison des leçons de divers manuscrits. Cette pratique ne prend aucunement en considération la providence de Dieu ni l'inspiration des Écritures, elle repose entièrement sur le choix de l'individuel selon des hypothèses préconçues. Néanmoins, les manuscrits du texte-type Alexandrin sont toujours favorisés, et le texte critique a décidément une teinte Alexandrine.

[]

 

3) Stemmatique

La stemmatique est l'une des approches les plus rigoureuses de la critique textuelle. Elle exige la reconstruction de l'histoire du texte en examinant les variantes selon des modèles d'erreur. En particulier, les critiques stemmatiques emploient le principe que « une communauté d'erreur implique une unité d'origine » pour décider si un groupe de manuscrits sont engendrés d'un intermédiaire perdu, nommé un hyparchétype. On détermine alors les relations entre les intermédiaires perdus par le même processus, de sorte que tous les manuscrits existants puissent être placés dans un arbre généalogique ou stemma codicum descendus d'un seul hyparchétype.

 

Après cette étape, appelée la recensio, le critique stemmatique procède alors à l'étape de la selectio, où le texte de l'archétype est déterminé en examinant les variantes des hyparchetypes les plus proches de l'archétype et en choisissant les meilleurs. Dès que le texte de l'archétype est établi, se déroule l'étape de l'examinatio pour examiner ce texte et en rechercher les corruptions. Si le texte archétypal semble corrompu, il est corrigé par un processus de divinatio ou une emendatio.

 

Ainsi, la méthode stemmatique adopte les techniques des autres approches après le recollement des manuscrits dans un cadre historique rigoureux. Le processus de selectio ressemble à la critique textuelle éclectique, mais appliquée à un ensemble restreint d'hyparchétypes hypothétiques. Les étapes de l'examinatio et de l'emendatio ressemblent à la méthode du texte de référence.

 

En fait, les autres techniques peuvent être vues en tant que méthodes spécifiques de la stemmatique. Mais la faiblesse de la méthode tient au fait que les antécédents familiaux du texte ne peuvent être déterminés rigoureusement, seulement approchés même très approchés.

 

S'il semble qu'un manuscrit est le texte de loin le meilleur, la méthode de l'édition de référence est appropriée; s'il semble qu'un groupe de manuscrits est bon, alors l'éclectisme sur ce groupe s'impose.

 

A) Pourquoi la critique textuelle?

Comme nous l'avons vu l'A.T. est le dépôt d'un long processus de transmission traditionnelle, qui a pu être de nature orale ou écrite. Dans le premier cas, des prêtres, des prophètes ou même des hommes ordinaires constituaient les gardiens de cette tradition; dans le deuxième cas, les scribes remplissaient cette fonction.

 

Les Saintes Écritures étant le résultat d'un tel processus il était nécessaire de fixer avec précision le contenu du texte, ses mots et même ses lettres, afin de le préserver des erreurs lors de sa transmission d'une copie à l'autre. C'était le travail des scribes (sopherim סֹפֶרִים). Ces scribes, et surtout les massorètes, ont développé un grand nombre d'instruments de travail pour protéger le texte exact.

 

Malgré cette œuvre protectrice, on prétend que des erreurs se sont infiltrées. La critique textuelle a la tache de repérer les tous les variantes d'un texte (leçons) et de proposer ce qu'il faut lire. Le besoin d'une critique textuelle se vit dans le quotidien. Tous ceux qui ont confié un texte à un dactylographe savent combien les fautes de frappe sont courantes, ainsi que des changements introduits par le scribe (dactylographe) pour améliorer des "fautes" dans l'original.

 

En tout cas, et malgré les efforts des scribes, on nous dit que le travail des copistes ne peut pas être sans erreur et donc nous avons des textes présentant certaines différences (leçons variantes). En plus de cette variété produit au sein d'une même tradition textuelle, il y a aussi d'autres témoins textuels à l'A.T. qui ne viennent pas de la tradition massorétique; les plus importants sont la LXX mythique et quelques textes de Qumran (les manuscrits dits de la Mer Morte). L'emphase est mise de plus en plus sur ces derniers témoins pour corrompre le Texte Massorétique avec leurs lectures. D'autres versions (traductions anciennes) peuvent aussi être une aide pour établir le texte. Les versions importantes mise à part la version grecque, sont les Targums (interprétations ou paraphrases araméens), les versions latines (surtout la Vulgate) et syriaque (la Peshitto).

 

 Caractères récentes et anciennes comparées

 

B) Les erreurs de copie

 

La science de la critique textuelle reconnait certains types d'erreur qui se reproduisent lorsqu'on recopie un texte:

(a) La confusion des lettres semblables, p.ex.: beth ב et kaph כ; daleth ד et resh ר; hé ה, heth ח et tau ת.

(b) La métathèse, ou l'inversion des lettres, p.ex.: Es 32.19 TM = העיר (la cité) tandis que 1QIsa = היער (la forêt).

(c) L'haplographie, quand une séquence de caractères qui se répète dans le texte est omis une fois par le scribe, p.ex.: Es 26.3b 4a כי בך בטוח TM "parce qu'on a confiance en toi. Faites confiance..." cf.: כי בך בתה 1QIsa.

(d) La dittographie, une fausse répétition. (Nb. c'est le revers de c, et un cas particulier peut exemplifier c ou d, l'art de la critique textuelle est de choisir lequel!)

(e) La fausse séparation des mots (surtout la séparation d'un mot en deux ou la fusion de deux mots en un seul).

(f) L'omission par homoeoteleuton (à cause des terminaisons semblables).

(g) La lecture d'un mater lectionis’ comme consonne pure, ou l'inverse.

 

C) Les ‘corrections’ scribales

Les scribes anciens ont introduit des changements conscients dans le texte pour plusieurs raisons p.ex.:

[a] Les noms propres qui contenaient le mot בַּעַל "baal": p.ex. le nom Eshbaal (I Ch 8.33; 9.39) se trouve dans II S 2.8 ss. comme Ishbosheth (‘l'homme honteux’ au lieu Eshbaal ‘feu du Seigneur’); car Baal était aussi le nom d'un dieu cananéen.

[b] L'adaptation du texte aux besoins linguistiques de l'époque du scribe. Wurthwein mentionne l'exemple d'Es 39.1 où le mot חזק se trouve avec le sens de se guérir, le mot normal serait חיה et c'est ce mot qu'1QIsa a mit ici comme remplacement.

[c] Les gloses sont des explications ajoutées d'abord en marge, qui parfois entrent dans le texte. Elles peuvent entrer même dans une fausse position comme en Gn 10.14 où la glose en marge "d'où sortirent les Philistins" a été placé avant les mots qu'elle explique "et ceux de Kaftor" (cf. Am 9.7).

Quand de tels émendations sont traditionnels chez les scribes, on les appelle "tiqqunê soperîm" תקני ספרים (corrections scribales cf. Qo 12.9).

[e] Les euphémismes comme dans I R 21.10; Jb 1.5,11; 2.5,9 où bénir à remplacé maudire.

[f] Quelquefois, quand un livre biblique utilise un autre livre comme sa source, de tels changements arrivent au moment de la rédaction même; p.ex., I S 17.23,50 et II S 2.8ss. contiennent deux versions de la mort du géant Goliath; I Ch 20.5 en est une version synoptique. De tels cas n'intéressent pas la critique textuelle.

Fig.73 Is 40.6ss. dans 1QIsa notez l'addition (entre les marques rouges) entre les lignes, c'était ainsi que les scribes corrigeaient les erreurs et ajoutaient les explications. Ainsi se produisaient vraisemblablement certains erreurs textuels.

 

D) Les ‘règles’ de la critique textuelle

Il y a quelques principes bien établis qui aident les critiques textuels dans leurs décisions. Ils ne ressoudent pas toutes les questions. Le critique doit peser, tous les critères et ne peut pas appliquer ces règles comme un code légal.

 

Ces ‘règles’ sont:
(1) La leçon
la plus ancienne est à préférer.
(2) La leçon
la plus difficile (lectio difficilior) est à préférer.
(3) La leçon
la plus courte (lectio brevior) est à préférer.
(4) La leçon
qui n'exprime pas la doctrine normative juive (ou chrétienne pour le N.T.) est à préférer.
(5) On doit considérer
les questions linguistiques; p.ex. la conformité au langage et au style de l'auteur, la forme (parallélisme, etc.).

 

E) La Biblia Hebraica Stuttgartensia (sigle: BHS)

La BHS est un texte critique du TM. Elle en est le plus complet et le plus récent, (sauf le "Hebrew University Bible Project" dont on ne possède qu'une partie). Un texte critique contient un apparat critique, c.a.d. des notes en bas de page signalant les leçons différentes des manuscrits, et parfois des versions aussi. Elle est donc l'instrument de base pour une critique textuelle scientifique de l'A.T..

Un texte hébraïque souvent utilisé est celui qui est publié par les Sociétés Bibliques, édité par N.SNAITH; il n'est pas ‘un texte critique’, mais se vend à un prix abordable.

 

La BHS indique les différents versions par des sigles qui reçoivent leurs explications en latin. Pour aider son utilisation en voici les plus importants en français:
   - le texte massorétique la Septante (LXX)
   - textes de Qumran le Pentateuque Samaritain
   - la version Syriaque la version Arabe
   - les Targums fragments du geniza de Caire
   - la Vulgate la vielle version Latine
   - des additions en indice indiquent certains témoins textuels particuliers.

 

F) Les résultats

La critique textuelle est la méthode d'étude scientifique de l'A.T. la plus ancienne. Elle est aussi la première étape d'un étude vraiment ‘scientifique’ de l'A.T., condition préalable des autres approches établissant le texte à étudier. Les premiers critiques textuels étaient des scribes juifs des siècles avant Jésus. Après tant de siècles de travail, et aussi après les découvertes de ce siècle (surtout des textes bibliques de Qumran), la critique textuelle est solidement établie. L'unité qui se fait voir entre les spécialistes en ce domaine est remarquable (elle apparaît p.ex. en comparant les commentaires ou en lisant les traductions modernes qui indiquent les problèmes textuels par ci par là).

 

FAUT-IL AVOIR PEUR DE LA CRITIQUE TEXTUELLE? (1)

 

Auprès de ceux qui affirment l’autorité de l’Écriture sainte en matière de foi, la critique textuelle, qui consiste dans l’étude des variantes du texte biblique trouvées dans les différents manuscrits, n’a pas bonne presse. Déjà, le mot «critique» a une connotation négative, alors qu’il faut lui garder le sens positif d’«étude», d’«examen». Surtout, l’affirmation qu’il existe des variantes dans le texte biblique semble mettre en cause son autorité. Quel est le texte authentique? Hésiter entre plusieurs leçons ne risque-t-il pas de conduire au relativisme et de conforter le laxisme doctrinal? Le doute ne va-t-il pas s’insinuer dans l’esprit du croyant?

 

Personne ne nie l’existence de ces variantes: de nombreuses éditions modernes de la Bible en indiquent les principales en note, mais on a tendance à les minimiser et à faire de la critique textuelle une science plus ou moins ésotérique réservée à quelques spécialistes.

 

On persiste à nous dire que ces variantes ne touchent pas à l’essentiel de la doctrine. Mais la réalité est toute autre. On peut remarquer qu’à part le récit de la femme adultère de Jean 7:53 à 8:11, on trouve toujours le même ordre dans certains péricopes. Il n’empêche que des variantes plus ou moins importantes existent et qu’elles peuvent entraîner de sérieuses déviations doctrinales et des hésitations quant à l’établissement du texte.

 

I- De quoi s’agit-il?

 

Avant l’invention du livre imprimé, le texte biblique nous est parvenu par des manuscrits le contenant en totalité, mais surtout en partie. Nous nous limiterons, ici, au Nouveau Testament. Les manuscrits grecs les plus connus, les plus défectueux, et les plus corrompus, rédigés en écriture majuscule (ou onciale) datent des IVe et Ve siècles pour les principaux. A partir du IXe siècle, on emploie une écriture dite minuscule, plus rapide. Certains de ces manuscrits, relativement récents, peuvent contenir des variantes fort anciennes délaissées par les manuscrits du IVe siècle. Une autre catégorie de documents est formée par des papyrus dont certains datent d’avant le IVe siècle et peuvent donc être les plus anciens témoins du texte du Nouveau Testament. Mais ils sont très parcellaires. Enfin, depuis peu, on s’intéresse, pour reconstituer l’histoire du texte, aux citations que les Pères de l’Église font de l’Écriture, et des lectionnaires, sortes de morceaux choisis utilisés pour la liturgie des Églises.

 

Tous ces documents – il y en a plus de 6000 – ont été écrits en grec. Mais il ne faut pas oublier de nombreuses versions rédigées en langues anciennes comme le latin, le syriaque, le copte, voire l’arménien, le géorgien, l’éthiopien, l’arabe, etc. En elles-mêmes, ces traductions contiennent de nombreuses variantes dont certaines peuvent correspondre à celles trouvées en grec.

 

Aucun manuscrit ne correspond exactement à un autre, mais la grande majorité des variantes, surtout des manuscrits Byzantins, sont mineure. Pourquoi donc y a-t-il des variantes? La réponse la plus rassurante est de parler des erreurs de copiste: recopier est une tâche ingrate et difficile. Il peut y avoir de simples fautes d’orthographe qui peuvent cependant être le signe d’une évolution de la prononciation d’une époque à l’autre. Il peut y avoir des confusions de lettres. La présence d’un même mot à quelques lignes d’intervalle peut conduire l’œil à glisser du premier au second et faire sauter tout ce qui se trouve entre les deux. On peut trouver aussi des mots ou des phrases répétés deux fois. Ou encore, en recopiant un manuscrit plus anciens où les mots ne sont pas séparés, hésiter à mettre une séparation qui entraînera une lecture différente selon la place qu’elle aura. Encore, dans tout cela la direction de la providence divine n'est jamais considérée, comme si Dieu aurait abandonné sa Parole aux caprices des hommes, ou qu'il ne serait pas assez puissant pour diriger les copistes. Cette science néglige constamment la souveraineté de Dieu pour plier le genoux devant l'érudition des hommes.

 

Il y a aussi des changements tout à fait intentionnels. On prétexte des explications, qui correspondent aujourd’hui à des notes, qui ont été introduites dans le texte même. On prétend que ce genre de glose est souvent indiqué, dans nos Bibles, à propos de Jean 5:3-4. On nous dit que la correction peut viser un style plus clair: en Marc 7:5, «des mains communes» devient des «mains non lavées», mais cette dernière lecture est la bonne et est supportée par la masse des manuscrits Byzantins. On affirme qu'il peut y avoir des harmonisations, notamment entre les évangiles, pour mieux rapprocher les textes les uns des autres; même démarche pour les citations de l’Ancien Testament, afin de se conformer au texte grec de la Septante mythique dont la source réelle provient d'Origène d'Alexandrie. Le fait que certains fragments de manuscrits de la loi écrit en Grec furent découvert n'est aucune preuve de l'existence d'une Septante préchrétienne. L'hypothèse d'une telle Septante est basée sur des Apocryphes comme le livre de l'Ecclésiastique reconnu par l'Église Catholique et faisant parti du Canon de sa Bible. Les citations en provenance d'anciens auteurs comme Joseph Flavius sont reconnues comme des interpolations et n'ont aucune validité. On persiste à nous dire que les premiers disciples utilisaient la Septante mais jamais aucun manuscrit d'une telle Septante ne fut découvert ni mentionné par aucun témoins. Le Hébreu était considéré comme une langue sacrée dans l'ancien Israël et celui qui aurait traduit qu'une portion de la loi en Grec aurait été regardé comme un traître et condamné à juste titre. Aucun disciple de Christ n'aurait commis un tel blasphème, même que ces gens étaient regardé comme des personnes non éduquées dont la majorité étaient de simples pêcheurs, aucun d'eux n'aurait connu le Grec. Nous savons seulement que l'apôtre Paul connaissait le Grec mais aussi qu'il avait reçu une éducation hébraïque stricte qui ne lui permettait pas de trahir son héritage. Ceux qui en ont traduit des portions de la loi en Grec furent des Juifs apostasiés qui n'habitaient pas en Israël mais à Alexandrie en Égypte.

 

D’autres cas peuvent faire question sur le plan doctrinal. Ainsi, un manuscrit syriaque lit dans la généalogie de Jésus: «Joseph engendra Jésus», ce qui semble mettre en cause la conception virginale de Jésus, donc sa divinité. La solution de facilité est de dire qu’un scribe distrait a écrit, sur la lancée, des formules répétées: «X engendra Y». On peut aussi bien penser que ce manuscrit unique reflète une christologie fort ancienne qui n’employait pas l’argument de la naissance virginale pour affirmer la divinité du Christ, affirmation que l’on trouve ailleurs dans ce manuscrit.

 

Un autre exemple de variante pouvant entraîner une discussion théologique se trouve en Jean 1:18. On a, pour ce verset, plusieurs lectures possibles: unique; Dieu unique, le Dieu unique, fils unique, fils unique de Dieu; fils unique Dieu. Le mot «unique» rend le grec monogênês qui signifie mot à mot «unique engendré». «Unique» semble la leçon la plus ancienne mais, par subtilité on veut nous faire croire que très tôt, on a la précision «Dieu unique», expression qui fut prétendument récupérée au IIe siècle par les gnostiques valentiniens qui introduisaient, ainsi, Jésus dans leur système complexe de description de l’univers. Nous ayant ainsi lancé du sable dans les yeux, on nous dit que pour préserver la spécificité de Jésus-Christ, on a remplacé «Dieu» par «Fils». Mais cette lecture orthodoxe devint elle-même suspecte d’hérésie au IVe siècle où la divinité du Christ était contestée par l’arianisme. On en revint donc à la lecture «Dieu» qui viole le contexte en donnant un non sens «Personne n'a jamais vu Dieu; le Dieu unique, qui est dans le sein du Père...» en précisant même «le Fils de Dieu». Pour simplifier, on peut conclure en disant qu’il s’agit définitivement de formules contradictoires, et non de précisions rendues nécessaires devant des risques de récupération par des courants hérétiques successifs. On apprend donc que l'orthodoxie est autant fausse que le gnosticisme et qu'elle est simplement une autre forme d'hérésie.

 

Voici la cerise sur le gâteau de cette science immonde. On nous dit que la finale de l’évangile de Marc ne se trouve pas dans tous les manuscrits, et cela est vrai. Mais on ne nous dit pas qu'elle se trouve dans la grande majorité des manuscrits et que seulement ceux en provenance d'Alexandrie comme le Codex Vaticanus et le Codex Sinaïticus ne la contiennent pas, même il y a des évidences qu'elle en faisait partie à un certain temps, car il y a un espace vide dans ces Codex là où elle est supposé se trouver. Par de tels sophismes ont veut nous faire croire qu'elle ne faisait pas partie de l’évangile primitif. Cet évangile se terminant brusquement en 16:8 dans les manuscrits défectueux et corrompus, on nous dit qu'il lui a été adjoint cette finale original (on trouve aussi une finale plus courte et vastement différente dans d'autres manuscrits falsifiés comme le Codex Washingtonianus). Cherchant une excuse pour justifier leur aberration, ils déclarent que «dans quelques manuscrits, on trouve l’ordre Matthieu, Jean, Luc et Marc avec cette finale longue qui pourrait servir de conclusion non à Marc seul, mais à l’ensemble des quatre évangiles, ce qui expliquerait pourquoi on y trouve un contenu qui évoque ce qu’on trouve dans Matthieu, Luc ou Jean.» Il faut vraiment être borné pour croire à une telle duperie.

 

Enfin, on peut signaler la singularité de certains manuscrits comme celui dit de Théodore de Bèze, qui est un bilingue grec-latin. Il contient les quatre évangiles et les Actes des Apôtres: on y trouve, inséré dans Jean, le récit de la femme adultère retenu par le canon et repris dans d’autres manuscrits, mais à d’autres endroits des évangiles. On a encore celui de la rencontre de Jésus avec un homme qui travaillait le jour du sabbat (après Luc 6:4 et non retenu dans le canon). C’est surtout les Actes qui contiennent le plus de variantes et d’ajouts au point qu’on a pu parler de deux éditions de ce livre intéressant.

 

Pour s’y retrouver, les spécialistes ont essayé de regrouper les manuscrits par famille, mais le résultat n’est pas toujours à la hauteur des espérances: un manuscrit qui semble suivre une famille montre tout à coup une variante provenant d’une autre. Pour dénouer la complexité de ces fils, ils sont aidé par l’existence de plusieurs recensions qui ont cherché à simplifier pour donner un peu d’uniformité. On a ainsi abouti, aux IVe-Ve siècles, à une sorte de texte commun standard qu’on a appelé la recension byzantine, Byzance étant le centre politique, intellectuel, religieux de l’époque. Encore on néglige de mentionner que la famille byzantine contient la grande masse de tous les manuscrits existants, et que leurs lectures s'opposent clairement et catégoriquement à presque tous les manuscrits de la famille alexandrine (Vaticanus, Sinaïticus, Alexandrinus).

 

On pense aussi que la critique textuelle n’a d’autre utilité que de restaurer le texte primitif; au fil des années se seraient accumulées nombre de fautes qu’il suffirait de corriger. Certes, on peut débusquer des erreurs faites par les scribes mais, avec un peu d’attention, on s’aperçoit de la complexité de la question. En effet, si on essaie de faire l’histoire du texte, on ne va pas du plus simple vers le plus complexe; c’est le contraire qu’on constate souvent. Les témoins les plus anciens, Vaticanus et Sinaïticus, montrent des variantes qui ont été éliminées par les recensions successives, mais on prétend que cela a abouti au texte byzantin lorsque le contraire est vrai. Les variantes écartées se trouvent non seulement dans les manuscrits les plus anciens, mais aussi dans des manuscrits relativement récents et surtout marginaux, les plus éloignés du centre byzentin et dans des versions coptes, latines ou syriaques qui ont suivis le texte pollué de la famille Alexandrine.

 

Faut-il, alors, parler d’un pluralisme du texte du Nouveau Testament et conclure à la relativité des vérités qu’il annonce?

 

2- La complexité du sujet

 

Il est impossible de dévoiler tout sur ce sujet ici tellement il est colossal. Beaucoup pourrait être ajouté et nous avons déjà plusieurs autres écrits qui l'aborde, mais cela suffira pour le moment.  Nous voulons seulement faire prendre conscience de la complexité des problèmes soulevés par la Critique Textuelle, problèmes qui se recoupent avec ceux posés par la comparaison des récits parallèles, par la constitution du canon ou, encore, par la traduction dans les langues anciennes. Raison de plus, dira-t-on, pour se méfier de ce qui risque de troubler les esprits et, surtout, de mettre en doute l’autorité de l’Écriture Sainte comme Parole de Dieu. Comment faire confiance à un texte qui varie sans cesse? Certes, on peut se rassurer en disant que ces variantes ne touchent pas au fond même du message du Nouveau Testament, que l’ordre des péricopes reste toujours le même. Il n’en reste pas moins que la critique textuelle n’est pas en odeur de sainteté.

 

Peut-on, en effet, affirmer d’un côté une foi solide fondée sur la révélation biblique et de l’autre faire du même texte biblique un objet d’étude soumis à un examen rationnel? Être, comme le fut Bultmann, un homme d’une très grande piété et un universitaire poussant très loin la critique? Celui-ci voulait dépasser la traditionnelle opposition entre le libéralisme et l’orthodoxie. Mais est-il possible d’exclure la foi du domaine de la recherche dite scientifique? Certes, on peut proposer une sorte de compromis: accepter la critique dans certaines limites; plus précisément pour la Critique Textuelle, la mentionner avec l’idée de retrouver le texte primitif, ce qui serait absurde. On risque, sans cesse, de tomber dans un compromis plus ou moins mou, dans lequel la foi aussi bien que la recherche ont tout à perdre.

 

Autrement dit, peut-on être calviniste et s’intéresser à la Critique Textuelle sans être schizophrène? Je pense que oui, à la condition de ne pas perdre de vue le rôle du Saint-Esprit comme révélateur à l’œuvre dans l’histoire ainsi que la souveraineté de Dieu dans sa préservation providentielle de sa Parole. La révélation en Jésus-Christ est un point particulier du temps, celui de l’incarnation. Le Saint-Esprit se situe dans la durée pour nous rappeler la révélation en Christ. Le Nouveau Testament nous parle de cette révélation et de ce qui se passe après: il y a la venue du Christ et ses conséquences dans l’histoire postérieure des hommes, ce que nous montrent, par exemple, les Actes des Apôtres. L’œuvre de l’Esprit ne se limite pas à un instant ni à un langage. Néanmoins la vérité de la Bible se limite à un état fixe du texte, et même s’il est arrivé qu’on parle de Texte Reçu, on sait qu’il est vain d’espérer retrouver un texte premier écrit de la main même des prophètes et des apôtres. Échec de la révélation? Non point, car cela n'est pas nécessaire puisque le Texte Original nous a été transmit fidèlement dans le Texte Reçu des Réformateurs, non par l'érudition de l'homme, mais par la divine providence d'un Dieu Tout-Puissant. Cette révélation se situe dans une durée, dans un moment spécifique de l'histoire. L’Esprit n’est pas figé dans un temps du commencement de la révélation; il est à l’œuvre dans la durée. Cela ne signifie pas que la révélation progresse et s’améliore au fil du temps; elle est achevée, pleine, complète en Jésus-Christ. L’Esprit n’ajoute rien: il rappelle à notre conscience sa divine providence dans le texte perpétuellement inspirée à partir des originaux, aux copies, traductions et versions. Il ne peut en être autrement sans limité la puissance de Dieu et sans mettre en doute notre salut, car si Dieu ne peut préserver sa Parole comment pourrait-il préserver notre salut? Et si nous ne pouvons faire confiance au texte, nous ne pouvons également faire confiance à Christ.

 

Une relecture n’est pas un perfectionnement; elle est un rappel. C’est ce que nous montre la Bible elle-même si on compare les livres de Samuel et des Rois avec ceux des Chroniques. Les uns se complètent par les autres. Sur le plan de la révélation, ils ont autant de richesse. La révélation n’est pas dans un seul évangile contre les trois autres. Irénée de Lyon, à la fin du IIe siècle, affirme qu’il faut garder les quatre, car c’est l’hérésie qui privilégie un évangile au détriment des trois autres.

 

Il ne s’agit pas de cerner le Saint-Esprit dans une variante, mais de lui faire confiance, et si besoin s'en suit, de discerner l’action de l’Esprit dans le comment et le pourquoi d’une transmission du texte, sans négliger que c'est l'Esprit qui donne le discernement et qui veille sur son Texte. Certes, il y a à distinguer ce qui reste du domaine de l’erreur humaine de ce qui est du travail de l’Esprit, au travers de la transmission humaine; l’Esprit peut très bien s’exprimer par une glose ajoutée à l’intérieur du texte. Le travail humain du scribe qui recopie ou qui traduit ne peut se faire qu’à la lumière de l’Esprit, autrement son travail serait en vain. Toute traduction est déjà une interprétation, pas fatalement une trahison car l'Esprit est celui qui donne la direction. Beaucoup de Pères syriaques trouvaient aux textes grec et syriaque une égale inspiration. Dieu a voulu que sa Parole soit incarnée dans ce travail complexe de transmission d’un texte.

 

Étudier la Critique Textuelle, c’est donc prendre très au sérieux l’œuvre de Dieu dans sa révélation. On ne peut le faire que très humblement. On est replacé devant le fait que Dieu, par son Esprit, s’y est pris ainsi pour transmettre jusqu’à nous sa Parole. Sinon, cela voudrait dire que la révélation est livrée au hasard et aux caprices des hommes et de l’histoire. Elle ne peut que nous rendre humbles devant des affirmations exégétiques aventureuses; elle nous rappelle que, dans cette tâche de transmission de générations en générations, nous ne sommes jamais à l’abri de l’erreur et qu’il nous faut sans cesse relire, vérifier, et nous confier constamment en sa divine Présence. On voudrait nous faire croire qu'il nous met en garde contre toute velléité de posséder un texte bien fixé, bien limité, qui deviendrait notre chose; mais cela est entièrement faux car ce texte appartient au Dieu immuable et il l'a transmit pour être fixé dans le Texte Reçu pour que nous ne soyons pas constamment à la recherche d'un autographe, car en lui nous avons le Texte Original. Il nous faut aussi écouter la voix de l’Esprit quand nous sommes confrontés à un problème de variantes. Nous n’avons pas forcément à nous demander où est le vrai, où est le faux, mais ce que veut nous dire l’Esprit en nous plaçant devant une alternative c'est de lui faire confiance. Une variante difficile peut, elle aussi, nourrir notre foi, parce que nous avons la confiance que Dieu ne nous a pas donné une Écriture frelatée dans le Texte Reçu, mais un texte intégral complètement inspiré.

 

3- Le monde de supposition

 

La critique textuelle a une double vertu. D’une part, elle rend humble vis-à-vis d’un intégrisme scientifique qui peut devenir une forme de terrorisme intellectuel et le devient plus que souvent. Même en théologie, il suffit de dire, par exemple, que la date d’un évangile est scientifique pour que cela soit déclaré vrai, intangible, irréfutable. Derrière ce mot de «scientifique» se cache un monde de suppositions et d’hypothèses dont on peut démonter, voire inverser le raisonnement et la foi.

 

La critique textuelle peut, elle aussi, devenir une science prétentieuse, et malheureusement c'est exactement cela qu'elle est devenue. On prétend que sa mission essentielle est de nous apprendre l’humilité, mais cela est faux. On peut, par exemple, légitimement chercher à reconstituer le christianisme du premier siècle et il faut le faire sous la direction de l'Esprit et non sous la direction de l'érudition académique, et sans jamais perdre de vue que les documents que l’on possède et qui ont été compilé dans le Texte Reçu sont la Parole authentique de Dieu et que nous ne devons nous fier en aucun autre manuscrit comme base de notre foi, qu'il date des IIIe et IVe siècles ou autre. La Critique Textuelle n'est pas notre Dieu et cela nous ne devons jamais l'oublier. Les spécialistes de la Critique Textuelle se refusent que le texte soit fixe et stable, elle le désire libre afin de mettre la main sur la Parole de Dieu et la rationnaliser pour nous rendre esclave de ses conjectures. Depuis prêt de deux mille ans le catholicisme a persécuté, torturé et massacré des millions de chrétiens réels pour tenter de dominer sur la foi, la Critique Textuelle a réussi là ou elle a manqué et cela sans une goutte de sang versé, sans aucune opposition pour la grande part, sans aucun remue de conscience pour le chrétien commun qui s'oppose à des choses insignifiantes comme des concerts de musique, des films, des livres, des coutumes et autres banalités par rapport à la Parole de Dieu, et demeure indifférent devant le combat le plus important qui existe pour sa foi. On ne peut se demander pourquoi le christianisme est dans un si piètre état de nos jours. Serai-ce à cause que leur foi a subie un empoisonnement de sang spirituel qui provient de versions adultérées de la Bible, car n'est-il pas écrit que la foi vient de ce qu'on entend de la Parole de Dieu; et si la source est polluée celui qui boira de son eau n'en subira-t-il pas des séquelles?

 

Pour un croyant, la Bible ne peut être un écrit comme les autres. Elle est à sa manière une Écriture élue et vivante, celle que Dieu a choisie pour parler aux hommes. Elle n’est pas magiquement descendue du ciel. Elle est comme les autres littératures humaines, soumise aux aléas de la composition et de la transmission humaines, mais sous la providence de Dieu qui veille jalousement sur sa Parole. Il ne faut pas la dévaluer à cause de ses aspects humains, car elle contient aussi un aspect divin, et si nous pouvons nous exprimer ainsi, elle a deux natures tout comme Christ. Elle est comme la Personne du Christ, parfaitement divine et parfaitement humaine. Les relectures, les variantes, voire les comparaisons entre les passages parallèles, font partie de la divinité de la Bible; elles sont l’œuvre du Saint-Esprit, comme signe que la Parole s’incarne dans le mouvement même de la transmission de l’Écriture, et cette transmission c'est concrété dans le Texte Reçu et ses traductions fidèles.

 

FAUT-IL AVOIR PEUR DE LA CRITIQUE TEXTUELLE ? (2)

 

La critique textuelle est une question qui est bien trop souvent passée sous silence dans les milieux évangéliques et réformés confessants. D'une manière générale, la critique textuelle (ce que le jargon exégétique allemand appelle la «basse critique» pour la distinguer de la prétendue «haute critique» qui œuvre, depuis belle lurette, à la déconstruction du texte de la Bible) est assez bien reçue dans les milieux qui restent attachés à l'inspiration, à l'infaillibilité et à l'autorité de la Bible, tout simplement à cause que leurs doctrines sur ces choses sont erronées. Pour la grande majorité des églises dites chrétiennes, la Bible est un livre du passé et non du présent. Pour elles l'inspiration et l'infaillibilité des Écritures se rapportent uniquement aux autographes ou manuscrits écrits directement de la main des prophètes et des apôtres, et ceux-ci n'existent plus, nous en avons seulement que des copies et des traductions. En d'autres mots, selon leur point de vue, la Bible actuelle que nous avons entre nos mains n'est plus inspirée ni libre d'erreurs. Tels sont les sophismes d'un christianisme moderne apostasié.

 

En gros, la haute critique avec sa recherche de sources, ses hypothèses sur la datation des livres bibliques, sur les diverses théologies des évangélistes, de Paul, de Jean, de Pierre, ses spéculations sur la forme des textes, etc., est encore considérée avec une assez grande méfiance.

 

Mais on veut nous faire croire que ce n'est pas le cas pour la basse critique (ou la critique textuelle), dont les présupposés ont été adoptés pour l'établissement du texte grec à la base de la plupart de nos traductions de la Bible, sauf bien entendue de la Bible des Réformateurs dans ses versions Olivetan, Épée, Genève, Martin, et Ostervald qui ont pour base le Texte Reçu et non le Texte Critique des versions modernes. Ainsi, bien des passages de nos Bibles figurent entre crochets carrés, et les notes qui accompagnent ces crochets sont truffées d'indications selon lesquelles tel ou tel passage ne se trouverait pas dans «les plus anciens manuscrits», ou encore qu'il ne figurerait pas dans «les meilleurs manuscrits» (Note : C'est le cas, par exemple, pour la Bible à la Colombe.) Faut pas se laisser endormir la conscience par de tels propos, car nous savons que «les plus anciens manuscrits» ou «les meilleurs manuscrits» de la Critique Textuelle sont le Codex Vaticanus et le Codex Sinaïticus, deux des pires corruptions qui existe dans la masse des manuscrits.

 

Le lecteur qui, frappé par de telles indications, voudrait en savoir davantage, reste sur sa faim. Pourquoi, peut-il se demander, un manuscrit «ancien» en majuscules grecques (IVe siècle) serait-il nécessairement «meilleur» qu'un manuscrit «nouveau» écrit en minuscules (IXe siècle).

 

Une Bible des Témoins de Jéhovah du début du XXe siècle serait-elle nécessairement «meilleure» qu'une Bible à la Colombe de la fin de ce siècle ? Le critère du temps serait-il absolu ? Sur la base de quels critères de telles remarques sont-elles faites ?

 

La première méthode d'établissement du texte du Nouveau Testament a, dans sa phase moderne, pris un essor à partir de la publication du Nouveau Testament grec par Érasme en 1516 à Bâle et, presque simultanément en Espagne, par une équipe de biblistes sous la direction du Cardinal Ximenes. Les deux textes, établis à partir de manuscrits grecs du Nouveau Testament, provenaient de ce que nous appelons aujourd'hui la tradition «Byzantine». La compilation de cette famille de manuscrits qu'en fit Érasme de Rotterdam est ce que nous nommons le Texte Reçu. Mais il faut distinguer du Texte Reçu et du nouveau Texte Byzantin car il y a plusieurs différences entre es deux. En ce qui concerne le Texte Reçu d'Érasme, celui-ci connu vingt huit différentes éditions dont celle de Étienne de 1550 devint connue comme l'édition royale. Cette dernière fut reprise par F.H.A. Scrivener en 1894 pour devenir l'édition finale et officielle.

 

La seconde, qu'on appelle couramment «éclectique», a pris son envol principal à partir de la découverte par Tischendorf, en 1859, d'un texte très ancien du Nouveau Testament dans un monastère orthodoxe au pied du Mont Sinaï. Cette découverte fut confortée par la mise en lumière, à la même époque, d'un manuscrit de type semblable "le Vaticanus" lui aussi issu de la tradition «alexandrine» des manuscrits du Nouveau Testament.

 

Cette dernière tient depuis lors le haut du pavé dans les milieux académiques; tandis que la première y est aujourd'hui presque totalement méconnue, même dans les milieux réformés et évangéliques qui se veulent fidèles à l'inspiration et à l'autorité de la Bible:

 

"On peut même dire que la critique textuelle moderne du Nouveau Testament est fondée sur une conviction fondamentale et subversive que le vrai texte du Nouveau Testament ne se trouve en tout cas pas dans la majorité des manuscrits qui sont de la famille byzantine. Ce rejet du Texte Traditionnel, c 'est-à-dire du texte préservé et transmis par les Églises, n'est pas le sujet de discussions orales ni de débats écrits, c'est un fait accompli. Une investigation critique des raisons pour un tel rejet du Texte Byzantin rencontre rapidement la difficulté que ce rejet est accepté au XXe siècle comme un fait mais n'est aucunement défendu, n'étant pas une proposition susceptible d'être discutée." J. van Bruggen dans son ouvrage, The Ancient Text of the New Testament (Premier Publishing: Winnipeg, 1988 [1978]), 11,13,14.

 

Signalons d'abord, très brièvement, quelques erreurs de fait dans la position soutenue par les partisans de la Critique Textuelle (C'est la position proposée, par Alain-Georges Martin).

 

"Il est faux d'affirmer que l'on commence aujourd'hui «depuis peu» à s'intéresser aux citations bibliques chez les Pères ainsi qu'aux lectionnaires (recueils de textes liturgiques tirés du Nouveau Testament). Il n'est que de constater les recherches impressionnantes dans ce domaine du plus grand adversaire au XIXe siècle de la nouvelle critique textuelle du Nouveau Testament, John William Burgon (1813-1888), collaborateur de F.H.A. Scrivener.

 

Burgon - à l'encontre de ses collègues éclectiques, les Tischendorf, Westcott et Hort et leurs nombreux disciples qui se rabattaient essentiellement sur les textes de base de la tradition Alexandrine, (le Sinaïticus et le Vaticanus) - faisait un usage systématique de tous les documents à sa disposition, ce qui incluait les citations bibliques des Pères ainsi que les lectionnaires. C'est sa connaissance exemplaire de ce dernier domaine qui lui a permis de donner une explication au fait que le texte de la femme prise en flagrant délit d'adultère (Jean 7:53-8:11) ne figure pas dans certains manuscrits anciens de l'évangile de Jean. Comme Burgon l'a admirablement démontré dans son étude «Pericope de adultera (J. W. Burgon, «Pericope de adultera» in: The Causes of the Corruption of the Traditional Text of the Holy Gospels (The Dean Burgon Society, P. O. Box 354, Collingswood, NJ 08108, 1998 [1896]), 232-265.), la raison essentielle de l'absence de ce passage dans certains manuscrits se trouve dans le fait qu'il provenait de lectionnaires liturgiques (choix de textes bibliques destinés à êtres lus pendant le culte) et non du texte suivi de l'évangile de Jean. Précisons-le, les problèmes auxquels nous nous adressons ici ne concernent en fait que certains manuscrits défectueux du Nouveau Testament qui, par contraste avec la Tanak juive (l'Ancien Testament des chrétiens et non la Septante) dont le texte fut remarquablement préservé par la tradition massorétique, connaissent un nombre impressionnant de variantes.

 

Ceci nous amène à un deuxième point. Il est erroné de faire une opposition dialectique entre le camp «scientifique» - celui des partisans de la méthode éclectique  - au camp des «fondamentalistes», les adhérents dogmatiques du Texte Reçu, ecclésiastique ou traditionnel du Nouveau Testament. Mais la difficulté est que cette opposition scientifique-fondamentaliste est tout simplement fausse. En réalité, il a existé (et il existe toujours) deux écoles de critique textuelle du Nouveau Testament, toutes deux ayant des prétentions strictement «scientifiques», mais dont les principes méthodologiques sont fondamentalement différents.

 

La suite de nos remarques sera essentiellement consacrée à une brève tentative de combler ce silence sur la méthodologie.

 

1)- La tradition scientifique

Ceux qui sont pour la «nouvelle critique textuelle» nous parlent, d'abord, de la tradition scientifique de l'étude du Nouveau Testament, accusée de pratiquer une espèce de «terrorisme intellectuel» par sa prétention à aboutir à des conclusions intellectuellement contraignantes. Il s'agit ici de la méthode dite éclectique. Car nous avons affaire à un assemblage de divers textes établis en théorie sans a priori doctrinal et provenant d'une variété de manuscrits mis sur pied d'égalité et dont la lecture correcte serait choisie par les critiques selon certaines règles dans le dessein de tenter de reconstituer le texte original (considéré comme perdu) du Nouveau Testament. Les grandes figures de cette tradition qui, sur le plan textuel met le Nouveau Testament sur le même plan que n'importe quel autre livre humain, sont Lachmann, Tischendorf, Tregelles, Wescott, Hort, Nestle, Aland, Metzger, etc.

 

Pour cette tradition, il ne saurait, en aucun cas, être question d'affirmer que le Saint-Esprit aurait pu objectivement œuvrer dans l'histoire en vue de la préservation du texte du Nouveau Testament et le protéger ainsi des défaillances humaines des copistes et de la malveillance des ennemis de la foi. Cette méthode, aujourd'hui partout dominante, se rapporte manifestement à la tradition de l 'esprit des Lumières du XVIIIe siècle, celle d'une modernité aux tendances résolument naturalistes, réductionnistes et scientistes.

 

2)- Le fondamentalisme rationaliste

L'autre tradition, affublée du titre de «fondamentalisme rationaliste», a elle aussi des prétentions à être parfaitement scientifique. Seulement, elle affirme, sur la base des enseignements de la Bible, que le texte du Nouveau Testament, par son inspiration divine et son infaillibilité, possède un caractère qui lui est propre. Ce fait nécessite, pour son étude, l'utilisation d'une méthode appropriée au statut épistémologique exceptionnel de ce livre dont Dieu serait à la fois l'Auteur et le Conservateur.

 

Sur ce point, on ne saurait mieux faire que citer les remarques éclairantes d'un des principaux protagonistes de cette méthode scientifique fondée sur des présupposés bibliques, Edward F. Hills. C'est un spécialiste de l'étude textuelle du Nouveau Testament formé au Wesminster Theological Seminary sous John Murray, Edward J. Young et Cornelius Van Til et, par la suite, aux Universités de Yale et de Harvard. Voici ce qu'il écrit:

 

"Ainsi il y a deux méthodes de critique textuelle du Nouveau Testament, une méthode chrétienne conséquente et une méthode naturaliste. Ces deux méthodes traitent des mêmes matériaux, des mêmes manuscrits grecs et des mêmes traductions de citations bibliques, mais ils interprètent ces matériaux différemment. Les méthodes chrétiennes conséquentes interprètent les matériaux de la critique textuelle du Nouveau Testament en fonction des doctrines de l'inspiration divine et de la préservation providentielle des Écritures. La méthode naturaliste interprète ces mêmes matériaux en fonction de sa propre doctrine selon laquelle le Nouveau Testament n'est rien d'autre qu'un livre humain."

 

Et Hills ajoute,

"Il est triste de constater que les savants modernes qui ont des convictions bibliques n'ont manifesté que peu d'intérêt pour l'idée d'une critique textuelle du Nouveau Testament systématiquement chrétienne. Pour plus d'un siècle, la plupart se sont contentés de suivre dans ce domaine les méthodes naturalistes de Tischendorf, Tregelles, et de Westcott et Hort [avec comme conséquence que] les principes et les méthodes de la critique textuelle naturaliste du Nouveau Testament se sont répandus dans tous les domaines de la pensée chrétienne produisant à la longue une véritable famine spirituelle." E. F. Hills, The King James Version Defended (The Christian Research Press, P. O. Box 2013, Des Moines, Iowa 50310, USA, 1984 [1956]), 3.

 

Les travaux de Hills ne sont que l'aboutissement au XXe siècle d'une tradition plus ancienne d'étude des textes manuscrits du Nouveau Testament à la fois rigoureusement scientifique et méthodologiquement fondée sur des présupposés chrétiens. Cette tradition était dite ecclésiastique, car elle avait comme base les textes reçus comme faisant autorité dans l'Église grecque d'Orient.

 

Ce fut la tradition utilisée par le Cardinal Ximenes de l'école espagnole, par Érasme de Rotterdam, par Robert Estienne, par Théodore de Bèze, par les Elzevirs hollandais (qui ont fixé le Textus receptus), par David Martin et par Ostervald.

 

On peut également citer J. Owen («Integrity and Puritiy of the Hebrew and Greek Text» in John Owen, Works, XVI, «The Church and the Bible», (Edimbourg: The Banner of Truth Trust, 1976 [1658]), 281-421.)

 

Disons, en passant, que pour avoir la Bible française, traduite en fonction du texte Ecclésiastique (ou Byzantin) du Nouveau Testament, il nous faut avoir recours à la version Ostervald imprimée par Bearing Precious Seed dans l'Ohio ou à la version David Martin imprimée par l'Association Biblique Internationale au Texas. Cette anomalie n'existe ni pour l'anglais (la version King James), ni pour l'allemand (la Bible de Luther), ni même pour l'espagnol (la Bible Reina-Valera), toutes couramment disponibles en versions modernisées.

 

Cette tradition textuelle «ecclésiastique» fut reprise au XIXe siècle, particulièrement en Angleterre, puis au XXe des savants américains en prirent la relève. Parmi les figures éminentes de cette école peu connue de critique textuelle du Nouveau Testament, citons les noms suivants:

 

Au XIXe siècle:

 

  • John William Burgon, The Last Twelve Verses of Mark (Grand Rapids: Associated Publishers and Authors, s.d. [1871]) avec une importante introduction de 50 pages de Edward F. Hills; The Revision Revised, A. G. Hobbs (P.O. Box 14218, Fort Worth, Texas 76117), 1983 [1883]; The Traditional Text of the Holy Gospel Vindicated and Established (Dean Burgon Society Press, Box 354, Collingswood, New Jersey 08108, U.S.A., 1998 [1896]); The Causes of the Corruption of the Traditional Text of the Holy Gospels (Dean Burgon Society Press, 1998 [1896]).

  • T. R. Birk, Essay on the Right Estimation of Manuscript Evidence in the Text of the New Testament (Londres: 1878).

  • E. Miller, A Guide to the Textual Criticism of the New Testament (London, 1886).

  • F. H. A. Scrivener, A plain Introduction to the Criticism of the New Testament (London: George Bell, 1894, 2 vols.).

Puis au XXe, nous trouvons:

 

  • Edward F. Hills, The King James Version Defended, The Christian Research Press (P. O. Box 2013, Des Moines, Iowa 50310, USA, 1984 [1956]); Believing Bible Study (CRP, 1991 [1967]); «Introduction» dans J. W. Burgon, The Last Twelve Verses of Mark (Grand Rapids: Associated Publishers and Authors, s.d).

  • Wilbur N. Pickering, The Identity of the New Testament Text (Nashville: Thomas Nelson,1980 [1977]). De cet ouvrage, D. A. Carson, dans son livre, The King James Version Debate, écrivait: «Il s'agit de la plus impressionnante défense de la priorité du texte Byzantin publiée à ce jour.» De son coté John Wenham écrit dans l'Evangelical Quarterly: «Ce n'est pas souvent qu'on lise un livre qui a pour effet de réorienter entièrement notre approche d'un sujet, mais c'est ce que ce livre a fait pour moi.»

  • Theodore P. Letis, éd., The Majority Text. Essays and Reviews in the Continuing Debate, (Institute for Biblical Textual Studies, (P. O. Box 5114, Fort Wayne, Indiana, 46895, U.S.A., 1987); The Ecclesiastical Text. Text Criticism, Biblical Authority and the Popular Mind (The Institute for Renaissance and Reformational Biblical Studies, 6417 N. Fairhill, Philadelphia, PA 19126, U.S.A., 2000).

  • Jakob van Bruggen, professeur de Nouveau Testament au Collège Théologique Réformé de Kampen aux Pays-Bas, The Ancient Text of the New Testament (Winnipeg: Premier Publishing, 1988 [1978]).

Le texte traditionnel grec du Nouveau Testament est aujourd'hui à nouveau disponible en librairie dans l'édition établie par les soins de Zane Hodges et de A. Forstad, Z. Hodges et A. Forstad, The Greek New Testament According to the Majority Text (Nashville, Ten.: Nelson).

 

La position textuelle traditionnelle ou ecclésiastique défendue par cette école peut se targuer d'avoir pour base de sa démarche, non seulement une analyse scrupuleusement scientifique des textes, mais également des positions confessionnelles réformées classiques. C'est ainsi que dans La confession de foi de Westminster, traitant de L'Écriture Sainte, nous lisons:

 

"L'Ancien Testament - en hébreu (langue maternelle de l'ancien peuple de Dieu) et le Nouveau Testament en grec (langue la plus répandue parmi les Nations à l'époque de sa rédaction), directement inspirés par Dieu et gardés purs, au long des siècles, par sa providence et ses soins particuliers, sont authentiques." Les Textes de Westminster (Aix-en-Provence: Kerygma, 1988), 5. (I.8)

 

Et dans la dernière des Déclarations confessionnelles réformées, le Consensus helvétique de 1675 nous pouvons lire au Canon I :

 

«Dieu, dont la bonté et la grandeur sont infinis, a non seulement fait rédiger par écrit par Moïse, par les prophètes et par les apôtres, la Parole qui est la puissance à tout croyant, mais il a encore, jusqu'à cette heure, veillé continuellement avec une affection paternelle sur ce Livre pour empêcher qu'il ne fut pas corrompu par les ruses de Satan, ou par quelque artifice des hommes. L'Eglise reconnaît donc avec beaucoup de raison que c'est à une grâce et une faveur de Dieu toute particulière, qu'elle est redevable de ce qu'elle a et de ce quelle aura jusqu'à la fin du monde. La parole des prophètes renferme les Saintes Lettres, dont un seul point et un seul iota ne passera point, non pas même quand les cieux et la terre passeront.» J. Gaberel, Histoire de l 'Eglise de Genève depuis le commencement de la Réformation jusqu 'à nos jours (Genève: Cherbuliez, 1862, Tome III), 496. Une traduction anglaise du Consensus Helveticus se trouve dans John H. Leith (Ed.) Creeds of the Churches (John Knox Press, Atlanta, 1977 [1963]), 308-323.

 

3)- Les problèmes textuels

Les problèmes textuels que nous posent un certain nombre (moins de 20%) des manuscrits ne concernent pas du tout le texte Massorétique de l'Ancien Testament, car les scribes de la Synagogue exerçaient une discipline sévère sur le travail de copie des manuscrits de la Tanak.

 

4)- L'immense majorité des manuscrits du Nouveau Testament

L 'immense majorité  (de 80 à 90% des manuscrits du Nouveau Testament actuellement disponibles, les minuscules de la tradition ecclésiastique de l'Église grecque d'Orient) sont pour l'essentiel unanimes. Wilbur Pickering écrit:

 

«L'argument tiré de la probabilité statistique revient ici avec une force irréfutable. Non seulement les manuscrits connus nous présentent un texte qui jouit d'une majorité allant de 80-90%, mais les 10-20% des manuscrits restants ne représentent pas un texte concurrent unique. Les manuscrits minoritaires sont autant (sinon plus) en désaccord les uns avec les autres qu'ils le sont avec le texte majoritaire. [ &] Pour prendre un cas spécifique, dans I Timothée 3:16

"Et de l'aveu de tous, le mystère de la piété est grand: Dieu a été manifesté en chair, justifié par l'Esprit, vu des Anges, prêché parmi les Gentils, cru dans le monde, et élevé dans la gloire." 1 Timothée 3:16 (version Ostervald)

- plus de 300 manuscrits grecs lisent «Dieu» tandis que seulement 11 ont une autre lecture. Sur ces 11, deux ont une lecture particulière, deux ont une troisième lecture et les sept autres sont d 'accord pour lire «qui». Ainsi nous devons juger entre 97% et 2%, entre «Dieu» et «qui». Il est difficile d'imaginer une quelconque série de circonstances dans l'histoire de la transmission des manuscrits qui aurait pu produire un renversement aussi cataclysmique des probabilités nécessaire à l 'imposition de «qui» comme lecture correcte.» (W. Pickering, op. cit., 118-119.)

 

5)-  La méthode éclectique dans l'impasse

La méthode éclectique de recherche d'établissement du texte du Nouveau Testament se trouve aujourd'hui dans une impasse. Plus personne dans ces milieux ne considère que, par les méthodes à présent presque universellement admises dans les milieux académiques, il puisse encore être possible d'espérer découvrir un texte véritablement authentique du Nouveau Testament. C'est cet état d'incertitude méthodologique que décrit le professeur Jakob van Bruggen en évoquant la situation impossible dans laquelle se trouvent les éditeurs du texte du Nouveau Testament (Il s'agit ici de la troisième édition du Texte Grec du Nouveau Testament publiée par les Sociétés Bibliques Unies):

 

«Cela signifie à nouveau que l'accord s'est fait autour d'un texte de type consensuel qui est fondé sur un principe d'incertitude. Cette fois on n'a pas établi le texte du Nouveau Testament sur une moyenne tirée à partir de trois éditons différentes du texte, comme cela avait été le cas pour les plus anciennes versions du Nestle, mais on a maintenant établi une moyenne entre les opinions de cinq critiques du texte. Aland, Black, Martini, Metzger et Wikgren qui ont ensemble travaillé à fixer le texte du Nouveau Testament grec par voie majoritaire. Il ressort clairement du Commentaire Textuel écrit par Metzger pour ce texte que de nombreuses lectures ont été uniquement choisies par le comité à la majorité des voix. Qu'ils ne soient pas parvenus à l'établissement unanime d'un texte déterminé n'est en soi guère surprenant. Car à présent il n'existe aucune certitude quant à l'histoire de la tradition textuelle. L'accord ainsi publiquement fixé concernant l'édition du texte à utiliser ne fait que masquer l'incertitude qui a régné pendant tout le processus d'établissement du texte. J. van Bruggen, The Ancient Text of the New Testament, op. cit.,10-11.

 

6)- L'ancienneté des manuscrits

L 'ancienneté d'un manuscrit ne garantit pas nécessairement sa qualité ni son authenticité. Comme nous l'avons déjà indiqué les manuscrits majuscules, le Vaticanus et le Sinaiticus du IVe siècle ne sont pas, par le seul fait de leur ancienneté, nécessairement de bons textes du Nouveau Testament.

 

C'est également le cas pour les nombreux papyrus découverts dans les sables d'Égypte au cours du XXe siècle qui, pour la plupart, sont des copies très défectueuses de passages du Nouveau Testament. Il se peut fort bien que la préservation étonnante du Sinaiticus et du Vaticanus soit, en fait, due à ce qu'ils n 'ont jamais été utilisés dans la liturgie de l'Église à cause de leur caractère peu fiable. C'est, par exemple, ce qui pourrait se passer pour une Bible des Témoins de Jéhovah dans une famille chrétienne. Elle n'aurait pas subi l'usure que connaîtrait une Bible plus orthodoxe du fait de son utilisation quotidienne pour le culte de famille.

 

7)- Peut-on exclure la recherche scientifique?

Par contre, la nouvelle critique textuelle pose très explicitement (et très justement) la question suivante: Est-il possible d'exclure la foi de la recherche scientifique ?

 

La tradition d'étude prétendument scientifique du texte du Nouveau Testament qui va de Lachmann et de Tischendorf, en passant par Westcott et Hort, jusqu'à Nestle et Aland (ici le nom prestigieux de Warfield doit être ajouté. Voyez de B. B. Warfield, affirme, dans la perspective totalement immanente de la modernité, que l'établissement du texte authentique du Nouveau Testament peut, en effet, se passer de la foi du savant, comme si ce texte ne provenait pas du fait de l'action révélatrice de Dieu lui-même, action surnaturelle qui fait partie de la nature même de l'objet étudié. C'est ainsi que cette tradition méthodologiquement incrédule affirme que le texte des Écritures n'a aucunement eu besoin, pour sa préservation contre les attaques du diable et des effets destructeurs de la malice des hommes, de l'action du Saint-Esprit. An Introduction to the Textual Criticism of the New Testament, (Londres: Hodder and Stoughton, 1893) et les deux premiers chapitres du livre de Th. P. Letis, The Ecclesiastical Text. Text Criticism, Biblical Authority and the Popular Mind, op. cit., 1-58.)

 

Tout au contraire, la tradition véritablement scientifique de l'étude des manuscrits du Nouveau Testament tient compte de la nature surnaturelle de l'objet de ses recherches. On a vu comment la tradition textuelle de l'Église ancienne, ressuscitée lors de la Réformation du XVIe siècle, et reprise par les Burgon, Scrivener, Hills, Pickering et Hodges des XIXe et XXe siècles, respecte, dans son étude scientifique du texte sacré, la manière surnaturelle merveilleuse par laquelle le Dieu Souverain a préservé, et préservera encore, contre les assauts d 'une fausse science qui ne sait mettre Dieu dans ses pensées.

 

8)- Terminons par une question

A quoi pourrait donc servir la doctrine de l'inspiration, l'infaillibilité et l'inerrance divines de la Bible si le texte qui se trouve entre nos mains ne se trouvait pas être entièrement digne de notre foi?

 

Contrairement aux doutes que pourraient susciter en nous une science incrédule qui cherche à se passer de Dieu, même quand elle étudie son Saint Livre, on peut paisiblement affirmer que ce Livre est bel et bien pleinement digne de foi.

 

Car Dieu a veillé avec tant de soin sur la transmission à travers les âges du texte de sa Parole écrite que, malgré les falsifications de ceux qui s'établissent eux-mêmes, à la place du Saint-Esprit, comme juges de ce qui est de Dieu et de ce qui ne l'est pas, nous pouvons, encore aujourd'hui, malgré le magma des éditions sans nombre de Bibles fondées sur des textes partiellement falsifiés, encore retrouver des traductions de la Sainte Écriture en français qui ne trahissent pas le texte de la Parole de Dieu donnée aux hommes une fois pour toutes afin que, par son témoignage infaillible, ils puissent véritablement connaître avec exactitude la pensée de Dieu (Ceci ne veut pas dire que les versions courantes (Colombe, TOB, Darby, Segond, Synodale, Osty, Crampon, Jérusalem [1956], etc.) ne nous permettent pas, par l'action dans notre cœur du Saint-Esprit, de connaître Dieu et sa pensée. Il faut cependant répéter que ces versions ne peuvent tout simplement pas avoir la sûreté de celles qui sont fondées sur la tradition majoritaire du texte grec du Nouveau Testament tel qu'il a depuis toujours été reçu dans les Églises d'Orient.)

 

A Christ seul soit la Gloire